Le livre de Vassili Grossman sur Treblinka, écrit après que l'auteur ait participé à la découverte des restes du camp et recueilli des témoignages, a été écrit alors que Grossman était encore dans l'Armée Rouge à fin de la guerre.
Son témoignage fut utilisé par le tribunal de Nuremberg lors des procès.
La mère de Vassili Grossman a été assassinée par les nazis à Berditchev un des lieux de la Shoah par balles.
Ce livre est terrible et le mot enfer n’est évidement pas usurpé.
Je ne me permet pas de commenter ce livre qui se suffit à lui même
Si vous voulez en savoir plus sur Vassili Grossman je vous invite à lire le billet de Patrice sur son roman Vie et destin où l’auteur fait le lien entre nazisme et stalinisme.
Vous pouvez lire aussi Tout Passe un roman dur et violent sur le stalinisme, la délation, le Goulag.
Le Cimetière Juif de Berditchev
« Tout ce que vous allez lire, je l'ai reconstitué d'après les récits de témoins vivants, les déclarations d'hommes qui ont travaillé à Treblinka depuis sa création jusqu'au 2 août 1943, jour où les condamnés à mort se révoltèrent, brûlèrent le camp et s'enfuirent dans les bois ».
« A l'est de Varsovie, sur les rives du Bug occidental, s'étendent des sables et des marais, d'épaisses forêts de pins et de feuillus. Sur cette terre indigente, les villages sont rares; l'homme évite les étroits chemins où le pied s'enlise, où la roue plonge jusqu'au moyeu dans le sable profond. »
Sous l’œil des gardiens, des hommes, femmes et enfants juifs montent à bord de trains lors de la déportation de Siedlce vers le camp d’extermination de Treblinka. Pologne, août 1942.
« Par endroits la terre est couverte de mousse; çà et là on voit se profiler la silhouette d'un pin chétif; un choucas ou une huppe bigarrée, de temps à autre, rayent le ciel.
Ces lieux désolés avaient été choisis. avec l'approbation du Reichsführer des S.S. Heinrich Himmler, pour devenir un charnier colossal, tel que l'humanité n'en avait encore jamais connu avant nos jours cruels.
Non, jamais l'univers n'avait rien vu d'aussi épouvantable. C'était ici le plus atroce des camps de la mort établis par les S.S »
Gare ferroviaire de Treblinka
« On sait aujourd'hui ce qu'était le régime du camp n° 1
Nous savons tout du travail à la sablière et comment on précipitait au fond de la carrière ceux qui n'avaient pas rempli leur norme; nous savons ce qu'était la nourriture : cent soixante-dix à deux cents grammes de pain et un litre d'une lavasse infâme baptisée du nom de soupe; nous savons qu'on y mourait de faim et qu'on emportait sur des brouettes par delà les barbelés, pour leur donner le coup de grâce, ceux dont le corps était enflé; nous savons les orgies effrénées des Allemands; nous savons qu'ils violaient des jeunes filles et les tuaient après; qu'ils précipitaient les gens d'une hauteur de six mètres; que la nuit, leur bande ivre faisait irruption dans une baraque pour en tirer de dix à quinze détenus sur lesquels ils expérimentaient sans hâte différentes méthodes de mise à mort, tirant en plein cœur, dans la nuque, les yeux, la bouche, la tempe de leurs victimes. »
« En mai 1942, les Allemands avaient en effet entrepris, à trois kilomètres de là, la construction d'une véritable usine de mort.
Là, rien n'était prévu pour la vie, tout pour la mort. L'existence de ce camp devait être tenue profondément secrète; tel était l'ordre de Himmler. Pas un homme ne devait en sortir vivant, et personne n'était autorisé à s'en approcher. »
« 23 juillet 1944 Ce jour-là, au petit matin, wachmanns (gardiens) et S.S., après avoir bu un verre de schnaps pour se donner du cœur au ventre, procédèrent à la liquidation du camp. Lorsque vint la nuit, tous les détenus avaient été tués. Tués et enterrés. Sauf Maks Lewit, un menuisier de Varsovie qui, resté jusqu'au soir sous les cadavres de ses camarades, réussit à gagner la forêt ».
Mémorial du camp
Treblinka, septembre 1944
« Tout est calme. A peine si l'on entend bruire le sommet des pins, le long de la voie ferrée. Ces pins, ce sable, cette vieille souche, des millions d'yeux les ont regardés des wagons qui s'avançaient lentement vers le quai. On entend crisser doucement la cendre, les scories pulvérisées sur la route noire, bordée soigneusement, à la manière allemande, de pierres peintes en blanc.
Nous entrons dans le camp, nous foulons le sol de Treblinka. Les cosses de lupin se fendent dès qu'on les touche, avec un tintement léger; des millions de graines se répandent sur la terre. Le bruit qu'elles font en tombant et celui des cosses qui s'entr'ouvrent se fondent en une mélodie triste et douce, comme si nous arrivait du fond de la terre - lointain, ample et mélancolique - le glas de petites cloches. La terre ondule sous les pieds, molle et grasse comme si elle avait été arrosée d'huile de lin - la terre sans fond de Treblinka, houleuse comme une mer. »
« Cette étendue déserte qu'entourent des barbelés a englouti plus d'existences humaines que tous les océans et toutes les mers du globe depuis qu'existe le genre humain »
Un sondage en 2018 disait qu'un français sur dix dit ignorer ce qu'est la Shoah
« Aujourd'hui chacun est tenu, devant sa conscience, devant son fils et devant sa mère, devant sa Patrie et devant l'humanité, de répondre, de toute son âme et de toute sa pensée, à la question suivante : d'où vient le racisme ? Que faut-il pour que le nazisme, l'hitlérisme ne renaissent jamais plus, ni d'un côté ni de l'autre de l'Océan ? »
J'ai lu ce livre dans le cadre des lectures autour de l'holocauste initiées par Patrice et Passage à l'est.
Ce livre est aujourd’hui quasi introuvable mais si vous voulez le lire mettez moi un mail et l’on trouvera une solution.
Le Livre : L’Enfer de Treblinka - Vassili Grossman - Editions Arthaud