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A sauts et à gambades - Page 91

  • La création balzacienne

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    " Il y a longtemps que l’auteur de cette étude désirait écrire un livre sur Balzac. Une première lecture suivie, aux environs de la vingtième année, avait eu sur lui l’effet d’un envoûtement, de ce charme si rare qui nous attache à une oeuvre non par ses qualités seulement mais par elle-même tout entière, et qui vous fait aimer, comme on aime certaines femmes, jusqu’à ses défauts les plus criants."

     

    Le livre : Balzac ou l’envers de la création romanesque - Ramon Fernandez - Editions Grasset

  • Une auteure, ses voyages, ses rencontres

    Béatrice Commengé est peut-être un nom que vous ne connaissez pas. Elle est traductrice et écrivain et sa spécialité ce sont les livres d’amitié. Amitié, compagnonnage, admiration pour un auteur. 

    Je la lis depuis bientôt trente ans ! J’ai commencé avec sa Danse de Nietzsche et j’ai continué en la suivant sur les chemins d’Hölderlin, de Rilke, et tout récemment Lawrence Durrell.

    C’est une femme qui aime la littérature et les voyages.

    commengé

    J’aime son parti pris de nous faire entrer dans la vie d’un écrivain par une porte dérobée, une visite à Durrell alors qu’elle était jeune, Rilke pour ses promenades au Luxembourg, Nietzsche pour les paysages de l’Italie.

    J’aime les récits qu’elle fait comme une voyageuse qui accompagnerait l’écrivain dans ses errances, dans sa recherche de la beauté, dans ses souffrances aussi. 

    J’ai beaucoup aimé son livre sur Nietzsche qui est aujourd’hui réédité chez Verdier, Nietzsche à Portofino, je me souviens de m’être promenée sur ces sentiers là avec ce livre sous le bras et être allée du texte au paysage pour sentir le bonheur de Nietzsche devant ces mêmes couleurs.

    commengé

    Rilke je l’ai expérimenté à Paris, il est âgé de quarante cinq ans et séjourne dans un petit hôtel face au Luxembourg. Six jours pendant lesquels, anonyme et presque clandestin il retrouve le Paris qu’il a aimé, où il a écrit. Il cherche ici l’inspiration qui lui permettrait de terminer ses Elégies, entamées mais jamais terminées.

    Eternel amoureux Rilke revient sur les pas de ses amours. Il revient sur sa rencontre avec Rodin, le maître.

    Pendant ces six jours le temps est comme aboli et Béatrice Commengé explore tous les contours de l’âme du poète en même temps qu’elle explore le quartier et les traces laissées par Rilke.

    commengé

    Rilke et Paul Valéry

    Le dernier de ses livres qui m’a particulièrement touché est consacré à Lawrence Durrell, un écrivain que j’ai déjà évoqué ici. 

    Béatrice Commencé est jeune la première fois où elle le rencontre, trente ans après le souvenir est toujours vif 

    «  Lawrence Durrell m’avait ouvert la porte en me demandant : “Aimez-vous l’Indian Curry ? 
    Sans une hésitation aucune, il me proposait de partager son délice d’enfant. Mon cerveau traduisit aussitôt : Darjeeling, 1920. C’était donc là qu’il vivait quand il avait faim – en enfance. Il se promenait dans un paysage dont on l’avait arraché à onze ans et qu’il n’avait jamais revu. J’étais venue chercher la Provence, la Grèce, l’Égypte, Alexandrie, et il m’offrait l’Himalaya. L’homme de soixante-quatre ans vivait toujours au pays de Kipling. »

    J’ai beaucoup aimé retrouver Durrell à Bellapaix à Chypre,  en Egypte bien entendu et en Provence.

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    Espace Durrell à Sommière

    Ces livres sont très attachants, très vivants, ils dressent des portraits subtils, riches. C’est un grand plaisir de suivre ses balades littéraires. J’espère que vous serez nombreux à tenter la découverte et à glisser ses livres dans vos valises parfois.

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    Les livres de Béatrice Commengé

    En face du jardin six jours dans la vie de Rainer Maria Rilke - Editions Flammarion
    Et il ne pleut jamais naturellement - Gallimard (sur Hölderlin)
    Une vie de paysage - Editions Verdier
    La danse de nietzsche - Editions Verdier poche

  • le génie de la langue

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    Jardin des roses de Muzot 

    Oui, j’aime écrire en français, quoique je ne sois jamais arrivé à écrire cette langue (qui plus que toute autre oblige à la perfection, puisqu’elle la permet) sans incorrections et même sans d’insidieuses fautes. Une grande partie de ma correspondance se passe en français. J’ai pensé, de cette façon, de dégager l’autre langue de presque tout emploi qui n’est pas d’art et d’en faire la pure matière de mon travail verbal.

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    J’ai réussi pendant quelque temps, puis, tout d’un coup, cet hiver, le français commençait à empiéter sur le terrain qu’il devait protéger. Un peu malgré moi j’ai fini par remplir tout un cahier de « vers » français qui ne sont pas (vous le devinez) bien avouables.

     

    Le livre : Lettres autour d’un jardin - Rainer Maria Rilke - Editions La Délirante

  • En Etrange pays - Karel Schoeman

    Le roman de Karel Schoeman se situe à la fin du XIXème siècle en Afrique du Sud. J'ai eu envie de relire ce roman en apprenant la mort de l'auteur

    Versluis, un bourgeois hollandais arrive à Bloemfontein après un voyage harassant, il vient soigner une tuberculose déjà bien avancée.

    Les débuts sont difficiles, épuisé par le voyage et la chaleur, il retrouve un peu d’allant et prend pension chez Mme Van der Vliet, une femme dévouée, efficace mais intrusive.

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    Tout une société gravite autour de lui, outre sa logeuse, la famille Hirsch qui respire la vitalité mais à la présence un brin insistante et le pasteur Scheffler.

    Petit à petit Versluis va élargir sa vision, il découvre la petite ville 

    « quelques rues autour d’une place de marché, avec la tour blanche du bâtiment du gouvernement et les cheminées et les toits, couleur argent des maisons parmi les eucalyptus, les saules et les arbres fruitiers. »

    Pour lui commence une vie sans heurts, une vie tranquille, comme amortie

    « Versluis pensait qu’il avait trouvé en Afrique le même genre de vie que celle qu’il avait abandonné en Europe. C’en était en tout cas une assez bonne imitation aux confins de la terre. »

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    On sait peu de chose de Versluis et K Schoeman semble le tenir à distance, nous ne saurons jamais son prénom par exemple. 

    Il se mêle à la vie locale tout en gardant une certaine réserve, il est invité aux mariages, aux pique-niques et aux soirées poétiques où il doit payer de sa personne en lisant quelques poèmes. 

    C’est avec le pasteur et sa soeur infirme qu’il a les discussions les plus satisfaisantes. Versluis le libre penseur et impressionne le pasteur par sa connaissance du latin 
    « j’ai toujours trouvé que Virgile était une grande consolation (...) Mon Virgile et mon Montaigne ne me quittent jamais, pour que je puisse les lire en voyage ou la nuit quand je ne dors pas. » 

    Le pasteur lui aussi aime les livres et a une bibliothèque qui exigea des efforts 

    « cette petite malle avec Goethe et Schiller et Shakespeare que j’ai transportée pendant tout le voyage en bateau et en chariot à boeufs »

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    Il doute et se sent seul, il exprime des regrets car il ne lui est plus possible 

    « d’avoir des amis parmi les Noirs, ce pays avait déjà commencé à s’interposer entre nous avec ses décrets arbitraires »

    C’est l’ultime étape pour Verluis, il le sait, bientôt il sera temps de

    « ne plus faire qu'un avec soi, dans l'obscurité parmi les pierres, les racines et le gravier »

    Contre toute attente il tente d’apporter de l’aide à un compatriote, Mr Gelmers, venu terminer sa vie en Afrique. 

    L’auteur livre sa réflexion sur la mort

    « accepter l'idée qu'on va mourir, cela implique une lutte, parfois même une lutte qui dure toute la vie »

    Un rythme du récit rendu lent par l’accablement provoqué par la chaleur intense. On devine à travers beaucoup de petites touches le devenir dramatique de ce pays. 

    La quête de Versluis est celle de tout être humain, quête de dépouillement illustrée par le veld infini

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    « une étendue vide qui attendait que quelque chose arrive » et « dont le vide contenait une immense promesse, et dont l’obscurité était chargée de mystère. »  quête de paix et de sérénité.

    L’écriture est somptueuse, délicate, et trouve nécessairement un écho chez le lecteur

    Je vous renvoie aux avis tout aussi enthousiastes que le mien d’Eeguab et Keisha sur le site Lecture/Ecriture  

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    Le livre : En étrange pays - Karel Schoeman - Traduit par Jean Guiloineau - Editions Phébus ou Libretto

  • Choisir sa mort

    Il y a des écrivains qui parviennent à se faire une place déterminante dans nos lectures. 
    Karel Schoeman est du nombre. Depuis la parution de son premier roman chez Phébus j’ai lu toute son oeuvre traduite. Un homme au parcours atypique : pensionnaire d’un monastère en Irlande, infirmier psychiatrique en Ecosse et bibliothécaire aux Pays Bas puis en Afrique du Sud.

     

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    Karel Schoeman était solidaire du peuple noir à une époque où ce n'était pas la norme.
    Son oeuvre est très large en particulier des livres d’histoire, des biographies et du théâtre. En France seuls ses romans sont traduits mais quels romans ! 

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    Karel Schoeman a fait le choix d’une mort volontaire, il a cessé de s’alimenter et de boire « pour ne pas se voir veillir » Il avait 77 ans

    Il est mort à Bloemfontein où se situe En étrange pays un roman que je viens de relire et dont je vous parlerai dans le prochain billet. Si vous cherchez des billets sur son oeuvre allez voir Eeguab qui est amateur 
    j'ai fait une chronique sur son roman Cette vie 

    Malheureusement en France du moins il n’a pas atteint la même notoriété que certains écrivains d’Afrique du sud alors que ses romans sont d’une grande force, certes ce sont des romans assez austères parfois mélancoliques mais je les ai lus avec un plaisir intense. 

    Toujours résolument opposé à l’apartheid et solidaire du combat pour son abolition, il avait reçu la plus haute distinction des mains de Mandela : l’Ordre du Mérite sud-africain

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    Dans un courrier à son avocat il dit espérer que son geste permettra que la question de l’autonomie des personnes âgées et leur choix de fin de vie soient discutés ouvertement.

    C'est une position que je partage totalement et contrairement à l’omerta française l’archevêque Desmond Tutu  à pris position en faveur de l’euthanasie.

  • La nature exposée - Erri De Luca -

    Je suis lectrice d’Erri De Luca mais pas fan véritable, jusqu’ici le livre qui m’a plu totalement c’est Un nuage comme tapis, livre consacré à la lecture de la Bible par l’auteur.

    Mais aujourd’hui j’ai eu un véritable coup de coeur pour son dernier roman.

    Le héros du livre, dont vous ne saurez jamais le nom, est ce que l’on appelle un passeur. Il convoie des hommes et des femmes par les sentiers de montagne pour enjamber la frontière, des voyageurs pour qui

    « Une adresse en poche leur sert de boussole. Pour nous qui n’avons pas voyagé, ils sont le monde venu nous rendre visite. Ils parlent des langues qui font le bruit d’un fleuve lointain. »

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    les Passeurs

    Mais ce n’est pas un passeur comme les autres car

    « je fonctionne différemment. Je me fais payer comme les autres et, une fois que je les ai conduits de l’autre côté, je rends l’argent. »

    oui mais la médiatisation le rattrape

    « Un de ceux que j’avais accompagnés un an plus tôt est écrivain, il a publié un livre sur son voyage »

    Il est temps de tirer sa révérence et de trouver une activité moins exposée.

    Il quitte son village et s’installe au bord de la mer et c’est là qu’il est chargé, car « On fait appel à moi pour de petits travaux de réparation de sculptures » de la restauration d’un Christ en croix, l’oeuvre 

    « semble parfaite, un bloc d’albâtre sculpté avec une intense précision. Je suis en admiration, je tourne tout autour, elle doit dater de la Renaissance »

    mais à l’époque un évêque un peu trop vertueux

    « ordonna de recouvrir la nudité par un drapé. Le sculpteur refusa, il fut évincé. Un autre ajouta cet affreux tissu qu’on voit maintenant. »

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    le respect de la pudeur

    Et voilà la tâche de notre sculpteur, aujourd’hui

    « l’Église veut récupérer l’original. Il s’agit de retirer le drapé. »

    Des rencontres l’y aideront : homme lecteur du Coran, rabbin, une femme des montagnes.

    J’arrête là mes révélations, la réflexion que mène Erri De Luca sur l’art, sur le sacré aujourd’hui, sont profondes, riches. Comment se mêlent sacré et profane, comment cohabitent chez un homme la tendresse et l’humilité, la volonté de réussir et le respect de l’oeuvre d’origine.

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    Le vocabulaire lié au métier, aux gestes, à la pierre, est superbe et m’a fait penser au livre Pietra Viva de Léonor Recondo que j’avais beaucoup aimé.

    Un beau moment de littérature et d’humanité 

    « Là où le dos s’appuie en haut contre la croix on voit une adhérence entre le corps et le bois. À cet endroit, le travail de sculpture a été difficile. Encore plus dans l’étroit passage entre le buste qui se tord en avant et la croix. Il y a de la place pour glisser la main et toucher les vertèbres. Les faisceaux musculaires de chaque côté de la colonne vertébrale sont la marque d’une grande pratique. »

    Je sais que Kathel a aimé ce livre comme moi

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     Le livre : La Nature exposée - Erri De Luca - Traduit par Danièle Valin - Editions Gallimard