L’abbé de Rancé peint par Rigaud
J’aime parfois lire deux livres à la fois.
La vie de Rancé est dans ma bibliothèque depuis longtemps, je l’ai entamé plusieurs fois et j’ai toujours calé après une quarantaine de pages.
Chateaubriand a beau avoir une plume magnifique je ne parvenais pas à m’intéresser au personnage
Finalement j’ai fait le voyage à la Trappe avec Michel Onfray, ce qui pourrait prêter à rire connaissant l’athée radical qu’il est, et bien que nenni ce fut un voyage passionnant, étonnant et qui m’a fait reprendre Chateaubriand.
La Trappe dont il est question ici est situé en Normandie, c’est un lieu de silence, d’humilité, d’abstinence, et bien entendu d’ascétisme.
La règle qui prévaut ici « la stricte observance » fut mise en place par l’abbé de Rancé au XVIIe siècle.
Michel Onfray s’interroge donc devant le parcours pour le moins étonnant de cet homme qui mena pendant des années une vie de bâton de chaise. Riche, une vie dédiée aux plaisirs, il court les salons des précieuses comme Madame de Montbazon sa maîtresse en titre.
Comment passe-t-on d’une vie dédiée aux plaisirs, à la luxure, à un moine se dépouillant de tout et imposant à sa communauté une vie d’ascèse à la dureté ahurissante.
L’homme impose aux autres une vie de mortifications, de reniements perpétuels, mais se garde de suivre sa propre règle à la lettre.
L’abbé de Rancé reçoit des duchesses, reçoit Bossuet, Saint Simon et un peintre qui vient faire son portrait. Vous avez dit humilité ?
Curieusement j’ai appris dans ce petit livre que Michel Onfray, jeune, a été attiré par la vie monastique, il était attiré par la possibilité d’une vie dédiée à la réflexion, la méditation, la lecture.
Il en fut empêché par un détail, un rien : il n’avait pas la foi !!
C’est l’occasion pour lui d’une réflexion sur la mort il a perdu son père et sa compagne dans les mois qui précèdent et il dit
« J’ai été saisi par cette communauté de solitudes qui ne se parlent pas, qui ne se touchent pas, qui ne s’adressent pas la parole, mais qui sont ensemble pour tout… »
J’ai enchainé avec Chateaubriand mais je dois dire que j’ai eu du mal.
Ce qui est certain c’est que Chateaubriand approchant de la mort se sent proche de Rancé, il pense à la postérité de son livre et je dois dire que ce sont ces pages-là qui m’ont touché.
Celles aussi consacrées à Poussin, le peintre est alors atteint de tremblements et Chateaubriand dit du dernier tableau de Poussin Le Déluge
« Ce tableau rappelle quelque chose de l’âge délaissé et de la main du vieillard : admirable tremblement du temps ! Souvent les hommes de génie ont annoncé leur fin par des chefs-d’œuvre : c’est leur âme qui s’envole ».
A vous de voir si vous optez pour Onfray ou pour Chateaubriand mais les deux ce n’est pas mal je trouve.
Le livre : La Stricte observance – Michel Onfray – Éditions Gallimard
Vie de Rancé – F R de Chateaubriand – Éditions Gallimard Folio
Commentaires
Les deux, oui, ont l'air d'être à associer.
Bonjour Dominique,
Merci de ce billet si intéressant. J’ai toujours eu du mal avec Chateaubriand, et n’ai jamais lu Michel Onfray, mais qui sait, un jour peut-être.
Ton article m’a questionnée, je n’avais jamais envisagé l’impossible retrait du monde sans la foi ! Un agnostique, un athée ne peut pas rejoindre une communauté religieuse, admettons, c’est assez logique, ce pourrait être faire entrer le loup dans la bergerie ! Mais il n’existe donc pas de communauté laïque, c’est étonnant que personne n’y ait pensé, non ? La question des subsides peut-être. C’est amusant, je n’avais jamais appréhendé la question sous cet angle !
Bonne journée
Anne
Comme toi, j'ai toujours eu du mal avec Chateaubriand et aussi, pour une fois, je lis deux livres en alternance, donc je passe pour ceux-ci.
Je dois confesser que je ne suis attirée ni par l'un, ni par l'autre .. La trappe, il doit s'agir de Soligny, qui est un bel endroit.
J'ai toujours eu du mal avec Chateaubriand donc pour l'instant je passe. Onfray je l'écoute de temps en temps à la TV, il a des remarques intéressantes et une grande culture générale ce qui lui permet d'argumenter et de faire réfléchir les gens autour de lui mais je souffre de le sentir aussi radical justement, ce qui m'éloigne de ses écrits...et parfois de ses discours.
comme je suis contente de voir que je ne suis pas la seule à avoir tant de mal à lire François Rene de Chateaubriand dont le sévère château de son enfance dresse ses tours tout près de chez moi.
Quant à Michel Onfray le personnage médiatique m'agace un peu mais je ne l'ai jamais lu juste entendu.
je n'ai pas trop de mal avec Chateaubriand, plutôt avec Onfray. Pour moi, si j'en prends le temps ce sera Chateaubriand
"La vie de Rancé", que certains portent aux nues, m'est toujours tombé des mains au bout de quelques dizaines de pages. J'ai une connaissance de 91 ans qui a lu deux fois l'entièreté des "Mémoires d'Outre tombe" et s'apprête à le lire à nouveau ! Je lui parlerai du livre d'Onfray.
Merci.
Tout ceci est fort intéressant ! Alors Michel Onfray s'intéresse à La Trappe... Comme quoi, quand on connait ses positions, cela fait sourire avant de se dire que pourquoi pas feuilleter ce livre un de ces jours ?
Quant à Chateaubriant, hélas, je n'ai pas le temps nécessaire qu'il convient de lui consacrer... Toutefois, vous me rappelez le vieil âge de Poussin alors, pourquoi, un soir, refeuilleter tout cela ?
Merci pour cette chronique que je trouve particulièrement intéressante.
Pour moi le choix est sans appel, vu que j'aime beaucoup Chateaubriand et goûte assez peu Onfray, malgré ton billet passionnant. ;)
Rancé j'ai eu à l'étudier à la fac ! Je n'en garde pas un souvenir éternel mais je l'ai lu jusqu'au bout, il fallait bien ! Je préfère les Mémoires de Chateaubriand, tout au moins son enfance et sa jeunesse.
J'aime bien écouter Onfray moins lire Châteaubriant que j'ai abandonné plusieurs fois.
Merci Dominique pour le conseil de lecture de "La stricte observance".
Bon dimanche !