Le roman de Karel Schoeman se situe à la fin du XIXème siècle en Afrique du Sud. J'ai eu envie de relire ce roman en apprenant la mort de l'auteur
Versluis, un bourgeois hollandais arrive à Bloemfontein après un voyage harassant, il vient soigner une tuberculose déjà bien avancée.
Les débuts sont difficiles, épuisé par le voyage et la chaleur, il retrouve un peu d’allant et prend pension chez Mme Van der Vliet, une femme dévouée, efficace mais intrusive.
Tout une société gravite autour de lui, outre sa logeuse, la famille Hirsch qui respire la vitalité mais à la présence un brin insistante et le pasteur Scheffler.
Petit à petit Versluis va élargir sa vision, il découvre la petite ville
« quelques rues autour d’une place de marché, avec la tour blanche du bâtiment du gouvernement et les cheminées et les toits, couleur argent des maisons parmi les eucalyptus, les saules et les arbres fruitiers. »
Pour lui commence une vie sans heurts, une vie tranquille, comme amortie
« Versluis pensait qu’il avait trouvé en Afrique le même genre de vie que celle qu’il avait abandonné en Europe. C’en était en tout cas une assez bonne imitation aux confins de la terre. »
On sait peu de chose de Versluis et K Schoeman semble le tenir à distance, nous ne saurons jamais son prénom par exemple.
Il se mêle à la vie locale tout en gardant une certaine réserve, il est invité aux mariages, aux pique-niques et aux soirées poétiques où il doit payer de sa personne en lisant quelques poèmes.
C’est avec le pasteur et sa soeur infirme qu’il a les discussions les plus satisfaisantes. Versluis le libre penseur et impressionne le pasteur par sa connaissance du latin
« j’ai toujours trouvé que Virgile était une grande consolation (...) Mon Virgile et mon Montaigne ne me quittent jamais, pour que je puisse les lire en voyage ou la nuit quand je ne dors pas. »
Le pasteur lui aussi aime les livres et a une bibliothèque qui exigea des efforts
« cette petite malle avec Goethe et Schiller et Shakespeare que j’ai transportée pendant tout le voyage en bateau et en chariot à boeufs »
Il doute et se sent seul, il exprime des regrets car il ne lui est plus possible
« d’avoir des amis parmi les Noirs, ce pays avait déjà commencé à s’interposer entre nous avec ses décrets arbitraires »
C’est l’ultime étape pour Verluis, il le sait, bientôt il sera temps de
« ne plus faire qu'un avec soi, dans l'obscurité parmi les pierres, les racines et le gravier »
Contre toute attente il tente d’apporter de l’aide à un compatriote, Mr Gelmers, venu terminer sa vie en Afrique.
L’auteur livre sa réflexion sur la mort
« accepter l'idée qu'on va mourir, cela implique une lutte, parfois même une lutte qui dure toute la vie »
Un rythme du récit rendu lent par l’accablement provoqué par la chaleur intense. On devine à travers beaucoup de petites touches le devenir dramatique de ce pays.
La quête de Versluis est celle de tout être humain, quête de dépouillement illustrée par le veld infini
« une étendue vide qui attendait que quelque chose arrive » et « dont le vide contenait une immense promesse, et dont l’obscurité était chargée de mystère. » quête de paix et de sérénité.
L’écriture est somptueuse, délicate, et trouve nécessairement un écho chez le lecteur
Je vous renvoie aux avis tout aussi enthousiastes que le mien d’Eeguab et Keisha sur le site Lecture/Ecriture
Le livre : En étrange pays - Karel Schoeman - Traduit par Jean Guiloineau - Editions Phébus ou Libretto