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Littérature française et francophone - Page 24

  • Whitman - Barlen Pyamootoo

    Ô Capitaine mon capitaine

    En pleine guerre de Sécession, le poète Walt Whitman apprend que son frère a été blessé lors de la bataille de Fredericksburg en Virginie. 

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    Il fait le voyage jusqu’à Whashington où l’on évacue les soldats bléssés, empruntant ferry et train.
    A son  arrivée il fait le tour des hôpitaux, il n’y en a pas moins de quarante !!! 
    Imaginez les blessés, les cris de souffrance, les opérations effroyables et mutilantes, les morts se comptent par milliers.
    Sans argent il parcourt la ville à pieds, partout il scrute les visages à la recherche de George. 

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    « Toutes les salles ne se ressemblent pas. Celle des mourants est plus vaste et lumineuse. De plus, elle est ornée de guirlandes, de ballons et de drapeaux de l’Union. Mais des Confédérés, faits prisonniers, y meurent aussi. Rien ne les distingue des Nordistes, ils ne sont ni enchaînés ni mis en quarantaine, sauf qu’eux n’ont pas le droit de porter l’uniforme. À part ça, ils ont le même air hébété et ce regard éteint, perdu dans une contemplation aveugle. »

    George est retrouvé à Falmouth, légèrement blessé. Walt Whitman pendant deux semaines va continuer à visiter ces jeunes hommes dont dit-il « les visages sont comme des prières nues ».

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    Lui l’homme à la « barbe grise et hirsute qu’on prendrait pour de la laine brute » circule entre les lits, il assiste les blessés, console, soutient les mourants, ses yeux ont  « la pâleur de ceux qui ne dorment pas la nuit »

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    A la recherche de George Whitman

    « Walt parcourt les hôpitaux avec un carnet de poche où il écrit au crayon les désirs des soldats. Puis il inscrit le nom, le grade, le régiment et la compagnie, le numéro du lit quand il y en a un, la salle, l’hôpital, la gravité de la blessure ou de la maladie, l’adresse des parents et de l’épouse s’il est marié. Et le soir sous la tente, c’est par la lecture de ces notes qui s’égrènent comme un poème qu’il prépare désormais sa tournée du lendemain. »

    Ces quelques jours vont marqué à jamais le poète « Toute une vie en à peine deux semaines »

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    Quoi de plus opposé que la guerre et la poésie ? Barlen Pyamootoo réussit l’exploit de nous plonger dans l’une sans jamais oublier l’autre. Ne vous attendez pas à un roman historique, c’est l’humanisme de Whitman qui l’a attiré, sa bonté, son intérêt pour les défavorisés, sa célébration de la démocratie. 

    Cet épisode se situe à un moment où le poète doute, ses poèmes parus deux ans avant ont été un échec, il a eu des critiques effrayantes pour la sortie de ses Feuilles d’herbes « un critique de Saturday Press  conclut son article en conseillant au poète de mettre fin à ses jours. »

    Il va être  réveillé par ces quelques jours qui lui mettent « le coeur en branle » et il va reprendre la plume.

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    Rappelez vous : ô Capitaine mon capitaine

     

    Un récit non seulement touchant mais beau. L'écriture est splendide. On sent que l’auteur de ce roman admire le poète, il dit qu’il voudrait l’avoir pour compagnon, pour ami, le lecteur aussi.

    C’est un roman qui m’a fait penser au roman de Lance Weller et de David Malouf, ne passez pas à côté de ce livre.  

     

    Le livre : Whitman - Barlen Pyamootoo - Editions de l’Olivier

  • Le Monde selon Victor Hugo - Michel Winock

     

    Il vient d'être à l'honneur avec Notre Dame de Paris

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    Passé l'engouement passager pour le roman et si vous voulez en savoir un peu plus sur Hugo sans passer par une ENORME biographie je vous invite à faire confiance à ce livre.
    Composé de chapitres assez courts centrés chacun sur un aspect de l’écrivain : sa vie familiale et sa vie amoureuse (et là il y a à dire), l’homme d’Hernani, sa place en politique et son évolution en la matière, l’homme en colère qui s'exile à Guernesey, le catholique qui veut des obsèques civiles bref un homme de contradictions.

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                                                    Hauteville House St Peter Port

    J’ai lu il y a longtemps deux biographies de Hugo, ce n’est donc pas pour connaitre sa vie que j’ai lu Michel Winock mais pour avoir la patte de l’historien.
    J’ai aimé qu’en un livre court il réussisse à nous dresser le portrait d’un géant et de son oeuvre, de nous permettre de sentir sa personnalité.


    J’ai été particulièrement intéressé par le portrait de l’homme politique car on ne se souvient pas assez que V Hugo passe par tous les stades : royaliste, admirateur de Napoléon, opposant virulent à Napoléon le Petit, républicain farouche, de véritables revirements, méchamment on dira qu’il a tourné casaque ! Oui mais avec quelle énergie et quel souffle !!
    Le poète un peu facile, celui de « je veux de la poudre et des balles » mais aussi le poète magnifique de Booz endormi

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    Booz par Frédéric Bazille

    et Ruth se demandait,
    Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
    Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
    Avait, en s'en allant, négligemment jeté
    Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.


    Qui est-il cet homme qui écrit à son collègue Lamartine
    «  Je condamne l’esclavage, je traite la maladie, j’éclaire la nuit, je hais la haine. Voilà ce que je suis ».
    Un paria et un exilé, l’homme qui lance « vous ne voulez pas du progrès, vous aurez les révolutions ! »
    L’homme qui écrit aux grands de ce monde ( à la reine Victoria ) pour les convaincre de NE PAS appliquer la peine de mort.

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    Le dernier jour d'un condamné 
    Ed. J. Hetzel - A. Quantin - 1881


    Toujours il lutta pour montrer que la peine de mort était pour lui un meurtre judiciaire, il a essayer de peser sur l'opinion en ce sens rappelant dans ses écrits l'horreur des exécutions et l'inefficacité de cette sentence.

    L’homme qui dit  « Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l’oraison de toutes les églises ; je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu »
    L’homme  capable de faire sortir la population de Paris dans les rues derrière son cercueil !
    « Notre fleuve français, coula ainsi de midi à six heures, entre les berges immenses faites d’un peuple entassé depuis le trottoir, sur les tables, des échelles, des échafaudages, jusqu’au toit » écrivit Maurice Barrès.

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    Je vous invite aussi à relire ou à écouter Les Misérables parce que malgré tout ses défauts ce livre pour moi est la littérature même.

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    Le livre : Le Monde selon Victor Hugo - Michel Winock - Editions Tallandier

  • Un petit salut à Notre Dame de Paris

    Je ne verrai pas la fin de la reconstruction et cela m'attriste alors je laisse la place à celui qui l'a honoré de si belle façon

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    « Il y a aujourd’hui trois cent quarante-huit ans six mois et dix-neuf jours que les Parisiens s’éveillèrent au bruit de toutes les cloches sonnant à grande volée dans la triple enceinte de la Cité, de l’Université et de la Ville. »

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    Témoin des grands événements 

    « C’était l’instant du crépuscule. Le ciel était blanc, l’eau de la rivière était blanche. Entre ces deux blancheurs, la rive gauche de la Seine, sur laquelle il avait les yeux fixés, projetait sa masse sombre, et, de plus en plus amincie par la perspective, s’enfonçait dans les brumes de l’horizon comme une flèche noire »

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    « Cependant il se hasarda à regarder l’église. La façade était sombre. Le ciel derrière étincelait d’étoiles. Le croissant de la lune, qui venait de s’envoler de l’horizon, était arrêté en ce moment au sommet de la tour de droite, et semblait s’être perché, comme un oiseau lumineux, au bord de la balustrade découpée en trèfles noirs. »

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    Le livre : Notre Dame de Paris - Victor Hugo

  • Venise à double tour - Jean Paul Kauffmann

    Lire Jean Paul Kauffmann c’est être assuré de faire un voyage pas comme les autres. De livre en livre il s’impose comme une voix singulière et oh combien passionnante.

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    Venise avec Monet

    C’est à Venise que je vous propose de partir avec lui, un voyage apparement bien convenu mais détrompez-vous le voyageur a plus d’un tour dans son sac.
    JP Kauffmann a fait le choix de passer plusieurs mois à Venise pour l’explorer à sa façon, il s’est en effet fixer un objectif particulier : visiter les églises fermées de Venise, et question églises fermées il y a de quoi faire.

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    Venise avec Marc Aldine

    Si vous aimez l’Italie et que vous l’avez un peu parcourue vous avez du  vous heurter à des horaires impossibles, des causes de fermeture improbables. 
    N
    otre voyageur refuse de se laisser arrêter par des contingences mal élucidées.
    Pour quelles raisons est-ce impossible d’accéder à ces lieux qui du coup se parent de mystère ?

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    Venise avec Eugène Boudin

    Déjà dans ses livres précédents il s’était révélé curieux, tenace, prêt à braver des interdits qu’on lui brandit devant le nez. Plus c’est difficile, plus il s’obstine. 
    Pas question que je vous révèle comment il va s’y prendre, quelle sera le résultat de sa quête. Parce que comme d’habitude avec lui, l’intérêt du livre est ailleurs.

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    Turner et la Dogana

    C’est une balade dans Venise magnifique, son appartement de la Giudecca jouit d’une vue splendide dont nous profitons. 

    Il nous livre aussi ses lectures et rencontres préparatoires, je vous parie que comme moi vous l’envierez d’avoir passer à Venise plusieurs jours en compagnie de Corto Maltese, le vrai !! 

    Votre curiosité va être toute affolée par des extraits issus d’un livre de Jean Paul Sartre, Sartre et Venise ? Oui mais pas que lui, on croise aussi Lacan qui devient compréhensible avec l’aide de JP Kauffmann.

    kauffman

    Corot et la Salute

    J’ai aimé le suivre dans une Venise inconnue, glisser l’oeil où il ne faut pas et ainsi un jour voir surgir un jardin grandiose que tout le monde s’accordait à dire qu’il avait disparu. 
    Déceptions et joyeuses surprises alternent. 
    Les couleurs, les tableaux, l’architecture sont au rendez-vous à la façon d’une enquête quasi policière. On découvre des peintres dont on ignorait les noms

    Des rencontres drôles, sinistres, surprenantes, je vous recommande le Grand Vicaire du Patriarcat de Venise, une vraie anguille et pardonnez-moi l’expression : un faux jeton de première.

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    Turner et San Giorgio Maggiore

    Si vous aimez la ville mais que le commissaire Brunetti vous sort un peu par les yeux, choisissez ce livre 

    L’auteur est un véritable amoureux de la ville, loin des annonces tristounettes de sa disparition, Jean Paul Kauffmann veut croire encore à la beauté et au mystère de Venise.

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    Le livre : Venise à double tour - Jean Paul Kauffmann - Editions des Equateurs

  • bribes d'une guerre

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    « La défaite d’Adoua, en 1896. (…) “La première victoire africaine sur les puissances coloniales.” Une humiliation politique. Une gifle militaire. Un émerveillement pour l’enfant qu’il était. Il avait passé des heures à lire et relire les articles, à apprendre par cœur le nom des chefs éthiopiens, Ras Mekonnen, Mengesha Yohannes, Tekle Haymanot, Taytu Betul, des heures à contempler les illustrations qui restituaient la géographie du champ de bataille ou la tenue d’un soldat éthiopien. Il ne l’avait dit à personne, mais ces guerriers noirs qui avaient mis en déroute les troupes italiennes étaient pour lui des héros qui accompagnaient ses rêves de bravoure. »

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    Le Négus Ménélik à la bataille d'adoua 

    Le livre : Les oliviers du Négus - Laurent Gaudé - Editions Actes Sud

  • Gaspard de la nuit - Aloysius Bertrand

    Il vous est certainement arrivé de découvrir un livre qui vous fait dire : mais pourquoi est-ce que je n’ai jamais lu ce livre ? Cela vient de m’arriver avec celui d’un poète qui fut l’homme d’un seul livre, un poète qui préfère la prose à la versification, admiré par Hugo et Baudelaire et qui a inspiré les surréalistes. 

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    Si vous ouvrez son livre vous partez pour quelques heures de folie, de délire, de scènes pleines de mystères et de merveilleux. 
    6 livres composent Gaspard de la nuit, avec chacun plusieurs petits textes, qui parfois répondent à une logique, mais pas tous loin de là.

    On saute d’une scène à l’autre, d’un lieu à un autre sans explication, comme pour déstabiliser le lecteur et le faire participer sur un rythme de sarabande soigneusement orchestrée.

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    Les passionnés de peinture s’y sentiront à l’aise car Aloysius Bertrand vous offre des « Fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot » et de Jérôme Bosch
    Rembrandt pour le vieux sage en méditation, Callot qui aime le grotesque, le baroque, la folie.

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    Jacques Callot les Misères de la guerre

     Aloysius Bertrand ne décrit pas un tableau, il tente d’en saisir l’esprit. 
    « Trente dindelles carillonnent dans un ciel bleu d’outre-mer comme en peignait le vieil Albert Dürer »

    Des scènes de guerre, des personnages grotesques, des paysages d’hiver, des scènes que l’on a admiré dans des tableaux flamands de tout temps, féérie des contes et légendes. 

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    Des textes qui font retentir une volée de cloches, qui vous envoient faire un tour à la synagogue.pour la Sabbat, vous font sauter des Flandres à l’Italie, ou regarder au fond de la cornue d’un alchimiste. 

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    Ou les couplets surprenants et l’astuce magnifique qui fait clore un poème avec le « regard inquisiteur du duc d’Albe dont le portrait, chef-d’œuvre d’Holbein, était appendu à la muraille. »

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    Le duc d'Albe

    Le poète propose des énigmes et aussi de courtes balades dans le Paris des gueux, aux alentour de la Tour de Nesle, vous vous mêlé aux fous du carnaval, aux nains, au peuple de la cour des miracles, étonnez vous ensuite qu’un chapitre soit dédicacé à V Hugo 

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    On habite le récit, on croise un marchand de tulipes qui a un trésor « la merveille des merveilles, un oignon comme il n’en fleurit jamais qu’un par siècle dans le sérail de l’empereur de Constantinople ! »

    On tend la main vers un marchand, on lui ferme sa bible « jonchée de gothiques enluminures » 
    C’est un livre peuplé de vieux grimoires, de chouettes, de « nuits d’été, balsamiques et diaphanes »

    Vous vous constituerez une collection de mots rares, précieux, vous savourerez des mots comme : 
    Dindelles, basterne, violier, falot, ringrave …..

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    C’est Freud qui a parlé de l’inquiétante étrangeté, c’est un peu ce que l’on ressent en lisant A Bertrand.   

    Après lecture, revenez à la préface qui donne quelques clés, mais ne vous privez pas d’une découverte sans GPS, c’est la meilleure. 

    Et vous pouvez décider de finir en musique avec Ravel qui se laissa prendre à la magie de Gaspard de la nuit.

     

             

     

    Le livre : Gaspard de la nuit - Aloysius Bertrand  - Le livre de poche