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Goetz et Meyer - Daniel Albahari

Voilà un roman à la fois passionnant et déroutant lu dans le cadre de la lecture commune proposée par Passage à l'Est et Si on bouquinait.

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Un roman passionnant sur le fond, l’Holocauste et le problème de la  responsabilité, la question torturante du bien et du mal. 
Un roman déroutant par sa forme qui flirte avec l’humour noir, une ironie dévastatrice et même le ridicule. 

Un texte provocant chez le lecteur une quasi apnée, un quasi étouffement par la particularité de l’écriture et par le choix d’un paragraphe qui court sur plus de 100 pages.

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Belgrade après l'invasion allemande

Le roman se situe à Belgrade, dans un passé assez proche mais non daté.

Le narrateur un juif professeur de lettre dont pratiquement toute la famille a disparu dans les camps, est amené à faire des recherches sur son passé et celui de sa famille.

Ses recherches dans les archives sont décevantes mais il a trouvé un petit fil rouge, deux SS envoyés d’Allemagne pour leur compétence particulière, conduire et faire fonctionner un camion transformé en chambre à gaz. Ils sont mutés à Belgrade pour leur « savoir faire »

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Un camion à gaz utilisé en Pologne 

Goetz et Meyer, deux SS que David Albahari transforme en une seule entité « Goetz et Meyer » 

Le narrateur tente de comprendre ce qui s’est passé, de comprendre qui étaient ces deux hommes qui ont participé à l’élimination de sa famille et à celle de  cinq mille juifs de Serbie. 

Cette enquête tourne à l’obsession et le narrateur frôle parfois la folie par la difficulté a retrouver trace de sa famille et au fur et à mesure qu’il découvre les faits, les noms, les chiffres.

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Déportations en ex-Yougoslavie

Pourquoi « Goetz et Meyer » ont-ils participé au Génocide ? Comment ont-ils fait pour supporter cela ?  Voir des femmes, des enfants, des vieillards, monter dans ce camion, leur sourire, faire « comme si » il s’agissait d’un petit voyage anodin puis débarrasser le camion des corps, nettoyer le tout et … recommencer.
Sont ils  inconscients ? Sont ils des modèles d’obéissance ? Sont-ils des monstres ?

A la lecture de tous les livres sur l’Holocauste, les questions lancinantes sont toujours les mêmes : pourquoi, quel homme peut faire cela, qu’est-ce qui me différencie de tels hommes, qu’aurais je fais dans les mêmes circonstances …

Que reste-t-il aux survivants ? J’ai pensé à plusieurs reprises au livre de W.G. Sebald Les émigrants, en lisant ce roman.

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David Albahari livre ici un roman d’une très grande force qui ouvre la porte aux interrogations, à l’incompréhensible, à l’inhumain.

J’ai été bouleversée par ce roman. Tout d’abord parce qu’il évoque, ce que j’ignorais totalement, l’existence de camps en Serbie, et parce que quand on dit Holocauste on ne pense pas forcément à ce pays.

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 Staro Sajmiste Camp de concentration Serbe

Un roman sombre bien entendu mais qui palpite pourtant de vie, une vie douloureuse certes mais la vie « malgré tout ».
Il plonge le lecteur dans un magma brûlant le contraignant à courir devant les coulées de lave qui déferlent.
Sa façon de transformer ces deux hommes en une seule entité « Goetz et Meyer » les liant définitivement car ils sont les « rouages d’un vaste mécanisme » 

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Les témoins de l’Holocauste sont en train de disparaitre et il est indispensable que des voix reprennent ce récit, empêchent l’oubli.

Un grand et beau roman qui date déjà de 2002, alors un grand merci à Passage à l’Est qui me l’a fait connaitre et qui a initié cette lecture commune avec Patrice.

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Le livre : Goetz et Meyer - David Albahari - Traduit par Gabriel Iaculli et Gojko Lukic- Editions Gallimard

 

Commentaires

  • J'engrange des idées de lecture, mais pour d'autres temps, j'avoue qu'on en ressort un peu lessivé. Mais des lectures nécessaires.

  • les deux livres que j'ai lu pour cette lecture commune m'ont énormément touché mais je suis tellement persuadée du bien fondé de ce genre de livres que je supporte cette lecture avec détermination

  • je ne crois pas que je lirai ce livre pourtant comme toi je trouve indispensable d'écrire sur ce sujet mais je suis arrêtée par les paragraphes de 100 pages

  • Rassure toi avant de lire une critique de ce livre je crois que je ne m'étais pas rendu compte de ce paragraphe, tellement prise par ma lecture qui c'est effectivement passée comme en apnée, c'est après que j'ai réalisé le procédé stylistique qui donnait à ce livre cette impression d'urgence absolue

  • J'ignorais aussi l'existence de ce camp près de Belgrade. Je vais voir si ce livre est à la bibliothèque. Bonne journée, Dominique.

  • Je savais que le pays avait été touché mais je ne savais pas que c'était avec cette ampleur

  • pas de ce livres qu'on lit dans le métro mais l'effort en vaut largement la peine

  • C'est un roman mais basé sur des faits bien réels

  • Terrible cette lecture. Avant celle-ci, je me dois de découvrir les livres de W.G. Sebald, jamais encore lu.

  • je te conseille vraiment les Emigrants le livre qui m'a fait connaitre l'auteur
    parmi ces autres livres il y en a qui me sont un peu hermétiques

  • J'avais entendu parler de ces camions (dans La mort est mon métier, je crois qu'ils sont essayés et jugés pas assez "efficaces"), mais c'est un abîme sans fond de s'interroger à propos de ceux qui ont fait cela.

  • Dans le livre on voit comment ces camions ont été testés en particuliers dans les établissement allemands d'enfants handicapés !! le "rendement" était jugé insuffisant ce qui a conduit aux chambres à gaz mais ils étaient utilisés dans des contrées où ils étaient jugés "suffisants"
    c'est effrayant de voir cela écrit noir sur blanc

  • Je te rejoins complètement sur le fond, sur la forme, sur l'apnée dans laquelle Albahari m'a plongée avec la voix de son narrateur, sur la nécessité de ne pas laisser tout ce vécu tomber dans l'oubli. J'ajoute au passage que le Courrier des Balkans a publié récemment un article sur ce camp de Sajmiste, et sur ce qu'il est devenu ensuite: https://www.courrierdesbalkans.fr/BLOG-o-Staro-Sajmiste-un-camp-de-concentration-oublie-a-Belgrade

  • je vais m'empresser de lire l'article
    je crois en te lisant qu'en effet le livre nous a fait cette même impression d'urgence absolue

  • C'est un livre dont je n'ai pas entendu parler. C'est seulement ces dernières années que l'on commence à appréhender ce qui s'est passé à l'est il me semble.

  • Effectivement pour certains faits il a fallu l'ouverture des archives des pays de l'est
    pour que l'on ai une vision complète de ce qui s'est passé

  • Je l'attends, je l'ai aussi trouvé chez Passage à l'est et je l'ai commandé, j'ai aussi téléchargé le Sebald dans la liseuse (trouvé par l'intermédiaire de Mendelsohn dans Les 3 anneaux, une sorte de puzzle avec 209 rue Saint Maur (keisha et passage à l'est) que je suis en train de lire

  • Les Emigrants je l'ai lu il y a très longtemps à sa sortie en raison du sujet qui m'a toujours intéressé
    j'ai lu le dernier Mendelsohn et effectivement on y retrouve Sebald
    j'ai comme toi noté le livre que Keisha nous invite à lire

  • la lecture de ce livre provoque absolument une oppression qui n'est pas qu'intellectuelle, on a effectivement le souffle coupé devant l'horreur

  • C'est un livre que j'aurais voulu chroniquer également après avoir lu la chronique de Passage A l'Est! Il évoque des questions que chacun se pose et en effet, il permet de mettre un peu de lumière sur ce sombre épisode qui a touché un pays auquel on ne pense pas forcément en évoquant l'Holocauste.

  • C'est ce qui m'a attiré, le bille de Passage à l'est très convainquant et l'absence pour moi de réelle connaissance de la répression dans les Balkans

  • je suis en train de le terminer. Lecture difficile, non pas parce que le style est compliqué mais parce que c'est tellement sombre que je suis forcée de le quitter quelques dizaine de pages pour le reprendre plus tard. Eprouvant. Il faut dire que je viens de finir 209 rue Saint Maur et que cela plombe l'ambiance.
    Cela ne veut pas dire que cette lecture ne soit pas essentielle, Peut être pas une si bonne idée que cela le thème de lecture commune Holocauste. Je préfère fractionner.

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