J’aime bien la collection des Dictionnaires amoureux et j’attendais patiemment que quelqu’un nous propose un dictionnaire de Montaigne.
Voilà c’est fait et avec André Comte-Sponville ce qui est pour moi gage de qualité car ce talentueux philosophe est plein d’admiration et de ferveur pour le gascon.
Vous allez me dire que j’ai déjà lu des biographies, des essais sur Montaigne, oui mais voilà je ne m’en lasse pas donc hop le dictionnaire prend place sur mes étagères.
L'auteur © Indra Crittin
Dans son livre : Education philosophique et dans une interview, l’auteur dit : « Bizarrement je n’ai jamais eu aucun cours sur Montaigne durant toutes mes études ».
Avec ce dictionnaire André Comte-Sponville se fait un devoir et un plaisir de vous convaincre que lire Montaigne « c’est rencontrer un ami » car l’auteur des Essais est « Un type extrêmement attachant »
D'autres dictionnaires amoureux
Les Essais sont portés par une écriture éblouissante dit André Comte-Sponville même s’il reconnait que Pascal sur des sujets identiques est plus percutant, mais voilà Pascal ne possède pas le côté ondoyant, sinueux, souple de Montaigne qui l’enchante. Il révère la liberté de pensée de Montaigne, une pensée bien audacieuse pour l’époque et aujourd’hui encore bonne pour nous lecteur. « Montaigne n’appuie jamais: il dit ce qui lui vient dans l’instant, comme cela vient, dans la vivacité, la légèreté, la fragilité de l’improvisation, quitte à y revenir plus tard, à changer d’avis peut-être. »
© Professeur Foray Université pour tous Jean Monnet
Ce qui rend ce dictionnaire si plaisant c’est le talent avec lequel l’auteur sait rendre simplement tout la richesse de pensée de Montaigne, sait nous le faire approcher très intimement et nous propose d’en faire notre compagnon de route, un voisin et ami pour notre propre pensée.
Il ne se lasse pas de nous dire à quel point Les Essais peuvent nous apprendre à penser, à douter mais surtout que « Montaigne nous apprend à aimer la vie telle qu’elle est, imparfaite, mortelle »
Pour André Comte-sponville, Montaigne nous enseigne le bonheur avec ses limites et c'est avec obstination que Montaigne nous dit « C’est chose tendre que la vie » à condition de vivre au présent, lui qui vivait en un temps de guerres et d’épidémies, le Covid n’est pas si loin, et Montaigne enfonce le clou « Pour moi donc, j’aime la vie. ».
Montaigne © Le Monde
Ce dictionnaire montre bien que pour les lecteurs assidus du philosophe le plaisir de lecture n’est jamais émoussé et que l’on peut après bien des années y trouver encore des sujets d’étonnement.
J’ai bien entendu mes entrées préférées dans ce dictionnaire
L’âge, oui ce n’est pas la folle gaieté mais j’aime le commentaire que l’auteur fait pour lui même et que je partage totalement, sur la vieillesse, la douleur, la proximité de la mort.
« Ses protestations face au grand âge, me font plus de bien que tant de dénégations optimistes ou hypocrites, qui font aujourd’hui florès et me donnent envie de vomir. Trop de sucre, trop de mensonges. Ils font semblant de ne pas vieillir ou d’aimer ça :c’est une marque encore de la vieillesse qui se méconnaît elle-même »
L’entrée Chine un peu surprenante mais comme elle fait intervenir François Jullien le sinologue que j’ai beaucoup lu et aimé, elle m’a passionné, Montaigne le plus chinois des philosophes ? Je vous laisse découvrir pourquoi.
Plus d'une heure d'interview
J’ai aimé l’entrée Admirateurs avec les écrits des amoureux de Montaigne.
Vauvenargues voit en Montaigne « un prodige dans des temps barbares »
Goethe admire son « tour d’esprit inestimable et serein »
Stendhal juge que son style est peut-être celui , dans toute la littérature française, « qui a le plus de coloris ».
Flaubert qui s’y connaissait en matière de prose, apprécie lui « le plus délectable de tous les écrivains » Il dit « lisez le d’un bout à l’autre, et quand vous aurez fini, recommencez »
Zola aime « sa fermeté, sa gaieté, son allure libre » En un mot conclut-il « je suis son disciple, son fervent admirateur »
Parlant de Montaigne Tzvetan Todorov disait « qu’il était celui qui a lu tous les Anciens et que tous les Modernes ont lu. »
Orson Wells le déclare son « auteur préféré, le plus parfait écrivain que le monde ait produit »
L’hommage qui touche le plus André Comte Sponville, « est celui en acte de Tolstoï. Lorsqu’il partit pour son dernier voyage, dont il ne devait pas revenir, l’auteur de Guerre et Paix, n’emporta que deux livres :la Bible et les Essais »
La forme du dictionnaire est très proche de la forme de lecture que Montaigne appréciait, le dictionnaire vous permettra de pilloter dans l’oeuvre et la pensée de Montaigne et vous irez « A sauts et à gambades » en compagnie d’un ami.
ce qu'était peut-être sa bibliothèque
André Comte-Sponville dit dans une interview que « c’est le plus libre des esprits libres. C’est peut-être bien le plus grand écrivain français » montrant par là la modernité de Montaigne quatre siècle après sa mort, il est sensible à un Montaigne qui reste « humain dans une époque inhumaine »
Le livre : Dictionnaire amoureux de Montaigne - André Comte-Sponville - Editions Plon