L’un c’est Léonard de Vinci bien sûr mais vous aviez deviné, l’autre c’est Machiavel celui qui a permis de créer un nouveau mot dans notre petit Larousse.
Nous voilà transporté à la Renaissance, époque de foisonnement intellectuel et artistique mais aussi de danger, de sang et de poisons.
Un constat : pendant environ 15 ans Machiavel et Léonard de Vinci se sont côtoyés, rencontrés, ont été liés aux mêmes personnes, aux mêmes protecteurs, ont travaillé sur les mêmes projets et ...rien pas d’écrits, aucun document, rien de rien.
Machiavel secrétaire de chancellerie, un peu ambassadeur un peu espion, occupe une fonction risquée à l’époque où les princes se succèdent le plus souvent dans le sang et la fureur.
Léonard lui a déjà 50 ans, il peint, dessine depuis plus de 30 ans, il a depuis toujours une passion pour les techniques, les phénomènes naturels et l'eau en particulier, sans doute l’esprit le plus curieux de son temps. Patrick Boucheron est persuadé que les deux hommes se sont rencontrés mais voilà... nulles traces de ces rencontres.
Plus agaçant encore : ils ont travaillé sur le projet fou du détournement du cours de l’Arno, pas un noble projet humaniste pour protéger les paysans des inondations, non un projet guerrier pour détruire Pise l’éternelle rivale de Florence. D’autres rencontres ont eu lieu lorsque Léonard de Vinci reçoit en commande la réalisation d’une fresque pour la salle du Palazzo Vecchio à Florence, la fresque de la bataille d’Anghiari ne sera jamais terminée par Léonard et le destin va séparer les deux hommes.
Ces deux figures de la Renaissance rapprochées par la soumission obligatoire aux condottieri de l’époque, il fallait bien vivre ! Ces deux hommes ont dialogué, conversé, peut être échangé des lettres mais il n'en reste rien, ni dans les fameux carnets de Léonard, ni dans la correspondance de Machiavel. Très contrariant pour un historien de n’avoir aucun écrit à se mettre sous la dent, plus que contrariant, carrément frustrant, alors me direz-vous , il invente ? il fait dans le romanesque ...et bien pas du tout, il digresse, tourne autour de son sujet, « il interroge le silence » dit-il lui même et tout cela pour notre plus grand plaisir. Ni traité de peinture ni traité politique, ni biographie, ni fiction, ce texte à la fois érudit sans être pédant, limpide mais exigeant et qui se lit avec délices.
« Léonard et Machiavel n'étaient pas de ces éclaireurs à l'avant-garde, mais au coeur de la bataille, dans la mêlée confuse, où rien ne se discerne nettement sinon la vérité du combat. Ils n'ont pas fait leur temps ; parce qu'ils furent si intensément du leur, ils sont toujours du nôtre. Il y eut entre eux un temps commun, qui les fit contemporains ».
Patrick Boucheron depuis ce livre a fait son chemin et aujourd’hui vous pouvez le retrouver dans des cours au Collège de France
Le livre : Léonard et Machiavel - Patrick Boucheron - Editions Verdier
Commentaires
Un exercice pas facile : l'imagination est quand même l'ennemie de l'historien...
ici c'est une imagination qui ne se cache pas, l'auteur fait très clairement la différence
C'est vrai, un peu rageant de ne rien retrouver...
Cela me rappelle un projet de vinci et F premier, à Romorantin (si!)
Video https://www.youtube.com/watch?v=Vk0VqX_tiko surtout à partir de 3 min
Boucheron est persuadé qu'ils se sont rencontrés mais nada, il ne reste aucune trace
merci pour le lien
J'ai beaucoup aimé les cours de Boucheron sur la Peste noire, vraiment intéressants et bien fichus. Je lirai peut-être ce livre qui doit permettre de se plonger dans l'atmosphère de la cour de l'époque (et heureusement Sandrine que l'imagination n'est pas l'ennemie de l'historien, ce serait bien difficile sinon).
j'ai écouté plusieurs de ses cours au Collège de France avec plaisir
Au Palazzo Vecchio de Florence, face au grand mur
où serait cachée la « Bataille d’Anghiari » de Léonard,
nous avons rêvé devant les signes que les chercheurs
interrogent depuis longtemps…
En poursuivant la route jusqu’à Anghiari,
nous nous sommes heurtés au même mystère :
plus aucune trace…de rien !
J’aime ces énigmes que nous confie l’histoire ;
ses spécialistes pourront encore faire oeuvre d’imagination
jusqu’au jour où ChatGPT viendra les éclairer…
mais jusque-là, régalons-nous de ces inventions magnifiques !
Machiavel, dit-on, aimait cultiver ses terres du côté d’Impruneta
et, ce n’est que le soir venu, qu’il troquait ses rudes habits
pour écrire…vêtu d’une robe de chambre chamarrée….
Vérité ou fiction ? Qu’importe, nous y croyons bien volontiers !
votre commentaire est un vrai bonheur
j'y retrouve les sensations de P Boucheron et un peu de son érudition
Machiavel m'a toujours attiré même si je ne suis pas fan de ses écrits
Ton billet montre bien ton plaisir de lecture ! (Un petit "r" de trop s'est glissé dans ton titre, pour info.)
merci à toi, j'ai un nouveau clavier et il fait un peu des siennes
P. Boucheron, valeur sûre ! Je n'avais pas vu passer ce livre, évidemment, maintenant, je vais aller voir.
un livre qui n'est pas récent mais que je viens de relire
encore un livre que j'aimerais lire, merci pour ce billet.
un livre curieux et qui donne envie de se pencher sur la Renaissance
Je ne sais pas si j'aurais dans les semaines à venir le temps de le lire mais il m'intéresse beaucoup et j'en prends note. Quel dommage qu'il ne reste rien de leurs lettres, combien d'objets essentiels pour la compréhension de l'Histoire ont ainsi disparu...c'est bien triste...
pensons aux futurs historiens qui n'auront plus jamais non plus de correspondance à se mettre sous la dent
Un livre sûrement très intéressant, mais j'en ai reçu 6 pour mon anniversaire, je vais donc les lire.
Belle journée
terrible les anniversaires pour les piles à lire
Cela me plait bien, peut être pour le mois italien qui se profile !
bonne idée
Les historiens et les écrivains sont vraiment formidables, faire parler les silences demande un grand talent d'imagination, ce n'est pas donné à tout le monde. Ils nourrissent nos rêves, on ne peut que les en remercier. Doux après-midi Dominique, à tout bientôt. brigitte
faire parler les silences j'aime bien ton expression
C'est quand même formidable d'être curieux ! On est assuré de ne jamais s'ennuyer parce qu'on fait des tas de recherches et si on ne trouve pas, on invente des histoires magnifiques.
P Boucheron je suis sûre s'est amusé avec ce livre ce qui n'enlève rien au sérieux des informations qu'il donne
Inventer une vérité qui a surement dû être réalité, n'est pas vraiment inventer il me semble. En tout cas, il a bien fait ! Merci Dominique !
il ne déroge à aucune règle de l'historien, tout est en interrogation mais c'est cela qui rend le récit passionannt
Encore un que j'aime beaucoup écouter, mais que je n'ai pas lu ! Ça doit être un peu rageant de penser que l'on frôle une vérité, mais de ne pas pouvoir mettre le doigt sur une trace concrète.
Comme toi j'aime l'écouter, ici la lecture est aisée ce n'est pas le cas dans tous ses livres