Êtes-vous partant pour un séjour en Islande, bon c’est certain il va pleuvoir mais vous pourrez nager dans une source chaude, ceci compense cela.
Rendez-vous chez Alba, une femme qui vit parmi les mots, et pas seulement les mots, les langues aussi. Elle est linguiste et spécialiste des langues en perdition. Elle est douée et passionnée.
A ce titre elle voyage un peu partout, elle jongle avec les déclinaisons, les conjugaisons, la grammaire, de quoi remplir les journées.
Et puis quelque chose se rompt dans la machine bien huilée, son travail à l’université de Reykjavík et dans l’édition semble ne plus tout à fait suffire, il y a aussi un grain de sable dans les rouages, un étudiant lui dédit des poèmes, des écrits, ce qui risque de mettre en péril un poste qu’elle a en vue.
Et puis il y a ses doutes et ses inquiétudes sur l’état de la planète, sur l’extinction programmée des espèces et pas seulement des dialectes, sur tout ce qu’elle a envie de préserver : la nature, les liens que l’on forge au gré du temps, les livres qui peuplent la vie.
Elle doit avouer « Je n'ai pas toujours été très douée pour faire coïncider mes pensées avec mes paroles. »
Son père est un passionné des arbres et du coup Alba s’interroge.
« Combien d'arbres je devrais planter si je voulais compenser l'empreinte carbone de tous les trajets en avion que j'ai effectués l'an dernier ? »
La prise de conscience est brutale, il lui faudrait planter 5600 arbres pour combler le déficit !!!
De quoi s’interroger sur son mode de vie.
Pas de blablas de spécialiste, pas de conférence sur le réchauffement non, tous simplement Alba remonte ses manches et se met à planter des arbres.
Elle achète une petite maison avec un immense terrain pour planter 2000 bouleaux, rien de moins, ah oui elle a aussi prévu un potager.
Son petit paradis demande de l’huile de coude pour entamer cette reconstruction, mais elle a trouvé un nouveau sens à sa vie et cela change tout.
J’ai aimé cette jolie fable pleine d’espoir, de poésie, de drôlerie.
J’ai aimé le personnage de Danyel jeune réfugié prêt à s’approprier une nouvelle langue car il sait que cela lui permettra d’être accepté, de tisser quelques liens.Parce que dit Alba, une langue c’est une façon de « décrire comment il est possible de supporter cette chose qu'on appelle la vie »
J’ai aimé que Auður Ava Ólafsdóttir vienne titiller notre responsabilité, pas question de nous culpabiliser non mais elle nous pousse à réfléchir à notre engagement personnel car après tout « Nous sommes à chaque instant au centre de notre existence »
J’ai aimé comment elle montre que le trop plein d’objets, de livres « Gerður, la guichetière de la banque, m'a acheté La généalogie de la langue, Fríður qui travaille à la supérette la compilation d'articles: La grammaire en s'amusant. Et juste avant ton arrivée, j'ai vendu à Elinborg K Déclaration d'amour à ma langue maternelle »
J’ai aimé ce vivre ensemble,la liste des « activités qui échappent aux règles du langage »
«Marcher dans la nature.
Travailler dans le jardin.
Biner les rangs de pommes de terre.
Respirer.
Regarder le ciel au-dessus de la montagne.
Écouter les oiseaux »
C’est le moment de remercier le traducteur, Eric Boury, je l’ai déjà apprécié avec les romans de Stefansson ou Indridason c’est une occasion de plus d’apprécier son travail.
Un livre tout en finesse, légèreté et simplicité, n’hésitez pas
Le livre : Éden - Auður Ava Ólafsdóttir - traduit par Éric Boury – Éditions Zulma