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Je ne reverrai plus le monde - Ahmet Altan

Tout d’abord un très grand merci à Luocine qui a attiré mon attention sur ce livre.
On lit dans la presse, on entend à la radio l’arrestation de tel ou tel en Turquie, et puis on oublie.

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Ahmet ­Altan, journaliste et écrivain turc, a été accusé de complicité dans le putsch de juillet 2016.
Lors d’un premier procès la cours constitutionnelle avait décrété son emprisonnement inique mais cela importe peu au pouvoir et à Mr Erdogan et le 16 février 2018 il est condamné à la « Perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle »  condamnation annoncée par un juge fantoche tel un « personnage de Gogol »

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« Nous ne serons jamais graciés, et nous mourrons dans une cellule de prison » a dit Ahmet Atlan
Alors il prend la plume et le titre du livre en forme de prédiction est glaçant et d’une tristesse infinie.

« Je n’ouvrirai plus jamais une porte moi-même »

« Je ne verrai plus la mer, je ne pourrai plus contempler un arbre, je ne respirerai plus le parfum des fleurs…. » 

« J’ai observé les murs. On aurait dit qu’ils se resserraient.Et soudain j’ai eu l’impression qu’ils allaient se refermer sur nous, nous broyer, nous avaler comme une plante carnivore. »

J’ai été frappée par l’affirmation de l’auteur qui dit qu’au fil du temps on fini par oublier son propre visage en l’absence de tout miroir. 

Comment vivre et ne pas perdre espoir ? Peut-être « s’accrocher aux branches de son propre esprit ».

Communiquer avec ses compagnons de cellule même si c’est à la fois difficile et surprenant. Des hommes très pieux pour certains, d’autres habités par la tentation de la délation qui leur permettrait de sortir

Des hommes qui ne parviennent pas à croire que l’on peut être athée sans être immoral ! Alors Ahmet Altan convoque Pascal et Spinoza à l’aide.
Dans la cour sa marche forcée est prétexte à des « disputes avec lui-même ». 

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La Datcha du Dr Jivago

Après l’annonce de sa condamnation, pour supporter l’angoisse il se tourne vers la littérature.  
« nous n’écrivons que ce que nous pouvons, comme nous le pouvons ». 

Il revient à ses auteurs de prédilection : Tolstoï, Balzac, Dostoïevski.
Il refuse de se réveiller en prison et imagine des  contrées lointaines toujours un peu teintées de littérature : la savane africaine, les fjords de Norvège ou la datcha du Docteur Jivago.

 Il rend alors hommage à Sénèque, Épictète ou Boèce dont les textes l’aident à se sentir plus humain encore. 

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Deux frères 

Son frère animateur à la télévision a été arrêté en même temps que lui, c’est presque une tradition familiale, le père de Ahmet Altan a lui aussi connu les prisons turques en 1971 et fut à répétition accusé de diffamation contre l’Etat.

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             Ahmet Altan et sa fille, le 4 novembre dernier, après sa libération. | AFP / BULENT KILIC

Philippe Sands, auteur de l’essai Retour à Lemberg lui a rendu visite en prison.

Libéré il y a une semaine après que le jugement ait été cassé en juillet 2019 , il est de nouveau arrêté  le 12 novembre 2019

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Ahmet Altan arrêté  le 12 novembre2019  BULENT KILIC / AFP

 « Je suis écrivain, Vous pouvez me jeter en prison, vous ne m’enfermerez jamais car comme tous les écrivains, j’ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles. »

 

En lisant ce livre j’ai repensé à tous les condamnés célèbres, Dostoïevski, Chalamov, Soljenitsyne, Mandela. 
J’ai eu envie de relire le manifeste d’une liberté par la littérature de Joseph Czapski

Un livre qui est une leçon d'espoir

 « Je sais que l’Etat de droit qui a été fusillé, blessé et qui gît inconscient dans son sang, guérira éventuellement et reviendra à lui. »

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Le livre : Je ne reverrai plus le monde  Ahmet Altan - Traduit par Julien Lapeyre de Cabanes - Editions Actes sud 

 

Commentaires

  • Un texte que je prévois de lire. Je n'en croyais pas mes oreilles quand j'ai entendu qu'il était réincarcéré. Jusqu'où ira ce pouvoir dans la répression ?

  • ça m'a à la fois touchée et mise en colère !
    j'ai lu ce livre il y a quelques semaines suite au bille de Luocine et depuis j'ai des passages qui me reviennent à la fois comme une désespérance et pourtant comme un espoir dans l'homme

  • y aura-t-il une fin ?

  • oui il est bon toujours de rappeler que cela existe

  • J'ai eu un choc en entendant qu'il était de nouveau en prison. Mais son texte est tellement beau, il a raison, Ahmet Altan, , aucune prison ne peut empêcher son immense talent de parvenir jusqu'à nous.

  • par delà les murs et les barreaux
    encore un grand merci car ce livre est magnifique

  • J'étais si heureuse d'entendre la nouvelle de sa libération (décidée par les juges) et puis si indignée d'apprendre sa nouvelle arrestation récente (décidée par le pouvoir politique). Et la presse indépendante qui se réduit comme peau de chagrin - pauvre Turquie !
    Merci de me rappeler ce livre que je n'ai pas encore noté, je le lirai.

  • je suis certaine qu'il va te toucher, pauvre Turquie en effet

  • Passer les murailles.; les écrivains ont ça au moins, mais quelle perspective si noire.
    Espérons qu'une fois encore...qui sait?

  • Altan dit qu'il importe de garder espoir alors suivons le

  • on a du mal à envisager un avenir serein pour la Turquie

  • Merci pour ce billet. Justement, en te lisant, je pensait au livre de J.Czacski, qui m'attend encore.

  • le livre de Joseph Czapski est une merveille d'humanité précipites toi

  • Elle est tellement belle la photo de sa libération ! C'est indigne ... Et oui, nous on oublie, on ne fait pas attention, on passe à autre chose ... C'est compliqué tant on se sent impuissant !

  • je suis d'accord on a tendance à passer vite à autre chose, mais après cette lecture le sort de ces hommes et femmes m'habite un peu

  • Bonsoir Dominique, et quand on pense que la Turquie veut entrer dans l'Union Européenne.... Bonne soirée.

  • oui cela pourrait faire sourire si ce n'était pas si triste

  • une petite remarque au passage , il me semble que c'est au moment où la Turquie a voulu entrer dans l'union européenne qu'elle a aboli la peine de mort. heureusement pour Ahmet Alan et son frère et tous les autres opposants.

  • oui en effet ce fut l'élément positif à l'époque

  • Lu un très bel article au sujet de ce livre. J'ai bien prévu de le lire et d'en parler car la liberté est une valeur fondamentale trop souvent bafouée.
    Bonne journée !

  • une valeur fondamentale c'est bien ça

  • oui c'est bien cela accroché son espoir aux mots

  • Souhaitons lui de retrouver le plus vite possible de retrouver le monde et la liberté d'écrire !
    Apprécions aussi à quel point nous sommes chanceux...

  • cela permet de relativiser nos colères, nos réclamations sans fin

  • C'est tout à votre honneur d'évoquer le sort d'Ahmet Altan cet artiste écrivain turc renommé emprisonné dans la geôle d'Istambul pour ses idées. Ne voilà-t-il pas maintenant qu'il est inquiété pour avoir prétendument eu une relation avec le leader putschiste turc de 2016 ..

  • le régime ne sait plus quoi inventer pour le maintenir en prison malgré quelques juges intégres qui le déclarent innocent

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