J’ai lu récemment trois recueils de nouvelles, l’un où l’amour tient la première place, un recueil d’une poésie magnifique et le troisième où j’ai pris une baffe monumentale, c’est de celui-ci qu’il va être question.
L'auteur et ses paons
Ne vous laissez pas berner par le titre, Flannery O’Connor est une adepte de la litote.
Une histoire de grand-mère un peu casse-couille débute la série de nouvelles, la famille envisage un petit voyage et la grand-mère va obtenir gain de cause pour une petite virée au Tennessee, je me suis un rien laissée endormir par cette gentille famille et je vous assure que le réveil est brutal.
Après cette première nouvelle qui m’avait laissée un peu assommée je m’attendais au pire et j’avais bien raison, la nouvelle « Le fleuve » est d’une violence inouïe sous des dehors convenus et bien pensants et un rien dépassés, Flannery O’Connor s’y connait en humour noir, cruauté en tous genres, elle cultive allègrement le ridicule, quant à la bonté des hommes, elle nous laisse entendre qu’elle est parfois plus horrible que consolante, la preuve avec la nouvelle apparement réconfortante de cette vieille fille simplette que sa mère parvient enfin à caser…
Elle nous mène en bateau Flannery, elle rit de nous, de nos préjugés, de nos jugements à l’emporte pièce, prenez cette nouvelle où un vendeur de bibles séduit une jeune femme à la jambe de bois, quel altruisme direz-vous, l’auteur avec un brin de perversion va vous faire revenir sur votre jugement premier.
Rien n'a vraiment changé
La nouvelle qui m’a le plus touchée c’est celle qui a trait à « La personne déplacée » où les personnages rivalisent de bêtise et de méchanceté face à un travailleur immigré trop courageux et compétent pour son bien.
On ressort un peu sonné, admiratif de l’art de l’auteur pour cette mise en scène d’une humanité égoïste, mesquine, cruelle, ridicule, bigote, et souvent grotesque.
Un monde de petits blancs racistes et xénophobes, qui vivent eux mêmes dans une misère profonde, et pourtant l’auteur parvient à nous faire rire, un rire grinçant je vous l’accorde, mais rire quand même.
Il a fallu deux ans à l’auteur pour écrire ces dix nouvelles, dont au moins la moitié sont des chefs-d’oeuvre absolus. Aucun sentimentalisme, aucune mièvrerie, l’humour est ravageur et cinglant.
J’avais beaucoup aimé son roman, Ce sont les violents qui l’emportent, mais ses nouvelles sont largement au dessus.
Cecilia Dutter a écrit un essai biographique sur Flannery O’Connor :
« Son œuvre est un pied-de-nez au prêt-à-penser consensuel. Elle nous bouscule, nous secoue, torpille nos préjugés et nos pauvres évidences pour nous révéler l’envers du décor »
Kathel aussi a aimé
Le livre : Les braves gens ne courent pas les rues - Flannery O’Connor - Traduit par - Editions Gallimard Quarto