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A sauts et à gambades - Page 91

  • Le sourire d'Homère - Jean Soler

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    Jean Soler je le connaissais pour ses livres sur le monothéisme, livres très polémiques au goût des croyants mais qui pour moi allaient dans le même sens que la trilogie de Jérôme Prieur et Gérard Mordillat.

    Aujourd’hui ma lecture de l’auteur a une toute autre tonalité

    Admirateur de la civilisation grecque, Jean Soler par ce livre dit tout son amour à la fois de la Méditerranée, de sa culture, de ses héros et même de ses Dieux qui ne sont violents que dans les mythes.

    Jean Soler a enseigné le grec et cela se sent car sa connaissance d’Homère est fine, joyeuse, talentueuse. 

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    carte de l'Odyssée (un clic pour voir mieux)

    Si vous n’avez jamais lu l’Odyssée ou l’Iliade il sait vous convaincre et si comme moi vous aimez Homère il vous plonge dans vos souvenirs de lecture avec passion.

    Son livre est composé de chapitres qui mettent en avant la pensée grecque, il le fait à travers les épisodes les plus frappants de l’Iliade et de l’Odyssée. Homère est poète et les Dieux ne sont jamais loin mais ce sont des Dieux à l’image de l’homme : ils sont teigneux, jaloux, violents, menteurs et hélas ils aiment la guerre mais ils ne sont pas une menace pour l’homme « Le monde réel des hommes prime sur le monde imaginaire des dieux » dit Homère.

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    Zeus et Athéna

    Pour Jean Soler l’Iliade s’apparente aux peintures de Goya : les désastres de la guerre. Son récit n’est pas à la gloire de celle-ci, ce qui prime pour Homère c’est la vie.

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    la guerre vue par Goya 

    On peut trouver Jean Soler de parti pris mais c’est celui de l’admiration.

     Ce que j’ai préféré ce sont les pages sur l’Odyssée, il faut dire que c’est la rencontre d’Ulysse et de Nausicaa qui m’a fait faire connaissance avec ce texte et je ne l’ai jamais oublié. 

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    J’ai aimé retrouvé le goût pour la beauté du poète, la mise en avant de l’intelligence d’Ulysse 

    « Pour être intelligent, il faut le vouloir. Ce qui implique des efforts. Et aussi des risques. » 

    Jean Soler voit là les valeurs qui aujourd’hui marquent encore notre société même s’il idéalise un peu trop les choses, il dit

    « le goût de vivre se double dans les oeuvres homériques de la passion de comprendre. » 

    Il  préfère la société grecque à la culture biblique, moi je suis partisante de garder les deux. 

    Cette balade à ses côtés est réjouissante, chaleureuse, sa familiarité avec le texte d’Homère est contagieuse et je me suis régalée.

     

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    Le livre : Le sourire d’Homère - Jean Soler - Editions de Fallois

  • Un été avec Homère

    Si vous êtes des fidèles de l'été sur France Inter vous avez déjà fait des parcours avec Montaigne ou Baudelaire

    Pourquoi cet été ne pas vous laissez tenter par Homère ?

     

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    C'est Sylvain Tesson qui lui prête sa voix et je suis certaine que cela va être un parcours rejouissant 

     

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    Si Homère vous tente je vous propose aussi les billets que j’avais fait d’un livre d’Alberto Manguel, du roman  Le chant d’Achille qui était une réussite et le magnifique roman de David Malouf : Une Rançon

  • L'Odeur de la forêt - Hélène Gestern

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    Parce qu'elle a lié amitié avec Mme de Chalendar, Elisabeth Bathori, historienne à L'Institut pour la mémoire photographique du siècle, se voit confier la correspondance d'Alban de Willecot un jeune homme mort au front en 1917.

    Particularité : l'essentiel de la correspondance est adressé à un grand poète de l'époque : Anatole Massis dont malheureusement les réponses aux lettres d'Alban ont disparu.

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    Apollinaire : un poète à la guerre

    Elisabeth est aussitôt passionnée par ce travail, les documents viendront enrichir le fond de l'Institut mais au-delà, ce travail lui permet de sortir peu à peu d'une sévère dépression suite à la mort de son conjoint.

     

    Elisabeth s'attache à Alban de Willcot. Quelques mois plus tard à sa grande surprise elle hérite une maison de Mme de Chalendar, charge pour elle de poursuivre les recherches sur la famille, d'explorer les zones d'ombre de l'histoire familiale, de rechercher les documents manquants. 

    Elisabeth s'installe dans cette maison où tout lui plait. Grâce à son obstination et à ses méthodes de recherche, peu à peu l'histoire prend forme, un personnage nouveau apparait : Diane, jeune fille passionnée de mathématiques mais que les moeurs de l'époque empêchent de faire des études, elle a, elle aussi, correspondu avec Alban, elle a tenu un journal qui conduira Elisabeth à élargir ses recherches loin de la France et au-delà de la Première Guerre. 

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    Ces cartes qui maintenaient le lien

     

    C'est une traversée du siècle que propose Hélène Gestern. A travers les traces laissées : photos, lettres, journaux, la reconstitution du passé devient possible et fait oublier à l'héroïne sont douloureux présent 

    « J’empruntais la vie d’une autre, je mettais mes pas dans les siens, j’adoptais son histoire. Était-ce malsain, morbide, immoral ? Je ne le savais pas et je n’avais pas voulu me poser la question, me laissant guider par une mémoire qui ne m’appartenait pas, mais dont j’épousais sans discuter les méandres. Parce que, à la faveur de cette enquête sur les lettres centenaires d’un soldat dont j’ignorais l’existence quelques mois plus tôt, quelque chose d’infiniment lent avait commencé à remuer à l’intérieur de moi, quelque chose qui n’avait pas encore ni forme ni nom, mais qui poussait obscurément les parois du chagrin pour réclamer l’énoncé de la lumière. »

     

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    Lettres des poilus

    C'est une belle façon de mettre en avant ces disparus « avalés par la guerre, le temps, le silence »; de mettre à l'honneur le travail parfois fastidieux des historiens, archivistes, tous ceux qui permettent que l'histoire ne soit plus seulement celle des événements mais aussi celles d'hommes et de femmes.

    J'ai beaucoup aimé ce roman, très dense. Grâce à l'habileté d'Hélène Gestern on suit les traces, on déroule le fil de l'histoire. J'ai été prise par la richesse du récit, par la complexité de ses personnages, par les problèmes évoqués au fil des pages : la place des femmes qui change avec la guerre, les secrets familiaux qui empoisonnent parfois plusieurs générations, les vérités pas toujours bonnes à dire sur les faits historiques.

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    Ces hommes longtemps niés, cachés

    J'avais lu avec plaisir son roman précédent : Eux sur la photo, mais j'ai vraiment aimé celui-là et je vous le recommande comme une lecture d'été tout à fait passionnante

     

    Le livre : L’Odeur de la forêt - Hélène Western - Editions Arléa

  • Un été pas comme les autres

     

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    « Sous un soleil blanc et fixe, les hommes, chemise ouverte et gouttes de sueur sur la peau, achèvent de creuser leurs tranchées. Par-dessus le grondement des batteries éloignées, nous distinguons, assourdies encore et ouatées, les détonations de batteries plus proches. Je perçois, en tendant l'oreille, des sifflements légers, qui se brisent en une explosion miaulante : ce sont des shrapnells qui éclatent, lentement dissipés dans l'air calme. »

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    « Nous marchons, chassés en avant par une poussée inouïe dont j'éprouve seulement alors la sensation nette. Nous sommes courageux et nous voulons bien faire ; mais où sont nos canons qui feraient taire ceux-là ? Nous sommes bousculés, nous cédons. Et tout doucement une impression naît en moi, s'affirmant jusqu'à m'accabler : je nous sens petits en face de cette force. »

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    « Et la pluie tombe, lourde, serrée, plaquant les capotes sur les dos, ruisselant en fontaine au bord des visières des képis. Le vent a cessé de mugir. Il souffle plus lent, comme apaisé, mais glacé, traître. Je sens l'approche du jour. C'est en moi un appel ardent vers la lumière. Je revois le champ de bataille de Sommaisne, baigné de soleil, net de lignes et riche de couleurs. Cette nuit, on se tire dessus en aveugles, on s'égorge à tâtons. Je ne voudrais pas mourir dans cette boue glacée, dans ces flaques d'eau qu'on ne voit pas… »

     

    Le livre : Ceux de 14 - Maurice Genevoix - Editions Flammarion

  • L'année sans été - Gillen d’Arcy Wood

     Vous allez retrouver ici les deux personnages de mon billet précédent : Napoléon, ou du moins la fin de l'ère Napoléonienne et Turner qui donna des couleurs à cette année (ces années devrait on dire d'ailleurs) sans été.

     

    En avril 1815, près de Java, se produisit une éruption volcanique qui entraina un bouleversement climatique pendant 5 ans et qui changea la vie des hommes sur tous les continents, entraina plusieurs millions de morts, provoqua des changements importants pour la science, pour l'art, pour la littérature.

    Sans doute la première catastrophe climatique répertoriée, l'éruption du Tambora, qui peut-être comparée à celle de Santorin 1600 ans Avant JC qui anéantit la civilisation Minoenne.

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    Cette éruption localisée entraina des cataclysmes en chaine et donne un aperçu assez effrayant de ce qui attend la planète dans les années à venir, car le changement ne fut alors que de 2 °C…

    Si vous êtes étonnés de n'avoir jamais entendu parler de ce volcan et de son éruption, pensez que 1815 en France c'est la fin des guerres napoléoniennes et les regards sont plutôt tournés vers Saint-Hélène que vers Java.

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    Je vous propose de faire un tour du monde des conséquences qui grâce aux explications très claires, aux tableaux statistiques et aux schémas du livre, sont très clairement exposées 

    Commençons au plus près de l'éruption : outre les dégâts et les morts dus à la lave et aux fumées toxiques, il y eu bien sûr un tsunami, on estime pour Java et les îles proches à environ 100 000 victimes, la cendre recouvrait les cultures et l'obscurité dura une semaine entière.

    Bien entendu le nuage ne s'arrêta pas aux frontières ! c'est toute l'Asie qui fut atteinte plongeant des régions entières dans le chaos et la famine

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    Les rizières du Yunnan

    Au Yunnan en Chine c'est la famine qui fait des ravages, le riz est sensible aux variations climatiques et les paysans meurent de faim, on vend des enfant pour un sac de riz, ils sont prêts à tout aussi quand la survie devient impossible ils se tournent vers une autre culture qui fera à terme des ravages conséquents : la culture du pavot. En quelques décennies, l'opium fut cultivé à travers le Yunnan Le « triangle d'or » de la production internationale d'opium était né.

    « Un poète chinois Li Yuyang, a évoqué de la manière la plus émouvante qui soit le monde dévasté par la crise climatique »

    La pluie tombe sans fin, comme les larmes de sang

    d’un homme sentimental.

    Les maisons coulent et frissonnent

    comme un poisson dans les eaux qui ondulent

    Je vois mon fils aîné accroché à la chemise de sa mère.

    Le petit pleure sans qu’on l’entende. Il n’y a plus d’argent, et

    Le riz est aussi rare que les perles, nous offrons nos couvertures pour nous sauver.

    Un seul dou de riz, et rien de plus à la maison.

    Nous n’avons que quelques acres, et rien n’y pousse.

    Ma femme et mes enfants ont partagé leurs grains pour

    Toute l’année.

     

    Restons en Asie avec l'Inde et le Bengale : la poussière de l'atmosphère va entrainer des changements dans l'évaporation dans l'océan indien et entrainer des variations funestes des moussons, une alternance de sécheresse et d'inondations. 

    Plus pernicieux, la variation des températures et de l'humidité provoque la mutation du germe du choléra qui va flamber et se propager comme une trainée …de lave
    L'épidémie sera mondiale, elle atteindra Paris, Moscou, et les USA.

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    le Choléra a atteint le Québec

    En Europe c'est une baisse généralisée des températures, des étés pluvieux, inondations, retard des cultures.
    « Les Allemands appellent 1817 l'année du mendiant »

    C'est surtout l’Irlande qui connaît une effroyable famine, c'est pour les Irlandais le début d'une période très sombre, le gouvernement anglais restant sourd à leurs appels et à ceux de leur poète William Carleton qui écrit un conte resté fameux sur cette famine oubliée

    En Suisse des glaciers avancent jusqu'à détruire le Val de Bagnes. A Chamonix Percy Shelley note

    « Ces glaciers avancent constamment dans la vallée, ravageant dans leur lente mais irrésistible progression les pâturages et les forêts qui les entourent. »

     

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    Le glacier des Bossons Chamonix © ivredelivres

    Curieusement en Angleterre il y eu un côté positif aux variations climatiques. Pour comprendre il faut d'abord dire qu'il y eu un effet paradoxal à cette catastrophe, si la planète se refroidit, les pôles eux se réchauffent et cela crée l'ouverture temporaire des mers polaires. Les explorateurs britanniques vont sauter sur cette opportunité pour partir à la recherche du fameux passage du Nord-Ouest. Si ils eurent de la chance quelques saisons, la suite fut plus difficile avec la perte de la fameuse expédition Franklin.

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    Expédition arctique en 1819

    Mais finissons notre tour du monde avec les Etats-Unis qui connurent leur première vraie crise économique, les gelées et la sécheresse dans l'est du pays détruisirent les récoltes, poussèrent les agriculteurs à la ruine, on vit des chutes de neige conséquentes en plein été ! 

    L'« année 1816-où-il-a-gelé-à-en-mourir ». Le 6 juin  « comme dans un mauvais rêve, il commença à neiger. De gros flocons, humides.» 

    « Les oiseaux tombaient des arbres, raides morts, tandis que les fermiers craignaient que leurs moutons qu’ils venaient de tondre ne survivent pas »

    La famine qui suivit déclencha un déplacement de population et la première ruée vers l'ouest et un afflux d'émigrants 

    «  1817 est l’année qui a vu le plus grand nombre de migrants britanniques et européens arriver sur le sol américain.»

     

    Finissons par une note culturelle  

    « Le froid était « exceptionnel » et les villageois se plaignaient du retard du printemps.Quelques jours plus tard, une tempête de neige leur gâcha la vue de Genève et de son célèbre lac »

    des tempêtes exceptionnelles se lèvent sur le Léman, que faire lorsqu'on ne peut pas sortir ?

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    Percy Shelley, Mary Shelley  Lord Byron

    « on compta 130 jours de pluie entre avril et septembre » Le froid était exceptionnel. Cet été sombre a certainement contribué à l'écriture d'un célèbre roman. Mary Shelley  « écrirait ainsi sa propre histoire d’horreur évoquant un sinistre monstre qui reçoit accidentellement la vie pendant une tempête » Frankenstein était né.

     

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    La peinture est, elle aussi, impactée par ces changements 
    On dit que les couleurs rouge orangé du ciel dans ces années là sont celles qui ont inspiré JMW Turner 

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    Les ciels de l'époque inspirèrent aussi John Constable

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    La baie de Weymouth  à l'approche de l'orage 
    John Constable - Musée du Louvre

    « En Grande-Bretagne, un pic extrême de vents venus de l’ouest soufflant en tempête et accompagnés de pelotons de nuages de pluie venus de l’Atlantique déferla mois après mois – une armée aérienne grise qui apporta la misère aux paysans de Grande-Bretagne comme dans l’ouest du continent. Dans une peinture de Constable datant d’octobre 1816, la baie de Weymouth – une jolie crique abritée sur la côte sud de l’Angleterre où l’artiste passait sa lune de miel – baigne dans une pâle lumière sous un ciel tourmenté gris-noir »

     

    Un livre passionnant, un rien effrayant quand même, ce n'est que vers les années 90 que les conséquences d'une éruption se firent jour grâce au progrès de la climatologie.
    Pourtant un homme avait fait le lien entre éruption et changement climatique « en juin 1783 l'éruption du  Laki, un volcan islandais provoqua un refroidissement brutal, des récoltes catastrophiques et, l’année suivante, la misère en Europe ; il fut aussi à l’origine de la formation de glaces menaçant la navigation transatlantique »  cet homme c'était Benjamin Franklin, un visionnaire. 

     

    Vous avez dit réchauffement climatique ? 

     

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    Le livre : L’année sans été - Gillen d’Arcy Wood - Traduit par Philippe Pignarre  - Editions La Découverte

  • La météo, le ciel, la couleur

     14 Octobre 1815

    « Ce jour-là, le Northumberland, à bord duquel se trouvait l'Empereur déchu, jeta l'ancre dans la baie de Jamestown après soixante-dix jours de mer. (…) Un air buté, massif, hostile à toue présence venant de la mer. Le plafond de nuages qui stagne au-dessus de l'île aggrave cette immobilité et cette lourdeur un peu obtuse. 
    Comme une vapeur malsaine, le ciel bas, couleur d'étain, oppresse l'île-forteresse

     

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    L'exilé et l'arapède - J M W Turner - Tate Gallery 

    « Il me semble que nous descendons tous de l'anglais Turner. Ce fut le premier, peut-être, qui sut faire flamboyer les couleurs dans leur éclat naturel »

     

    Les livres

    La Chambre noire de Longwood - Jean-Paul Kaufmann - La Table ronde
    Turner ses maîtres et ses héritiers - Beaux Arts Editions