Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Histoire - Page 4

  • La Vie d'Arséniev - Ivan Bounine

    boudine

    Un billet sur un livre lu il y a longtemps mais que j’ai décidé d’aller piocher dans mes archives pour vous le proposer.

    L’hiver est la meilleure période pour entreprendre un voyage dans la steppe russe, une troïka, des fourrures et à l’arrivée un énorme samovar.

    bounine

    C’est ce que je vous propose à travers  la vie d’Arséniev  les souvenirs de jeunesse d’un héros qui ressemble comme un frère à Yvan Bounine.

    la Russie impériale jette ses derniers feux et nous voilà au sein d’une famille de la noblesse terrienne avec ses personnages hauts en couleurs et attachants.

    La mère effacée, le père qui dilapide au jeu la fortune familiale sans que jamais personne ne semble lui en tenir rigueur, les frères contraints d’aller chercher fortune au loin, les soeurs ombres fugitives à peine évoquées.

    L’on suit les tribulations de la famille au gré des pertes de jeu, des héritages, des récoltes, des désastres naturels, des fêtes religieuses, des voyages.
    Le héros dès l’enfance est d’une sensibilité exacerbée, il se tourne à l’adolescence vers l’écriture,la poésie.

    bounine

    Patio of Sviyazhsk - Alexander Alexandrovsky

    Le récit est fait de petites scènes, de tableaux de la vie russe et de descriptions d’une nature omniprésente.
    La vie campagnarde, les travaux des champs, le passage des saisons, l’antique demeure, les senteurs , les couleurs sont superbement restitués.
    Les descriptions de la nature sont lumineuses, chaleureuses et empreintes d’une grande mélancolie. La mort est très présente aussi, angoissante et marquée de mysticisme ( les fêtes religieuses, les icônes russes ..

    Extrait

    « A commencer par cette campagne perdue au fond de laquelle s’est déroulée ma petite enfance. Des champs déserts, un manoir solitaire au milieu...L’hiver, un océan de neige à l’infini, l’été, un océan de blé, d’herbes et de fleurs...Et le perpétuel silence de ces champs, leur étrange mutisme..Mais une marmotte ou une hirondelle sont-elles tristes dans un trou perdu plein de silence? Non elles ne demandent rien, ne s’étonnent de rien, elle ne sentent pas cette présence secrète que l’âme humaine perçoit dans le monde qui l’entoure, elles ne connaissent ni l’appel des espaces ni la course du temps. »

    Lorsque Yvan Bounine écrit  la vie d’Arséniev il est en exil en France et le monde décrit dans son roman a disparu, balayé par l’histoire. Il sait nous communiquer l’amour de sa patrie, et grâce à une écriture pleine de poésie et de sensualité on est gagné par l’émotion.
    La magie a opéré, j’ai ressenti de façon poignante, la perte, la nostalgie, l’atmosphère d’un bonheur définitivement perdu.

    Image téléchargée


    Ivan Bounine, prix Nobel de littérature en 1933 est l’auteur des Allées sombres que vous pouvez retrouver sur ce blog
    Il fait partie des figures emblématiques de l'émigration russe et ses écrits sont des classiques de la littérature de ce pays.

    bounine

    Le livre : La vie d'Arséniev - Yvan Bounine - Editions Bartillat


  • Léonard et Machiavel - Patrick Boucheron

    L’un c’est Léonard de Vinci bien sûr mais vous aviez deviné, l’autre c’est Machiavel celui qui a permis de créer un nouveau mot dans notre petit Larousse.
    Nous voilà transporté à la Renaissance, époque de foisonnement intellectuel et artistique mais aussi de danger, de sang et de poisons.

    Un constat : pendant environ 15 ans Machiavel et Léonard de Vinci se sont côtoyés, rencontrés, ont été liés aux mêmes personnes, aux mêmes protecteurs, ont travaillé sur les mêmes projets et ...rien pas d’écrits, aucun document, rien de rien.

    machiavel.jpg 300px-Léonard_de_Vinci_-_autoportrait_à_la_sanguine,_vers_1515.jpg


    Machiavel secrétaire de chancellerie, un peu ambassadeur un peu espion, occupe une fonction risquée à l’époque où les princes se succèdent le plus souvent dans le sang et la fureur.
    Léonard lui a déjà 50 ans, il peint, dessine depuis plus de 30 ans, il a depuis toujours une passion pour les techniques, les phénomènes naturels et l'eau en particulier, sans doute l’esprit le plus curieux de son temps. Patrick Boucheron est persuadé que les deux hommes se sont rencontrés mais voilà... nulles traces de ces rencontres.

    Peter_Paul_Ruben's_copy_of_the_lost_Battle_of_Anghiari.jpg

    Plus agaçant encore : ils ont travaillé sur le projet fou du détournement du cours de l’Arno, pas un noble projet humaniste pour protéger les paysans des inondations, non un projet guerrier pour détruire Pise l’éternelle rivale de Florence. D’autres rencontres ont eu lieu lorsque Léonard de Vinci reçoit en commande la réalisation d’une fresque pour la salle du  Palazzo Vecchio à Florence, la fresque de la bataille d’Anghiari ne sera jamais terminée par Léonard et le destin va séparer les deux hommes.

    rubens.jpg

    Ces deux figures de la Renaissance rapprochées par la soumission obligatoire aux condottieri de l’époque, il fallait bien vivre ! Ces deux hommes ont dialogué, conversé, peut être échangé des lettres mais il n'en reste rien, ni dans les fameux carnets de Léonard, ni dans la correspondance de Machiavel. Très contrariant pour un historien de n’avoir aucun écrit à se mettre sous la dent, plus que contrariant, carrément frustrant, alors me direz-vous , il invente ? il fait dans le romanesque ...et bien pas du tout, il digresse, tourne autour de son sujet, « il interroge le silence » dit-il lui même et tout cela pour notre plus grand plaisir. Ni traité de peinture ni traité politique, ni biographie, ni fiction, ce texte à la fois érudit sans être pédant, limpide mais exigeant et qui se lit avec délices.

    « Léonard et Machiavel n'étaient pas de ces éclaireurs à l'avant-garde, mais au coeur de la bataille, dans la mêlée confuse, où rien ne se discerne nettement sinon la vérité du combat. Ils n'ont pas fait leur temps; parce qu'ils furent si intensément du leur, ils sont toujours du nôtre. Il y eut entre eux un temps commun, qui les fit contemporains ».

    Patrick Boucheron depuis ce livre a fait son chemin et aujourd’hui vous pouvez le retrouver dans des cours au Collège de France

     

    Le livre : Léonard et Machiavel - Patrick Boucheron - Editions Verdier

     

  • La petite fille - Bernhard Schlink

    Parfois on lit un auteur uniquement parce qu’on a aimé ses livres précédents et sans regarder attentivement la quatrième de couverture.
    Bien m’en a pris car ici comme souvent maintenant l’éditeur en dit beaucoup trop.
    Je vais donc tenter de vous parler de ce livre sans dévoiler trop de l’intrigue car si parfois je vais lire la fin d’un livre en avance, c’est mon choix et je déteste que l’on me force la main. Parenthèse refermée.

    carte_RFA_RDA_drapeaux_allemagne.jpg

    Qu’est-ce qui fait qu’un livre est un vrai grand roman, un de ceux que l’on n’oublie pas, un de ceux dont on sait que vous en parlerez autour de vous, auquel vous repenserez au détour d’un film, d’un article de presse, que vous relirez et qui marquera votre vie de lecteur ou lectrice ?

    Difficile de répondre, il vaut mieux prendre un exemple comme ce roman de Bernhard Schlink.

    Bernhard Schlink - Films, Biographie et Listes sur MUBI

    Kaspar Wettner vit à Berlin, sa femme Birgit vient de mourir, il l’a trouvé morte un soir dans leur appartement.
    Son mariage fut heureux même s’il est certain d’avoir aimé sa femme plus qu’elle ne l’a aimé.
    Ils ont partagé l’amour des livres et de la musique, n’ont jamais eu d’enfant, et la fin de la vie de Birgit fut difficile, marquée par la dépression et un net penchant pour l’alcool.

    Dans les jours qui suivent, Kaspar va lire le journal et les poèmes que Birgit a laissé et dont elle n’a jamais parlé.

    Mur de Berlin : la porte de Brandebourg, repère incontournable

    Il retrouve là un peu de leur histoire, leur rencontre à Berlin est en 1965, quand Kaspar tombe amoureux de Birgit et lui propose d’émigrer à l’ouest ce qui représentait à la fois un espoir et un risque.

    A travers les pages du journal Kaspar découvre un pan inconnu de la vie de son épouse.
    Il apprend qu’elle avait un souhait, une recherche à mener, Kaspar à 70 ans ferme sa librairie et part pour enquêter et exaucer le vœu de sa femme.
    Sa recherche va le mener à côtoyer des allemands de l’ex RDA ainsi que des membres de groupuscules néonazis.

    À Berlin, Rostropovitch a joué pour l'histoire

    L’histoire de l’Allemagne se dessine peu à peu, le  nazisme et ses conséquences, cette partition forcée que fut le Rideau de fer, les séquelles laissées par la réunification joyeuse en 1989 au son du violoncelle de Rostropovitch mais dure et implacable ensuite avec sa cohorte de chômage, de pauvreté, de ressentiment, le terreau tout trouvé pour les idéologies qui fleurissent sous couvert de retour à la terre et de défense d’un nationalisme allemand nostalgique du passé.
    Comment échanger avec des hommes et femmes qui s’adonnent au culte d’Hitler, nient l’Holocauste et admirent ses pires représentants.

     https://www.unidivers.fr/wp-content/uploads/2013/06/gay_arian.jpg

    C’est là qu’intervient le talent de Bernhard Schlink. Il a un regard à la fois bienveillant, mais très lucide, compréhensif mais sans faiblesse, sur cette Allemagne qui a tant à se faire pardonner. Qui parfois dérive à nouveau vers les extrêmes.
    Comment comprendre les théories complotistes, racistes ?
    Comment accepter les retombées du passé dans le présent, sur ce qui peut unir ou séparer les êtres.
    Comment épauler cette génération perdue, aider des êtres qui ont souffert dans leur chair, qui ont vu leurs rêves s’évanouir, qui ont payer un lourd tribut à l’histoire.

     Allemagne : le groupuscule néo-nazi "Combat 18" a été interdit

    J’ai envie de répondre que Bernhard Schlink croit à la rédemption mais aussi à la puissance de l’amour, et que si la musique et la littérature ne sont pas des remparts infranchissables pour une idéologie pernicieuse, qu’ils ne rendent pas les gens forcément meilleurs, ils sont peut-être la porte d’entrée pour se déprendre d’une idéologie mortifère.

    J’ai aimé ce livre, la profondeur des personnages, le questionnement qui interpelle le lecteur.
    J’ai aimé la démonstration de l’auteur quand on lui oppose que la musique, la vraie, la grande, n’est qu’allemande ! Avec une magnifique séquence d’écoute en aveugle qui vaut tous les débats sur le sujet.

    SERVICE-1990-3.jpg

    C’est un passionnant voyage à travers l’histoire allemande. Livre et musique vous accompagneront tout au long du roman. La traduction est parfaite merci à Monsieur Lortholary.

    Européenne convaincue ce livre me conforte dans mon imperturbable optimisme.

    La petite-fille - Gallimard LCP

    Le livre : La Petite fille – Benhard Schlink – Traduction Bernard Lortholary  - Editions Gallimard

  • Le roi et l'horloger - Arnaldur Indridason

    polar.jpg

    Les auteurs de polars même lorsqu’ils sont très bons, se perdent parfois dans des récits répétitifs ou ayant perdus toute épaisseur, tout intérêt.

    Et puis il y a les autres, ceux qui sont capables de réjouir leur public avec un récit différent mais d’une qualité parfaite.

    Arnaldur Indridason est de la seconde famille, il s’est transformé pour notre plaisir en auteur de roman historique et il a parfaitement réussi la manoeuvre. 

    92854702-palais-du-roi-christian-vii-amalienborg-copenhague-danemark.jpg

    Le palais d’Amalienborg à Copenhague  

    Rendez-vous à la fin du XVIIIème siècle, au Danemark, plus précisément à Copenhague, dans le palais du roi Christian VII.

    Suivez-moi dans les dédales du palais, jusqu’à l’atelier de Jon Siversten, horloger de son état, qui tente de redonner vie à une horloge astronomique qui prend la poussière depuis 200 ans.
    Cette horloge est l’œuvre d’Isaac Habrecht, artisan suisse qui est à l’origine de l'horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg...

    horloge-astronomique-strasbourg-cathedrale-histoire.jpg

    L’Horloge de la Cathédrale de Strasbourg


    Voilà notre écrivain islandais qui pointe son nez : Jon Siversten est islandais, son pays vit sous domination danoise et quand je dis domination le terme est sans doute trop tendre.
    Je vous laisse découvrir la rencontre du roi et de l'horloger, c’est un moment croquignolet au possible.

    Christian_d_7.jpg

    horloger.jpg

     

    Cette rencontre va se répéter et un jour, Jon, à la demande du roi va raconter l’histoire de sa famille.
    Parce que sa famille a connu un destin funeste, son père et sa gouvernante, Sigurdur et Gudrun, ont été victimes d'une loi danoise ridicule et inique. A la suite du drame Jon est parti pour le Danemark et est devenu horloger.

    Les nuits s’écoulent l’un écoutant, l’autre racontant, sans oublier les bouteilles de Madère qui ne font pas long feu le roi ayant le gosier très en pente.

    adobestock-268015915v2.jpeg

    Je m’arrête là pour ne pas gâcher votre plaisir de lecture.

    Vous découvrirez une famille royale assez tourmentée, un roi fou qui aujourd’hui serait sans doute qualifié de bipolaire. Une administration royale faite comme notre société, de justes et bons personnages et d’autres prêts à tout pour conserver quelque argent ou quelques bribes de pouvoir.

    A.Indridason a réussi à mêler petite et grande histoire et à mener son récit avec la précision d’un horloger.
    Il réussit à vous faire trembler pour et Gudrun et Sigurdur, à vous faire prendre en compassion un roi, à faire vivre cette Islande dominée par les danois, et à vous intéresser à la bonne marche des horloges.

    editions-metailie.com-roca-pelada-horloger-du-roi-hd-300x460.jpg

     Le livre : Le Roi et l’horloger – Arnaldur Indridason – Traduction Eric Boury – Editions Métailié

  • L'Oeil de cuivre - Panagiotis Agapitos

    Justinien-basilique-san-vitale-empire-bizantin.jpg

    J’ai déjà lu un livre de l’auteur et il m’avait beaucoup plu.
    J’avais aimé cette incursion dans le monde byzantin par le biais d’un polar très bien ficelé.

    Faisons un vrai voyage dans le temps : 833, oui c’était y a longtemps.
    Tout se passe au cœur de l’Empire byzantin à Thessalonique.

    thessalonique - Petite.jpeg

    Thessalonique

    Voilà l’enquêteur Léon, attention son titre arrache un peu, il est protospathaire, ben oui faut ce qu’il faut, disons que c’est un haut dignitaire de la cour de l’Empereur.

    Emperor_Theophilos_Chronicle_of_John_Skylitzes.jpg

    Il est pas beau Théophile ?

    Notre héros a été mandaté par l’empereur Théophile pour enquêter sur les affaires de l’archevêque du lieu, au nom d’une confiance bien comprise. Il doit enquêter sur la situation religieuse locale car dans certains couvents on admire les icônes alors qu’officiellement c’est interdit.

    icones byzantins.jpg

    Pendant presque cent ans les empereurs interdirent icônes, mosaïques représentant le Christ, ils interdirent aussi les livres enluminés.

    Ces couvents servent aussi de refuge à des femmes malmenées mais fortement décidées à se défendre.

    On est en janvier et il fait un froid de gueux ce qui n’empêche pas les rumeurs de circuler, elles ne sont pas sensibles au froid.Dans les rues enneigées circule un fou de Dieu qui récite des psaumes et prophétise une vengeance terrible.

    Mais bang à peine Léon est-il arrivé que le gouverneur est assassiné.
    Je ne peux m’empêcher de vous livrer son nom : Manouïl Philomatios. Sa femme s’accuse du crime mais Léon ne la croit pas.

    800px-Simeon_Stylites_(Syria).jpg

    J’ai aimé le mixte entre les moines anachorètes, le stylite perché sur une colonne et l’enquête en cours.
    Vous découvrirez la société des notaires, des commerçants, la culture byzantine que nous connaissons très peu même si l’on a lu Paul Veyne.( je vous recommande Quand notre monde est devenu chrétien )

     

    J’ai aimé l’ambiance de ce polar comme j’avais aimé le précédent. Un mixte entre le polar et l’érudition qui nous fait entrevoir une culture que l’auteur Panagiotis Agapitos possède sur le bout des doigts.

    Sur votre étagère le livre est à classer dans Polar byzantin, vous conviendrez que c’est sympa.
    Petit clin d'œil à celle qui me l'a offert.

    IMG-0418.jpg

    Le Livre : L'Œil de cuivre - Panagiotis Agapitos - Traduction Constantin Kaïtéris

  • Le Journal de Ponary - Kazimierz Sakowicz

    holocauste.jpg

    Parmi les livres qui traitent de l’holocauste il y a les livres témoignages, la plupart sont écrits par des juifs eux mêmes  mais il y a aussi des récits de témoins et ce livre en est l’exemple peut être le plus frappant et le plus terrible.
    Certainement le témoignage unique et « sans aucun équivalent dans les annales des témoignages sur les grands massacres par fusillades »

    Lorsque l’armée allemande investie Ponary on est en 1941 en Lituanie, Kazimierz Sakowics est un journaliste polonais catholique (cela a son importance ) il vient d’emménager à Ponary à coté de Vilnius/ Wilno et il va se retrouver aux premières loges de la tuerie de masse sans doute la plus terrible de la Shoah.

    1AgM0Upj_400x400.jpg

    L'auteur

    Wilno a été considérée pendant des siècles comme la « Jérusalem du Nord », « un pôle majeur de la culture juive en Europe » Une ville de haute culture, une ville de référence pour la culture ashkénaze.

    _736_395241153ef76c70L.jpg

    Vilnius / Wilno en 1939


    « Ponary est un lieu de villégiature à sept kilomètres de Vilnius  A droite, la rivière Vilia serpente entre des rives vallonnées. Cet endroit est connu pour sa beauté pittoresque. Il a été chanté par Adam Mickiewicz. Napoléon aurait dit qu’il transporterait volontiers Ponary en France de ses propres mains »

    ghetto de vilnius.jpg

    Ghetto de Vilnius / Wilno

    Kazimierz est un témoin oculaire, de son grenier il voit les atrocités commises et note tout.
    Il note comment les victimes sont acheminés sur les lieux, il note le mode opératoire des tueurs, il note qui sont ces tueurs : des volontaires lituaniens, jeunes pour la majorité d’entre eux.
    Il compte  le nombre de victimes assassinées, la façon dont elles sont conduites, déshabillées, frappées à coup de fouet ou de crosse jusqu’aux fosses.

    ponary juillet 1941.jpg

    Dans les fosses de Ponary

    Il voit les riverains se livrer au trafic des biens des juifs massacrés.
    « Depuis le matin, près du carrefour, se tient un marché où les marchands vendent des affaires des victimes assassinées la veille. Ils en attendent de nouvelles et sont optimistes »

     

    Il témoigne d’une façon très précise
    « Il est environ 16 heures. Sur la grande route en direction de Grodno, je découvre que de nombreux Juifs ont été transportés dans la forêt. Et voilà que, soudain, ils se sont mis à leur tirer dessus. J’ai compris plus tard qu’il s’agissait d’une exécution. Une impression atroce, oppressante. Les rafales ont cessé vers 20 heures »

    paneriai-2-3.jpg

    Massacres de Ponary

    Kazimierz Sakowicz a des phrases terribles : 
    « Comment ne pas être ébranlé par la force de cette haine que cultive la foule pour satisfaire ses bas instincts ! »
    « Pour les Allemands, 300 Juifs représentent 300 ennemis de l’humanité. Pour les Lituaniens, 300 paires de chaussures et de pantalons ».

    Majoritairement les lituaniens haïssaient  les juifs, avant l’arrivée de l’armée allemande ils se livrèrent à des pogroms anticipant ainsi l’action des Einsatzgruppen qui n’auront plus qu’à superviser les massacres.
    « Ces pogroms ont fait environ quinze mille morts en quelques jours sans intervention directe de l’occupant. »

    mémorial .jpg

    Un mémorial pour les victimes juives du massacre de Ponary,

    Ce livre est très particulier car écrit au jour le jour par un témoin incontestable qui n'a pourtant jamais apporté la moindre aide à un juif.
    « Entre 1941 et 1944, ce sont 70 000 Juifs, hommes, femmes et enfants, qui, à Ponary, furent massacrés aux bords de sept immenses fosses, ainsi que 20 000 Polonais et 10 000 prisonniers soviétiques. »


    L’historien Timothy Snyder dans son livre Terres de sang, souligne que « le meurtre de masse des Juifs de Wilno n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’assistance des Lituaniens, les Allemands n’ayant pas suffisamment d’hommes ».

    Kazimierz Sakowicz avait caché ses manuscrits dans des bouteilles de limonade qu’il avait enterrées dans son jardin. Elle furent découvertes après sa mort par ses voisins. 
    Rachel Margolis juive combattante les a réunies et publiées
    « Cette chronique unique en son genre constitue une terrible preuve à charges contre les nationalistes lithuaniens, et eux seuls, qui s'acquittaient du massacre des Juifs au bord des fosses ».

    rachel Margolis.jpg

    Rachel Margolis

    « La main de Kazimierz Sakowicz n’hésite pas devant l’horreur qu’elle consigne. Son être entier tremble à cause de la profonde gravité de la réalité qu’il constate et sa conscience de témoin de l’Histoire lui confère une autorité incontestable »

    En 1943 les allemands tentèrent d’effacer toutes traces des massacres.

    Après la chute du communisme et l’indépendance de la Lituanie en mars 1990, Rachel Margolis.  va œuvrer pour la mise sur pied à Vilnius d’un lieu de mémoire pour les Juifs dans ce pays.

    jonas Noreika.jpg

    skirpa.jpg

    Jonas Noreika et Kazys Škirpa deux "héros" contestés

    En Lituanie, membre de l’Union Européenne d’anciens bourreaux sont pourtant élevés au rang de héros de la nation à ce moment là.
    « Jonas Noreika, exécuté en 1947 pour avoir, entre autres, orchestré de son propre chef le massacre de 1800 Juifs de Plunge, tous tués avant l'arrivée des Allemands. En 1997, ce boucher fut tranquillement fait, à titre posthume, Chevalier de l'Ordre de la croix de Vytis, une des plus hautes distinctions de l'Etat lithuanien » 

    Il semble qu’aujourd’hui la Lituanie s’achemine vers une reconnaissance plus juste des événements de la guerre. Reconnaissance des faits, indemnisation des victimes ou de leurs descendants, les rues sont débaptisées, sans oublier que 900 lituaniens ont été déclarés Justes par Yad Vashem 

    Journal-de-Ponary-1941-1943.jpg


    Le livre : Le journal de Ponary 1941-1943 - Kazimierz Sakowicz - Traduit par Alexandra Laignel-Lavastine - Editions Grasset 2021