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Histoire - Page 5

  • La Carte postale Anne Berest

    Un livre que je n’ai pas lâché et pour moi en ce moment cela tient de l’exploit. Foin du battage médiatique autour de ce livre, sachons reconnaitre la sagesse de la jeune génération qui a couronné ce livre du Goncourt des lycéens.

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    Anne Berest lit un extrait de son livre 

    Une carte postale jetée dans une boite aux lettres sans âge chez Lelia la mère de l’auteure.
    Nous sommes en janvier 2003 et sur la carte quatre prénoms Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques
    Le père, la mère et leurs deux enfants, tous morts en déportation à Auschwitz.

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    Comprendre la provenance de cette carte, la relier au passé, reconstruire petit à petit l’histoire de la famille Rabinovitch, c’est ce que vont faire Anne la fille, aidée de Lelia Picabia la mère afin de suivre le fil rouge vers les grands parents Rabinovitch, les oncles et tantes disparus mais aussi ceux qui ont survécu comme Myriam celle dont le prénom n’est pas sur la carte postale et qui sont passés entre les mailles du filet.

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    Aujourd’hui tout lecteur intéressé par la Shoah sait que longtemps le silence s’est fait autour de la déportation, autour du retour des camps, autour de la responsabilité des autorités. 
    Mais en voir l’implication directe, non pas pour une entité floue « les juifs » mais pour des personnes nommées, décrites jusque dans leurs défauts, leur beauté, leur maladresse c’est tout autre chose.

    Anne Berest à travers sa quête fait entendre la voix des exilés, des oubliés, des disparus, des victimes mais aussi la voix de ceux et celles qui ont tendus la main.
    Si vous avez lu Les Disparus de Daniel Mendelsohn, vous reconnaitrez ici la même quête, le même souci et la même interrogation face à l’identité juive.

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    J’ai aimé ce livre pour sa richesse, il m’a rappelé un livre lu il y a longtemps mais qui est aujourd’hui encore dans ma bibliothèque : Adieu Volodia de Simone Signoret qui décrivait si bien ces immigrés fuyant les pogroms et tentant vaille que vaille de « s’assimiler » persuadés que la France était leur salut.

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    le rêve sioniste 

    Le lecteur traverse le temps des années 20 à aujourd’hui mais aussi toute l’Europe malmenée de la Russie à la Pologne, de la Lettonie à la France, le lecteur rencontre le rêve sioniste en Palestine qui n’a pas toujours des couleurs joyeuses.

    Collaborateurs et résistants se mêlent, bêtise et malhonnêteté administrative des autorités d’après guerre qui refusent le terme de déporté, qui nie les faits et leurs conséquences et chape de plomb qui recouvre les crimes pendant des années.

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    Les Rafles

    J’ai aimé la façon qu’a l’auteur de dire le plus difficile en peu de mots. Elle sait nous transmettre cette inquitétude qui se transforme en peur puis en panique devant la montée de l’horreur. 
    Elle sait parfaitement nous transmettre la colère, l’incrédulité, la sidération, puis après, le mutisme de ceux qui sont revenus.

    J’ai aimé la construction et l’apparition de personnages comme Irène Némirovski ou Grabrielle Buffet et Vicente Picabia ou même André Gide.

    J’ai aimé la démarche d’Anne Berest qui dit « Je me reconnais enfin : je suis fille et petite fille de survivants » 

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    Le Film Les Guichets du Louvre 

    J’ai aimé la façon qu’à l’auteur de rythmer son récit par des dates qui touchent la famille Rabinovitch mais aussi tout citoyen de l’époque : 30 janvier 1933,  juillet 1942 et la rafle du Vel d’hiv qui pour moi est illustré par le film  Les Guichets du Louvre  le film de Michel Mitrani où l’on voit à la fois le zèle d’une police aux ordres et le courage de ceux qui surent désobéir.

     

    Une remarque :  parfois il y a confusion entre qui parle et de qui on parle. Mais est ce un petit défaut ou une volonté de l’auteure car c’est bien le propre de ce genre de quête d’être en permanence dans le flou, l’incertain, le rêve mêlé au cauchemar. 

    Lisez et faites lire ce livre, offrez le aux plus jeunes, une jolie façon de tisser le lien entre un passé douloureux et un futur que l’on voudrait meilleur.

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    Pour poursuivre cette lecture vous pouvez aussi lire Les Disparus de Daniel Mendelsohn, La Rafle du Vel d’Hiv  de Claude Levy et Paul Tillard

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    Le livre : La Carte Postale  - Anne Berest  -  Editions Grasset

     

  • Les lilas rouges - Reinhard Kaiser-Mühlecker

    Je vous emmène en Haute Autriche dans les années 40 pour vous faire vivre pendant quelques décennies avec la famille Goldberger. 

    Le roman débute par une arrivée en catimini, celle de Ferdinand Goldberger à Rosental, personne n'est là pour l'accueillir il n’y a que l’idiot du village pour l’apercevoir.

    Goldberger a été muté contre son gré à Rosental, des exactions commises on ne saura rien de précis mais des forfaits ont été commis pour qu’il quitte précipitamment son village et surtout son domaine d’innviertel.

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    La campagne de Haute Autriche

    Il s’installe à Rosental avec sa fille Martha, son fils Ferdinand lui est au front puis prisonnier de guerre. La guerre parait loin, l’auteur ne la mentionne qu’à travers certains personnages comme la femme de l’aubergiste qui a perdu mari et frères.

    Le frère et la soeur ne sont pas heureux de ce changement, Martha a perdu la parole comme si la culpabilité du père pesait sur les enfants.

    Chez les Goldberger on lit la Bible. 
    Ferdinand a coché une formule de l'Exode qui éclaire le roman de façon violente « Moi, l'Eternel, ton Dieu, je suis un Dieux jaloux. Je punis la faute des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération »

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    L’exploitation passera au fils revenu de la guerre, il aura deux fils Thomas et Paul qui seront encore marqué par d’une certaine façon par le poids du péché.
    Les études n’aboutissent pas toujours, les mariages ne sont pas heureux, la ferme est florissante mais parfois les enfants se font attendre. 
    Tous les personnages sont des taiseux, les sentiments sont peu exprimés, les gestes d’affection sont très rares.

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    Un récit fort, dense, parfois peut être un peu long mais c’est un très léger défaut.
    La Psychologie des personnages est parfaitement détaillée, riche, l’auteur scrute, analyse et rend palpable les doutes, la culpabilité, les regrets.
    J’ai aimé les descriptions du travail de la terre, des paysages magnifiques de la Haute Autriche, il y a des pages splendides.
    La nature est somptueuse, les lilas du titre sont là pour nous accompagner de génération en génération, de saison en saison, le parfum lui est toujours présent et rappelle  indéfiniment le passé douloureux.

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    Reinhard Kaiser-Mühlecker © Jurgen Bauer 

    Reinhard Kaiser-Mühlecker est un des grands auteurs autrichiens très peu connu en France faute de traductions. 
    Son écriture est sobre, classique mais d’une efficacité redoutable qui lui confère une vraie force.

    Il est devenu écrivain car l’absence de réponse de sa famille et les silences sur la période du nazisme l’ont poussé vers le roman mettant en scène cet après guerre douloureux.

    Ce roman permet à l'écrivain de parler de son pays, de la part très active qu'il a pris aux crimes du nazisme. Une façon de parler de l'indicible à travers la difficulté de communiquer des personnages.

    La suite du roman est déjà paru en Autriche. Je serai certainement attentive à la sortie et traduction des Lilas noirs 

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    Le livre : Lilas rouges - Reinhard Kaiser-Mühlecker - Traduit par Olivier Le Lay - Editions Verdier

     

  • La nuit des orateurs — Hédi Kaddour

    Nous sommes à Rome et je vous propose de rencontrer Publius Cornelius Tacitus, bref Tacite vous l’aurez compris. 

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    Tacite 

    Tacite n’a encore rien écrit, les Annales viendront plus tard. Il est le mari de Lucretia Agricola, femme de haute noblesse, elle est l’amie de Domitien l’empereur actuel, cette proximité va t elle suffire à protéger Tacite de la colère de l’empereur ? 

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    Domitien 

    Quel est le tord de Pline, de Senecio et de Tacite ? Celui d’avoir défendu une province mise en coupe réglée par un préfet aux ordres de Domitien. 

    C’est suffisant pour compromettre les trois hommes et risquer la colère de l’empereur qui « tue comme il éternue » 

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    Pline le Jeune

    Tout peut passer pour un crime de lèse-majesté : un mot de trop, une référence littéraire, un geste, alors avoir pris fait et cause pour un opposant !!!
    C’est peut être la nuit qui précède leur arrestation, la mort dans l’infamie 

    L’entourage de Domitien est là pour le servir et même pour anticiper sur ses désirs, Norbanus le préfet de sa garde prétorienne est près à toutes les bassesses.

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    La garde Prétorienne

    Lucretia va combattre contre Domitien à fleuret moucheté, contre Flavie la maitresse en titre de son mari, c’est une longue nuit qui s’avance.

    Une superbe réflexion sur le pouvoir et ses dérives.
    Rumeurs, complots, dénonciations, tout sent la pourriture, le danger, la mort.
    C’est violent, noir, une réflexion sur le pouvoir sans concessions aucunes.
    Le roman prend des allures de manuel de survie par temps de tyrannie.

    L’écriture m’a plu, la fin n’est pas tout à fait réussie, c’est un péché véniel par rapport à l’art d’hédi Kaddour pour nous transporter en un siècle plein de fureur et de bruit 

    Si vous voulez avoir un aperçu du règne de Domitien je vous renvoie à Lucien Jerphagnon et à son histoire de Rome 

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    tacite

    Les livres 

    La nuit des orateurs  Hédi Kaddour  Editions Gallimard
    Histoire de la Rome antique  Lucien Jerphagon  Editions Hachette pluriel 
    Les Divins Césars  Lucien Jerphagnon Editionts  Tallandier 

  • Une saga moscovite - Vassili Axionov

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    Patrice vient de publier un billet sur le livre monumental de Vassili Grossman : Vie et destin.
    Ce livre est un chef-d’oeuvre absolu et je vous invite à lire Patrice sur le sujet, en le lisant j'ai eu envie de relire un roman de Vassili Axionov sur le même sujet

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    En 1995 paraissait Une Saga Moscovite, un roman russe sur un sujet très similaire et même si l’envergure n’est pas toute à fait la même, sa lecture est passionnante et éclairante.

    Pour entrer dans le monde d’Axionov il faut vous transporter en Russie, juste après la révolution, au moment où Staline va accéder au pouvoir, c’est lui qui va rythmer ce roman. 
    Nous suivons le destin de plusieurs personnages, ballotés par les évènements, maltraitrés, emprisonnés.

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    Arrivé au pouvoir 

    Le chef de la famille Gradov,  Boris Gradov  « cinquante ans, un homme encore parfaitement svelte, au complet bien coupé et seyant, à la petite barbe taillée avec soin » est un médecin, issu de la bourgeoisie, prudemment reconverti à un communisme discret, respecté par la communauté médicale. C’est lui qui va déclencher la tourmente pour les siens.

    Appelé en consultation auprès d’un membre du bureau politique il a le malheur de poser un diagnostic qui déplait, la victime est liquidée lors de l’intervention chirurgicale qui suit.
    Boris Gradov fait silence sur ce meurtre mais sa conscience le poursuit.
    Il s'est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, sa famille et lui vont en payer le prix.

     

    Tous les membres de la famille vont connaitre un destin tragique mais tous d’une façon différente, chacun d’eux représentant une part des horreurs de la dictature stalinienne.

     

    Le fils aîné Nikita a embrassé la carrière militaire et sera très tôt nommé général. Il a participé à la répression du soulèvement des marins de Cronstadt en 1921, cela serait à son crédit s’il n’en éprouvait pas un remord profond, persuadé que l’on a fusillé des innocents. 

    Son épouse Véronika est connue pour ses goûts de luxe, pour tout dire des goûts bourgeois
    Un remord et une épouse peu présentable cela va suffire.

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    Propagande stalinienne

    Kyrill, le second fils,lui est le parfait bolchevique stalinien, pur, dur, sans état d’âme. Il travaille dans les villages où les populations sont soumises de gré ou de force à la collectivisation.Les paysans, les femmes, les enfants sont déplacés comme du bétail vers l’abattoir. Il parait à l’abri de la tempête, mais c’est sans compter sur un sursaut d'humanité envers un enfant. 

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    La Dékoulakisation

    Tsilla son épouse communiste convaincue affirme « j’aime mon père, mais en tant que communiste, j'aime encore plus mon parti » mais communiste ou pas Tsilla est juive et le régime stalinien est profondément antisémite.

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    Pacte Germano-soviétique

    Enfin Nina, la fille de la famille est une  poétesse communiste mais qui réserve sa ferveur à la poésie plutôt qu’au régime. Quittant Moscou, elle partira vivre en Géorgie où elle croisera Mandelstam mais aussi le terrible Lavrenti Béria

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    Lavrenti Beria : le Himmler russe 

    La Second guerre viendra s'ajouter aux souffrances et aux horreurs.

    C’est à travers le sort de ces personnages que Vassili Axionov nous dresse un tableau gigantesque de cette période. Sa fresque historique que l’on a qualifiée de « Guerre et paix » du XXè siècle est pleine de « bruit et de fureur »

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    Vassili Axionov

    Il ne nous épargne rien : dénonciations, surveillance, torture, déportations, goulag, massacre de la population juive. Il nous fait ressentir la peur qui nait chez chacun et fait dire à Mandelstam  « Ces grosses voitures noires....Quand je les vois, quelque chose d'aussi gros et d'aussi noir s'élève du fond de mon âme. Je suis poursuivi par la vision de quelque chose de terrible qui, inévitablement, nous étouffera tous.. »

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    Réquisitoire contre tous les totalitarismes, ce récit ample est plein d’émotions et passionnant de bout en bout.
    Les digressions lors de certains chapitres, loin d’affaiblir le récit, nous rendent parfaitement présente la propagande de l’époque.

    Ce roman n’est pas une autobiographie mais plusieurs éléments ressemblent de troublante façon au destin de la famille de Vassili Axionov et à son enfance marquée par la condamnation de ses parents.

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    Sa mère Evguénia Sémionovna Guinzbourg se tournera vers l’écriture à sa sortie du Goulag avec deux livres qui témoignent de ce que fut le stalinisme : Le Vertige et Le ciel de la Kolyma 

     

    Les Livres 

    Une Saga Moscovite - Vassili Axionov - Traduit du Russe par Lily Denis - Editions Gallimard ou Folio 2 tomes 
    Vie et destin - Vassili Grossman - Editions Bouquins Robert Laffont
     Le Vertige et Le Ciel de la Kolyma - Evguénia Guinzbourg - Editions du Seuil Poche

  • S.P.Q.R. Histoire de l'ancienne Rome - Mary Beard

    Pourquoi l'histoire de Rome, de son Sénat et de son Peuple continue d'avoir du sens pour nous ?

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    Senatus PopulusQue Romanus : Le Sénat et le peuple romain

    J'aime l'histoire antique, la civilisation romaine m'intéresse depuis longtemps.

    Certains pensent que la civilisation romaine continue d'imprimer sa marque sur notre civilisation actuelle. Je suis de ceux-là, mais comment une petite ville insignifiante en est-elle venue à être une puissance qui aujourd'hui encore influence nos conceptions de la politique, de la justice, du pouvoir et de ses dérives, de la notion de citoyenneté ? 

    J'avais déjà lu à plusieurs reprises sur le sujet, en particulier le livre de Lucien Jerphagnon qui fut celui qui m'ouvrit les portes de cette histoire là. 

    Aujourd'hui il était temps de compléter ma vision, de remettre en cause mes à priori, bref d'élargir un peu mes connaissances.

    Pour cela le livre de Mary Beard est parfait.

    Elle fait le choix de ne pas embrasser toute l'histoire de Rome jusqu'à sa chute et son récit s'arrête avec l'empereur Caracalla en 212 av JC mais bien entendu elle commence avec le mythe, la légende de Romulus et Rémus et le temps de la royauté car il y eut des rois à Rome même si l'on a tendance à se focaliser sur les derniers empereurs.

     

    Mary Beard part donc des premiers temps de la royauté et des conflits qui y sont attachés. Les fameux Gracques puis le temps de Cicéron et de la conjuration de Catilina qui apporta la célébrité à Cicéron.
    A travers ces faits l'auteur rend compte de l'évolution de la ville, car avant d'être un empire, Rome fut une ville, de ses institutions chaotiques et incohérentes parfois.

    On trouve là les mythes de cette histoire : le viol de Lucrèce qui n'eut jamais lieu, l'enlèvement des Sabines tout autant sujet à caution. 

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    L'enlèvement des Sabines  N Poussin Metropolitan Muséum NY

    D'autres événements plus crédibles comme la chute des Tarquins et la fin de la tyrannie qui voit en même temps la naissance d'une notion qui devait connaitre un grand succès, la notion de libertas.

    Mary Beard met en avant certains événements car ils ont fait l'objet de témoignages écrits, de traces archéologiques qui fait que « nous pouvons enquêter en chaussant, pour y voir de près et dans le détail, des lunettes contemporaines ».
    Elle nous invite à prendre de la distance avec les faits qui faute de la moindre trace ne sont pas avérés.

    A ce petit jeu de démystification certains personnages célèbres tombent un peu de leur piédestal, d'autres au contraire se voient offrir une absolution.
    Cléopâtre et son aspic si romanesque, Marc-Aurèle si philosophe et si violent ! Hannibal et ses éléphants, la figure de Pompée.

     

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    Rome au temps de Pompée

    Les Empereurs ne sont pas oubliés mais Mary Beard insiste beaucoup sur le fait que cette longue période qui va d'Auguste à Caracalla est somme toute la moins intéressante, les institutions ne bougent pas beaucoup, les détenteurs du pouvoir se succèdent souvent grâce au meurtre.

    Voilà pour l'exercice de salubrité publique mais ce qui est le plus intéressant dans ce livre c'est le regard que Mary Beard porte sur des aspects de l'histoire romaine peu mis en avant habituellement. 

    La religion, le commerce, la place des femmes et des esclaves, les riches et les pauvres. L'évolution de la société, de la ville et de l'Empire
    N'ayez crainte César ou Marc Antoine ne sont pas oubliés pas plus que Néron ou Tibère. 

    Malgré la masse de documents sur Auguste, l'auteur est toujours intriguée par les changements survenus chez cet homme, du jeune homme chétif et sournois à l'ambitieux forcené qui imprima sa marque aux 14 empeurs suivants.

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    J'ai lu quelques critiques reprochant à Mary Beard d'avoir interrompu son livre avant la Chute de Rome, cela ne m'a pas gêné car elle le clôt sur l'édit de l'empereur Caracalla  offrant la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l'empire. Joli symbole non ? 

    Décidément les anglais ont un rare savoir faire pour ce genre de livre, j'ai aimé l'écriture, j'ai aimé le mélange d'admiration et de critiques.
    J'ai apprécié l'ampleur du travail  

    « Depuis la Renaissance au moins, beaucoup de nos hypothèses les plus fondamentales sur le pouvoir, la citoyenneté, la responsabilité, la violence politique, l'empire, le luxe et la beauté ont été formés et testés, en dialogue avec les Romains et Leur écriture »

    Un livre qui sans nul doute trouvera sa place dans les bibliothèques des amateurs à côté de celui d'Edward Gibbon

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    Le Livre : SPQR Histoire de l'ancienne Rome - Mary Beard - Traduit par Simon Duran - Editions Perrin

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    L'auteur

    Mary Beard est professeur à Cambridge, elle a consacré plusieurs ouvrages à son sujet de prédilection. Elle a reçu pour ce livre la Médaille de la Librairie Bodleienne d'Oxford et et l'ordre of the British Empire. 

    Une personnalité hors norme, une femme libre qui aime à afficher son âge et ses choix vestimentaires au grand dam des critiques universitaires parfois un rien coincés.

    Elle conseille la BBC en matière d'histoire antique et est chargé du sujet dans les pages du Times Litrary supplémentaires.

     

  • Sonnenschein - Daša Drndić

    « Tout nom cache une histoire »

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    C’est le second livre que je lis dans le cadre de la Lecture commune pour l’Holocauste et plus encore que Goetz et Meyer ce livre fut un choc de lecture
    La littérature croate ne tient pas beaucoup de place sur les présentoirs des librairies hélas et on a un peu honte qu’un tel livre soit passé un peu inaperçu.

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    © LUDOVIC MARIN AFP 

    C’est à la fois un regard et une écriture, brutale, dérangeante. Des mots qui interpellent, mettent en cause, alertent, on ne sait pas comment qualifier ce qui se passe pour le lecteur tout au long de ce roman documentaire comme le nomme l’auteur et l’éditeur.

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    Gorizia aujourd'hui 

    Le récit se déroule dans La ville de Gorizia, proche de Trieste, dont le nom se décline selon les langues en Görz, Gorica, Gurize. C’est souvent le cas pour ces villes où le vent de l’histoire à baptisé les lieux chaque fois que la frontière se modifiait. 

    Ville qui évolue de son attachement à l’Empire austro-hongrois à l’appartenance à l’Italie annexée à l’Axe durant la guerre. 

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    L’héroïne de ce roman Haya Tedeschi est une femme âgée et depuis 1944 elle attend…elle attend ainsi depuis soixante-deux ans. « À ses pieds, une immense corbeille rouge remplie de photos, de coupures de presse, de documents divers. Son attente, au début du roman, est « notre attente ».

    Haya est née à Gorizia et a grandit dans une  famille juive qui va hésiter et pencher curieusement vers le fascisme à l’arrivée de Mussolini, espérant peut être l’impunité grâce cela.

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    Haya peut ainsi se croire à l’abri mais l’histoire avance et l’on s’achemine vers le temps des massacres. 
    La famille Tedeschi semble ignorer ces faits car ils détournent la tête  regardent ailleurs, les voisins ne disparaissent pas « ils déménagent » ils ne sont pas expulsés ils « semblent ne plus ouvrir leur magasins » 

    Le récit s’étend géographiquement et dans le temps, on approche de l’inhumain 
    Haya est amoureuse d'un allemand qui est venu un jour acheter des pellicules photo dans sa boutique. 

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    Treblinka 

    C’ est Kurt Franz, celui qui à Treblinka « se promène, monte à cheval, court le matin, chante (…) plante des fleurs » Treblinka est fermé il a été muté !!
    Elle se retrouve seule lorsque, fin de la guerre oblige, il quitte Trieste.
    C’est le début de l’attente pour Haya.

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    le bon dieu sans confession 

    Personnage symbolique, Haya est là pour nous rappeler ce que vécurent ces hommes et ces femmes, certains broyés immédiatement, d’autres se transformant en bourreaux.

    Après la guerre les yeux d’Haya s’ouvrent petit à petit, elle lit des témoignages, ses souvenirs  prennent une autre teinte, elle suit les procès qui sont faits aux criminels de guerre 

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    Rizerie de San Sabba

    En 1976 commence le procès des criminels de guerre de San Sabba. Dans cette rizerie de Trieste, on a assassiné des Juifs, des Tsiganes, des résistants.
    Un four crématoire avait été construit par Erwin Lambert, ingénieur qui a fait ses preuves en Allemagne et en Pologne en éliminant des malades mentaux et des handicapés.

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    Erwin Lambert un bon père de famille 

    L’auteure ne vous donnera la clé de cette attente qu’en toute fin du livre mais on pressent tout au long  que ce qui sortira de la quête ne sera ni joyeux, ni consolant.
    C’est un quête pour savoir et comprendre, pour éclairer cet événement violent et inimaginable que fut la déportation et l’extermination des juifs en Europe.

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    Sélection à Auschwitz-Birkenau en .

    Si ce roman m’a tellement marqué c’est par la façon dont Daša Drndić parle de l’histoire, mêle les faits avec ce qui sort de son imagination.

    Le récit n’est jamais linéaire ce qui parfois rend la lecture difficile, exigeante, mais c’est un peu comme si l’on inventoriait tout le contenu du panier rouge d’Haya et que l’on sortait tous les papiers, photos, coupures de presse, tout un par un. 

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    Nous ne sommes pas les derniers  - Zoran Mušič

    Ainsi on croise Boris Pahor, Paul Celan, Zoran Mušič, Umberto Saba, Danilo Kiš, Claudio Magris …et surtout ce qui pour moi fut une rencontre forte le philosophe Carlo Michelstaedter dont la soeur disparue à Ravensbrück, je l’avais lu il y a environ 20 ans et il s’est à nouveau imposé à moi grâce à ce roman.

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    La littérature, la philosophie, la poésie, la peinture sont-elles plus à même de dire la douleur, l’horreur, la souffrance ?

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    Carlo Michelstaedter

     

    Le roman est interrompu pendant 80 pages et nous trouvons la liste des 9000 juifs qui ont perdus la vie dans les camps, les transports ou les territoires occupés. C’est comme une reconnaissance, un hommage, une stèle de papier.

    Daša Drndić  a ainsi redonné un visage à l’histoire refusant que l’individu soit résumé à une « note en bas de page de l’Histoire »

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    Réquisitoire très puissant contre les nazis bien entendu mais aussi envers tous ceux qui ont fermés les yeux ou tournés la tête : la Croix-Rouge qui aide les nazis à blanchir l’argent des victimes déportées, le Vatican qui aidera à cacher les criminels de guerre, ou plus simplement par exemple ….un chef d’orchestre :
    «  En 1955 Karajan est nommé chef à vie de l’Orchestre philharmonique de Berlin (…) la terre absorbe le passé comme la pluie disparait dans ses entrailles » En 1935 il avait adhéré au parti Nazi et joué pour Hitler.

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    Et pourquoi ne pas diriger l'Ode à la Joie ?

    Sonnenschein est un roman parfaitement documenté, on a envie d’ajouter hélas ! Car les protagonistes ont réellement vécu et fait ce dont on les accuse. Des photos, des compte-rendus des procès, les retranscriptions d’interrogatoires, tout atteste de la réalité des faits.
    La folie meurtrière du nazisme, la circulation des trains, les camps,  les exécutions, le Lebensborn 

    C’est comme un monument pour sauver de l’oubli des hommes et des  femmes qui un jour ont vécu, aimé, travaillé, parce que « tout nom cache une histoire » 

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    Daša Drndić

    La construction du livre rend le lecteur témoin, il est interpellé par les faits qui redonnent vie aux victimes anonymes et  qui sont un réquisitoire sans appel pour les bourreaux qui voudraient faire croire à leur petite vie de fonctionnaires obéissants. 

    Daša Drndić multiplie sans arrêt les points de vue, les documents, les cartes, les dates, jusqu’à parfois rendre le lecteur un peu hagard, un peu noyé par ce chaos effrayant. 

    Pourtant l'auteur parvient à donner une cohérence à tout ça et c’est ce qui fait la force du livre, sans doute un des grands livres sur l’Holocauste.

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    Le livre : Sonnenschein - Daša Drndić - Traduit par Gojko Lukić - Editions Gallimard