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Littérature française et francophone - Page 29

  • Glaise - Franck Bouysse

    C'est le troisième roman de Franck Bouysse que je lis, le premier m'avait beaucoup plu, un peu moins le second mais avec Glaise j'ai retrouvé tout le plaisir éprouvé en lisant Grossir le ciel. 

    Le rendez-vous ? 1er août 1914 dans un village du Cantal au pied du puy Violent

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    Puy Violent

    Les fermes en vingt-quatre heures se vident de leurs hommes. Chez les Lary c'est Victor le père qui part juché sur son vieux percheron que l'armée réquisitionne au passage, Marie sa mère et Mathilde sa femme devront faire face, heureusement il y a Joseph, un bon garçon de 15 ans.  Les deux femmes et le garçon pourront compter sur Léonard leur voisin qui aide volontiers aux travaux des champs et qui n'est jamais avare de bons conseils et de tendresse pour Joseph.

    Chez les Valette la chanson est différente, Eugène le fils est parti, le père enrage que sa main accidentée l'empêche de partir, c'est un tordu " Un type violent, sournois et envieux " tout doit plier sous sa main. Lorsque son frère l'instituteur, celui qui a réussi,  lui envoie sa femme, Hélène, et sa fille, Anna, pour être à l'abri des combats, elles vont payer pour toute la rancoeur qu'il a accumulé.

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    Les femmes font un travail d'homme

    Joseph malgré la désapprobation de sa mère, se rapproche d'Anna, ressent les émois d'un premier amour. Il leur faut se cacher de Valette étouffé par sa rancoeur et qui tourne autour d'Anna.

    L'été s'avance, les saisons passent " le balancier d'une pendule répandait du temps en un lieu qui ne savait apparemment qu'en faire. " et les nouvelles du front sont maigres. Les premiers morts du village font faiblir l'espoir d'une victoire rapide. 

    Les sentiments des uns et des autres vont être nourris par ce temps qui passe, Joseph voit son " univers amputé de la part tendre de l'enfance.Il est contraint de " Devenir un homme avant l'âge d'homme.

    Valette lui le temps révèle tous ses défauts, sournois, envieux, frustré et plein de colère et de haine, il rend la vie impossible à Irène sa femme qui s'en venge sur Anna et sa mère. 
    Les relations se tendent, la méfiance et la peur s'insinuent dans les têtes et l'amour fou éclate.

     

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    Une ferme du Cantal

    Franck Bouysse est un excellent artisan, un faiseur d'histoires et de personnages. 
    L'auteur aime les mots et son récit est nourri, rythmé, il sait donner de la pesanteur à son histoire, il prend son temps. Le lecteur pénètre derrière lui dans les fermes, on entend le vrombissement des mouches, on sent l'orage venir, l'air qui se raréfie. Il y a de la sensualité dans la description des amours mais aussi dans celle d'une nature pas toujours tendre.
    Un bon roman, servi par une écriture ample et parfaitement accordée au récit. 

    Après Grossir le ciel, voilà une seconde réussite qui fait plaisir et qui fait revivre un monde rural en perdition.

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    Le livre : Glaise - Franck Bouysse - Editions Manufacture de livre

  • Un été avec Paul, George et Jane

    Vous le savez j'aime les livres audio et j'aime aussi podcaster les émissions de radio quand elles sont de qualité et vous embarquent dans le monde littéraire.

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    Chez Mango et Salt

    Cet été je me suis baladée  plusieurs heures dans les pas de Cézanne, j'ai retrouvé là le Cézanne que j'avais aimé dans la Petite route du Tholonet, ça sentait la garrigue et j'étais éblouie par la Sainte Victoire une fois encore. J'y ai retrouvé aussi l'envie de lire Zola et l'oeuvre, le roman qui le fâcha si fort avec Cézanne, promis j'en parlerai un de ces jours. 

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    Le Jas de Bouffan à Aix en Provence

    Ensuite La Grande Traversée m'a emmené sur un chemin vers George Sand, là aussi j'ai déjà quelques connaissances mais c'est bon de la retrouver que ce soit en politique, dans son jardin de Nohant au devant les partitions des son célèbre amant.

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     Si vous aimez George Sand ou si tout simplement vous êtes curieux foncez !

    Enfin un petit tour chez Jane Austen, un peu indispensable, j'ai profité de l'été pour relire Raison et sentiments, j'y ai pris un plaisir certain et j'ai été étonné du final du roman dont je gardais un souvenir différent sans doute trop influencée par les adaptations cinéma et téléfilms. 

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    Comme je suis une impénitente écouteuse de livres audio j'ai enrichi ma collection par le livre audio du roman.
    J'en profite pour faire un peu de pub aux Editions Thélème qui sortent régulièrement des classiques avec des lecteurs de qualité, j'espère qu'ils compléteront la collection avec Mansfield Park et Emma.

     

    A bon écouteur salut

  • L'Odeur de la forêt - Hélène Gestern

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    Parce qu'elle a lié amitié avec Mme de Chalendar, Elisabeth Bathori, historienne à L'Institut pour la mémoire photographique du siècle, se voit confier la correspondance d'Alban de Willecot un jeune homme mort au front en 1917.

    Particularité : l'essentiel de la correspondance est adressé à un grand poète de l'époque : Anatole Massis dont malheureusement les réponses aux lettres d'Alban ont disparu.

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    Apollinaire : un poète à la guerre

    Elisabeth est aussitôt passionnée par ce travail, les documents viendront enrichir le fond de l'Institut mais au-delà, ce travail lui permet de sortir peu à peu d'une sévère dépression suite à la mort de son conjoint.

     

    Elisabeth s'attache à Alban de Willcot. Quelques mois plus tard à sa grande surprise elle hérite une maison de Mme de Chalendar, charge pour elle de poursuivre les recherches sur la famille, d'explorer les zones d'ombre de l'histoire familiale, de rechercher les documents manquants. 

    Elisabeth s'installe dans cette maison où tout lui plait. Grâce à son obstination et à ses méthodes de recherche, peu à peu l'histoire prend forme, un personnage nouveau apparait : Diane, jeune fille passionnée de mathématiques mais que les moeurs de l'époque empêchent de faire des études, elle a, elle aussi, correspondu avec Alban, elle a tenu un journal qui conduira Elisabeth à élargir ses recherches loin de la France et au-delà de la Première Guerre. 

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    Ces cartes qui maintenaient le lien

     

    C'est une traversée du siècle que propose Hélène Gestern. A travers les traces laissées : photos, lettres, journaux, la reconstitution du passé devient possible et fait oublier à l'héroïne sont douloureux présent 

    « J’empruntais la vie d’une autre, je mettais mes pas dans les siens, j’adoptais son histoire. Était-ce malsain, morbide, immoral ? Je ne le savais pas et je n’avais pas voulu me poser la question, me laissant guider par une mémoire qui ne m’appartenait pas, mais dont j’épousais sans discuter les méandres. Parce que, à la faveur de cette enquête sur les lettres centenaires d’un soldat dont j’ignorais l’existence quelques mois plus tôt, quelque chose d’infiniment lent avait commencé à remuer à l’intérieur de moi, quelque chose qui n’avait pas encore ni forme ni nom, mais qui poussait obscurément les parois du chagrin pour réclamer l’énoncé de la lumière. »

     

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    Lettres des poilus

    C'est une belle façon de mettre en avant ces disparus « avalés par la guerre, le temps, le silence »; de mettre à l'honneur le travail parfois fastidieux des historiens, archivistes, tous ceux qui permettent que l'histoire ne soit plus seulement celle des événements mais aussi celles d'hommes et de femmes.

    J'ai beaucoup aimé ce roman, très dense. Grâce à l'habileté d'Hélène Gestern on suit les traces, on déroule le fil de l'histoire. J'ai été prise par la richesse du récit, par la complexité de ses personnages, par les problèmes évoqués au fil des pages : la place des femmes qui change avec la guerre, les secrets familiaux qui empoisonnent parfois plusieurs générations, les vérités pas toujours bonnes à dire sur les faits historiques.

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    Ces hommes longtemps niés, cachés

    J'avais lu avec plaisir son roman précédent : Eux sur la photo, mais j'ai vraiment aimé celui-là et je vous le recommande comme une lecture d'été tout à fait passionnante

     

    Le livre : L’Odeur de la forêt - Hélène Western - Editions Arléa

  • L'Auberge rouge - Honoré de Balzac

    Je poursuis ma lecture de Balzac avec l’Auberge rouge que j’ai apprécié.

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    l'auteur au travail

    Un banquier, Monsieur Hermann un « bon gros allemand » dîne en compagnie d’amis et relations.

    En fin de repas l’hôte annonce

    « Avant de nous quitter, monsieur Hermann va nous raconter encore, je l’espère, une histoire allemande qui nous fasse bien peur. »

    Hermann choisit une histoire qui se déroula alors qu’il était prisonnier des français :

    En 1799 deux chirurgiens militaires en route pour leur garnison traversent  le pays Souabe et passent la nuit dans une auberge entièrement peinte en rouge.

     

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    L’auberge est bondée et l’aubergiste les avertit

    « Si vous tenez à coucher dans un bon lit, je n’ai plus que ma propre chambre à vous offrir. » 

    Chambre qu’ils vont partager avec un homme de passage qui fuit les hostilités et qui dit imprudemment

    « J’ai cent mille francs en or et en diamants dans ma valise ! ». 

    Prosper Magnan l’un des chirurgiens est troublé par la présence de cette fortune. Il s’imagine riche.

    « Ses pensées prirent insensiblement une mauvaise pente. Il songea très exclusivement aux cent mille francs sur lesquels dormait le négociant. Pour lui, cent mille francs étaient une immense fortune tout venue. Il commença par les employer de mille manières différentes, en faisant des châteaux en Espagne » 

    Au réveil son compagnon a disparu et le spectacle est épouvantable 

    « La tête du pauvre Allemand gisait à terre, le corps était resté dans le lit.Tout le sang avait jailli par le cou. »

    Il a été tué à l’aide d’un instrument chirurgical or

    « L’instrument de chirurgie dont s’était servi l’assassin se trouvait sur la table avec la trousse, le portefeuille et les papiers de Prosper. » 

    Arrestation de Magnan, procès et condamnation à mort.

    Le récit terminé le banquier glisse qu’il pense avoir démasqué l’assassin, qu’il connait l’identité du meurtrier car Prosper Magnan était innocent le banquier en est certain.

    Le narrateur présent à ce diner est lui aussi d’une certaine façon impliqué dans cette histoire (je ne vous dirai pas comment)  il va petit à petit deviner la vérité et s’apercevoir que cela va le contraindre à prendre une décision importante.

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    « Les vallées, les sentiers, les arbres exhalaient cette senteur automnale qui porte à la rêverie ; les cimes des bois commençaient à se dorer, à prendre des tons chauds et bruns, signes de vieillesse ; les feuilles tombaient, mais le ciel était encore d’un bel azur, et les chemins, secs, se dessinaient comme des lignes jeunes dans le paysage, alors éclairé par les obliques rayons du soleil couchant. »

    Balzac aime bien les récits à emboîtements, procédé dont il use régulièrement. Dans cette nouvelle il peint avec habileté la société et les moeurs de l’époque. Il avance très habilement les thèmes de la culpabilité, du remord qui taraude, de la responsabilité. En sous-main on peut aussi penser que Balzac nous alerte sur l’origine de l’argent dans une certaine société.

    L'Auberge Rouge est une nouvelle philosophique, très courte et très efficace. Elle n'a rien à voir avec le film du même titre.

     

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    Le livre : L’auberge rouge - Honoré de Balzac - Edition numérique Arvensa ou en Folio à 2 €

  • Peinture et littérature

    Quand un tableau est à la fois peinture et littérature 

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    « Il ne suffit pas de regarder pour voir. Proust le savait, lui qui avait remarqué que le tableau du Mauritshuis de La Haye s’était imprimé dans sa mémoire, non par impression de l’ensemble, mais par ce « petit pan de mur jaune » qu’on aperçoit immédiatement à gauche des tours de la porte de Rotterdam, l’une des deux portes, celle de droite, qui ferme l’enceinte, séparée par un pont sous l’arche duquel l’eau du Zuidkolk pénètre dans la ville et irrigue ses canaux. 

    A bien le regarder, le « petit pan de mur jaune » n’est pas vraiment jaune, il est plutôt d’or liquéfié, émulsionné sous le coup de soleil, presque dématérialisé par le rayonnement de la lumière. »

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    « Enfin il fut devant le Ver Meer qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. (…) C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune

     

    Le livre 

    Vermeer le jour et l’heure - Jacques Darriulat et Raphaël Enthoven - Editions Fayard
    La prisonnière - Marcel Proust - Editions Gallimard

     

  • Noire splendeur

     

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    « Il importe de se rappeler que l’auteur de cette suite extraordinaire, n’avait que vingt-deux-ans. »

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    « Regardons les ces Prisons, qui sont, avec les Peintures noires de Goya, une des oeuvres les plus secrètes que nous ait léguées un homme du XVIII ème siècle. »

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    « Aucun connaisseur en matière onirique n’hésitera un moment en présences de ces pages marquées par les principales caractéristiques de l’état de songe »

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    « Ce monde factice et pourtant sinistrement réel, claustrophobique, et pourtant mégalomane, n’est pas sans nous rappeler celui où l’humanité moderne s’enferme chaque jour davantage, et dont nous commençons à reconnaître les mortels dangers. »

     Les 16 gravures 

    Le livre : Le cerveau noir de Piranèse - Marguerite Yourcenar - Editions Pagine d’Arte