Je vous quitte une petite semaine pour des histoires d’oeufs, de lapins et de cloches
A bientôt
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Je vous quitte une petite semaine pour des histoires d’oeufs, de lapins et de cloches
A bientôt
Depuis toujours l’histoire me passionne et j’ai beaucoup lu en particulier sur la 2ème Guerre mondiale, le régime stalinien ou le nazisme.
Au fil des lectures on enrichit ses connaissances mais il est rare qu’un livre soit un tel choc. Il se classe pour moi à coté de l' Archipel du Goulag. ou des grands témoignages comme ceux de Primo Levi ou Jorge Semprun
L'auteur
J’ai lu ce livre trois fois depuis sa parution, une fois très vite après son achat et j’ai été sonné et je l’ai immédiatement relu. Je viens de le relire et je peux vous assurer que le temps n’a en rien diminué mon impression de départ, bien au contraire. Les évènements récents en Ukraine prouvent s’il en était besoin que l’Histoire est une des clés de compréhension des problèmes actuels dans bien des points de l’Europe.
Pour savoir de quoi l'on parle
Tout semble avoir été dit sur la Seconde guerre mondiale, les prémices, la montée du nazisme, la Shoah, le rideau de fer et le bloc de l’Est....
Thimoty Snyder apporte pourtant un changement de perspective, une lumière neuve sur cette période de notre histoire.
Pour cela il nous invite à nous détacher des particularismes régionaux ou nationaux et à considérer à la fois une période, qu’il fixe de 1933 à 1945, et un espace géographique. Il ne s’agit plus d’une nation ou d’une catégorie de population mais d’un espace beaucoup plus large qu’il a dénommé Terres de sang où se déroulèrent la plupart des tueries, des massacres, des meurtres de masse de la Seconde Guerre.
Entre 1933 et 1945, 14 millions de personnes perdirent la vie sur ces territoires !
La Pologne va payer le plus lourd tribut
Le livre est aussi une comparaison de deux systèmes, de deux pouvoirs, de deux chefs d’état qui furent à l’origine des tueries, massacres et meurtres de masse.
Ce que Timothy Snyder présente l’a déjà été mais toujours avec un parti pris national ou identitaire. Jamais les liens entre les deux régimes et les répercussions sur les populations de ces Terres de sang n’avaient été aussi clairement définis que dans ce livre.
L’histoire de ces territoires est effrayante, ils ont subi non pas une, ni même deux, mais souvent trois occupations successives chacune apportant violence, souffrance, massacres, délations, exécutions et résistance.
Les deux régimes voulant conquérir ces territoires, les soviétiques pour renforcer leur régime, les nazis en quête d’espace vital pour la future race des seigneurs.
L’Ukraine, la Bielorussie, la Pologne et les Etats Baltes furent les grandes victimes des deux régimes. 97% des victimes juives ne parlaient pas l’allemand et étaient issues de ces territoires.
Pas question pour moi de vous faire un résumé exhaustif de ce livre mais plutôt de vous dire en quoi il fut un choc de lecture. C’est la similitude de comportement des deux régimes et des deux chefs qui m’impressionne le plus.
Le massacre de Katyn
Quelques exemples :
La famine qui fut l’arme de Staline pour faire plier les paysans, les Ukrainiens, les Bielorusses et autres peuples non russes de l’Union Soviétique fit sans doute plus de 3 millions de mort, la famine fut également utilisée par Hitler qui espérait détruire par la faim l’URSS. 3 millions de prisonniers russes en firent les frais sans compter le million de morts de Léningrad.
L'Ukraine dans les années 33/34
Les deux régimes éliminèrent sans pitié les hommes ou groupes qui entravaient leurs objectifs, la Grande Terreur coûta la vie à au moins 700 000 personnes en URSS, Hitler et Staline ont tenté par tous les moyens de détruire le peuple polonais en signant un pacte que bien des communistes français applaudirent, en se partageant le pays, en tuant les élites (21 892 officiers polonais tués à Katyn) en déportant au Goulag la population, en livrant les opposants à la nation d’en face.
Staline et Hitler ont également partagé une haine pour les Juifs qui étaient très nombreux sur ces territoires, beaucoup plus qu’en Allemagne par exemple. Les juifs massacrés dans les terres de sang ont creusé des fosses dans lesquelles ils ont été abattus, c’est la Shoah par balles, ou gazés comme à Treblinka, Chelmno, Belzek ou Sobibor.
Si ces usines de mort sont moins connues que les camps comme Bergen Belsen ou Buchenwald c’est que le rideau de fer est retombé sur ces noms grâce à Staline qui ne souhaitait pas que la Shoah vienne masquer les efforts de guerre soviétiques.
Dans les Terres de sang les victimes instrumentalisées par les nazis participèrent aussi aux massacres, ces peuples étaient enclins à l’antisémitisme et pressés de faire payer les terribles exactions des soviétiques et de son NKVD dont étaient membres à l’époque de nombreux juifs.
Sur les 6 millions de juifs victimes de la Shoah, 4 millions étaient issus des Terres de sang.
J’ai été surprise aussi par les mouvements de population en Pologne à la fin de la guerre dont je n’avais jamais réalisé l’ampleur : déplacements de population que l’on peut assimiler à un nettoyage ethnique concernèrent plusieurs millions de personnes et cela à la demande de Staline et avec, hélas, la complicité bienveillante des alliés.
Déplacements de population
Tout au long du livre T Snyder s’attache à personnaliser ces victimes, à transformer les chiffres en personnes. Il raconte grâce à de multiples documents les vies brisées et l’on entend la voix des victimes de façon poignante.
Les tentatives des Ukrainiens pour faire reconnaitre le génocide perpétré par Staline furent bien vite stoppées sous la pression des gouvernements en place.
Un livre tout à fait indispensable pour comprendre non seulement ce qui s’est passé mais les retombées qui agitent encore aujourd’hui ces territoires.
J'ai échangé autour de ce livre avec quelques blogueurs et en particulier avec Tania j
Le livre
Terres de sang L’Europe entre Hitler et Staline - Timothy Snyder - Traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat - Editions Gallimard
A Apostrophe
Certainement vous avez lu un ou deux de ses romans, certainement vous avez lu ou au moins entendu parler de son célèbre Archipel du Goulag mais connaissez vous la vie d’Alexandre Soljenitsyne, son enfance, son adolescence, fut-il un jour communiste ? Quand commença-t-il à écrire ?
La guerre : il est capitaine décoré de l'Etoile Rouge
Pour répondre à ces questions j’ai lu sa biographie lui qui
« connu pendant près d’un siècle une vie extraordinaire, marquée par la guerre, le Goulag, la maladie, la dissidence, l’exile et la célébrité. »
Retour sur la jeunesse d’un homme d’origine ukrainienne et caucasienne né avec la Révolution, on le voit jeune marié puis combattant de la Seconde Guerre mondiale, séparé de son épouse qui fut contrainte de demander le divorce alors que lui pour avoir écrit quelques lettres de trop à un ami, se voit condamné au Goulag et surtout à la relégation à vie.
On suit le combat de l’homme pour supporter sa détention et pour écrire écrire contre vents et marées.
En Russie pour la parution de l'Archipel
Il apprend par coeur des textes car empêché de les écrire, il touche le fond parfois mais alors
« ont commencé les années les plus importantes de ma vie, celles qui ont conféré à mon caractère ses traits définitifs. » dit Soljenitsyne.
Les années de dissidence sont riches en péripéties et difficultés qu’il partage avec les figures de l’époque : Sakharov, Plioutch, Siniavski et bien d’autres
Son combat difficile pour trouver un toit, un travail.
On retrouve les moments forts de cette vie, la collaborations avec les Invisibles tous ces russes qui lui permirent de mettre à l’abri les pages de son oeuvre, de la photocopier pour la faire passer à l’ouest.
Le rôle de ses amis les plus sûrs comme Mstislav Rostropovitch qui le mit à l’abri chez lui aux pires heures de la répression et qui en paya le prix.
Soljenitsyne et Rostropovitche à Cavendish aux Etats Unis
Je me souviens des émissions de Pivot qui lui furent consacrées et de ma première lecture du Pavillon des cancéreux, ce sont des lectures inoubliables et aujourd’hui qu’enfin l’Archipel est disponible en version poche je ne peux que tenter de vous convaincre d’en faire la lecture, c'est un grand moment d’histoire et de littérature
La biographie de Bertrand Le Meignen, qui, il faut le préciser n’est pas du tout un universitaire, est riche, elle m’a permis d’aborder la vie de cet écrivain exceptionnel et d’en découvrir des facettes peu habituelles.
J’ai apprécié également les mises au point sur ses oeuvres tardives que ses ennemis de toujours ont tenté de faire passer pour des écrits d’un vieux fou antisémite.
Du coup comme toujours je poursuivrai un jour avec la biographie de Lioudmila Saraskina qui au dire des connaisseurs est la meilleure.
Mais surtout la lecture de cette biographie m’a convaincu de m’attaquer à la grande oeuvre de Soljenitsyne : La Roue rouge, l’histoire de cette révolution qui se solda par 70 ans de vie sous le joug soviétique.
Les livres :
Alexandre Soljenitsyne Sept vies en un siècle - Bertrand Le Meignen - Editions Actes Sud Solin
L’Archipel du Goulag - Alexandre Soljenitsyne - Editions Points (hélas une version abrégée)
Aujourd’hui il est de bon ton de parler de lanceur d’alerte mais il y a quelques décennies ce terme n’existait pas.
Demain je vous parle d’un lanceur d’alerte qui m’intéresse et que je lis depuis les années 70 et comme j’aime bien les ricochets un deuxième billet vous entrainera dans le sillon de l’histoire avec un grand H
A demain
Mansfield Park
Mansfield Park est la demeure de la famille Bertram, deux fils aussi différents l’un de l’autre qu’il est possible, Tom et Edmond, deux jolies filles sans cervelle, Maria et Julia, une femme en permanence épuisée, la soeur vipérine de lady Bertram : Mme Norris.
Régnant sur le domaine et la famille Lord Bertram devant qui tout le monde tremble un peu. Et comme une pièce rapportée, la cousine pauvre, élevée par charité : Fanny Price.
Les publications sont nombreuses
Il va être question d’amour, de mariage, de plantations à Antigua, d’éducation d’une demoiselle, de bals et de promenades à cheval. Bref les ingrédients habituels de Jane Austen. Les liens familiaux sont ici au premier plan, le chef de famille est fière de ses enfants, il regarde avec affection certes mais aussi beaucoup de condescendance la jeune Fanny. Son fils aîné prendra sa suite et Edmond deviendra clergyman, voilà qui est réglé une fois pour toute.
Au fil des années Fanny a du faire face au mépris de ses cousines, à la méchanceté de Mme Norris et ne s’est apprivoisée que grâce à Edmond son fidèle ami.
une adaptation que je n'ai pas aimé
Le moment arrive où les demoiselles Bertram sont bonnes à marier, Edmond doit partir se former à son nouveau rôle de pasteur, Tom et Lord Bertram entame un long voyage sur leur plantation d’Antigua.
Le grain de sable dans la mécanique c’est l’arrivée au presbytère qui fut celui de Monsieur Norris, d’un nouveau pasteur et de sa femme, les Grant, et dans leur sillage Mademoiselle Crawford et son frère.
Au cinéma
Ah les jeux de l’amour et du hasard, c’est un vrai festival dans ce roman, Maria trouve un fiancé riche et benêt, Julia se désespère d’attirer l’attention de M Crawford, Edmond tombe sous le charme un rien sulfureux de Marie Crawford.
La comédie est prête à se jouer et comme d’habitude Jane Austen va y mêler beaucoup d’ironie. Elle alterne de joyeux portraits, des dialogues qui permettent aux personnages de se découvrir, des situations digne de Marivaux
Elle nous donne son avis sur l’Eglise et le rôle d’un clergyman, sur les pièces de théâtre du moment qu’elle juge sévèrement, sur l’aménagement des jardins, mais tout cela elle le peint
« de son pinceau délicat de gracieux tableaux de mots sur un petit morceau d’ivoire » dit Nabokov aux yeux de qui Mansfield Park a trouvé grâce.
J’ai aimé ce roman même si le personnage de Fanny Price m’a paru un peu trop sage. Les différentes scènes : la représentation théâtrale, le bal, la visite des jardins, sont très réussies. Les personnages très amusants : lady Bertram se pâmant son chien sur les genoux, Mme Norris toujours à la recherche d’une méchanceté à dire ou à faire.
Le jardin anglais objet d'une jolie scène
La peinture de la société est attrayante et bien intégrée dans le récit.
C’est le troisième roman de Jane Austen a être publié en 1814, après Raison et Sentiments et Orgueil et Préjugés.
Elle a mis deux ans pour écrire son roman, c’est un joli tour de force quand on sait que c’est 450 page en pléiade !
Le livre : Mansfield Park dans Oeuvres tome II - Jane Austen - Traduit par Pierre Goubert - Editions Gallimard Pléiade
Quatre mariages et un enterrement
Plus encore que Roderick Hudson voilà une façon simple et légère d’entrer dans le monde de Henry James..
James a trente-cinq ans lorsqu’il écrit Les Européens. De ce roman va naitre sa renommée, même si la réception fut plus positive en Angleterre qu’aux Etats-Unis.
Une atmosphère bucolique
Félix et Eugenia viennent d’arriver à Boston. Ils sont frère et soeur, américains mais ont toujours vécu en Europe.
On pressent que la visite qu’ils font à leurs cousins d’Amérique est un rien entachée d’intentions intéressées dues à une situation très précaire.
Félix est un beau jeune homme à l’heureux caractère et sans occupation aucune, Eugénia quant à elle a contracté un mariage avec un prince allemand, mariage proche de sa dissolution.
Leurs cousins américains les Wentworth sont une famille austère mais pleine de générosité qui les accueille avec quelques réserves surtout Mr Wenworth, homme froid avec une maison à son image
« pas de splendeurs, pas de dorures, pas de régiment de domestiques. »
Ses deux filles elles sont un peu éblouies par ces cousins si exotiques, Gertrude, sur laquelle Félix jette très vite son dévolu, est promise au pasteur Brand. Elle est celle qui est le plus attirée par ces nouveaux venus
« Elle n’avait rien connu d’aussi délicieux depuis la lecture de Nicholas Nickleby »
L'archétype de la jeune américaine
Robert Acton cousin et ami de la famille se laisse lui aussi prendre dans les filets de ces européens, seule résiste sa soeur Lizzie archétype de la jeune fille américaine, hardie et innocente à la fois, si on veut lui trouver une parenté il faut la chercher chez Edith Wharton et le personnage de May Welland dans le Temps de l’innocence.
Mona Ozouf dit que ce roman est une « palette de couleurs tendres » c’est vrai mais le ton est constamment ironique. Satire légère et pleine d’humour qui entérine l’opposition entre Nouveau et Ancien monde, entre un monde puritain et bien pensant et celui du plaisir des sens et de l’esprit.
L’ atmosphère du roman est crée par petites touches « le décor bucolique, la campagne environnante » les sentences religieuses accrochées ici et là, les fiacres collectifs qui surprennent nos européens.
Les Wentworth représentent une société prude et moralisatrice, chez eux
« pas de splendeurs, pas de dorures, pas de régiment de domestiques »
L'adaptation de James Ivory
Le décor d’une maison, les parures féminines relèvent pour eux du mensonge, des apparences et donc du péché.
Plusieurs scènes mettent en opposition la froideur et la rigueur morale à l’insouciance et la frivolité européennes, le roman est une passerelle jetée entre ces deux mondes que tout oppose.
Félix est jovial, léger, un rien inconséquent
« Je n’ai jamais étudié; je n’ai pas de formation. Je fais un peu de tout, mais rien de bien . je ne suis qu’un amateur »
Les scènes sont parfois cocasses, les comparaisons très ironiques, Eugenia a une conversation que le pasteur n’hésite pas à rapprocher de Mme de Staël et de Mme de Récamier et dans sa bouche c’est loin d'être d’un compliment.
Lee Remick en Eugenia
C’est un roman délicieux mais ne nous y trompons pas le James plus noir, plus caustique n’est jamais loin. Ne dit-il pas d’Eugenia.
« Rien de ce que disait la baronne n’était tout à fait faux. Mais peut- être convient-il d’ajouter en toute justice que rien de ce qu’elle disait n’était tout à fait vrai »
Quant à Gertrude voilà comment elle voit sa famille et son entourage.
« Il doit y avoir mille façons d’être lugubre et parfois je me dis que nous les utilisons toutes »
Donc palette tendre mais ce sera la dernière fois dans l'oeuvre de James qu'un roman se termine par des mariages.
Le livre : Les Européens dans Portrait de femme et autres récits - Henry James - Traduit par - Gallimard Pléiade