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Le Journal de Ponary - Kazimierz Sakowicz

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Parmi les livres qui traitent de l’holocauste il y a les livres témoignages, la plupart sont écrits par des juifs eux mêmes  mais il y a aussi des récits de témoins et ce livre en est l’exemple peut être le plus frappant et le plus terrible.
Certainement le témoignage unique et « sans aucun équivalent dans les annales des témoignages sur les grands massacres par fusillades »

Lorsque l’armée allemande investie Ponary on est en 1941 en Lituanie, Kazimierz Sakowics est un journaliste polonais catholique (cela a son importance ) il vient d’emménager à Ponary à coté de Vilnius/ Wilno et il va se retrouver aux premières loges de la tuerie de masse sans doute la plus terrible de la Shoah.

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L'auteur

Wilno a été considérée pendant des siècles comme la « Jérusalem du Nord », « un pôle majeur de la culture juive en Europe » Une ville de haute culture, une ville de référence pour la culture ashkénaze.

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Vilnius / Wilno en 1939


« Ponary est un lieu de villégiature à sept kilomètres de Vilnius  A droite, la rivière Vilia serpente entre des rives vallonnées. Cet endroit est connu pour sa beauté pittoresque. Il a été chanté par Adam Mickiewicz. Napoléon aurait dit qu’il transporterait volontiers Ponary en France de ses propres mains »

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Ghetto de Vilnius / Wilno

Kazimierz est un témoin oculaire, de son grenier il voit les atrocités commises et note tout.
Il note comment les victimes sont acheminés sur les lieux, il note le mode opératoire des tueurs, il note qui sont ces tueurs : des volontaires lituaniens, jeunes pour la majorité d’entre eux.
Il compte  le nombre de victimes assassinées, la façon dont elles sont conduites, déshabillées, frappées à coup de fouet ou de crosse jusqu’aux fosses.

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Dans les fosses de Ponary

Il voit les riverains se livrer au trafic des biens des juifs massacrés.
« Depuis le matin, près du carrefour, se tient un marché où les marchands vendent des affaires des victimes assassinées la veille. Ils en attendent de nouvelles et sont optimistes »

 

Il témoigne d’une façon très précise
« Il est environ 16 heures. Sur la grande route en direction de Grodno, je découvre que de nombreux Juifs ont été transportés dans la forêt. Et voilà que, soudain, ils se sont mis à leur tirer dessus. J’ai compris plus tard qu’il s’agissait d’une exécution. Une impression atroce, oppressante. Les rafales ont cessé vers 20 heures »

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Massacres de Ponary

Kazimierz Sakowicz a des phrases terribles : 
« Comment ne pas être ébranlé par la force de cette haine que cultive la foule pour satisfaire ses bas instincts ! »
« Pour les Allemands, 300 Juifs représentent 300 ennemis de l’humanité. Pour les Lituaniens, 300 paires de chaussures et de pantalons ».

Majoritairement les lituaniens haïssaient  les juifs, avant l’arrivée de l’armée allemande ils se livrèrent à des pogroms anticipant ainsi l’action des Einsatzgruppen qui n’auront plus qu’à superviser les massacres.
« Ces pogroms ont fait environ quinze mille morts en quelques jours sans intervention directe de l’occupant. »

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Un mémorial pour les victimes juives du massacre de Ponary,

Ce livre est très particulier car écrit au jour le jour par un témoin incontestable qui n'a pourtant jamais apporté la moindre aide à un juif.
« Entre 1941 et 1944, ce sont 70 000 Juifs, hommes, femmes et enfants, qui, à Ponary, furent massacrés aux bords de sept immenses fosses, ainsi que 20 000 Polonais et 10 000 prisonniers soviétiques. »


L’historien Timothy Snyder dans son livre Terres de sang, souligne que « le meurtre de masse des Juifs de Wilno n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’assistance des Lituaniens, les Allemands n’ayant pas suffisamment d’hommes ».

Kazimierz Sakowicz avait caché ses manuscrits dans des bouteilles de limonade qu’il avait enterrées dans son jardin. Elle furent découvertes après sa mort par ses voisins. 
Rachel Margolis juive combattante les a réunies et publiées
« Cette chronique unique en son genre constitue une terrible preuve à charges contre les nationalistes lithuaniens, et eux seuls, qui s'acquittaient du massacre des Juifs au bord des fosses ».

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Rachel Margolis

« La main de Kazimierz Sakowicz n’hésite pas devant l’horreur qu’elle consigne. Son être entier tremble à cause de la profonde gravité de la réalité qu’il constate et sa conscience de témoin de l’Histoire lui confère une autorité incontestable »

En 1943 les allemands tentèrent d’effacer toutes traces des massacres.

Après la chute du communisme et l’indépendance de la Lituanie en mars 1990, Rachel Margolis.  va œuvrer pour la mise sur pied à Vilnius d’un lieu de mémoire pour les Juifs dans ce pays.

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Jonas Noreika et Kazys Škirpa deux "héros" contestés

En Lituanie, membre de l’Union Européenne d’anciens bourreaux sont pourtant élevés au rang de héros de la nation à ce moment là.
« Jonas Noreika, exécuté en 1947 pour avoir, entre autres, orchestré de son propre chef le massacre de 1800 Juifs de Plunge, tous tués avant l'arrivée des Allemands. En 1997, ce boucher fut tranquillement fait, à titre posthume, Chevalier de l'Ordre de la croix de Vytis, une des plus hautes distinctions de l'Etat lithuanien » 

Il semble qu’aujourd’hui la Lituanie s’achemine vers une reconnaissance plus juste des événements de la guerre. Reconnaissance des faits, indemnisation des victimes ou de leurs descendants, les rues sont débaptisées, sans oublier que 900 lituaniens ont été déclarés Justes par Yad Vashem 

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Le livre : Le journal de Ponary 1941-1943 - Kazimierz Sakowicz - Traduit par Alexandra Laignel-Lavastine - Editions Grasset 2021

Commentaires

  • Il y a plus d'un pays qui n'a pas pu regarder son passé en face juste après la guerre ! et on le comprend. "Comment ne pas être ébranlé par la force de cette haine que cultive la foule pour satisfaire ses bas instincts". Impossible de ne pas se poser la question et je ne peux m'empêcher de penser qu'aujourd'hui ce serait toujours possible vis-à-vis d'autres populations. Une lecture qui me rappelle également "les disparus".

  • oui c'est à la fois indispensable et effrayant comme texte. Je m'interroge chaque fois "qu'aurais je fais ?" ici le témoin est très froid pas du tout empathique ce qui glace mais qui en même temps nous assure une objectivité totale.
    Un livre qu'à coup sûr je vais conserver dans ma bibliothèque

  • Les bras nous en tombent face à ces événements. On croit tout savoir, mais on a oublié, et ces livres rappellent l'horreur.

  • ce qui me remue le plus c'est cet antisémitisme latent dans les populations !! c'est totalement incompréhensible pour moi même si j'essaie à l'aune de l'histoire d'essayer de comprendre les ressentis des populations

  • Ces notations très factuelles ne sont pas moins terribles que certaines évocations plus douloureuses ou lyriques. Il faut un grand courage pour regarder les faits en face et les écrire.

  • je suis partagée sur l'auteur : courage ? oui car ce qu'il faisait était interdit mais il y a tellement peu d'empathie dans ces propos que c'est effrayant, un témoin mais pas vraiment bienveillant

  • Quel témoignage ! Comme Nathalie, je ne peux imaginer ce qu'il a fallu pour poser ces mots sur le papier. Implacable ! La suite est édifiante.

  • Implacable c'est le mot, dans un écrit un peu similaire sur Babi Yar l'auteur ne peut s'empêcher de masquer le rôle des populations alors qu'ici c'est mis à jour sans concession

  • C'est affreux d'assister en témoin impuissant à ces massacres ! Il a été courageux et judicieux de sa part de l'écrire, en pensant à l'avenir.

  • judicieux plus que courageux je crois mais grâce lui soit rendu pour que les faits soient révélés

  • Ce fut un temps épouvantable d'atrocité et de barbarie, voulu par un seul homme complètement fou.
    Cependant je note ce livre, car il faut savoir toutes les atrocités commises par les nazis.

  • je savais pour avoir lu Les Disparus ce que fut l'holocauste dans ces pays mais là le témoignage brut est sidérant

  • Quand nous avons visité Vilnius j'ai cherché des traces des ghettos et des Juifs mais pas trouvé grand chose, l'absence.

  • Quand on lit ce livre on comprend qu'il ne reste rien, d'autant que jusqu'à ces dernières années les faits étaient niés par le pouvoir politique

  • je pense qu'après ce mois tu auras envie de lectures plus légères. Je suis horrifiée par ton billet et j'imagine dans quel était tu devais être lors de cette lecture.. Je vieillis et je n'ai plus la force de me confronter à tant d'horreurs mais je garde quand même espoir que la Lituanie acceptera de regarder son passé. Et que cet été aux beaux jours je trouverai le courage de lire ce témoignage.

  • La Lituanie a fait un grand pas en avant, comme la France il y a quelques décennies, c'est difficile pour un peuple de se voir bourreau !
    Oui la lecture fut dure mais j'avais un peu étalé cela et en même temps je suis tellement persuadée de la nécessité de lire ces livres que le courage me vient

  • Merci infiniment Dominique pour ces trois billets. Comme me l'avait dit un survivant de ces massacres, "lorsque nous ne serons plus là pour témoigner, il faudra prendre le relai pour que cette mémoire là ne s'efface jamais." Et c'est ce que tu fais.
    Très oppressée moi aussi lors de la visite de la maison d'Anne Frank. Le livre de Lola Lafon est actuellement sur ma table de nuit.
    J'avais lu ado le livre de Martin Gray, survivant de Treblinka je crois. Un témoignage terrible et inoubliable.

  • C'est la grande peur des survivants : que l'oublie vienne et il est de notre devoir d'empêcher cela et ma participation à ces lectures sur l'holocauste est tout à fait dans ce sens

  • Pour une fois, j'avoue que je ne sais pas quoi dire à la lecture de tes citations sur l'attitude mercantile des Lituaniens impliqués, ni de celles sur l'horreur et la physicalité des massacres décrits. L'énormité des souffrances individuelles et de la terreur dans laquelle les victimes ont vécu leurs derniers moments est impossible à appréhender.
    Merci pour les liens sous les photos d'archives; le témoignage du sous-officier Schroff ne nous dit pas grand-chose de ce qu'il a pensé en prenant ses photos.

  • les sentiments sont absents de ce témoignage et c'est ce qui le rend à la fois glaçant et épouvantable mais aussi très "historique" si l'on peut dire

  • Les lituaniens ont participé au massacre... si je lis les disparus de Daniel Mendelsohn les Ukrainiens ont participé, Si je lis un pays de neige et de cendre de Petra Rautanien, ce sont les finlandais etc . Les français ont envoyé des juifs, des opposants au nazisme, dans des camps de concentration. A désespérer de la nature humaine.

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