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Histoire - Page 19

  • L'échange des princesses- Chantal Thomas

    Après les déceptions, les réels plaisirs avec un récit historique qui se situe au XVIII ème siècle et met en scène deux fillettes qui vont servir de troc entre deux nations.

     

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                                              Le régent Philippe d'Orléans

     

    Pour améliorer les relations franco-espagnoles et asseoir ses prétentions au trône de France, le Régent Philippe d’Orléans va proposer à la couronne d’Espagne, deux mariages pour le moins surprenants.

    On marie qui avec qui ?

    Le futur Louis XV qui a tout juste 11 ans avec l’infante d’Espagne Anna Maria Victoria qui en a ........4, et comme il faut équilibrer les comptes le Régent projette de marier ...sa propre fille Louise-Elisabeth, Melle de Montpensier, songez qu’elle au moins à l’âge du mariage, elle a 12 ans et son promis le prince des Asturies futur roi a, lui, l’âge canonique de 15 ans.

     

    Les deux royaumes sont tout à fait heureux à la pensée de ses deux unions. On organise et c’est le Duc de Saint Simon qui va être l’émissaire du Régent, il faut dire qu’il lorgne depuis longtemps sur un titre de Grand d’Espagne que lui conférera à coups sûr son rôle d’entremetteur.

     

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    l'ambassadeur auprès de la cour d'Espagne

    Il ne suffit pas de signer les contrats de mariage, il faut organiser  l’échange des princesses. Pendant des mois ces deux fillettes vont prendre la route et rouler l’une vers l’autre et vers leurs époux respectifs.

     

    Si la très jeune infante d’Espagne, après un voyage où elle a mille occasions de perdre la vie, s’habitue assez bien à la cour de France, c’est une petite poupée qui passe de mains en mains, qui séduit et s’amuse dans les jardins de Versailles.

    Il n’en ai pas de même pour Melle de Montpensier qui vit elle un cauchemar absolu. Son futur époux est laid, la cour lui fait grise mine, le palais de l’Escurial est sinistre et l’époque n’est pas très riante, la monarchie étant sous la coupe de la terrible Inquisition.

     

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    Anna Maria Victoria et Louise-Elisabeth,

    héroïnes malgré elles de "l'Echange des princesses"  (©DR)

    Un récit totalement historique et totalement incroyable.
    J’avais lu avec plaisir Les Adieux à la reine et j’ai retrouvé ici le même plaisir. L’écriture est parfaite et s’accorde à merveille avec l’époque décrite. L’utilisation des lettres et journaux des différents protagonistes est faite avec habileté et sans jamais peser sur le récit.

    Chantal Thomas fait un tableau étonnant de la cour d’Espagne et peint parfaitement le Versailles de cette époque.

    La fin n’est pas une surprise car nous savons tous que Louis XV épousera finalement Marie Leczinska, mais le récit de cette échange extraordinaire garde toute sa force.

     

      

    Le livre : L’échange des princesses - Chantal Thomas - Editions du seuil numérique 

  • La fin de l'homme rouge - Svetlana Alexievitch

    Quand vient le désenchantement

     

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    Lorsque les dictatures tombent dans les mois qui suivent se pose inévitablement le problème des responsabilités, parfois des poursuites judiciaires sont engagées, on recherche les bourreaux, on fait parler les victimes. Au Chili, en Argentine, en Afrique du Sud, le traitement de l’après fut différent mais partout il y eu une interrogation, une réflexion collective. 

    En Russie, après la chute du communisme et l’éclatement de l’URSS rien de tel. 

    Une journaliste Svetlana Alexievitch s’est penchée sur le ressenti des Russes (au sens large en incluant les pays de la CEI). Pour comprendre, pour en savoir plus elle a enquêté, elle a recueilli les mots, les témoignages, les questions de ses compatriotes. Elle a écouté leur colère, leurs regrets, leur honte, leur désarroi, leur angoisse. 

    Il a fallu les faire parler, les accoucher de leurs souvenirs. Ces récits  sont ahurissants, drôles, émouvants, incroyables, horribles et toujours d’une grande simplicité.

    Il lui a fallu faire le montage comme avec les séquences d’un film en cours de tournage, il a fallu choisir, mettre en perspective, balayer tous les genres, et surtout surtout ne pas trahir.

    Je me souviens de mon impression très forte à la lecture de deux livres, celui de Colin Thubron sur la Sibérie et celui de Terkel Studs  avec Hard Time extraordinaire livre sur la crise de 29. Dans les deux un travail d’interview et d’écoute avait eu lieu. 

    On est ici dans la même veine et c’est un livre passionnant et remarquable que signe Svetlana Alexeivitch. Elle devrait prochainement recevoir le Prix de la Paix des libraires allemands.

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    L'auteur

    Les récits balayent la période stalinienne, la guerre, l’après guerre, la Perestroïka et bien sûr aujourd’hui. Elle a interrogé des instituteurs, une musicienne, une architecte, un maréchal, un milicien, des hommes qui ont combattus en afghanistan.

     

    Le livre se compose de deux grandes séries de témoignages, chaque personne qui témoigne va au bout de sa pensée, l’auteur lui laisse le temps de trouver ses mots, de laisser remonter les souvenirs

    Ces gens lui ont accordé leur confiance, elle ne les a pas trahis, ils sont tous là : jeunes et vieux, bourreaux et victimes, Ukrainiens ou Russes, Tchétchènes ou Arméniens, pauvres ou nouveaux riches.

    L’auteur appelle cela un « romans de voix ». Romans oui car les événements de ces vies sont parfois difficiles à croire, on entend aussi bien des enfants de Koulaks, des enfants de déportés à la Kolyma, des communistes purs, durs et fiers de l’être, des hommes qui vivent encore les affres de la seconde guerre. Des victimes de Tchernobyl, des nouveaux riches ….

     

     

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                                 Tchernobyl

     

    Tout est passionnant mais il y a des moments très forts comme cette femme racontant comment son père revenu du Goulag garde toute sa foi dans le communisme, il était de ceux « qui avaient totalement adhéré à l’idéal, qui l’avaient si bien intégré qu’il était impossible de le leur arracher ».

    Ces femmes découvrant qui les a dénoncé, qui a envoyé leur père, leur mère, leur soeur au Goulag. Une femme se découvre dénoncée par celle à qui elle a confié sa fille pendant toutes ses années de camps, et cette femme fut une véritable mère pour l’enfant…..Comment sonder l’âme

    humaine ?

     

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    un symbole

    L’angoisse touche ses hommes et ses femmes devant une liberté toute neuve dont ils ne savent pas vraiment quoi faire. Ils en arrivent à souhaiter un homme fort «  On ne peut pas bâtir une grande Russie sans un grand Staline ! » Des regrets pour ce temps où un chef était là pour dicter la voie à suivre.

     

    C’est la vie quotidienne du peuple russe qui se dessine à travers tous ces récits, les plus anciens qui ont adulé Staline et qui lui voue  « un culte de Staline dans  un pays où Staline a exterminé au moins autant de gens que Hitler !! »

    La guerre et les camps sont encore très présents :

    « Ma génération a grandi avec des pères qui revenaient soit des camps, soit de la guerre. La seule chose dont ils pouvaient nous parler, c’était de la violence. »

    Pourtant aucun appel à la vengeance car « Pour juger Staline, il faut juger les gens de sa propre famille, des gens que l’on connaît. Ceux qui nous sont les plus proches. »

     

    L’époque était effrayante 

    « Une époque féroce. On bâtissait un pays fort. Et on l’a bâti. Et on a vaincu Hitler ! C’est ce que disait papa… » 

     

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    On comprend mieux en lisant ces témoignages que ce peuple ai résisté au delà de l’humain à Stalingrad.

     

    Pour quelques uns seulement il s’agit d’ « aller jusqu’au bout, obtenir un procès de Nuremberg pour le Parti communiste. »

     

    Le mécontentement, le désarroi est prégnant dans les récits mais aussi l’amour inconditionnel pour la Russie malgré tout « Aujourd’hui encore, cela me fait plaisir d’écrire “URSS”. C’était mon pays. », il y a toujours eu de l’espoir « Toute notre vie, on a cru qu’un jour, ça allait s’arranger. »

     

    Les livres qui ont pendant des années représenté une certaine résistance, car il fut un temps où « Les livres remplaçaient la vie… », les livres n’ont plus le même parfum « Le pays s’est couvert de banques » mais par contre « Les bibliothèques et les théâtres se sont vidés… Ils étaient remplacés par des bazars et des magasins » 

     

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    « L’iniquité de l’argent est inextirpable de l’âme russe”, a écrit Tsvétaïeva »

     

    La plus jeune génération regarde la course au profit et tente d’y prendre part sans illusions

    « Quand on allume la télé, tout le monde parle la langue des truands : les hommes politiques, les hommes d’affaires, et… le président. Graisser la patte, verser des pots-de-vin, des bakchichs… »

    Certes la vie a changé « Je vais à l’église maintenant, et je porte une petite croix » et on peut éprouver une certaine fierté « La peur du KGB avait disparu, et surtout, on avait mis un terme à la folie atomique… Et le monde nous en était reconnaissant. »

     

    Mais des voix discordantes se sont entendre « Je hais les Tchétchènes !» ou encore « La Russie aux Russes » et aussi « Moi, je leur casserais la gueule, à tous ces fumiers de démocrates ! On leur en a pas assez fait voir »

    La vie est plus libre mais aussi beaucoup plus précaire qu’autrefois.

    La vie est très difficile aujourd’hui, l’état n’est plus protecteur, les retraités ont des pensions de misère, les logements sont vétustes

     

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    Le Prince Albert II de Monaco et le nouveau président de l'AS Monaco, le Russe Dmitriy Rybolovlev,
    afp.com/Valéry Hache

    et la télévision montre les nouveaux riches qui se paient des clubs de football. 

     

    Ce livre pourrait être d’une tristesse effroyable

    « Nous avons connu les camps, nous avons couvert la terre de nos cadavres pendant la guerre, nous avons ramassé du combustible atomique à mains nues à Tchernobyl. Et maintenant nous nous ­retrouvons sur les décombres du socialisme. Comme après la guerre... »

    Et bien non, certes il surprend, parfois on a un mouvement de recul, mais ce qui domine c’est un courage rare, une envie de vivre énorme, on sent vraiment battre le coeur de la Russie, pulser la vie, sans doute « La mystérieuse âme russe... »

     

    Un très grand livre à mettre dans votre bibliothèque si vous êtes amoureux de la Russie.

     

    Anne Brunswic dont j’ai beaucoup aimé le livre Les eaux glacées du Belomorkanal, interview Svetlana Alexievitch sur son livre.  

     

    Et un billet chez Espaces Instants sur Marina Tsvetaeva la femme d'aucun compromis

     

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    Le livre :  La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement - Svetlana Alexievitch - Traduit par Sophie Benech - Editions Actes Sud - Version numérique

  • La Route de la Kolyma - Nicolas Werth

     La Kolyma

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                          Magadan ©  Магадан

     

    A l’été 2011 un récit de voyage pas tout à fait comme les autres. Un voyage vers l’enfer vers cet extrême orient russe qui fut la région emblématique du travail forcé en Union Soviétique, vers la Kolyma où un million de personnes furent envoyées.

    Le Goulag fut pendant des années un réel mode de vie : ceux qui y étaient, ceux qui en revenaient et ceux qui tremblaient d’y être envoyés. Les camps du Goulag couvraient toute la Russie avec une place à part pour la Kolyma vaste région (deux fois la France) isolée de la Sibérie à quelques neuf heures d’avion de Moscou.

     

    C’est donc sur les traces des Zek de la Kolyma que part Nicolas Werth, le voyage il l’effectue avec plusieurs russes qui sont tous membres de l’association Mémorial, une ONG russe qui tente sans aucun moyens de préserver la mémoire du Goulag et de cette période des répressions staliniennes.

    ll est grand temps car les témoins disparaissent, la plupart des survivants de la Kolyma ont autour de 80 ans et les rares vestiges que l’on peut encore trouver vont disparaitre à jamais. Bientôt il ne restera rien du plus grand système concentrationnaire du vingtième siècle.

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                               Magadan  ©  Магадан

     

    L’arrivée à Magadan le coeur de la Kolyma est un choc, la région est magnifique « entre deux promontoires maritimes » et totalement sinistrée, les bâtiments sont à l’abandon, peu de circulation, des terrains vagues, une cité lépreuse.

    Le travail commence, visite du musée local à la recherches d’objets du Goulag, rencontres avec des témoins.

    Cette façon d’opérer va se répéter pendant deux semaines, de ville en ville, absence de vestiges, traces effacées volontairement ou non. Les détenus arrivaient ici après des semaines dans des trains glacés, plusieurs jours à fond de cale du bateau qui marquait la fin du périple.

     

     

               Le film dont parle Nicolas Werth dans son interview

     

    Les statistiques du Goulag se passent de commentaires : de 1930 à 1955 : 20 millions de soviétiques ont été envoyés dans les camps, 2 millions y ont trouvé la mort, 1 million y ont été exécutés.

    Les témoignages des gardiens de la mémoire sont terribles, importants pour préserver une mémoire des faits car, au delà des statistiques qui sont maintenant connues, il y a un réel refus de se souvenir du million de personnes qui passa ici à la Kolyma.

     

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                           la Kolyma  © Daniel De Roulet

     

    Le voyage rend bien compte de ce que devaient être les difficultés dans ce pays au climat effrayant, en ce mois d’août la température avoisine les 2° confirmant le dicton de la Kolyma « Douze mois d’hiver, Le reste c'est l'été ». ll a suffit de laisser les vestiges des camps à l’abandon pour qu’ils s’effacent du paysage.

    La parole libre aujourd’hui est malgré tout difficile car comme le dit Miron Markovitch un ancien de la Kolyma âgé de 82 ans : «  Le Goulag, il est dans nos gènes. Il fait partie de notre patrimoine génétique »

    Le témoignage d’Evguenia Petrovna qui à l’âge de 22 ans avaient déjà passé 6 années à Ravensbrück et à la Kolyma, suivant en cela le destin de Margareth Buber-Neumann

     

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                            Le mémorial de la Serpantinka et celui de Magadan © Igor Krasnov

     

    Comme un hommage le groupe va faire une halte à la Serpantinka au haut lieu des exécutions de masse pendant ce que l’on appelle la Grande Terreur d’août 37 à octobre 38, une année pendant laquelle entre six et dix mille personnes ( 750 000 pour la Russie entière). Les gardiens de la mémoire ont fait érigé un monument sur les lieux, une croix de granit, un simple plaque de marbre noir.

     

    Un livre indispensable pour qui s’intéresse à cette période de l’histoire. Nicolas Werth l’historien a pris la route pour nous révéler cette « civilisation goulaguienne » 

    Un livre qui dit-il est un hommage à « l’humble obstination » des hommes et femmes qui tentent de lutter contre l’oubli.

     

    Le récit du plus ancien rescapé de la Kolyma 

     

    Le voyage d'un autre écrivain Daniel De Roulet

     

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    Le livre : La Route de la Kolyma - Nicolas Werth - Editions Belin

     

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    L’auteur : Nicolas Werth est un historien chercheur au CNRS spécialiste de la Russie soviétique et du Stalinisme. 

     
  • Dans l'ombre des Tudors Le Conseiller - Hilary Mantel

    Une saga pour l'été

     

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                            la série

     

    Voilà je suis prise au piège d’une série qui sera en trois volumes et telle que vous me voyez, je piaffe déjà d’impatience à attendre les deux autres volumes !

     

    Comme beaucoup d’entre vous j’ai vu et apprécié la série des Tudors, de la passion, du sang, des complots aussi je me demandais si j’allais accrocher à ce roman qui se situe au même moment, qui met en scène les même personnages ?

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                La cour d'Henry VIII

     

    Remettons les choses en place, le héros ici n’est pas le roi Henry VIII ni aucune de ses femmes mais Thomas Cromwell.

    C’est lui qui sera le héros de cette saga, c’est par ses yeux que nous approchons de la cour et par ses réflexions que nous comprenons les imbroglios, les questions politiques, les incertitudes religieuses. 

    Vous apprendrez comment Thomas Cromwell qui fut battu sans relâche par son père devint le conseiller privilégié du Cardinal Wolsey,  comment ce gamin malmené devint un fin politique, comment se fils de forgeron sut se rendre indispensable au roi,

    A 15 ans il a fui ce père violent, arpentant l’Europe il a appris les langues étrangères, a réussi à gagner sa vie avec le commerce. Il s’est fait une opinion sur la religion, les prêtres, et la réforme qui travaille l’Europe trouve en lui un écho favorable.

     

    Tout au long du roman il va louvoyer, tracer son chemin, éviter les pièges que lui tendent Thomas More son ennemi juré ou la famille Boleyn.

    Manipulateur, ambitieux, il va placer ses pions et changer par ses conseils le cours de l’histoire. Je vous fais grâce des aventures amoureuses d’Henry VIII tout le monde les connait, ici c’est l’arrière cour que nous voyons, les coulisses d’une pièce de théâtre à la Shakespeare et l’accession au pouvoir de Thomas Cromwell.

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                      Son portrait par Hans Holbein

     

    Et bien oui, mille fois oui, j’ai aimé ce roman grâce à l’écriture d’Hilary Mantel, grâce à son habileté extraordinaire pour donner au plus petit des personnages une vie, une épaisseur, grâce à son savoir faire qui donne puissance et vérité au récit. Un roman historique qui vous ferre dès les premières pages et que vous ne lâchez qu’à regrets.

    Elle a l’art des retours en arrière très réussis, elle nous fait passer d’une période à l’autre sans jamais perdre son lecteur. 

    Ses portraits sont excellents et j’ai ainsi découvert un Thomas More violent, aimant torturé et se flageller, vitupérant contre les hérétiques, loin de l’image de tolérance que j’avais tendance à lui attacher. 

    L’auteur sait à merveille mêler petite et grande histoire, faits réels et faits imaginés, sa façon de faire parler Thomas Cromwell comme en aparté tout au long du roman, est un peu surprenante au début et puis très vite on est pris au jeu.

     

    HilaryMantelrose_2368034b.jpgAvec ce roman Hilary Mantel a remporté le Booker Prize et c’est bien mérité. Si vous aimez l’histoire et les romans au grand souffle ce livre doit prendre place dans votre bibliothèque ou votre liseuse.

    Photo: DAVID ROSE

    Le livre : Dans l’ombre des Tudors Tome 1 : le Conseiller - Hilary Mantel - Traduit de l’anglais par Fabrice Pointeau. Editions Sonatine numérique

  • Dans le jardin de la bête - Erick Larson

    Berlin 1933

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    Depuis très longtemps je lis autour de la Seconde Guerre mondiale, que ce soit des biographies, des romans ou des essais historiques. 

    Dans ses « voyages dans le Reich » Oliver Lubrich avait évoqué le témoignage d’une fille d’ambassadeur qui avait attisé ma curiosité.

    Le livre d’Erik Larson a été la façon parfait d’en savoir un peu plus sur les débuts du nazisme et surtout sur le regard porté sur le phénomène par les américains.

     

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    1933 William Dodd est nommé ambassadeur à Berlin, il y restera jusqu’en 1937. Il n’est pas du tout issu de la classe politique dirigeante, c’est un universitaire tranquille, historien de formation, sa parfaite connaissance de la langue allemande à joué en sa faveur mais disons le il devient diplomate par hasard et au pire moment. 

    Il part à Berlin avec sa femme, son fils et sa fille Martha, une belle jeune femme de 28 ans.

    Le livre d’Erik Larson va nous restituer l’ambiance qui règne alors dans l’entourage de Roosevelt où l’antisémitisme n’est pas absent. Il va nous brosser un tableau qui s’assombrit au fil du temps des relations entre le personnel de l’ambassade américaine et les dignitaires nazis

    L’évolution va être lente pour William Dodd, tout d’abord sceptique quant aux exactions allemandes il reste d’une neutralité et même d’une grande bienveillance envers les nazis.

    Il a beaucoup de mal à croire aux rapports qui s’accumulent sur sa table de travail. 

    Martha, elle, est totalement séduite par ce nouveau régime, elle s’affiche en compagnie de Rudolph Diels alors chef de la Gestapo.

     

     

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    Autodafé  Mai 1933

    Ce gros livre se lit comme un roman policier, on a peine à croire à l’aveuglement dont on sait pourtant aujourd’hui toute la réalité.

    Au crédit de William Dodd mettons que ses yeux se désillent après la Nuit des longs couteaux, ses messages à la Maison Blanche sont de plus en plus pressants et de moins en moins complaisants. Il alerte sur les intentions d’Hitler de sans doute se débarrasser de tous les juifs. 

    Roosvelt et le gouvernement américain font la sourde oreille et acceptent sous la pression des allemands de rappeler l'ambassadeur.

     

    Erik Larson a réussi un excellent livre basé sur un important travail de recherche. Les notes envoyées par l’ambassadeur, le journal tenu par Martha ont été largement utilisés. Il parvient à nous faire pénétrer au plus près de ceux qui auraient pu encore à ce moment là éviter le pire à l'Europe. 

    Le contraste est saisissant entre William Dodd, homme de principes, droit, qui peu à peu perd ses illusions, et sa fille qui papillonne d’amants en amants jusqu’à tomber dans les bras d’un espion soviétique.

    L’atmosphère du Berlin de cette époque est parfaitement restitué,  de l’insécurité régnant dans les rues, de la peur qui monte même parmi l’élite, à la vie trépidante et joyeuse des  des nazis en place.

     

    C’est un livre passionnant et utile que je vais ranger aux côtés de celui d’Oliver Lubrich et d’Erika Mann.

    Pour finir de vous convaincre lisez les billet de Keisha ou Clara 

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque 

     

     

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    Le livre : Dans le jardin de la bête - Erik Larson - Traduit par Edith Ochs - Editions du Cherche midi

  • Quattrocento - Stephen Greenblatt

    Tout d'abord un grand merci à l'amie qui m'a offert ce livre en version numérique ce qui m'a permis de le trainer avec moi sans aucun effort. 

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    Toujours s’est posée la question : comment est-on passé du Moyen-Age à la Renaissance?

    Et si ce passage était lié aux livres ?  et plus spécialement à un livre ? 

     

    Si l’on fait un retour en arrière vers cette époque il faut se rappeler que l’imprimerie n’est pas encore inventée et que les manuscrits tiennent le haut du pavé. L’art de la copie est difficile, entaché d’erreur, seuls sont copiés les manuscrits qui se vendront bien. 

    A l’aube du XV ème siècle un homme parcours les routes, les monastères à la recherche de manuscrits anciens, de ceux qui donnent accès aux textes de l’antiquité. Il s’appelle Poggio Bracciolini mais nous le connaitrons plus tard comme Le Pogge

     

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    Qui est-il ? C’est un bibliophile acharné, c’est un laïc qui a mis ses nombreux talents au service des Papes de son temps, et pas un Pape, non il en servira cinq !! 

    Cet homme qui se fraye un chemin dans l'ambiance délétère de la Rome de la Renaissance, est intelligent, un rien dépravé, tout à fait corrompu,  facétieux et grivois, amateur de femmes et de bons mots. 

    Mais par dessus tout c’est un humaniste qui guette, cherche, déterre les manuscrits latins que les moines copient au fond des monastères sans parfois comprendre ou lire le texte lui même, grâce à lui « surgissait de nouveaux fantômes du passé romain. » 

     

    Participant au Concile de Constance en Allemagne, la chance va lui sourire, il va copier un manuscrit le « De rerum natura » de  Titus Lucretius Carus que nous connaissons sous le nom de Lucrèce.

    Le Pogge « se doutait-il que le livre qu’il remettait en circulation, participerait le moment venu au démantèlement de tous son monde ? »

     

     

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    Ce livre va montrer « la façon dont le monde a dévié de sa course pour prendre une nouvelle direction. » il va insuffler de nouvelles façons de penser, il va faire l’effet d’une bombe dans un univers limité et contrôlé par l’Eglise. 

    Il est question d’atomes, d’infini sans Dieu. La religion y est assimilée à la superstition, l’amour et le plaisir sont liés, le bonheur de vivre en est le centre.

    Un livre pour soigner l’angoisse de l’homme, pour magnifier la liberté, pour enseigner une sagesse tragique.

    « Un poème alliant un brillant génie philosophique et scientifique à une force poétique peu commune. Une alliance aussi rare à l’époque qu’aujourd’hui. »

    Le poème de Lucrèce dont Flaubert plus tard dira «  Les Dieux n’étaient plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été. »

     

     

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    Il va influencer les arts, Boticelli lui doit sa Vénus, Giodarno Bruno y trouvera les thèses qui l’enverront au bûcher, Machiavel lui doit sa réflexion sur le pouvoir. Copernic et Galilée y trouveront de quoi nourrir leur science, Shakespeare le mettra dans ses pièces de théâtre comme Molière, Montaigne en fera son livre de chevet au point de citer Lucrèce plus de cent fois tout au long des ses Essais.

     

    Montaigne laissa des commentaires manuscrits sur son exemplaire que l’on a retrouvé en 1989 « Puisque les mouvements des atomes sont tellement variés, était-il écrit, il n'est pas inconcevable que les atomes se soient un jour assemblés d'une façon, ou que dans l'avenir ils s'assemblent encore de la même façon, donnant naissance à un autre Montaigne ».

     

    Plus près de nous Thomas Jefferson reconnaissait l’action de ce livre en cas de difficulté « Je suis obligé de recourir finalement à mon baume habituel ».

     

    250px-StephenJayGreenblatt.jpgStephen Greenblatt trace le parcours des livres antiques, les moments où on a pu les considérer comme perdus, ce qui les a sauvés, les manoeuvres de l’Eglise pour mettre Lucrèce sous le boisseau, la résurgence et le poids des textes sur l’évolution de la pensée, des sciences et des arts. 

    Son tableau de la papauté en ce temps là est tout à fait réussi « Le Pape était une crapule mais une crapule cultivée qui appréciait la compagnie des érudits » et ....sans concession.

    Ce livre a obtenu le Prix Pulitzer et c’est bien mérité, un livre prestigieux, passionnant qui se lit comme une enquête policière qui porterait en sous-titre « à la recherche d’un manuscrit » 

    Stephen Greenblatt est érudit au point de pouvoir disparaitre derrière l’érudition, son livre fait revivre cette période avec fougue, il nous pose les clés de l'antiquité sur un beau coussin de velours. 

     

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    Le livre : Quattrocento - Stephen Greenblatt - Traduit par Cécile Arnaud - Editions Flammarion version numérique