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Le Rouge et le Noir - Stendhal

« Je l'ai fait en un quart d'heure, avec l'expérience de toute ma vie » *

 

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Une jolie édition reliée contre mes vieux poches, c'était la bonne occasion pour relire ce roman qui m'a enthousiasmé à l'adolescence, relu lorsque j'en avais proposé la lecture à mes filles, alors aujourd'hui mon goût a-t-il changé ?

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Un vieux poche

Oui assurément car si mon penchant pour ce roman reste intact je m'aperçois que ce qui me plait le plus dans ce roman n'est pas du tout ce qui me plaisait il y a des lustres.

Bon ne comptez pas sur moi pour un résumé, pas un mot, par contre je ne résiste pas à l'envie de parler des quelques passages qui m'ont surpris, ou qui ont pris une tonalité nouvelle.

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On peut se passer de l'adaptation 

A l'occasion de cette relecture j'ai rouvert des essais sur Stendhal et je vais m'en servir largement pour ce billet.

Tout d'abord la surprise  d'avoir eu envie de rire, je ne ne souviens pas d'avoir ri adolescente tellement prise par la passion de Julien.
La critique féroce de la société est jubilatoire, mêlée à un anticléricalisme forcené cela donne lieu à des scènes très très croquignolettes, l'Evêque d'Agde s'entrainant à bénir la foule est tout à fait hilarant. Il faut dire que contre le clergé Stendhal ne fait pas dans la demi-mesure.

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Mais je n'ai pas toujours ri, car par exemple les pages sur le passage au séminaire de Julien Sorel sont parfois sordides , Alain dit « Les pages du séminaire, dans le Rouge et le Noir, sont atroces » 

Rappelons nous que Stendhal est celui qui a écrit « La seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas », une phrase à rendre vert de jalousie Nietzsche ou Michel Onfray. 

Bien entendu les pages superbes sur la naissance de l'amour entre Mme de Rênal et Julien je les avais bien en tête, les mains qui se frôlent, le parfum des tilleuls, la douceur de la nuit, le jeu des échelles posées, cachées, déplacées. 

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Mme de Rênal et Julien Sorel

Di Lampedusa dit  « A travers son Julien Sorel, Stendhal s'est exprimé lui-même, tel qu'il était réellement, avec ses ambitieux désirs. » Stendhal l'amoureux parfois éconduit a su transmettre ses désirs en effet.

Adolescente j'ai eu l'impression de céder au romantisme alors que Jean Prévost est d'un avis contraire « Cette fête de l'intelligence, servie par une technique si nouvelle, était profondément contraire à la tradition, à la mode romantique »  

Parce que ce roman n'est pas bien évidement qu'une histoire d'amour fou, Di Lampedusa nous dit :

« Le Rouge et le noir est, principalement, une effusion lyrique et un roman d'analyse psychologique, mais c'est aussi la peinture d'une époque et un livre où les faits se succèdent rapidement »

J'ai été très sensible à cette troisième lecture à la peinture d'une société où l'hypocrisie est reine, le conformisme total, où il y a collusion entre la religion et la morale bourgeoise, où l'envie de puissance, l'ambition, le culte de la réussite régnent en maître.

Enfin comme le dit Italo Calvino, l'âge mûr porte à être attentif aux détails. J'ai été très sensible au style. 

Voici ce que dit Alain du style de Stendhal

« Les traits fulgurants que vous trouverez partout dans notre auteur, et qui font comme ces nettoyages de tableaux, les couleurs soudainement sont fraîches, les gens vivent, sans qu'on voie par quels ressorts, car le récit va courant. On commence peut être à comprendre le miracle de ce style dépouillé, si émouvant »

Vous remarquerez que les  dialogues 

« relèvent d'une technique si raffinée qu'à première vue elle passe inaperçue.(…) le caractère des gens, nous le comprenons généralement à travers leurs actions, leurs regards, leurs balbutiements, la crispation de leurs doigts, leur silence ou leur éloquence soudaine, la couleur de leurs joues, le rythme de leurs pas, presque jamais à travers leurs propos, qui sont toujours des masques pudiques ou insolents de leur intériorité » nous dit l'essayiste italien.

 

Une dernière remarque : Stendhal ne décrit pas les lieux, et pourtant on y est, comment fait-il ?

«  Les lieux qui doivent servir de décor aux épisodes cruciaux ne sont absolument pas décrits, mais suggérés par une simple présentation préalable : ensuite quand la scène s'y déroulera, le lecteur pourra utiliser l'image mentale qui s'est formée en lui avant », dixit Lampedusa, j'ai feuilleté certaines pages et on ne peut qu'être d'accord.

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Voilà comme promis je n'ai pas dis un mot de l'intrigue, j'espère néanmoins vous avoir donné l'envie de relire le roman comme Luocine l'a fait il y a peu.

C'est un roman inépuisable, la marque du classique absolu, Albert Thibaudet avait raison lorsqu'il écrivait :

« Les contemporains n'ont à peu près rien compris au Rouge et noir, et Stendhal ne s'en est guère soucié résigné à l'inévitable, et confiant dans le billet de loterie dont le gros lot était : être lu cent ans après » 

Songez que Le Rouge et le Noir en est à dix versions en chinois !  

 

Si vous cherchez une biographie de Stendhal c'est là 

 

* la phrase est de Whistler mais Jean Prévost qui la note dans son essai, la trouve totalement adapté à Stendhal.

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Petite bibliothèque Stendhalienne

 

Les livres

Le Rouge et le Noir - Stendhal
La création chez Stendhal - Jean Prévost - Folio
Stendhal - Alain - PUF
Stendhal - Albert Thibaudet - Hachette (uniquement à chercher d'occasion)
Stendhal - Giuseppe Tomasi Di Lampedusa - Allia

Commentaires

  • Quand je l'avais lu au lycée, je n'avais pas compris grand-chose, notamment le passage de Julien à Paris avec les histoires politico-je-ne-sais-plus-quoi et les luttes d'orgueil entre Mahilde et Julien m'étaient incompréhensibles. Je l'ai relu il y a quelques années et j'avais été marquée par les références de Mathilde qui, en gros veut vivre comme une dame de la Renaissance et qui reproche aux hommes de son temps de n'être pas grand-chose. En revanche j'ai visiblement été moins marquée que toi par la 1e partie et Mme de Rênal... ce sera pour une autre relecture !

  • C'est drôle ce que tu écris, à l'époque, mais il faut dire que je l'ai lu trop jeune, je n'ai rien compris aux problèmes de société mais alors rien du tout, j'étais en pâmoison devant Mathilde depuis .....

  • Est-ce Calvino qui a écrit qu'un classique est un livre qui n'a jamais fini de dire ce qu'il a à dire ? Et à chaque lecture, nous nous arrêtons sur certains mots, phrases, passages, que nous avions lus sans y faire assez attention.

  • Oui tout à fait Calvino le dit avec esprit et justesse, parois il se moque quand il dit que ce sont les livres que tout le monde relit sans les avoir jamais lus
    Mais ses réflexions sont parfaitement justes et se vérifient avec tous les grands classiques

  • Voilà une bien belle façon de donner envie de relire "Le Rouge et le Noir", lu il y a très longtemps ! Merci Dominique.

  • J'alterne entre les parutions un peu récentes et les classiques jamais lus ou comme ici que j'ai envie de relire

  • Un très bon souvenir de lecture. L'histoire, à priori, ne me tentait pas plus que cela, mais j'avais beaucoup aimé le style, pas du tout vieillot contrairement à d'autres romans parus bien après.

  • on se laisse charmé et la relecture permet d'être très attentif au style n'ayant plus aucune surprise avec l'histoire elle même

  • Oui j'adore ce roman et c'est un des rares classiques que je peux relire sans m'ennuyer. Avec les romans russes. On oublie à quel point Stendahl est moderne dans s façon d'écrire et de penser.

  • aux Russes, à Stendhal et Proust j'ajoute Balzac nouvellement découvert pour moi avec ses nouvelles et puis Faulkner et Steinbeck euh ...ça fait déjà beaucoup

  • C'était et c'est toujours mon roman préféré du XIX siècle. je l'ai lu plusieurs fois , relu avec mes élèves. Mais c'est vrai qu'il y a longtemps que je ne l'ai pas rouvert; J'ai été très sensible à la critique de la société quand j'étais jeune, En particulier, le discours de Julien au tribunal me faisait vibrer. Et la morgue des grands, et les subtiles humiliations qu'ils réservent à ceux qu'ils considèrent comme inférieurs et l'hypocrisie de l'église, l'arrivisme ... Mais cela ne me faisait pas rire même si, bien sûr, il y a une ironie terrible de la part de Stendhal, Cela me mettait en colère comme Julien. Il faudra que je le relise maintenant. Tu as raison,on ne peut recevoir une oeuvre de la même façon selon l'âge.

  • l'aspect critique est fort et m'a marqué à la seconde lecture, ici c'est l'anticléricalisme qui m'a sauté aux yeux et puis cette ironie mordante, drôle parfois que je n'avais jamais perçu je crois

  • j'ai essayé de coller l'limage de mon plus beau Stendhal : Florence Rome avec dees illustratioon merveilleuses mais Hautetfort ne'accepte pas mon image

  • je crois qu'on ne peut pas mettre d'images dans les commentaires

  • Je pensais avoir laissé un commentaire et je ne le vois plus ... Je disais que je l'avais lu dans ma jeunesse et je suis sûrement passée à côté. Pas assez de vécu et de culture générale à ce moment-là pour pleinement apprécier. J'ai vu le film avec Gérard Philippe il y a longtemps aussi.

  • je crois moi aussi avoir lu ton commentaire ..mystère
    finalement c'est bien de faire plusieurs lectures, on engrange des sensations différentes
    le film ne me parait pas pleinement réussi mais il faudrait que je le revois

  • Bonjour,
    Tous ces gens de lettres cités évoquent l'exigence en litterature.
    J'ai une pensée pour Prévost qui a tant donné pour servir la grande littérature. Son abnégation est remarquable. "Si l'on suivait , pour juger un écrivain, les jugements que lui- même a portés sur ses différentes œuvres, on se tromperait toujours de la même façon.."

  • Comme toi j'apprécie Jean Prévost c'est d'une belle sobriété et d'une grande richesse

  • il n'est pas trop tard

  • Relu il y a peu, c'est comme toi le portrait de la société qui m'a le plus intéressée...et le style!

  • Décidément voilà un roman que nous sommes nombreux à avoir relu

  • Je ne sais pas si j'aurais envie de relire ce livre, il m'avait pourtant emballée à l'époque, je tenterai peut-être cette expérience... J'ai lu l'an dernier, avant un voyage dans cette ville, "Promenades dans Rome", je me suis régalée !!! Bises, belle soirée Dominique. brigitte

  • Stendhal et l'Italie c'est tout à fait magique

  • Un beau billet sur Stendhal, c'est toujours si agréable à lire... Mais je précise quand même, Dominique, que nous donner autant envie de relire les classiques, en période de PAL en surpoids, ce n'est pas bien, pas bien du tout ! En plus, tu convoques Di Lampedusa, Calvino, enfin, autant de poids lourds qui donnent envie de dévorer des bibliothèques entières...

  • oui j'ai honte et je vous demande de me pardonner :-)

  • Le "classique absolu", que voilà une belle expression, et si juste ! Rire en lisant le Rouge et le Noir, mais oui, vous avez raison, en y réfléchissant bien... J'ai gardé pour toujours en moi la scène où Julien compte les heures, les minutes, les secondes, avant d'oser prendre la main de Mme de Raynal...
    Votre billet est succulent. Je relis Mme Bovary. Et si vous le relisiez aussi pour nous offrir un autre billet tout aussi gourmand ?
    Bonne journée.

  • c'est une relecture à mon programme d'autant que j'ai trouvé une jolie édition et que je vais me faire un plaisir de le relire

  • tiens, il faudrait que je le relise parce qu'ado, je suis passée à côté, je crois bien...

  • oui je connais ça les livres lus trop vite ou trop jeune

  • Excellente idée de remettre en exergue ce très beau roman de Stendhal. Je m'étais promis de le relire également cette année, après deux premières lectures il y a plus de 15 ans. Merci pour les commentaires très intéressants

  • et merci pour ce commentaire très sympa

  • Je me demande si on ne reconnait pas un classique à ce qu'on le relit avec plaisir mais en y découvrant d'autres choses. je suis sûre que Le rouge et le noir (lu deux fois) me ferait cet effet.

  • c'est la définition de Calvino qui ajoute un peu moqueur pour les faux lecteurs, classiques des livres que personne ne Lit mais que tout le monde Relit

  • Je n'ai pas aimé à ma première lecture ( j'étais jeune au lycée...). comme toi, quand j'ai fait une relecture il y a deux ou trois ans, ce que j'ai préféré est la satire et la peinture de la société ! J'aime beaucoup ! Même effet pour L'éducation sentimentale !

  • ah bonne idée l'Education sentimentale car je ne l'ai que très peu apprécié donc à voir

  • La Chartreuse de Parme ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, mais je ton billet me fait penser que "Le Rouge et le Noir" pourrait beaucoup me plaire. Sinon, en voyant les photos de tes livres, je me dis que tu dois avoir une bibliothèque magnifique.

  • je préfère le Rouge à la Chartreuse mais c'est vraiment affaire de goût

    J'ai la chance d'avoir commencé ma bibliothèque il y a très très longtemps, aujourd'hui j'essaie de remplacer les livres en bout de course par des livres reliés d'occasion mais en très bon état et c'est très agréable de lire un très bon livre dans tous les sens du terme

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