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Les Indispensables - Page 3

  • Beau comme l'antique

    Savez-vous d’où vient cette expression Beau comme l’antique ?  Et bien je vais détruire le mythe, cela n’a rient à voir avec Rome ou l’antiquité mais tout à voir avec …Napoléon, ben oui !! C’est le peintre David qui utilisa l’expression pour parler de l’empereur.  Enervant non ?

     

    Revenons à Rome

    Je vous ai présenté une partie de ma bibliothèque consacrée à l'antiquité, il me reste à vous inviter dans ma bibliothèque romaine.

    Je m’aperçois qu'elle est sous la coupe d’Ovide manifestement. 
    Son oeuvre majeure, Les Métamorphoses dont j’apprécie la traduction de Marie Cosnay aux Editions de l’Ogre. C’est très réussi et  magnifiquement mis en page. 

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    J’avais fait un billet sur les Métamorphoses il y a quelques années dans lequel j’évoquais deux livres autour de l’oeuvre d’Ovide, je vous laisse vous y reporter si vous le souhaitez.

    Mais je n’ai pas fini avec ce diable d’homme car ce qui m’a toujours attaché à l’homme c’est son destin d’exilé et ses lettres, certes parfois un rien larmoyantes, mais toujours d’un style époustouflant, ses lettres d’amour et lettres d’exil sont superbes. 

    Alors bien sûr j’ai lu des biographies et essais et je vous en recommande deux; celui de Xavier Darcos et un essai assez récent et Avec Ovide de Nicolas Gardini, tout en finesse et érudition. 

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    Ensuite il y a Virgile, pour lui j’ai fait une petite folie avec l’édition en Pléiade et un Virgile de Xavier Darcos que j’apprécie beaucoup, vous allez croire que je fais une fixation sur le ministre, non pas du tout mais que voulez-vous il n’y a pas beaucoup d’essais sur Virgile qui soient facilement accessibles et il en fait partie.

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    Puis il y a Sénèque, qui pourrait être dans mon rayon philo. J’ai ses oeuvres complètes en numériques mais j’ai surtout un livre vieux d’environ 20 ans qui a souffert de mes nombreuses lectures, c’est Apprendre à vivre chez Arléa une éditions des Lettres à Lucilius que j’ai lu et relu et dans lesquelles je viens piocher quand je lis Montaigne adepte s’il en est de Sénèque. 

    Son compagnon d’étagère c’est l’empereur, je veux dire Marc Aurèle, je l’aime mais nettement moins que Sénèque. 

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    Avant de passer au dernier des auteurs romains de ma bibliothèque je fais un petit détour par Pompéi, avec un livre promenade dans le temps et l’espace, qui m’a enchanté et qui est un livre monde puisque l’auteur Claude Aziza nous balade dans les essais, les romans, les films qui ont été écrits sur Pompéi, depuis Chateaubriand à ………C’est réussi je vous le conseille si vous allez un jour à Pompéi.

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    Enfin le dernier mais pour moi le premier, mon préféré : Lucrèce

    Tout ça c’est la faute à ma fille ainée qui a eu De rerun natura au programme de sa classe de prépa, ça m’a agacé de ne l’avoir jamais lu, puis vinrent Jean Salem, Marcel Conche  et André Comte-Sponville qui ont alimenté ma curiosité  sur Lucrèce 

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    Ensuite ben ….ensuite il y a Montaigne, à force de voir les citations cela a fini de m'agacer de ne pas mieux connaitre l’auteur alors j'ai lu et relu le texte.

    Et depuis peu il y a la formidable éditions de Bernard Combeaud aux Editions Mollat, j’en conviens j’ai fait une folie car c’est une édition de luxe mais oh combien satisfaisante que ce soit pour la qualité du livre, pour la traduction et les commentaires de B Combeaud. Un must. 

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    Voilà mon dernier conseil pour ceux qui aiment écouter, les versions audio que j’ai présenté ici dans un billet il y a peu . 

    Je ne jure pas que cette bibliothèque se maintiendra ainsi, je vais sans doute y faire quelques rajouts mais attention il va falloir que s’en en vaille la peine !

    Les Livres et Livres audio

    Ovide - Lettres d'amour et d'exil - Editions Thesaurus Actes Sud 
    Ovide - Les Métamorphoses - Traduction Marie Cosnay - Editions de l'Ogre
    Xavier Darcos - Ovide - Editions Fayard
    Nicolas Gardnini - Avec Ovide - Editions de Fallois
    Xavier Darcos - Notre Virgile - Editions Fayard
    Virgile - Editions de la Pléiade
    André Comte-Sponville - Le miel et l'absinthe - Editions Herman 
    Lucrèce - La Naissance des choses - Traduit par Bernard Combeaud - Editions Mollat 
    Ovide - Les Métamorphoses lues par Michel Vuillermoz Editions Frémeaux 
    Lucrèce - La naissance des choses  lue par Denis Podalydès Editions Frémeaux 

  • A tout seigneur .......

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    Depuis la création de ce blog Montaigne a été présent de nombreuses fois, à travers des livres, par des références et des échanges avec vous lectrices et lecteurs. 

    Il est temps de faire un tour sur les rayons de ma bibliothèque et de voir un peu ce qu’elle contient sur cet homme si singulier. 

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    Il y a bien entendu un certain nombre de livres qui sont sur mes étagères et que j’aime feuilleter à nouveau mais qui ne sont pas parmi les livres majeurs autour de Montaigne

    Allez je vous les montre et cite en vrac, comme ils se présentent.

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    Il y a là Pierre Villey longtemps la référence de publication des Essais, Marcel Conche adepte de Montaigne, André Comte-Sponville qui fut un des premiers à me prendre la main pour cette lecture foisonnante, Pierre Leschemelle un homme qui a écrit trois livres que j’aime mais qui n’est en rien un universitaire, les biographies bien entendu, et Antoine Compagnon un des derniers avec son été si plaisant, d’autres auteurs moins connus mais que j’aime.

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    Ensuit il y eu ma première lecture complète grâce à l’édition d’Arléa, elle reste mon édition de référence et je l’ai fait relié pour lui éviter les abus du temps.

    Elle est marquée, crayonné, pleine de citations autour des Essais, de références de lecture, bref comme un bréviaire auquel autrefois, les moines dans la solitude de leur cellule, revenaient à l’infini.

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    Aujourd’hui s’y ajoute l’éditions chez Robert Laffont sous la direction de Bernard Combeau, c’est une belle et excellent édition avec une belle langue et des traductions des citations parfaites, peu de notes mais suffisamment pour nous éclairer. 

     

    Je sais pour l’avoir lu sur certains blogs, que bien des lecteurs pensent que l’essentiel est la lecture de l’oeuvre et non les livres autour de cette oeuvre, c’est d’ailleurs un peu la position de Montaigne. 

    Mais si il y a une chose que cet homme m’a appris c’est bien à ne jamais être dogmatique, alors je revendique le droit d’aimer les livres autour des oeuvres ou les biographies de cet homme ah mais !!

     

    Je fais en passant un petit clin d’oeil à Bonheur du Jour qui lit en ce moment Homère mais aussi des livres autour du vieil aveugle et de son monde.

     

    Après les livres appréciés mais non indispensables il y a ceux qui m’ont accompagné dans le maquis des Essais, parce que ne jouons pas les spécialistes, c’est parfois difficile d’accès, surprenant, bizarre, contradictoire, paradoxale et il est bon d’avoir un compagnon de route qui vous ouvre des barrières, vous évite de vous prendre les pieds dans ronces, et vous remet parfois sur le bon chemin. 

     

    Voilà donc ma bibliothèque privilégiée 

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    Plusieurs volumes d’un spécialiste de Montaigne, Géralde Nakam, j’ai les principaux livres de lui et ils m’ont vraiment éclairé non seulement sur l’oeuvre mais aussi sur cet homme qui pour Nakam est le « Miroir de son temps » 

    Mon préféré reste Le dernier Montaigne empreint de gravité et de mélancolie, celui qui me touche le plus.

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    Il y a bien entendu le livre qui a remporté un succès certain : Sarah Bakwell dont vous pouvez retrouver la chronique sur ce blog. 

    Montaigne et les livres de Floyd Gray qui permet d'errer dans la bibliothèque de l'essayiste.

    Et un classique de la biographie, celle de Donal Fram qui fut longtemps ma référence.

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    Il y a une collection dans laquelle j’ai pioché allègrement ce sont les Classiques Garnier, souvent érudits, certains sont à la portée du lecteur assidu des Essais.

    Cet été il y en a deux à mon programme de lecture , La culture de l’âme de Daniel Ménager, et Montaigne et la philosophie du  plaisir de Rafal Krasek, une lecture réjouissante pour ces temps de morosité. 

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    Enfin il y a des monstres sacrés, références indépassables :

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    Philippe Desan et sa biographie d’un Montaigne politique mais plus encore son dictionnaire Montaigne chez Honoré Champion une source intarissable pour la connaissance et la compréhension. Pour les curieux il y a une édition à un tarif accessible en Classiques Garnier 

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    Jean Starobinski et son Montaigne en mouvement qui aide à saisir et comprendre l’homme au delà de l’oeuvre, écoutez l’interview et vous saurez pourquoi j’aime ce livre.

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    Enfin il y a Hugo Friedrich, ne cherchez pas, ce n’est pas un auteur récent son Montaigne date de 1949 mais il n’a pas vieilli, il est riche et passionnant et c’est celui qui m’accompagne depuis des années.  Celui là aussi a été relié pour le garder en l’état, vous vous pouvez le trouver chez Gallimard sans problème.

     

    J’arrête là mon bavardage et je vous laisse en compagnie de Montaigne 

     

    Tous les livres de ma bibliothèque Montaignienne 

    Un été avec Montaigne - Antoine Compagnon - Editions des Equateurs

    Je ne suis pas philosophe - André Comte-Sponville - Editions Honoré Champion

    Montaigne et la philosophie - Marcel Conche - Editions PUF

    Montaigne notre nouveau philosophe - Joseph Macé-Scaron - Editions Plon

    Les Essais - Pierre Villey - Editions Nizet 

    Le Mal à l’âme  - La mort Paradoxe -Le badin de la farce - Montaigne tout entier et tout nu 

    - Editions Imago 

    Montaigne en Mouvement - Jean Starobinski - Editions Folio essais

    Montaigne - Hugo Friedrich - Gallimard Tel

    Montaigne Dictionnaire - Philippe Desan - Classiques Garnier

    Montaigne une biographie politique - Philippe Desan -  Odile Jacob 

    Montaigne une vie une oeuvre - Donald Fram - Classique Garnier 

    Montaigne et les livres - Floyd Gray - Editions Classiques Garnier

  • Une saga moscovite - Vassili Axionov

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    Patrice vient de publier un billet sur le livre monumental de Vassili Grossman : Vie et destin.
    Ce livre est un chef-d’oeuvre absolu et je vous invite à lire Patrice sur le sujet, en le lisant j'ai eu envie de relire un roman de Vassili Axionov sur le même sujet

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    En 1995 paraissait Une Saga Moscovite, un roman russe sur un sujet très similaire et même si l’envergure n’est pas toute à fait la même, sa lecture est passionnante et éclairante.

    Pour entrer dans le monde d’Axionov il faut vous transporter en Russie, juste après la révolution, au moment où Staline va accéder au pouvoir, c’est lui qui va rythmer ce roman. 
    Nous suivons le destin de plusieurs personnages, ballotés par les évènements, maltraitrés, emprisonnés.

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    Arrivé au pouvoir 

    Le chef de la famille Gradov,  Boris Gradov  « cinquante ans, un homme encore parfaitement svelte, au complet bien coupé et seyant, à la petite barbe taillée avec soin » est un médecin, issu de la bourgeoisie, prudemment reconverti à un communisme discret, respecté par la communauté médicale. C’est lui qui va déclencher la tourmente pour les siens.

    Appelé en consultation auprès d’un membre du bureau politique il a le malheur de poser un diagnostic qui déplait, la victime est liquidée lors de l’intervention chirurgicale qui suit.
    Boris Gradov fait silence sur ce meurtre mais sa conscience le poursuit.
    Il s'est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, sa famille et lui vont en payer le prix.

     

    Tous les membres de la famille vont connaitre un destin tragique mais tous d’une façon différente, chacun d’eux représentant une part des horreurs de la dictature stalinienne.

     

    Le fils aîné Nikita a embrassé la carrière militaire et sera très tôt nommé général. Il a participé à la répression du soulèvement des marins de Cronstadt en 1921, cela serait à son crédit s’il n’en éprouvait pas un remord profond, persuadé que l’on a fusillé des innocents. 

    Son épouse Véronika est connue pour ses goûts de luxe, pour tout dire des goûts bourgeois
    Un remord et une épouse peu présentable cela va suffire.

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    Propagande stalinienne

    Kyrill, le second fils,lui est le parfait bolchevique stalinien, pur, dur, sans état d’âme. Il travaille dans les villages où les populations sont soumises de gré ou de force à la collectivisation.Les paysans, les femmes, les enfants sont déplacés comme du bétail vers l’abattoir. Il parait à l’abri de la tempête, mais c’est sans compter sur un sursaut d'humanité envers un enfant. 

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    La Dékoulakisation

    Tsilla son épouse communiste convaincue affirme « j’aime mon père, mais en tant que communiste, j'aime encore plus mon parti » mais communiste ou pas Tsilla est juive et le régime stalinien est profondément antisémite.

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    Pacte Germano-soviétique

    Enfin Nina, la fille de la famille est une  poétesse communiste mais qui réserve sa ferveur à la poésie plutôt qu’au régime. Quittant Moscou, elle partira vivre en Géorgie où elle croisera Mandelstam mais aussi le terrible Lavrenti Béria

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    Lavrenti Beria : le Himmler russe 

    La Second guerre viendra s'ajouter aux souffrances et aux horreurs.

    C’est à travers le sort de ces personnages que Vassili Axionov nous dresse un tableau gigantesque de cette période. Sa fresque historique que l’on a qualifiée de « Guerre et paix » du XXè siècle est pleine de « bruit et de fureur »

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    Vassili Axionov

    Il ne nous épargne rien : dénonciations, surveillance, torture, déportations, goulag, massacre de la population juive. Il nous fait ressentir la peur qui nait chez chacun et fait dire à Mandelstam  « Ces grosses voitures noires....Quand je les vois, quelque chose d'aussi gros et d'aussi noir s'élève du fond de mon âme. Je suis poursuivi par la vision de quelque chose de terrible qui, inévitablement, nous étouffera tous.. »

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    Réquisitoire contre tous les totalitarismes, ce récit ample est plein d’émotions et passionnant de bout en bout.
    Les digressions lors de certains chapitres, loin d’affaiblir le récit, nous rendent parfaitement présente la propagande de l’époque.

    Ce roman n’est pas une autobiographie mais plusieurs éléments ressemblent de troublante façon au destin de la famille de Vassili Axionov et à son enfance marquée par la condamnation de ses parents.

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    Sa mère Evguénia Sémionovna Guinzbourg se tournera vers l’écriture à sa sortie du Goulag avec deux livres qui témoignent de ce que fut le stalinisme : Le Vertige et Le ciel de la Kolyma 

     

    Les Livres 

    Une Saga Moscovite - Vassili Axionov - Traduit du Russe par Lily Denis - Editions Gallimard ou Folio 2 tomes 
    Vie et destin - Vassili Grossman - Editions Bouquins Robert Laffont
     Le Vertige et Le Ciel de la Kolyma - Evguénia Guinzbourg - Editions du Seuil Poche

  • Sonnenschein - Daša Drndić

    « Tout nom cache une histoire »

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    C’est le second livre que je lis dans le cadre de la Lecture commune pour l’Holocauste et plus encore que Goetz et Meyer ce livre fut un choc de lecture
    La littérature croate ne tient pas beaucoup de place sur les présentoirs des librairies hélas et on a un peu honte qu’un tel livre soit passé un peu inaperçu.

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    © LUDOVIC MARIN AFP 

    C’est à la fois un regard et une écriture, brutale, dérangeante. Des mots qui interpellent, mettent en cause, alertent, on ne sait pas comment qualifier ce qui se passe pour le lecteur tout au long de ce roman documentaire comme le nomme l’auteur et l’éditeur.

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    Gorizia aujourd'hui 

    Le récit se déroule dans La ville de Gorizia, proche de Trieste, dont le nom se décline selon les langues en Görz, Gorica, Gurize. C’est souvent le cas pour ces villes où le vent de l’histoire à baptisé les lieux chaque fois que la frontière se modifiait. 

    Ville qui évolue de son attachement à l’Empire austro-hongrois à l’appartenance à l’Italie annexée à l’Axe durant la guerre. 

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    L’héroïne de ce roman Haya Tedeschi est une femme âgée et depuis 1944 elle attend…elle attend ainsi depuis soixante-deux ans. « À ses pieds, une immense corbeille rouge remplie de photos, de coupures de presse, de documents divers. Son attente, au début du roman, est « notre attente ».

    Haya est née à Gorizia et a grandit dans une  famille juive qui va hésiter et pencher curieusement vers le fascisme à l’arrivée de Mussolini, espérant peut être l’impunité grâce cela.

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    Haya peut ainsi se croire à l’abri mais l’histoire avance et l’on s’achemine vers le temps des massacres. 
    La famille Tedeschi semble ignorer ces faits car ils détournent la tête  regardent ailleurs, les voisins ne disparaissent pas « ils déménagent » ils ne sont pas expulsés ils « semblent ne plus ouvrir leur magasins » 

    Le récit s’étend géographiquement et dans le temps, on approche de l’inhumain 
    Haya est amoureuse d'un allemand qui est venu un jour acheter des pellicules photo dans sa boutique. 

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    Treblinka 

    C’ est Kurt Franz, celui qui à Treblinka « se promène, monte à cheval, court le matin, chante (…) plante des fleurs » Treblinka est fermé il a été muté !!
    Elle se retrouve seule lorsque, fin de la guerre oblige, il quitte Trieste.
    C’est le début de l’attente pour Haya.

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    le bon dieu sans confession 

    Personnage symbolique, Haya est là pour nous rappeler ce que vécurent ces hommes et ces femmes, certains broyés immédiatement, d’autres se transformant en bourreaux.

    Après la guerre les yeux d’Haya s’ouvrent petit à petit, elle lit des témoignages, ses souvenirs  prennent une autre teinte, elle suit les procès qui sont faits aux criminels de guerre 

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    Rizerie de San Sabba

    En 1976 commence le procès des criminels de guerre de San Sabba. Dans cette rizerie de Trieste, on a assassiné des Juifs, des Tsiganes, des résistants.
    Un four crématoire avait été construit par Erwin Lambert, ingénieur qui a fait ses preuves en Allemagne et en Pologne en éliminant des malades mentaux et des handicapés.

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    Erwin Lambert un bon père de famille 

    L’auteure ne vous donnera la clé de cette attente qu’en toute fin du livre mais on pressent tout au long  que ce qui sortira de la quête ne sera ni joyeux, ni consolant.
    C’est un quête pour savoir et comprendre, pour éclairer cet événement violent et inimaginable que fut la déportation et l’extermination des juifs en Europe.

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    Sélection à Auschwitz-Birkenau en .

    Si ce roman m’a tellement marqué c’est par la façon dont Daša Drndić parle de l’histoire, mêle les faits avec ce qui sort de son imagination.

    Le récit n’est jamais linéaire ce qui parfois rend la lecture difficile, exigeante, mais c’est un peu comme si l’on inventoriait tout le contenu du panier rouge d’Haya et que l’on sortait tous les papiers, photos, coupures de presse, tout un par un. 

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    Nous ne sommes pas les derniers  - Zoran Mušič

    Ainsi on croise Boris Pahor, Paul Celan, Zoran Mušič, Umberto Saba, Danilo Kiš, Claudio Magris …et surtout ce qui pour moi fut une rencontre forte le philosophe Carlo Michelstaedter dont la soeur disparue à Ravensbrück, je l’avais lu il y a environ 20 ans et il s’est à nouveau imposé à moi grâce à ce roman.

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    La littérature, la philosophie, la poésie, la peinture sont-elles plus à même de dire la douleur, l’horreur, la souffrance ?

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    Carlo Michelstaedter

     

    Le roman est interrompu pendant 80 pages et nous trouvons la liste des 9000 juifs qui ont perdus la vie dans les camps, les transports ou les territoires occupés. C’est comme une reconnaissance, un hommage, une stèle de papier.

    Daša Drndić  a ainsi redonné un visage à l’histoire refusant que l’individu soit résumé à une « note en bas de page de l’Histoire »

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    Réquisitoire très puissant contre les nazis bien entendu mais aussi envers tous ceux qui ont fermés les yeux ou tournés la tête : la Croix-Rouge qui aide les nazis à blanchir l’argent des victimes déportées, le Vatican qui aidera à cacher les criminels de guerre, ou plus simplement par exemple ….un chef d’orchestre :
    «  En 1955 Karajan est nommé chef à vie de l’Orchestre philharmonique de Berlin (…) la terre absorbe le passé comme la pluie disparait dans ses entrailles » En 1935 il avait adhéré au parti Nazi et joué pour Hitler.

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    Et pourquoi ne pas diriger l'Ode à la Joie ?

    Sonnenschein est un roman parfaitement documenté, on a envie d’ajouter hélas ! Car les protagonistes ont réellement vécu et fait ce dont on les accuse. Des photos, des compte-rendus des procès, les retranscriptions d’interrogatoires, tout atteste de la réalité des faits.
    La folie meurtrière du nazisme, la circulation des trains, les camps,  les exécutions, le Lebensborn 

    C’est comme un monument pour sauver de l’oubli des hommes et des  femmes qui un jour ont vécu, aimé, travaillé, parce que « tout nom cache une histoire » 

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    Daša Drndić

    La construction du livre rend le lecteur témoin, il est interpellé par les faits qui redonnent vie aux victimes anonymes et  qui sont un réquisitoire sans appel pour les bourreaux qui voudraient faire croire à leur petite vie de fonctionnaires obéissants. 

    Daša Drndić multiplie sans arrêt les points de vue, les documents, les cartes, les dates, jusqu’à parfois rendre le lecteur un peu hagard, un peu noyé par ce chaos effrayant. 

    Pourtant l'auteur parvient à donner une cohérence à tout ça et c’est ce qui fait la force du livre, sans doute un des grands livres sur l’Holocauste.

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    Le livre : Sonnenschein - Daša Drndić - Traduit par Gojko Lukić - Editions Gallimard

  • Le Berger de l'Avent - Gunnar Gunnarsson

    Voilà je commence l’année en me laissant aller à mes penchants favoris : paresse et procrastination. 
    J’ai commencé ce billet il y a plusieurs jours et depuis il est en stand by ouhhhh.

    Pendant les fêtes on s’active, il y a un peu de charivari et cela n’est guère propice à la lecture mais parfois un livre passe le barrage.

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    Celui que je vous propose est un intemporel absolu, donc surtout ne vous fier pas à son titre en pensant lire un lénifiant récit de noël.
    Non Le Berger de l’Avent est une petite merveille dont le seul défaut est son caractère lilliputien. 
    Le genre de récit que l’on a envie d’offrir dès la dernière page refermée.

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    Début décembre en Islande «  le premier dimanche de l’ Avent marquait le début des préparatifs pour les fêtes de Noël. Chacun s’y préparait à sa manière, mais celle de Benedikt n’appartenant qu’à lui »

    Bennedikt le berger affronte l’hiver hostile et ses tourments pour ramener à l’étable les moutons perdus sur les landes, égarés dans le brouillard au fil des mois.
    Des moutons qui ne sont pas les siens mais dont il prend soin d’année en année, chaque mois de décembre.

     « – l’Avent, l’Avent ! Benedikt prononça le mot avec précaution. C’était un mot paisible, familier et pourtant étrange. Il n’en connaissait pas la signification exacte mais, pour lui, ça voulait dire à la fois l’attente, l’espérance, la préparation. Au fil des années, c’était le mot qui avait guidé son existence. »

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    « La tempête et le blizzard, en hurlant, s’attaquaient aux toits gelés. On aurait dit une armée de monstres jaillis du plus noir de la nuit. »

    Il ne part pas seul, un bélier et un chien l’accompagnent, Roc et Leo, un trio soudé où chacun accompli sa tâche avec courage et ténacité. Ce n’est pas rien de rassembler les moutons, de la conduire vers un abri. 

    La magie de Gunnar Gunnarsson opère avec des descriptions magnifiques de tempêtes dans ce royaume du froid pendant lesquelles l’homme peut à peine respirer. 
    Des images douces de repos auprès du feu dans la chaleur des moutons.
    Roc et Leo sont aussi les héros du récit, fidèles à la mission que leur confie Bennedickt.

    Dieu est là mais un peu en filigrane, Bennedikt est le porteur d’une mission qu’il se donne chaque année sous la protection de son Dieu.

    Il y a de la poésie, de la chaleur, de la bonté, de la vie dans ce récit. Le lecteur regarde ce paysage grandiose à travers le regard du berger et des mots de l’auteur. Le texte respire la générosité à chaque page. 

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    Jòn Kalman Stefànsson a écrit une belle postface pour cet écrivain très peu connu aujourd’hui en France qui fut plusieurs fois pressenti pour le Nobel.
    C’est mon libraire favori qui m’a proposé ce livre, qu’il en soit remercié. Aifelle et Hélène ont été sensible  à ce récit.

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    Le livre : le Berger de l’avent - Gunnar Gunnarsson - Editions Zulma

  • Je ne reverrai plus le monde - Ahmet Altan

    Tout d’abord un très grand merci à Luocine qui a attiré mon attention sur ce livre.
    On lit dans la presse, on entend à la radio l’arrestation de tel ou tel en Turquie, et puis on oublie.

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    Ahmet ­Altan, journaliste et écrivain turc, a été accusé de complicité dans le putsch de juillet 2016.
    Lors d’un premier procès la cours constitutionnelle avait décrété son emprisonnement inique mais cela importe peu au pouvoir et à Mr Erdogan et le 16 février 2018 il est condamné à la « Perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle »  condamnation annoncée par un juge fantoche tel un « personnage de Gogol »

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    « Nous ne serons jamais graciés, et nous mourrons dans une cellule de prison » a dit Ahmet Atlan
    Alors il prend la plume et le titre du livre en forme de prédiction est glaçant et d’une tristesse infinie.

    « Je n’ouvrirai plus jamais une porte moi-même »

    « Je ne verrai plus la mer, je ne pourrai plus contempler un arbre, je ne respirerai plus le parfum des fleurs…. » 

    « J’ai observé les murs. On aurait dit qu’ils se resserraient.Et soudain j’ai eu l’impression qu’ils allaient se refermer sur nous, nous broyer, nous avaler comme une plante carnivore. »

    J’ai été frappée par l’affirmation de l’auteur qui dit qu’au fil du temps on fini par oublier son propre visage en l’absence de tout miroir. 

    Comment vivre et ne pas perdre espoir ? Peut-être « s’accrocher aux branches de son propre esprit ».

    Communiquer avec ses compagnons de cellule même si c’est à la fois difficile et surprenant. Des hommes très pieux pour certains, d’autres habités par la tentation de la délation qui leur permettrait de sortir

    Des hommes qui ne parviennent pas à croire que l’on peut être athée sans être immoral ! Alors Ahmet Altan convoque Pascal et Spinoza à l’aide.
    Dans la cour sa marche forcée est prétexte à des « disputes avec lui-même ». 

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    La Datcha du Dr Jivago

    Après l’annonce de sa condamnation, pour supporter l’angoisse il se tourne vers la littérature.  
    « nous n’écrivons que ce que nous pouvons, comme nous le pouvons ». 

    Il revient à ses auteurs de prédilection : Tolstoï, Balzac, Dostoïevski.
    Il refuse de se réveiller en prison et imagine des  contrées lointaines toujours un peu teintées de littérature : la savane africaine, les fjords de Norvège ou la datcha du Docteur Jivago.

     Il rend alors hommage à Sénèque, Épictète ou Boèce dont les textes l’aident à se sentir plus humain encore. 

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    Deux frères 

    Son frère animateur à la télévision a été arrêté en même temps que lui, c’est presque une tradition familiale, le père de Ahmet Altan a lui aussi connu les prisons turques en 1971 et fut à répétition accusé de diffamation contre l’Etat.

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                 Ahmet Altan et sa fille, le 4 novembre dernier, après sa libération. | AFP / BULENT KILIC

    Philippe Sands, auteur de l’essai Retour à Lemberg lui a rendu visite en prison.

    Libéré il y a une semaine après que le jugement ait été cassé en juillet 2019 , il est de nouveau arrêté  le 12 novembre 2019

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    Ahmet Altan arrêté  le 12 novembre2019  BULENT KILIC / AFP

     « Je suis écrivain, Vous pouvez me jeter en prison, vous ne m’enfermerez jamais car comme tous les écrivains, j’ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles. »

     

    En lisant ce livre j’ai repensé à tous les condamnés célèbres, Dostoïevski, Chalamov, Soljenitsyne, Mandela. 
    J’ai eu envie de relire le manifeste d’une liberté par la littérature de Joseph Czapski

    Un livre qui est une leçon d'espoir

     « Je sais que l’Etat de droit qui a été fusillé, blessé et qui gît inconscient dans son sang, guérira éventuellement et reviendra à lui. »

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    Le livre : Je ne reverrai plus le monde  Ahmet Altan - Traduit par Julien Lapeyre de Cabanes - Editions Actes sud