Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

En Sibérie - Colin Thubron

ensiberie.gifEn Sibérie - Colin Thubron - Traduit de l'anglais par Katia Holmes - Editions Hoëbeke
La Sibérie: « Une austère beauté, une peur indélibile » Voilà les premiers mots de de récit de voyage qui conduit Colin Thubron d’ Iekaterinbourg, où furent exécutés les derniers Romanov dans la maison Ipatiev, aux confins de la Kolyma où périrent des millions d’hommes.
« Mon voyage va courir après cette étendue qui couvre sept fuseaux horaires et un tiers de l’hémisphère Nord »
C’est ce gigantisme qui l’attire, les étendues blanches et glacées, les fleuves parmi les plus grands du monde, un pays « ayant toujours servi de poubelle pour les criminels »
En pérégrin expérimenté il utilise tous les moyens de transport, du Transibérien aux avions brinquebalants, et lorsque l’essence manque il paie de sa personne et erre à pieds sac au dos et profite de la liberté offerte par la chute du communisme (on est en 1999) « C’était la première fois dans l’histoire de la Russie qu’un étranger pouvait se balader en Sibérie à son gré. »
Quelques noms égrenés au fil du voyage :  Omsk« Un siècle après Dostoïevski, Soljenitsyne était passé » , Novosibirsk sur la route qui relie l’Oural au Pacifique où « Il plut nuit et jour quand Tchekhov fit le long voyage de Sakhaline »
Akademgorod qui fut un temps la capitale des cerveaux scientifiques de l’Union Soviétique et d’autres lieux où Colin Thubron nous invite grâce à sa connaissance de l’histoire de la Russie : la vallée de Pazyryk dans l’Altaï, haut lieu de la civilisation Scythes, ce mystérieux peuple chanté par Hérodote.

Scythe_Pazyri.jpg

Feutre provenant d'une tombe de Pazyryk


Kyzyl où s’élève un obélisque marquant le coeur de l’Asie, Krasnoïarsk la cité admirée par Tchekhov que traverse l’Ienisseï et de là tout droit vers Doudinka et l’Arctique à bord d’un vapeur «  Nous entrons dans un vide doré. Je me dis : voilà la Sibérie originelle — insaisissable, infinie — celle qui s’attarda au fond des yeux des premiers voyageurs, tel un inconscient géographique. Son apparente vacuité était une page blanche offerte à l’écriture »
Au gré de ses rencontres il pénètre dans la taïga avec un chasseur de bernaches et de rennes « De jour j’avais trouvé la taïga silencieuse, baignant dans une lumière verdâtre et une paix de cathédrale. Mais ce vide n’était qu’une absence d’humains. La forêt bruissait de toute la vie inquiète qui la peuplait : des lynx, des cerfs, des renards. »
Le Baïkal aux allures d’océan, Irkoustk où l’on suit la trace de  Iekaterina Troubetskaïa et Maria Volkonskaïa,  princesses qui choisirent de suivre leurs maris exilés par le Tsar.
S’enfonçant toujours plus profondément, Colin Thubron atteint le Pacifique, la frontière avec la Chine, le fleuve Amour et Iakoutsk pour terminer à Magadan, confins géographiques et humains de la Kolyma terre de désespoir où le froid est tel que « votre haleine gèle aussitôt, elle forme des cristaux qui tintent en touchant le sol avec un léger bruit surnommé  le murmure des étoiles »
Là s’achève le voyage de Colin Thubron, une terre de douleur pour des millions d’hommes et dont il dit magnifiquement «  Comment supporter ne serait-ce que la pensée des plaintes qui pourraient s’élever de cette terre »

vieux croyantsNovgorod.jpg
Une assemblée de Vieux croyants

C’est un voyage extraordinaire, mais tout l’art de Thubron est de savoir, non seulement nous décrire cette démesure, ces paysages splendides dans un style d’une très grande élégance, mais surtout de savoir à merveille parler de ses rencontres, des personnages qui traversent ce livre : Un descendant de Raspoutine, le gardien d’un musée totalement vide, des fonctionnaires attendant un salaire qui ne vient pas, un archéologue oublié de tous, des vieux croyants Ermites dans la Taïga, les derniers juifs d’une communauté installée par le Stalinisme et aujourd’hui disparue.
Ses interviews très vivants, parfois très émouvants sont le fruit d’une culture immense, d’une chaude empathie qui lui permettent de nous porter à la rencontre de ces hommes et femmes, héros ou victimes tous en attente d’un avenir très incertain.

 

ensibérie.jpg

L'itinéraire de Colin Thubron

C’est mon troisième voyage organisé par Colin Thubron, j’avais il y a des années exploré la Chine avec lui et son récit  Derrière la Grande Muraille montrait un don pour l’interview, pour les rencontres et l’observation qui m’avait séduite.
Ce voyage en Sibérie tient toutes ses promesses.
Si vous aimez les récits de voyage, si  L’usage du monde ou  Le temps des offrandes font partie de votre bibliothèque, alors ajoutez y ce livre qui a obtenu le Prix Nicolas Bouvier 2010


colin thubron.jpgL’auteur
Sa biographie sur le site Etonnants voyageurs
Derrière la Grande Muraille a reçu le Thomas Cook Travel Book Award que vous pourez trouver en bibliothèque car il n'est plus disponible chez l'éditeur

Commentaires

  • Aaaah il ne sera pas ajouté au petit carnet celui là : il y est déjà inscrit... ^_^ Tu lis dans ma tête ou quoi?
    A propos de L'usage du monde, recommandé par un autre livre de voyage (c'est sans fin ce truc là) je l'avais emprunté à la bibli, mais le style ne m'a pas emportée. Il faudra que je lui redonne sa chance, on dirait)
    Je note aussi le nom de l'auteur, qui m'a l'air d'éditer des livres que je pourrais aimer (les grizzlis de Bass, c'est lui), mais je m'attendais presque à ce que ce soit tranboreal, un excellent éditeur aussi pour quoi aime les voyages. J'avais lu un récit sur une randonnée à pied à travers le Kamtchatka... ma bibli possède même une relation de voyage à pied à travers la Sibérie, par une anglais en 1800 et quelque!
    Ce récit, donc, m'intéresse car figure toi que j'ai pris le transsibérien en 2007, un voyage donc je rêvais, mais seulement jusqu'au lac Baïkal, ensuite on est allé en Mongolie. Evidemment Colin Thubron a passé plus de temps!
    Sur mon blog je présente aussi le récit d'un voyage dans les transsibérien, pas mal du tout, mais sans doute moins fouillé que celui dont tu parles.
    J'arrête là, car ce commentaire va être plus long que ton billet ^_^

  • @ Keisha : je savais que ce billet ferait luire les yeux de plusieurs d'entre vous
    J'ai lu il y a quelques temps tes billets sur le Transsibérien , j'aime la Russie et les grandes étendues blanches alors comme toi j'ai l'impression j'ai lu le livre de Julie Broch et Emeric Fisset au Kamtchatka,, Colin Thubron est vraiment un maître en la matière, dans son livre sur la chine déjà ancien j'avais apprécié son oeil et sa qualité d'interviewer
    L'usage du monde est un livre magnifique mais pour l'avoir fait lire autour de moi certains lecteurs ne sont pas convaincus, heureusement pour la diversité de nos billets!!! J'ai la chance d'avoir une grosse bibliothèque de récits de voyage engrangée au fil des années alors quand j'en lis un nouveau ..j'ai aussitôt envie d'en relire 3 autres ......Terrible

  • Magnifique billet, merci Dominique!
    J'aime le bruit de la neige lorsqu'il se fait "le murmure des étoiles".
    Bisous et très belle journée

  • @ Kenza : merci à toi pour tes passages ici et tes petits mots toujours très gentils

  • Le côté interviews dans le livre me plaît beaucoup, le pays aussi (j'ai lu ermites dans la taïga), je le note bien vite.

  • @ Aifelle : oui c'est un côté que j'apprécie car les lieux sans les hommes c'est un peu "guide de voyage" et ça ne m'intérêsse pas beaucoup, ici comme dans le livre que j'ai beaucoup aimé il y a quelques mois " les eaux glacées de Belomorkanal" d'Anne Brunswic, les interviews des personnes sont passionnantes et respectueuses

  • L'usage du monde et Le temps des offrandes font partie de mon Panthéon des récits de voyage... donc je note cet auteur dont je n'ai rien lu...

  • @ Cathe : je sais que nous sommes nombreux à aimer ces écrivains aussi le rapprochement pour moi s'imposait

  • Comme je ne connais pas la russie, ce serait un bon moyen de découvrir ce pays... En tout cas, ton billet donne envie de lire ce récit de voyage, genre que je connais mal...

  • @ Maggie, c'est la Russie profonde que l'on découvre ici et même si le voyage date de quelques années je pense que peu de choses ont changées

  • Cela me fait penser à une très belle intervention il y a quelques années d'une femme tchouktche au festival Etonnants voyageurs. Elle avait entonné devant une foule médusée un chant traditionnel modulé de sons très étranges que l'on ne sait produire. Ce fut un moment particulièrement intense (associé bien sûr à sa présentation de son peuple et de ses conditions de vie actuelles).
    Et sur la Sibérie, j'ai rédigé un billet sur la magnifique BD de Nicolaï Maslov dont j'attends avec impatience le tome2 ! C'est ici : http://leblogdemargotte.unblog.fr/2010/05/14/il-etait-une-fois-la-siberie-de-nicolai-maslov/ ;-)

  • @ Margotte : merci pour ce lien car je n'avais pas noté la référence, je t'envie d'avoir pu participer au Festival Etonnants Voyageurs

  • J'avais beaucoup aimé "Un printemps en Sibérie" de Marc de Gouvenain, ce livre-ci semble plus documenté et aussi riche en rencontres, je le retiens, bien sûr.

  • @ Tania : c'est bien que vous me rappeliez ce livre qui est excellent, je l'ai lu il y a longtemps mais j'avais beaucoup apprécié le regard porté par Marc de Gouvenain et il est dommage que la collection n'existe plus chez Actes Sud

  • Je ne connaissais pas cet auteur et ses récits de voyage : je le note, la Russie et la Chine m'intéressant énormément ;-)

  • @ Catherine : le livre de Colin Thubron sur la chine "Derrière la grande muraille" n'est plus disponible mais peut se trouver en bibliothèque ou sur les sites de livres d'occasion

  • Tu me donnes envie de le lire, je ne savais même pas que ce livre avait reçu un prix, je le note pour le commander. Je te souhaite une bonne semaine.

  • @ Nina : et à toi une bonne lecture

  • Je fais partie de celles dont les yeux brillent à la lecture de ton billet. Je n'hésite pas une seconde et je note ce titre et "Le temps des offrandes" aussi d'ailleurs. Malgré ma grande phase de récits de voyage, j'ai réussi à passer à côté de ces deux titres, impardonnable apparemment. Bref, merci pour cette invitation au voyage.
    @Keisha: Je n'ai pas vraiment accroché à L'usage du monde mais j'ai beaucoup aimé "Le poisson-scorpion" du même auteur...

  • @ Zarline : Le poisson scorpion est effectivement très différent, pas vraiment récit de voyage mais plutôt séjour initiatique à Ceylan et plongée parmi les esprits ..
    Le temps des offrandes est (mais ce n'est que mon avis) le meilleur récit de voyage, à la fois récit initiatique, récit de voyage et tableau d'un monde aujourd'hui disparu
    Magnifique

  • Bonjour Dominique, ton billet donne envie. Je suis admirative devant ce genre de personne qui part presque sac au dos pour aller à la rencontre des autres et de terres inconnues (ou presque). Bonne journée.

  • @ Dasola : Colin Thubron dit lui même que c'est dur à son âge, il doit atteindre la soixantaine je pense , il frôle parfois le danger, en particulier dans les régions très isolées où l'alcool rend les hommes agressifs et imprévisibles

  • Tu lis toujours des choses qui me tentent! La Sibérie, pour moi, c'est très attirant! Ton billet est super intéressant et me donne envie de mettre la main sur ce livre... tout de suite! Merci! (Mais ma PAL, elle, ne te remercie pas! ;))

  • Dans le registre des ouvrages de voyage sur la Russie, je vous conseille le livre d'un de mes amis, Marc-Henri Picard, "Où traîne encore le cri des loups". Agé de 30 ans, il est parti un an en Russie et a longé à pied la frontière sino-russe. Un vrai voyage initiatique, très bien écrit, près poétique et publié aux Editions de L'Oeuvre. Il était cette année au festival Etonnants Voyageurs consacré à la Russie auquel était convié Colin Thubron.

  • @ Cahteau : merci infiniment pour cette référence, j'aime ce type de récit et cette région je vais me procurer ce livre Merci de votre passage

  • Ce livre à l'air passionnant, voila qui me donne envie de me relancer dans les récits de voyage... surtout si c'est dans la veine de l'usage du monde de Nicolas Bouvier.
    Récemment j'ai découvert un livre passionnant "Voyage d'un européen du XXéme siècle" de Gert maak, journaliste européen il fait un tour d'Europe et se rend sur les lieux historiques du XXeme, un énorme pavé absolument fascinant édité chez Gallimard

  • @ Carmadou : si le livre de Gert Maak vous a plu celui ci devrait vous plaire car on n'y trouve la même intelligence, la même acuité d'observation
    j'ai beaucoup aimé ce voyage européen que j'ai lu avant de tenir ce blog mais cela m'incite a faire un billet à son sujet un jour ou l'autre

Écrire un commentaire

Optionnel