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Adieu - Honoré de Balzac

Après la Grande Bretèche et l'Auberge rouge voilà encore une superbe nouvelle, moi qui ne suis pas fan du genre en temps normal, je dois dire que j’apprécie celles de Balzac qui réservent de belles surprises.

Je vais tenter d’en dire suffisamment pour vous faire précipiter sur cette nouvelle et cependant ne pas vous gâcher la lecture.

C’est la Restauration, le baron Philippe de Sucy revenu de Sibérie après la défaite de Napoléon, fait une partie de chasse avec son ami le marquis d’Albon. Ils s’égarent et arrivent à un prieuré, celui des Bons-Hommes. Les bâtiments et dépendances sont à l’abandon, le parc est retourné à l’état sauvage. 

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Peut être le prieuré qui a inspiré Balzac

« Les fenêtres vermoulues étaient usées par la pluie, creusées par le temps ; les balcons étaient brisés, les terrasses démolies. Quelques persiennes ne tenaient plus que par un de leurs gonds. Les portes disjointes paraissaient ne pas devoir résister à un assaillant. Chargées des touffes luisantes du gui, les branches des arbres fruitiers négligés s’étendaient au loin sans donner de récolte. De hautes herbes croissaient dans les allées. Ces débris jetaient dans le tableau des effets d’une poésie ravissante, et des idées rêveuses dans l’âme du spectateur. »

Ils aperçoivent une femme :

« Les deux chasseurs étonnés la virent sauter sur une branche de pommier et s’y attacher avec la légèreté d’un oiseau. Elle y saisit des fruits, les mangea, puis se laissa tomber à terre avec la gracieuse mollesse qu’on admire chez les écureuils. Ses membres possédaient une élasticité qui ôtait à ses moindres mouvements jusqu’à l’apparence de la gêne ou de l’effort. Elle joua sur le gazon, s’y roula comme aurait pu le faire un enfant ; puis, tout à coup, elle jeta ses pieds et ses mains en avant, et resta étendue sur l’herbe avec l’abandon, la grâce, le naturel d’une jeune chatte endormie au soleil »

Philippe de Sucy la reconnait. C’est Stéphanie de Vandières, son amie et amour, elle ne semble plus avoir toute sa raison et murmure sans interruption : Adieu.

La rencontre provoque un tel bouleversement chez Philippe qu’il perd connaissance. Son ami cherche à comprendre. C’est l’oncle de Stéphanie qui va les éclairer.

La trame est simple et même banale, mais voilà c’est Balzac et je vous assure qu’il n’y a pas un mot de trop dans ce récit. 

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L’évocation du désastre de la Bérézina est particulièrement réussi, cela vaut tous les livres d’histoire par la justesse, la précision et l’ampleur du récit.

« L’apathie de ces pauvres soldats ne peut être comprise que par ceux qui se souviennent d’avoir traversé ces vastes déserts de neige, sans autre boisson que la neige, sans autre lit que la neige, sans autre perspective qu’un horizon de neige, sans autre aliment que la neige ou quelques betteraves gelées, quelques poignées de farine ou de la chair de cheval »

Mais il y a plus dans cette nouvelle, la folie dont est atteinte Stéphanie de Vandières est très bien décrite et l’on sent que Balzac c’est intéressé de près à la psychiatrie balbutiante à l’époque.

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Le Dr Pinel psychiatre lyonnais - Tony Robert-Fleury 

J’ai aimé le personnage de Stéphanie dont Balzac fait une belle héroïne victime d’une période tragique. Il y a beaucoup de violence dans le récit de la déroute, le tableau est ample, les personnages sous l’emprise de la peur ou du courage sont très bien campés et l’on comprend bien que les rescapés ne reviennent pas indemnes. On retrouvera ce thème dans le Colonel Chabert.

C’est une belle réflexion sur la capacité de l’homme à supporter l’adversité ou à tenter de l’oublier. 

 

Le livre : Adieu - Honoré de Balzac - Editions numériques Arvensa

Commentaires

  • Homme qui a traversé son siècle (demi) goulûment jusqu'à l'épuisement. Homme assumé, j'aime. Alors que les auteurs contemporains racontent des mièvreries, des choses qui ne sont même pas à écrire, encore moins publiables, ce Monsieur Honoré de Balzac était le maître de l'intrigue. La foison de ses personnages laisse pantois.
    Tout ce qu'il a écrit était profondément de son temps, ses observations n'étaient pas décrites avec le réalisme qu'on lui attribue trop souvent, c'était ce qu'il avait envie de dire, l'imagination faisant le reste, l'artiste en somme. Cette âme d'artiste en tout cas fait de lui un écrivain indémodable
    Juste un bémol qui empêche un rayonnement total de son œuvre, les gens de condition modeste, il ne semblait pas connaître. Mais par sincérité envers lui-même je pense

  • il décrit effectivement SON monde il y a là je trouve une sincérité et une honnêteté plutôt réjouissante

  • Une nouvelle très romantique, loin du Balzac réaliste, Cela m'avait amusée de découvrir cette autre facette d'un écrivain, pas si classique que cela ... Mais je suis étonnée de la dernière remarque de Patrice, il y a pas mal de personnages modestes dans la comédie humaine, je pense à La rabouilleuse, Eugénie Grandet, entre autres que j'oublie surement !

  • Des personnages modestes quant à leur finances mais pas complètement modestes, Eugénie est la fille d'un homme riche

  • oups j'ai cliqué trop tôt, je n'ai pas trouvé ton billet sur cette nouvelle je l'ai peut être raté

  • elle vaut la peine franchement

  • Rien que pour la Bérézina, je le note, finalement j'ai surtout des images d'Epinal dans la tête à propos de cette grande déroute. Et le personnage de Stéphanie a l'air très intéressant. C'est un recueil tout seul où il est groupé avec d'autres nouvelles ?

  • je ne sais pas si on peut trouver cette nouvelle en livre papier, je l'ai lu en numérique mais en tapotant sur le site de Decitre par exemple tu dois trouver un recueil qui la contient

  • A part "Le lys dans la vallée", lu à 18 ans et dont je garde un souvenir ébloui, je n'ai pratiquement pas lu Balzac. Tout à fait honteux, mais c'est ainsi. J'ai essayé il y a quelques années, sans y parvenir. Les citations que tu nous offres sont très belles. Donc, ne désespérons pas, je tenterai à nouveau ma chance un jour ou l'autre.

  • je te conseille de commencer par les nouvelles, celles que j'ai chroniqué ici étaient franchement excellentes, elles sont courtes, elles n'ont pas les défauts de longueur descriptive de certains romans alors je trouve que c'est une bonne façon d'entrer chez Balzac

  • Bonjour Dominique, grâce à toi, j'ai découvert que Balzac avait aussi écrit des nouvelles. Adieu me semble prenante. On n'a pas fini de découvrir Balzac, plus de 167 ans après sa mort. Bon dimanche.

  • toutes les nouvelles que j'ai chroniqué ici m'ont plu, j'ai lu une grande partie des romans mais les nouvelles souvent je cale un peu, or là j'ai vraiment eu un vrai plaisir de lecture avec celles de Balzac

  • J'aime énormément les nouvelles de Balzac, et je n'ai pas lu celle-ci. Quelle chance!! Tout ce que tu en dis...hop, je la demande à mon..comment l’appelles-tu? Hidalgo, c'est ça!

  • A lire en numérique mais ton Hidalgo a tout ce qu'il faut :)

  • Hélas ! je découvre toujours des oeuvres de Balzac que je ne connais pas ! Dans le Julien Gracq que je viens de lire il y est question des Chouans ( c'est la région) que j'ai toujours refusé de lire mais la lecture de Gracq me donne envie de m'y mettre. Toi aussi avec cette nouvelle.

  • Les Chouans c'est excellent il faut que je fasse un billet un jour ou l'autre
    Balzac cela fait maintenant un an que je lis ses récits courts et j'y prends un plaisir total

  • Encore une nouvelle que je n'ai pas lue... tu vas finir par me rattraper, il faut que je me remette à Balzac !

  • Balzac a un talent fou pour décrire les détails, il a l’œil d'un peintre ! J'aime beaucoup - second degré - "la gracieuse mollesse de l'écureuil", quel compliment ! Bises, belle journée Dominique. brigitte

  • parfois ses descriptions sont un peu lourdes mais là tout est parfait

  • Lire et relire Balzac, je prévois ça , il a beaucoup écrit et on ne va pas s'en plaindre.

  • je fais ça lentement à ma main mais avec un plaisir immense

  • Vous voilà donc mieux avec les nouvelles, grâce à Balzac. J'espère que vous en viendrez un jour aux plus modernes.
    Adieu : une nouvelle pièce de choix à ajouter au parcours balzacien que vous illustrez bien.

  • petit à petit je me fais au format de la nouvelle, du coup j'ai prévu de m'attaquer à Henry James que j'apprécie beaucoup comme romancier mais dont je ne connais que quelques nouvelles les plus connues

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