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Littérature russe

  • Vie et Destin - Vassili Grossman

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    C’est une relecture que je fais cet été. J’ai lu Vie et destin à sa sortie en 1980 je crois.
    Depuis le texte a été remanié pour inclure des passages absents lors de la première édition.

    Un gros pavé écrit par Vassili Grossman qui fut à ses débuts un fervent communiste, mais Vie et destin est plutôt un brûlot contre le Stalinisme alors comment cet homme est-il passé de fervent communiste à accusateur de la dérive totalitaire de son pays ?

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    Qu’a-t-il vu pour en arriver là ? Grossman fut reporter de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale et c’est à ce moment-là que ses yeux se sont dessillés.

    Ce qui impressionne le plus dans le récit de Vie et destin c’est le rapprochement que fait Grossman entre Stalinisme et nazisme.

     

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    Il faut se rendre compte que cette comparaison n’est pas seulement neuve pour l’époque, elle proprement incroyable, le peuple russe vient au prix de sacrifices inimaginables de gagner la guerre au terme de la « Grande guerre patriotique »

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    Qu’un auteur russe vienne dire qu’il y a une ressemblance entre ce pays qui a lutté contre l’Allemagne et le système nazi, c’est proprement monstrueux.

    Aujourd’hui ce rapprochement n’est plus aussi osé, encore que, KGB et Gestapo même pratiques ? Goulag et camps de concentration même répression ?

    Pour faire entendre son propos Vassili Grossman met en scène une multitude de personnages, des focus sur des lieux, des moments, des faits qui convergent vers ce rapprochement.

    Il tente de nous peindre les mécanismes partagés par les deux régimes, la délation, la répression, l’enfermement.

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    Vassili Grossman campe toute une série des personnages comme Sturm le physicien juif, qui parvient à retrouver son poste perdu à la condition de signer une lettre contre ses amis chercheurs, cela ressemble tellement à ce qu’a dû faire Vassili Grossman contre ses amis écrivains pour continuer à être publié !!!

    Des personnages broyés par les aléas de l’histoire.
    Mais ce n’est pas tout, Grossman poursuit son analyse et compare les régimes totalitaires actuels avec ceux des Tsars.

    Barbarie contre barbarie pour aboutir à un chef-d’œuvre.

    Un livre magnifique, un livre indispensable, et Grossman que l’on entend derrière tout ce livre nous dit que tout système qui supprime la liberté est inacceptable.

    Nous devons conserver notre croyance en l’homme et Grossman le dit ainsi

    « C'est la bonté d'une vieille, qui, sur le bord de d’une route et qui donne un morceau de pain à un bagnard qui passe, c'est la bonté d'un soldat qui tend sa gourde à un ennemi blessé, la bonté de la jeunesse qui a pitié de la vieillesse, la bonté d'un paysan qui cache dans sa grange un vieillard juif. »

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    Comme moi vous serez emporté dans Stalingrad assiégé, vous pénétrerez dans un camp de concentration comme Grossman le fit à Treblinka.
    Vous serez du côté de ceux qui souffrent de la famine, de la terreur, des exactions de la guerre.

    Je ne peux pas terminer ce billet sans faire écho à la lettre que Vassili Grossman écrit en hommage à sa mère. Elle fut vraisemblablement tuée par les Einsatzgruppen, lors des massacres du ghetto de Berditchev comme le furent d’autres juifs dans les fossés de Kiev.

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    Un roman achevé en 1962 mais confisqué par le KGB dont les agents auraient dit : nous ne sommes pas venus arrêter l’auteur, mais le livre

    Vassili Grossman meurt en 1964 et ne verra pas son roman publié.
    Le microfilm parvient à franchir le Rideau de fer et en 1980 le livre est publié chez l’âge d’homme puis chez Julliard pour l’édition française.

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    Un livre testament, une immense fresque historique, un livre majeur pour ce vingtième siècle qui fut à la fois un formidable changement pour l’homme mais aussi un temps d’effroi et d’horreur qu’il nous faut conserver en mémoire.  

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    Le livre : Vie et destin – Vassili Grossman – Traduit par - Éditions Robert Laffont

  • Premier amour - Ivan Tourgueniev

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    Une histoire simple, Vladimir Petrovitch un adolescent de 16 ans tombe amoureux fou de Zinaïda qui en a vingt et un et vit dans le domaine d'à côté.Il est un peu encore dans les jupes de sa mère et souffre de l’ignorance de son père à son égard.

    Lui est d’une timidité maladive, elle connaît déjà la vie, elle est belle et sulfureuse et tous les hommes sont à ses pieds.

    Ce n’est pas une histoire romantique, Vladimir éprouve des sentiments violents, une jalousie sans bornes attisée par la belle Zinaïda Zassekine volage, coquette et cruelle.

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    C’est plus que les premiers émois adolescents, c’est l’amour d’un homme pour une femme.
    Mais cet amour s’inscrit dans une famille russe du
    XIXème siècle avec ses codes.

    Henri Troyat biographe de Tourgueniev affirme que ce récit est en grande partie autobiographique.

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    Le roman explore en effet les premiers émois amoureux mais au-delà c’est la cruauté, la souffrance, l’humiliation qui sont le nœud du récit.

    Le héros est totalement aveuglé par ses sentiments, incapable de voir que sa belle est encline à séduire tous les hommes passant à sa portée, elle est prête à se constituer un parterre d'adorateurs, comme l’on dit aujourd’hui : ils ne jouent pas dans la même cour !!

    Aucune mièvrerie dans le récit, c’est réaliste tant du point de vue des personnages que des émotions décrites.
    Le style de Tourgueniev est très accessible et la lecture est facile.

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    C’est sans doute le roman le plus connu de Tourgueniev, si vous choisissez la version audio sachez que la lecture de Stéphane Freiss est parfaite.

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    Le livre : Premier amour – Ivan Tourgueniev – Traduit par Edith Scherrer – Gallimard Pléiade
    Le livre audio : Lu par Stéphane Freiss - Éditions Naïve

  • Maitre et serviteurs - Leon Tolstoï

    Pourquoi lire des classiques ? la réponse est dans ce récit qui n’a pas pris une ride, qui aujourd’hui encore parle au lecteur.

    Tolstoï a été toute sa vie en proie aux tourments, il a traversé une crise morale et religieuse, n’arrivant pas à vivre sa foi ni à réaliser son idéal de pauvreté. L’histoire qu’il conte ici en est l’illustration, il traduit l’idée qu’il se fait d’une vie réussie, bénéfique et de l’importance du don de soi.

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    Nous sommes en 1870, au lendemain de la saint Nicolas, le plein hiver.
    Le marchand Vassili Brékhounov se dispose « à se rendre chez un propriétaire du voisinage pour lui acheter une forêt »
    S’enrichir, faire des affaires, amasser des biens, devenir millionnaire, voilà sa préoccupation première. Il exploite allègrement tout son entourage y compris ses amis.

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    Le dégel - Fiodor Alexandrovitch Vassiliev - Galerie Trétiakov Moscou

    Nikita son valet va le conduire, il est connu pour sa vaillance, sa bonté, son adresse. Il accepte tout de son maître au point que celui-ci finit par être persuadé d’être le bienfaiteur de Nikita ! Et celui-ci surenchérit estimant travailler « comme pour son père »

    Nikita attèle Moukhorty le cheval bai et les voilà partis tous deux sur un traîneau. Le temps est à la tempête « Les traces des patins étaient aussitôt recouvertes par la neige » mais qu’importe le profit n’attend pas.
    En route pour
    Goriatchkino.

    Les verstes s’ajoutent aux verstes.
    La nature reprend ses droits, la neige engloutit tout, le blizzard souffle et les congères s’élèvent.

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    Nikolaï Sverchkov Dans le Blizzard collection particulière

    Vassili sait qu’il faudrait s’arrêter dans le village traversé mais l’appât du gain est le plus fort.
    Petit à petit arrive la peur de la mort, la sienne bien entendu, celle de Nikita lui importe bien peu.

    Pour Nikita la mort est une compagne de toujours, une fatalité. Il est résigné, il a la sagesse des gens de la terre.

     « Il était habitué depuis longtemps à n’avoir de volonté que celle des autres. »

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    L’univers devient sans repère, le danger les guette. 
    Les pensées de Brekhounov sont alors bien éloignées des biens matériels, la peur, la terreur l'envahissent
    « Il sentait qu'il allait périr au milieu de cet affreux désert de neige mais ne voyait aucun moyen de salut »
    « Mourait-il ou s'endormait-il ? Il ne le savait ; mais il se sentait également prêt pour l'une ou pour l'autre chose. »

    Le texte touche à l’absolu, la vie, la mort, l’universelle humanité
    Véritable parabole sur la mort ce récit haletant s'écoute ou se lit avec bonheur.



    Un petit joyau, si vous ne l’avez jamais lu jetez-vous dessus.

    Georges Haldas grand connaisseur de Tolstoï dit « C’est la face visible, humaine, d’une angoisse infiniment riche et féconde à la fois. ».



    Claude Lesko prête sa voix à Brékounov et à Tolstoï

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    Le livre : Maître et serviteur – Léon Tolstoï – Traduit par Boris de Schoelzer – Le livre de poche

    Le livre audio : Éditions Frémeaux et associés – Lu par Claude Lesko

    Vous pouvez trouver le livre chez Folio, et le CD chez Gallimard avec un lecteur différent

  • Les Pauvres gens - Fedor Dostoïevski

    Quand on a lu les principaux romans d’un auteur, il reste ses écrits plus anciens, pas forcément les meilleurs mais l’on a plaisir à découvrir l’auteur un peu balbutiant, un peu maladroit parce qu’on sait ce qu’il adviendra.

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    Constantin Makowski

    Les Pauvres gens est le premier roman de Dostoïevski, il a obtenu un succès immédiat alors qu’il n’a que 25 ans
    Le style est déjà là, ce roman épistolaire contient en germe ce que l’on retrouvera plus tard dans son œuvre.

     Le roman tourne autour de deux personnages : Varvara Dobrossiolova et Makar Dévouchkine.
    Lui est un petit fonctionnaire toujours sur la corde raide question finance, il est plus âgé qu’elle.
    Varenka est une lointaine cousine à la santé précaire, une orpheline qui vit dans une pauvreté terrible et qui a été déshonorée par un riche propriétaire terrien.

    Makar vit dans un logement collectif sans aucun confort, bien qu’en difficulté il tente d’aider Varenka. Il est touché par son courage, il dépense jusqu’à son dernier kopek pour lui faire quelques cadeaux.

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    Ilya Répine

    Au fil de leur correspondance se dessine une affection sincère et profonde même si elle est faite de non-dits et de silences.
    « l'existence est moins lourde quand on la supporte à deux. »

    Ils font état de leurs craintes, de leurs difficultés, ils se livrent avec sincérité et humilité, Makar se traite d’ignorant, Varenka dit « Ah ! mon ami ! le malheur est une maladie contagieuse. » Chacun devient le confident de l’autre.

    On a au fil du récit le sentiment d'avoir affaire à des personnages aux abois, et cette impression va crescendo.
    Mais Varenka sait ce qu’elle veut, ce qu’elle est prête à accepter, et le dénouement final n’a rien de glorieux.

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    Illuminations à Saint Pétersbourg Fiodor Vasilyev

    A travers leur lettres Dostoïevski dresse un tableau sordide de la vie à la russe, la lutte quotidienne pour manger, se loger, se vêtir, bref vivre.
    Il décrit merveilleusement bien l’univers « des petits, des sans grade » ces êtres pitoyables qui gravitent autour des personnages principaux : un écrivain raté, un commerçant indélicat, une tante monstre d’égoïsme.

    « J'ai mis chez moi un lit, une table, une commode, deux chaises, j'y ai accroché une icône.Votre fenêtre est en face, de l'autre côté de la cour, et celle-ci est exiguë ; je vous apercevrai en passant, cela égaiera ma misérable vie »

    Son analyse de l’âme humaine présente déjà toutes les contradictions que l’on rencontrera dans ses grands romans. Culpabilité et péché, orgueil ou rédemption.

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    L’auteur exagère les émotions, l’amour de Makar est profond et intense,
    « Dès que je vous ai connue, d'abord, j'ai commencé à mieux me connaître moi-même, et je vous ai aimée ; et avant vous, mon petit ange, j'étais solitaire, c'était comme si je dormais, je ne vivais pas au monde. »

    Le rythme des phrases accentue l’impression de tourment qui assaille les personnages et donne cette sensation de percer l’âme humaine ce qui sera le propre de Dostoïevski.

    La traduction de Markowicz rend parfaitement l'esprit torturé de l'écrivain et apporte tout ce qu’il faut au lecteur pour se laisser séduire par ce roman.

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    Le Livre : Les Pauvres gens - Fedor Dostoïevski - Traduction  André Mar­ko­wicz  -  Actes Sud

     

     

  • La Vie d'Arséniev - Ivan Bounine

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    Un billet sur un livre lu il y a longtemps mais que j’ai décidé d’aller piocher dans mes archives pour vous le proposer.

    L’hiver est la meilleure période pour entreprendre un voyage dans la steppe russe, une troïka, des fourrures et à l’arrivée un énorme samovar.

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    C’est ce que je vous propose à travers  la vie d’Arséniev  les souvenirs de jeunesse d’un héros qui ressemble comme un frère à Yvan Bounine.

    la Russie impériale jette ses derniers feux et nous voilà au sein d’une famille de la noblesse terrienne avec ses personnages hauts en couleurs et attachants.

    La mère effacée, le père qui dilapide au jeu la fortune familiale sans que jamais personne ne semble lui en tenir rigueur, les frères contraints d’aller chercher fortune au loin, les soeurs ombres fugitives à peine évoquées.

    L’on suit les tribulations de la famille au gré des pertes de jeu, des héritages, des récoltes, des désastres naturels, des fêtes religieuses, des voyages.
    Le héros dès l’enfance est d’une sensibilité exacerbée, il se tourne à l’adolescence vers l’écriture,la poésie.

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    Patio of Sviyazhsk - Alexander Alexandrovsky

    Le récit est fait de petites scènes, de tableaux de la vie russe et de descriptions d’une nature omniprésente.
    La vie campagnarde, les travaux des champs, le passage des saisons, l’antique demeure, les senteurs , les couleurs sont superbement restitués.
    Les descriptions de la nature sont lumineuses, chaleureuses et empreintes d’une grande mélancolie. La mort est très présente aussi, angoissante et marquée de mysticisme ( les fêtes religieuses, les icônes russes ..

    Extrait

    « A commencer par cette campagne perdue au fond de laquelle s’est déroulée ma petite enfance. Des champs déserts, un manoir solitaire au milieu...L’hiver, un océan de neige à l’infini, l’été, un océan de blé, d’herbes et de fleurs...Et le perpétuel silence de ces champs, leur étrange mutisme..Mais une marmotte ou une hirondelle sont-elles tristes dans un trou perdu plein de silence? Non elles ne demandent rien, ne s’étonnent de rien, elle ne sentent pas cette présence secrète que l’âme humaine perçoit dans le monde qui l’entoure, elles ne connaissent ni l’appel des espaces ni la course du temps. »

    Lorsque Yvan Bounine écrit  la vie d’Arséniev il est en exil en France et le monde décrit dans son roman a disparu, balayé par l’histoire. Il sait nous communiquer l’amour de sa patrie, et grâce à une écriture pleine de poésie et de sensualité on est gagné par l’émotion.
    La magie a opéré, j’ai ressenti de façon poignante, la perte, la nostalgie, l’atmosphère d’un bonheur définitivement perdu.

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    Ivan Bounine, prix Nobel de littérature en 1933 est l’auteur des Allées sombres que vous pouvez retrouver sur ce blog
    Il fait partie des figures emblématiques de l'émigration russe et ses écrits sont des classiques de la littérature de ce pays.

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    Le livre : La vie d'Arséniev - Yvan Bounine - Editions Bartillat


  • L'Enfer de Treblinka - Vassili Grossman

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    Le livre de Vassili Grossman sur Treblinka, écrit après que l'auteur ait participé à la découverte des restes du camp et recueilli des témoignages, a été écrit alors que Grossman était encore dans l'Armée Rouge à fin de la guerre.
    Son témoignage fut utilisé par le tribunal de Nuremberg lors des procès.
    La mère de Vassili Grossman a été assassinée par les nazis à Berditchev un des lieux de la Shoah par balles. 

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    Ce livre est terrible et le mot enfer n’est évidement pas usurpé.
    Je ne me permet pas de commenter ce livre qui se suffit à lui même 
    Si vous voulez en savoir plus sur Vassili Grossman je vous invite à lire le billet de Patrice sur son roman Vie et destin où l’auteur fait le lien entre nazisme et stalinisme.
    Vous pouvez lire aussi Tout Passe un roman dur et violent sur le stalinisme, la délation, le Goulag.

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    Le Cimetière Juif de Berditchev


    « Tout ce que vous allez lire, je l'ai reconstitué d'après les récits de témoins vivants, les déclarations d'hommes qui ont travaillé à Treblinka depuis sa création jusqu'au 2 août 1943, jour où les condamnés à mort se révoltèrent, brûlèrent le camp et s'enfuirent dans les bois ».

    « A l'est de Varsovie, sur les rives du Bug occidental, s'étendent des sables et des marais, d'épaisses forêts de pins et de feuillus. Sur cette terre indigente, les villages sont rares; l'homme évite les étroits chemins où le pied s'enlise, où la roue plonge jusqu'au moyeu dans le sable profond. »

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    Sous l’œil des gardiens, des hommes, femmes et enfants juifs montent à bord de trains lors de la déportation de Siedlce vers le camp d’extermination de Treblinka. Pologne, août 1942.

     

    « Par endroits la terre est couverte de mousse; çà et là on voit se profiler la silhouette d'un pin chétif; un choucas ou une huppe bigarrée, de temps à autre, rayent le ciel. 
    Ces lieux désolés avaient été choisis. avec l'approbation du Reichsführer des S.S. Heinrich Himmler, pour devenir un charnier colossal, tel que l'humanité n'en avait encore jamais connu avant nos jours cruels.
    Non, jamais l'univers n'avait rien vu d'aussi épouvantable. C'était ici le plus atroce des camps de la mort établis par les S.S »

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    Gare ferroviaire de Treblinka

    « On sait aujourd'hui ce qu'était le régime du camp n° 1 
    Nous savons tout du travail à la sablière et comment on précipitait au fond de la carrière ceux qui n'avaient pas rempli leur norme; nous savons ce qu'était la nourriture : cent soixante-dix à deux cents grammes de pain et un litre d'une lavasse infâme baptisée du nom de soupe; nous savons qu'on y mourait de faim et qu'on emportait sur des brouettes par delà les barbelés, pour leur donner le coup de grâce, ceux dont le corps était enflé; nous savons les orgies effrénées des Allemands; nous savons qu'ils violaient des jeunes filles et les tuaient après; qu'ils précipitaient les gens d'une hauteur de six mètres; que la nuit, leur bande ivre faisait irruption dans une baraque pour en tirer de dix à quinze détenus sur lesquels ils expérimentaient sans hâte différentes méthodes de mise à mort, tirant en plein cœur, dans la nuque, les yeux, la bouche, la tempe de leurs victimes. »

    « En mai 1942, les Allemands avaient en effet entrepris, à trois kilomètres de là, la construction d'une véritable usine de mort. 
    Là, rien n'était prévu pour la vie, tout pour la mort. L'existence de ce camp devait être tenue profondément secrète; tel était l'ordre de Himmler. Pas un homme ne devait en sortir vivant, et personne n'était autorisé à s'en approcher. »

    « 23 juillet 1944  Ce jour-là, au petit matin, wachmanns (gardiens) et S.S., après avoir bu un verre de schnaps pour se donner du cœur au ventre, procédèrent à la liquidation du camp. Lorsque vint la nuit, tous les détenus avaient été tués. Tués et enterrés. Sauf Maks Lewit, un menuisier de Varsovie qui, resté jusqu'au soir sous les cadavres de ses camarades, réussit à gagner la forêt ».

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    Mémorial du camp


    Treblinka, septembre 1944

    « Tout est calme. A peine si l'on entend bruire le sommet des pins, le long de la voie ferrée. Ces pins, ce sable, cette vieille souche, des millions d'yeux les ont regardés des wagons qui s'avançaient lentement vers le quai. On entend crisser doucement la cendre, les scories pulvérisées sur la route noire, bordée soigneusement, à la manière allemande, de pierres peintes en blanc. 
    Nous entrons dans le camp, nous foulons le sol de Treblinka. Les cosses de lupin se fendent dès qu'on les touche, avec un tintement léger; des millions de graines se répandent sur la terre. Le bruit qu'elles font en tombant et celui des cosses qui s'entr'ouvrent se fondent en une mélodie triste et douce, comme si nous arrivait du fond de la terre - lointain, ample et mélancolique - le glas de petites cloches. La terre ondule sous les pieds, molle et grasse comme si elle avait été arrosée d'huile de lin - la terre sans fond de Treblinka, houleuse comme une mer. » 

    « Cette étendue déserte qu'entourent des barbelés a englouti plus d'existences humaines que tous les océans et toutes les mers du globe depuis qu'existe le genre humain »

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    Un sondage en 2018 disait qu'un français sur dix dit ignorer ce qu'est la Shoah

    « Aujourd'hui chacun est tenu, devant sa conscience, devant son fils et devant sa mère, devant sa Patrie et devant l'humanité, de répondre, de toute son âme et de toute sa pensée, à la question suivante : d'où vient le racisme ? Que faut-il pour que le nazisme, l'hitlérisme ne renaissent jamais plus, ni d'un côté ni de l'autre de l'Océan ? »

    J'ai lu ce livre dans le cadre des lectures autour de l'holocauste initiées par Patrice et Passage à l'est.


    Ce livre est aujourd’hui quasi introuvable mais si vous voulez le lire mettez moi un mail et l’on trouvera une solution.

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    Le Livre : L’Enfer de Treblinka - Vassili Grossman - Editions Arthaud