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Rechercher : la petite lumière

  • Le Goulag sur mon étagère

    Après le livre de Tomasz Kizny qui manifestement vous a touché j’ai choisi de vous faire faire le tour de mes étagères sur le Goulag et le Stalinisme, cette part de l’histoire longtemps occultée, du moins du temps de ma jeunesse.

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    J’ai eu la chance d’avoir un père socialiste dans l’âme mais très très très méfiant quant à toute forme de tyrannie, d’oppression, et qui a souhaité comme l’on dit « aller y voir »

    Se balader en Allemagne de l’est, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie en un temps où c’était difficile d’y aller et d’y circuler laisse un fort souvenir. Et forcément l’on en revient convaincu !!!

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    Bon ce n’était pas Gide évidement mais sa réflexion, sa volonté de savoir et de vérifier m’a conduit à lire beaucoup sur le sujet et à me faire ma propre opinion dès mes quinze ans.

    C’est pourquoi ma bibliothèque est largement remplie et j’espère qu’elle vous inspirera des lectures salutaires car si le stalinisme est mort la tyrannie et l’oppression elles sont toujours d’actualité.

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    Les plus évidents ? 

    Alexandre Soljenitsyne même si sur la fin de sa vie il dérivait un peu.

    Je vous conseille Le courage d’écrire et bien évidement la somme que représente l’Archipel du Goulag, difficile à lire ne nous le cachons pas mais tellement indispensable

    J’y ajoute Ses 7 vie en un siècle sa biographie passionnante.

     

    Varlam Chalamov c’est par lui que j’ai commencé ma lecture, à l’époque seul un petit livre de poche rassemblait quelques uns de ses récits de la Kolyma. Plus tard l’éditions complète chez Verdier a ét un choc important, j’aime aussi son témoignage sur ses lectures, de celles qui l’ont aidé lors de ses années Goulag : Mes bibliothèques 

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    Pour ces deux auteurs j’ai lu  La Route de la Kolyma  de Nicolas Werth  car ils empruntèrent cette route , celle qui montre ce que furent les souffrances de ces hommes et femmes arrêtés, enfermés, punis pour des fautes imaginaires puis relégués au fin fond de la Sibérie

    Lorsque l’individu qui devrait être laminé par un système cela donne Voyage au pays des Ze-Ka -de Julius Margolin  ou Proust contre la déchéance - Joseph Czapski.

    Ces livres qui montrent la lutte pour la survie mais bien au-delà pour l’honneur et la dignité et ainsi prouver que l’on peut se dresser face au système.

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    Le parcours si particulier d’un homme de science  Le météorologue d’Olivier Rolin, une histoire qui pourrait être magnifique si elle n’était pas si dure.

    Le destin d’une femme hors de l’URSS mais terriblement atteinte par le système : Sandra Kalniete En escarpins dans les neiges de Sibérie

     

    Mais il y a aussi le destin d’individus exceptionnels comme Ossip Mandelstam, sa biographie est précieuse pour moi mêlant histoire, politique mais surtout Poésie  Mon temps, mon fauve -de Ralph Dutli 

    Par delà les destins individuels il y a l’analyse d’un système : Goulag une histoire - Anne Applebaum -
    Une somme, un profond travail d’historienne, sans doute le livre le plus complet sur le sujet.

     

    Et il y a les témoignages comme ceux recueillis par Svetlana Alexievitch qui même s’ils ne sont pas directement des témoignages autour du Goulag, permettent d’élucider ce qui a conduit un peuple tout entier à obéir, à pratiquer la délation, à participer à l’entreprise du Stalinisme

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    Creusement du Canal de la mer Blanche ou Belomorkanal

    La folie meurtrière d’un régime qui fait travailler les prisonniers jusqu’à la mort  pour construire un canal qui ne servira pratiquement jamais.  Les eaux glacées du Belomorkanal - Anne Brunswic -

     

    On peut pour élucider ce que fut le régime et son dévoiement en lisant des romans 

    Parmi les plus importants il y a bien sûr Vie et destin de Vassili, Grossman, ce livre qui faisait si peur que le NKVD finit par décider d'arrêter ...le livre.
    IL qui n’apparait pas ici car je l’ai lu bien avant de tenir ce blog mais il a évidement sa place dans ma bibliothèque 

     

    Ce qui m’a poussé à lire un autre roman de Vassili Grossman nettement moins connu alors qu’il dit tout des camps, des dénonciations, de la culpabilité, du retour à la vie dite normale : Tout passe - Vassili Grossman

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    J’ai lu  Une Saga Moscovite - Vassili Axionov qui trace d’une façon parfaite ce que furent les destinées de ces russes malaxés par l’appareil stalinien .
    J’ai lu plus récemment   Les Patriotes - Sana Krasikov dont j’ai aimé la construction 

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    C’est une bibliothèque incomplète forcément mais dont je suis fière, j’espère qu’elle vous inspirera des lectures à venir 

  • Sur les étagères de ma bibliothèque

    Beau comme l’antique 

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    L’antiquité pour moi c’est : 

    Jupiter faisant retentir le tonnerre, une mère qui mange ses enfants, un homme condamné à l’exil loin de Rome, un empereur regardant Rome brûler, un vieil homme tentant d’échapper à une coulée de lave, un jeune homme poussant devant lui des éléphants, un fils assassinant son père tu quoque fili mi, un empereur guerrier et philosophe, un mur large comme l’Angleterre, un guerrier rendant les armes à Alésia, l’épouse du héros défaisant la nuit le travail de la journée, un père venant réclamer le corps de son fils, un fil qui conduit à un monstre, un poète qui nous raconte tous les mythes et leurs métamorphoses, le père de l’histoire, un poète qui aime les abeilles, une ville engloutie sous les cendres …..et bien d’autres choses encore 

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    Je n’ai pas le prétention de tout passer en revue, ma bibliothèque a évolué au fil du temps, aujourd’hui il ne reste que l’essentiel, la substantifique moelle si l’on peut dire.

    Je n’ai pas la prétention de vous dire « c’est ce qu’il faut lire » mais plutôt voilà ce que moi j’aime, ce qui m’a enrichi, a répondu à ma curiosité, m’a fait parfois rêver ou bondir ou changer mon regard.

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    Certains livres sont classés en histoire et là je vous recommande Lucien Jerphagnon, un formidable passeur, avec lui vous saurez tout sur l’histoire romaine et ses empereurs qui ont fait sa gloire ou son malheur ou si vous préférez un livre plus récent choisissez Mary Beard 

    Je vous recommande Moses Finley et son formidable Monde d’Ulysse ou bien son essai On a perdu la guerre de Troie avec son érudition formidable, une admiration que partage mon amie de Bonheur du jour 

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    Dans ma bibliothèque commençons par les dictionnaires, certains sont indispensables à qui aime l’antiquité.

    Il y a ainsi le dictionnaire amoureux de la Grèce de Jacques Lacarrière, vous n’êtes pas étonnés de trouver ce nom ici car c’est un auteur que je lis et relis depuis de nombreuses années.

    Plus savant si l’on peut dire, il y a le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal, une somme qui nous fait connaitre ces personnages humains et divins, ces lieux mythiques, ces symboles de notre humanité, ces « marionnettes éternelles » 

    Mais vous pouvez faire plus simple avec le livre d’Edith Hamilton que l’on trouve en poche et aussi en version audio que je vous recommande lu par Thierry Janssen avec brio.

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    Il y a pour les non latinistes comme moi le Dictionnaire des sentences latines et grecques de Renzo Tosi, le genre de livre que l’on ouvre et dans lequel on tombe comme dans un puit sans fond 

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    Enfin il y a le dictionnaire amoureux de la Rome antique, ne vous arrêtez pas au fait que son auteur fut ministre, il faut bien pardonner les fautes non ?  C’est un petit réservoir d’histoire, d’anecdotes, de personnages, je l’ouvre toujours avec plaisir 

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    Bon maintenant attaquons le coeur du sujet 

    Il y a environ trente ans ( ah oui je suis désolée mais …) j’ai lu des grands classiques grecs grâce à Jacqueline de Romilly, j'ai lu sa biographie d'Hector ou d'Alcibiade, aujourd’hui certains la regarde comme une figure un peu ringarde mais les gens qui lui doivent des lectures hors sentiers battus sont nombreux et j’en fait partie.

    Grâce à elle j’ai lu, parfois en sautant des passages la Guerre du Péloponnèse, il faut dire que j’avais un souvenir splendide de mon année de sixième grâce à un formidable prof d’histoire qui m'a transmis sa passion de l'antiquité.

    J’ai maintenant dans ma bibliothèque grâce aux éditions numériques Arvensa tout Eschyle, Euripide et Epicure.

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    J’ai lu plus tard bien entendu Xénophon et sa célèbre Anabas, rappelez vous : Thalassa Thalassa, le livre est encore dans ma bibliothèque dans un format un peu curieux mais qu’importe.  

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    Retraite des Dix Mille - Adrien Guignet - Musée du Louvre 

    Ensuite c’est ouvert à moi le Monde d’Ulysse, j’avais 15 ans et j’avais choisi au lycée une option Textes anciens, pour moi qui malheureusement n’avais pu étudier ni le grec ni le latin, ce fut le bonheur, c’est ainsi que j’ai découvert Achille et Patrocle, Nausicaa, Calypso et Pénélope et bien sûr Ulysse

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    Beaucoup plus tard est venu la version de l’Odyssée traduite par Philippe Jaccottet qui est pour  moi indépassable et depuis je navigue de livre en livre en audio, d’essais sur le sujet comme ceux de Pietro Citati ou Alberto Manguel 

     

    Même si vous n'avez jamais lu Hérodote, vous avez peut être vu Le Patient anglais et donc vous savez qu’Hérodote fut un grand conteur, son livre porte plusieurs titres, celui que je préfère c’est Enquête, car même si l’auteur se laisse aller à quelques traits de son imagination, la plupart du temps il a à coeur de nous dire, ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu, ce qu’il a compris, et pour ça tout historien aujourd’hui lui est redevable. 

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    J’ai en complément le livre de J Lacarrière : En cheminant avec Hérodote, une façon d’être accompagné sur le chemin.

    Pour terminer cette chronique un livre à mi-chemin entre la mythologie et la philosophie, que j'aime beaucoup, que je feuillette souvent c'est le livre du Luc Ferry, une mine pour comprendre les mythes, leur influence, ce qui perdure d'eux aujourd'hui encore et pourquoi. 

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    Une chronique déjà bien longue et je crois que je vais arrêter là mon bavardage et vous donner rendez-vous à Rome d’ici quelques jours 

    Les Livres 

    Jacques Lacarrière - En cheminant avec Hérodote - Editions Hachette pluriel 

    Luc Ferry - Mythologie et Philosophie le sens des grands mythes  grecs - Editions Plon

    Herodote - Enquête en trois tomes - Editions Paléo 

    Alberto Mangueo - L'iliade et l'Odyssée - Editions Bayard

    Pietro citati - La pensée chatoyante - Editions gallimard

    Xenophon - lAnabase - Edition ancienne mais à trouver chez Flammarion ou Classiques Garnier 

    Renzo Tosi - Dictionnaire des sentences latines et grecques - Editions Jérôme Millon

    Xavier Darcos - Dictionnaire de la Rome antique - Editions Plon

    Jacques Lacarrière - Dictionnaire amoureux de la Grèce - Editions Plon

    Pierre Grimal - Dictionnaire de la mythologie grecque et latine - Editions PUF

  • Portrait de femme - Henry James

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    Et le dixième est 

    «  L'histoire d'une innocente intrépide qui a tout pour elle » *

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                                                   Isabel Archer

    Le roman le plus connu d'Henry James et certainement l'un des meilleurs, et pour moi un pur chef-d'oeuvre de sensibilité, de construction, de style, de bonheur de lecture.

    « Je préférerais que vous attendiez quelques mois, jusqu’à ce que mon gros roman soit sorti. C’est à partir de lui que, pour ma part, je prétendrai faire date »

    Voilà ce que disait Henry James à son éditeur alors qu'il écrivait Portrait de femme.

    Quelques mots sur l'histoire elle-même :
    Isabel Archer, jeune orpheline américaine, se voit proposer par Mrs Touchett, sa tante, de partir pour l'Europe, d'y voyager avec elle et de séjourner à Florence ou Mrs Touchett a une villa.
    Les deux femmes font d'abord une pause en Angleterre à Gardencourt, auprès de Mr Touchett et de son fils Ralph qui tente de soigner sa tuberculose.

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    Tea in the garden  Walter Frederick Osborne


    Isabel rencontre immédiatement le succès auprès de l'entourage des Touchett, elle est jeune, vive, enjouée, intelligente et elle plait.
    Le séjour se prolonge, Isabelle aime beaucoup le vieux Mr Touchett et son cousin Ralph et passe de longues heures avec eux, elle retrouve Henrietta, une amie américaine venue en Europe pour être journaliste. Elle fait la connaissance de Mme Merle une amie de sa tante qui l'encourage à réaliser ses désirs et ses rêves.
    Isabel Archer se voit proposer le mariage à plusieurs reprises par un lord anglais et par un riche américain qui l'a suivi jusqu'en Europe. Lord Warburton et Caspar Goodwood se voient l'un comme l'autre opposer une fin de non recevoir.

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                                               Florence il y a longtemps

    Isabel a soif de liberté, elle tient à son indépendance et souhaite voir le monde, elle est, dit Henry James, « impatiente de vivre »
    Leon Edel le biographe de James dit qu'il met sa propre enfance et son propre désir de liberté dans le personnage d'Isabel.
    La mort de Mr Touchett va tout changer. Elle hérite d'une petite fortune, il est temps pour elle de voler de ses propres ailes.

    Ce ne serait pas du Henry James si il n'y avait,  après ce moment un rien idyllique qui a tout d'une comédie romantique et légère, désillusion, désenchantement, trahison et souffrance ….
    Mona Ozouf dit «  Tous les romans de James sont des allégories de la déception » voilà vous êtes avertis.

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                                                 Gilbert Osmond le collectionneur

    Je vous laisse faire connaissance avec Gilbert Osmond le collectionneur et sa fille Pansy tout juste sortie du couvent.
    Je vous laisse flâner dans les ruines romaines, dans les musées et les églises de Florence à l'époque du Grand Tour que James restitue parfaitement.
    Les dialogues sont subtils, profonds et sont superbement mis au service de l'errance psychologique des personnages. Les liens qui s'instaurent entre les différents personnages évoluent beaucoup au fil du récit et Henry James ne dévoile jamais tous les ressorts d'une histoire, il laisse le lecteur suivre son propre cheminement.

    Un reproche souvent lu : l'intrigue est longue à se mettre en place, peut être, mais James aime faire le tour de toutes les implications d'une situation, il l'examine, la pèse, l'étudie sous toutes les coutures. Ils sondent âmes et caractères , il examine la morale et les répercussions des choix de ses personnages.
    Chaque nouvelle situation donne lieu à un nouvel examen attentif digne d'un entomologiste.
    Les ruptures de temps du récit, les non-dits, ajoutent à l'oppression ressentie par le lecteur qui passe de la douceur du thé sur les pelouses de Gardencourt à l'ombre menaçante des ruelles de Rome.
    Le lecteur est victime de «  la curiosité presque douloureuse » * que lui communique l'auteur.

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    Un mot du film de Jane Campion, les adaptations de romans sont parfois très réussies, c'est le cas ici. Nicole Kidman est parfaite d'allant juvénile, puis de douleur muette, elle EST Isabel Archer.

    Si vous n'avez jamais lu Henry James gardez ce roman pour plus tard, commencez par Les Papiers d'Aspern ou Washington Square et ensuite délectez vous de ce Portrait de femme et peut-être comme moi le lirez-vous et le relirez-vous.

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    Les livres :
    Un Portrait de Femme dans Un portrait de femme et autres romans - Henry James - Traduction de Evelyne Labbé - Gallimard Pléiade
    * La Cause des livres - Mona Ozouf- Gallimard

  • Une saga moscovite - Vassili Axionov

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    Patrice vient de publier un billet sur le livre monumental de Vassili Grossman : Vie et destin.
    Ce livre est un chef-d’oeuvre absolu et je vous invite à lire Patrice sur le sujet, en le lisant j'ai eu envie de relire un roman de Vassili Axionov sur le même sujet

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    En 1995 paraissait Une Saga Moscovite, un roman russe sur un sujet très similaire et même si l’envergure n’est pas toute à fait la même, sa lecture est passionnante et éclairante.

    Pour entrer dans le monde d’Axionov il faut vous transporter en Russie, juste après la révolution, au moment où Staline va accéder au pouvoir, c’est lui qui va rythmer ce roman. 
    Nous suivons le destin de plusieurs personnages, ballotés par les évènements, maltraitrés, emprisonnés.

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    Arrivé au pouvoir 

    Le chef de la famille Gradov,  Boris Gradov  « cinquante ans, un homme encore parfaitement svelte, au complet bien coupé et seyant, à la petite barbe taillée avec soin » est un médecin, issu de la bourgeoisie, prudemment reconverti à un communisme discret, respecté par la communauté médicale. C’est lui qui va déclencher la tourmente pour les siens.

    Appelé en consultation auprès d’un membre du bureau politique il a le malheur de poser un diagnostic qui déplait, la victime est liquidée lors de l’intervention chirurgicale qui suit.
    Boris Gradov fait silence sur ce meurtre mais sa conscience le poursuit.
    Il s'est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, sa famille et lui vont en payer le prix.

     

    Tous les membres de la famille vont connaitre un destin tragique mais tous d’une façon différente, chacun d’eux représentant une part des horreurs de la dictature stalinienne.

     

    Le fils aîné Nikita a embrassé la carrière militaire et sera très tôt nommé général. Il a participé à la répression du soulèvement des marins de Cronstadt en 1921, cela serait à son crédit s’il n’en éprouvait pas un remord profond, persuadé que l’on a fusillé des innocents. 

    Son épouse Véronika est connue pour ses goûts de luxe, pour tout dire des goûts bourgeois
    Un remord et une épouse peu présentable cela va suffire.

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    Propagande stalinienne

    Kyrill, le second fils,lui est le parfait bolchevique stalinien, pur, dur, sans état d’âme. Il travaille dans les villages où les populations sont soumises de gré ou de force à la collectivisation.Les paysans, les femmes, les enfants sont déplacés comme du bétail vers l’abattoir. Il parait à l’abri de la tempête, mais c’est sans compter sur un sursaut d'humanité envers un enfant. 

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    La Dékoulakisation

    Tsilla son épouse communiste convaincue affirme « j’aime mon père, mais en tant que communiste, j'aime encore plus mon parti » mais communiste ou pas Tsilla est juive et le régime stalinien est profondément antisémite.

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    Pacte Germano-soviétique

    Enfin Nina, la fille de la famille est une  poétesse communiste mais qui réserve sa ferveur à la poésie plutôt qu’au régime. Quittant Moscou, elle partira vivre en Géorgie où elle croisera Mandelstam mais aussi le terrible Lavrenti Béria

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    Lavrenti Beria : le Himmler russe 

    La Second guerre viendra s'ajouter aux souffrances et aux horreurs.

    C’est à travers le sort de ces personnages que Vassili Axionov nous dresse un tableau gigantesque de cette période. Sa fresque historique que l’on a qualifiée de « Guerre et paix » du XXè siècle est pleine de « bruit et de fureur »

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    Vassili Axionov

    Il ne nous épargne rien : dénonciations, surveillance, torture, déportations, goulag, massacre de la population juive. Il nous fait ressentir la peur qui nait chez chacun et fait dire à Mandelstam  « Ces grosses voitures noires....Quand je les vois, quelque chose d'aussi gros et d'aussi noir s'élève du fond de mon âme. Je suis poursuivi par la vision de quelque chose de terrible qui, inévitablement, nous étouffera tous.. »

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    Réquisitoire contre tous les totalitarismes, ce récit ample est plein d’émotions et passionnant de bout en bout.
    Les digressions lors de certains chapitres, loin d’affaiblir le récit, nous rendent parfaitement présente la propagande de l’époque.

    Ce roman n’est pas une autobiographie mais plusieurs éléments ressemblent de troublante façon au destin de la famille de Vassili Axionov et à son enfance marquée par la condamnation de ses parents.

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    Sa mère Evguénia Sémionovna Guinzbourg se tournera vers l’écriture à sa sortie du Goulag avec deux livres qui témoignent de ce que fut le stalinisme : Le Vertige et Le ciel de la Kolyma 

     

    Les Livres 

    Une Saga Moscovite - Vassili Axionov - Traduit du Russe par Lily Denis - Editions Gallimard ou Folio 2 tomes 
    Vie et destin - Vassili Grossman - Editions Bouquins Robert Laffont
     Le Vertige et Le Ciel de la Kolyma - Evguénia Guinzbourg - Editions du Seuil Poche

  • Les Débuts - Claire Marin

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    Souvent certains d’entre vous m’interroge : comment fais-tu pour choisir un livre ? Un brin de réponse ici.
    Un livre que je n’ai pas choisi
    c'est un cadeau d’anniversaire
    Offert par quelqu’un qui connaît bien mes goûts

    Un livre placé sous la tutelle bienveillante de Clément Rosset un philosophe que j’aime particulièrement.
    Un livre de Claire Marin avec qui j’ai fait connaissance sur le thème de la douleur.

    Et bien bonne nouvelle c’est tout à fait réussi, j’ai aimé, vraiment beaucoup aimé, même si la lecture m’a demandé un effort certain.

     

    Vous l’avez compris c’est un essai philosophique qui pourrait s’intituler : Y a-t-il un début à tout ?

    On y parle de débuts de romans, comme celui si célèbre d’Italo Calvino « Si par une nuit d’hiver un voyageur » car en matière de roman « On espère du début d'un roman et peut-être de n'importe quelle histoire, fictive ou non, une véritable surprise, un étonnement franc. »

    Mais très vite l’auteure nous embarque car les débuts ne sont pas seulement ceux de la lecture ou de l’enfance.

    Les débuts cela peut être la naissance mais aussi l’adolescence, le début d’un roman, le début d’un emploi.

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    Elle affirme une certitude celle qui dit : « Il faut vivre chaque jour comme un début » ou pour le dire comme Emerson que cite Claire Marin « toujours vivre dans un jour neuf »

    Elle nous dit que les débuts c’est un peu comme les premiers pas de l’enfant, incertains, hésitants mais conquérants.

    Ces liens ainsi créés nous emportent car la finesse et l’intelligence de sa réflexion nous font sortir de la routine, nous donne l’impression d’être beaucoup plus fûté qu’en réalité.

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    Ce qui rend la lecture passionnant mais exigeante c’est que Claire Marin fait la cour aux philosophes et romanciers, sans ordre préétabli cela va de Montaigne à Jankélévitch, de Pessoa à Romain Gary et Annie Ernaux, mais aussi vers Sofia Coppola.
    Elle dévide sa pelote patiemment.

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    Elle donne la parole à Bergson et Bachelard, « ces moments où la force d'un sentiment, d'une sensation physique, l'effet d'une parole ou d'une image font vriller mon esprit, renversent ma représentation du monde ». Et toc j’ai aussitôt commandé Intuition de l’instant que je n’ai jamais lu.

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    Si l’on verse vers la littérature elle nous dit que c’est le « le réservoir de l'inouï » celui dont surgissent les émotions.
    La notion de début n’est pas une question d’âge, c’est plutôt « Découvrir ce dont on est capable seul, à 18, 40 ou 75 ans. » Je vous avoue que ces petites phrases font un bien fou.
    Ou celle-ci que j’aime beaucoup aussi « chaque amour à n'importe quel âge de la vie peut prétendre à être le premier »

    Une étincelle  une possibilité et une nouveauté qui nous bouleverse qui parfois fait chavirer notre vie.
    C’est une sorte de cadeau pour casser le ronronnement, pour faire rupture dans le quotidien.
    « Le début, c’est quand le réel nous égratigne, nous provoque, nous bouscule. »

    Parfois un début est une « radicale nouveauté » mais parfois il est difficile de repérer ce moment parfois éphémère, il n’y a pas toujours un avant et un après.

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    Un début peut être aussi un recommencement car celui-ci peut être réjouissant, vivifiant, c’est une quête du renouveau
    « Ainsi, des histoires commencent comme si c’était la première fois. Avec une intensité telle que les fois précédentes pâlissent s’effacent devant tant de splendeur. La première fois balaye le passé et toutes les autres premières fois. Alors quel que soit mon âge, je peux aimer comme si je n’avais jamais aimé auparavant, porté par une ardeur adolescente. » 

    De quoi nous souvenons nous en pensant à nos débuts ? d’un coup de foudre, de la naissance d’une étincelle ? ou d’une annonce difficile : une rupture, un départ, un diagnostic.
    Les débuts détiennent une force explosive qui “brise ou détourne le cours des choses”.

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    Dans un interview Claire Marin dit « Il ne faut pas réduire les débuts et les commencements à une chronologie linéaire de l’existence. Il y a de grands commencements qui peuvent survenir plus tard dans la vie, de vrais débuts tardifs et des recommencements totalement inattendus. »

    Je ne vous cache pas que par moment il faut s’accrocher un peu, Claire Marin n’offre pas une démonstration, il y a les débuts évidents mais aussi ceux que l’on n’attend pas et qui sont un rien mystérieux.
    L’écriture est simple, fluide mais dense. Les chapitres sont courts

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    Claire Marin nous invite à une réflexion légère et savante, riche et pleine de joie, je suis certaine que même s’il n’est pas cité Spinoza n’est pas loin.

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    Le livre : Les Débuts, par où recommencer ? – Claire Marin – Éditions Autrement

  • Alabama 1963 - Christian Niemiec et Ludovic Manchette

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    Les USA et le monde ont échappé à un deuxième mandat de Trump, les images de hordes de blancs suprémascistes et brandissant des croix m’ont effrayées comme beaucoup d’entre vous je pense. 

    Peu après j’ai vu passer un roman qui immédiatement m’a fait de l’oeil par son sujet.
    Je l’ai lu, et il est allé rejoindre des livres sur le sujet. 

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    La couverture du livre est un symbole à elle seule, et la date de 1963 ne peut échapper à personne, je me souviens je commençais à m’intéresser à la vie du monde et ce soir là nous étions réunis pour le repas, j’aimais quand mon père mettait les informations ce qui donnait lieu à des échanges parfois musclés, le programme fut interrompu pour annoncer l’attentat de Dallas. Un vrai choc.

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    L’année est ainsi forcément restée dans ma mémoire et depuis sont venues s’ajouter des dates qui marquent le combat des noirs américains contre la ségrégation dans les écoles, les emplois, la justice, la santé, la police.

    Il y a plusieurs façons de traiter le sujet, sérieusement comme dans Little Rock, ou à la façon d’un reportage comme Doug Marlett et son Magic Time ou à la façon d’Alan Parker dans Mississipi burning.

    Et puis il y a la façon romanesque qui peut être très efficace comme dans Les rues de feu de Thomas H Cook ou dans la Couleur des sentiments et aujourd’hui ce roman Alabama 1963

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    Birmingham Albama

     « Adela Cobb était un petit bout de femme énergique de trente-quatre ans » qui  travaille comme domestique et elle vient de se faire virer par une patronne irascible parce que son « négrillon » de fils a joué avec l’enfant de la maison.

    Comme toutes les domestiques noires de l’époque elle a plusieurs emplois alors elle demande à une de ses patronnes de lui fournir une recommandation pour trouver un travail en remplacement, la lettre en question débutant par «  Je la crois volontiers menteuse, comme toutes les femmes de couleur que j’ai employées avant elle, mais plutôt moins que la moyenne » elle choisit de s’en passer.

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    Dans son quartier une battue est organisée pour retrouver une fillette disparue depuis plusieurs jours, la police restant inactive la famille va trouver Bud Larkin, un ancien policier reconverti en détective privé. 

    La fillette est retrouvée morte et violée et les meurtres vont s’enchainer dans l’Alabama de 1963 la police bien blanche ne s’active pas franchement pour élucider trois meurtres de fillettes noires.

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    Bud Larkin est une pure caricature, alcoolo fini, pestant en permanence contre les nègres, vivant dans ce qu’on peut appeler une bauge « C’était une porcherie. Et le type, soi-disant un détective… Agressif, grossier, sale. Et arrogant. Et fainéant. » 
    Celui ci doit se décider à remettre d’aplomb son cabinet s’il veut travailler un minimum. 
    Voilà comment Adela se retrouve à faire des heures de ménage dans l’antre de Bud le détective 

     

    Bon essayons d’être plus positive, Bud c’est un alcoolo bougon mais pas vraiment méchant, plein de préjugés qu’il brandit mais dont on n’arrive pas à savoir si il y croit vraiment ou s’il se soumet bêtement à l’ambiance du moment.
    Pour accéder et soutirer des informations à la communauté noire il va devoir faire un effort et demander de l’aide à ….et oui à Adela. 

     

    Et il se passe quelque chose, ces deux là vont commencer doucement à dialoguer, même si Bud est toujours persuadé qu’Adela va le voler, le gruger comme font …et bien tous les noirs non ? 
    Et si Adela est persuadée qu’il est le diable incarné.

    On ne parirait pas trois sous sur le duo détective blanc et la domestique noire analphabète.
    Et pourtant l’alchimie est là, ça marche !!!

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    Inutile d’essayer vous ne me tirerez pas les vers du nez. Rien, nada.
    Juste j’accepte de vous dire que dans ce polar il y a tout : les noirs en colère, les racistes bornés et vindicatifs, les insultes racistes 
    Mais surtout des dialogues fantastiques de justesse entre  Bud et cette futée d’Adela. 

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    La sauce prend, le respect s’installe. L’ambiance reste bien noire évidement mais l’humanité des personnages apporte au lecteur un vent de tendresse. 
    C’est un polar et tout nous est livré au compte goutte, l’enquête est longue mais ni Bud ni Adela ne baissent les bras 

    Les auteurs sont toujours un rien border line,  ne rien masquer de ce que fut cette ségrégation mais le faire en distillant des dialogues savoureux, parfois plein d’humour et si justes qui vont faire travailler ensemble ces deux mondes irréconciliables.

    Une réussite 

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    Le livre : Alabama 1963 - Christian Niemiec et Ludovic Manchette - Editions pocket