En remontant les siècles : an 1394...
Après un concile vengeur, une reine au pied trop grand, voici le prince poète.
Comme pour la troisième fois je vous embarque dans un roman historique il est juste que je vous donne un coup de pouce. Je vais jouer le Petit Mourre
La méchante Isabeau de Bavière qui livre la France aux anglais, les Armagnacs et les Bourguigons, Azincourt et Henry V et bien entendu la Pucelle d’Orléans...Vous y êtes ? mais si ...cent ans...la fameuse guerre ....Ah je vois votre oeil s’éclairer, suivez moi.
Isabeau entrant dans Paris parJean Fouquet
1394 le XV ème siècle va s’ouvrir. c’est la date de naissance de Charles d’Orléans prince des poètes et roi de la mélancolie. Vous me direz que vient-il faire ici ? Et bien sa vie est totalement liée à cette fameuse guerre de cent ans.
Par son père d’abord Louis d’Orléans, poète lui même, grand séducteur devant l’éternel et soucieux du bon état du royaume de France qui est hélas aux mains de son frère Charles VI atteint de démence, c’est de fait sa femme qui gouverne la fameuse Isabeau dont Louis fera sa maîtresse pour le bien du royaume bien entendu.
Vous l’avez compris ce n’est pas l’enfance de tout le monde. Heureusement pour Charles d’Orléans sa mère Valentine Visconti, l’aime et le soutient, avec elle il explore le monde de la musique, des livres et des poètes.
Cette mère toute d’amour est pourtant accusée de vouloir la mort du roi et est donc renvoyée sur ses terres loin de la cour. Lorsqu’elle meurt Charles a douze ans et le voilà propulsé à la tête de la famille d’Orléans.
Il partage ses jeux avec son demi frère Dunois, un rien bâtard mais promis à un bel avenir comme compagnon d’armes de Jeanne d’Arc !
On lui trouve une épouse, elle a déjà un long parcours puisque mariée au roi d’Angleterre, Isabelle est aujourd’hui une toute jeune veuve et mourra très jeune en donnant à Charles une fille.
Une époque difficile toute de combats perdus, de serments non tenus, de traîtrise. Les temps où la noblesse française ne luttait pas pour le bien du royaume mais pour augmenter ses possessions, enrichir ses domaines !
Que peut faire dans ce milieu un jeune homme épris de poésie, de douceur et de calme ? Qui rêve de troubadours et de trouvères et qui doit prendre les armes contre son gré ?
Il erre dans cette « Forêt de longue attente » qu’en son temps son père déjà avait arpentée. Un lieu imaginaire qui le tient à l’abri de la violence, des guerres civiles et de la mort.
Mais l’histoire le rattrape et lors de la bataille d’Azincourt il est fait prisonnier. Prisonnier il le restera 25 ans ! otage attendant le paiement d’un rançon que personne n’est pressé de payer.
Henry V à Azincourt (Lawrence Olivier)
Pendant toutes ces années la poésie sera sa fidèle compagne. « En regardant vers le pays de France » une poésie qui porte le souvenir de ce prince jusqu’à aujourd’hui, une oeuvre véritable née dans les geôles anglaises.
La tour de Londres - British Muséum
Si vous voulez cheminer aux côtés de ce prince poète suivez Hella Haasse, elle restitue à merveille la dureté de l’époque. Elle retrace avec un talent fou la vie de ce prince né à Amboise et mort à Blois qui dut se dépouiller de tous ses biens pour retrouver la liberté.
Qui fut toujours du côté des plus humbles, qui croisa François Villon et ses « frères humains » et qui arpente encore cette forêt de longue attente.
Un grand roman historique, magnifiquement écrit et traduit, un roman riche et ample qui prendra place dans votre bibliothèque.
L'avis de ClaudiaLucia et son billet où vous trouverez une galerie de portraits
Le livre : En la forêt de longue attente - Hella S. Haasse - Traduit du néerlandais par Anne Marie de Both -Diez - Editions du Seuil 1991 ou Points Seuil
Les poèmes de Charles d’Orléans Gallimard Poésie
Quelques poèmes de Charles d’Orléans
En la forêt de Longue Attente
Chevauchant par divers sentiers
M'en vais, cette année présente,
Au voyage de Desiriers.
Devant sont allés mes fourriers
Pour appareiller mon logis
En la cité de Destinée ;
Et pour mon coeur et moi ont pris
L'hôtellerie de Pensée.
Les très riches heures du Duc de Berry
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n'y a bête ni oiseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie:
"Le temps a laissé son manteau!"
De vent, de froidure et de pluie
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie,
Chacun s'habille de nouveau
Le temps a laissé son manteau.