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Histoire - Page 21

  • Voyage au pays des Ze-Ka - Julius Margolin

    Un témoignage irremplaçable

     

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    Julius Margolin est un intellectuel juif polonais qui a émigré en Palestine à la fin des années 30, l’été 1939 il est en visite en Pologne, du jour au lendemain les frontières se ferment, le pacte Germano-Soviétique va conduire cet agrégé de philosophie à chercher refuge dans sa ville natale de Pinsk où se retrouvent beaucoup de juifs fuyant les nazis.
    Pendant une année Margolin va tenter de sortir du pays, faisant valoir son passeport palestinien, lui qui a au cours de sa vie changer plusieurs fois de nationalité au gré des guerres, va se retrouver sans nationalité, toutes ses tentatives échouent et il est finalement arrêté pour infraction aux lois sur les passeports !
    Condamné, un voyage interminable aux conditions matérielles épouvantables, va le conduire au fin fond de la Sibérie. Il n’est plus un homme, il est devenu un Ze-Ka terme qui désignait les prisonniers qui creusaient le canal de la mer Blanche à la Baltique : le sinistre Belomorkanal, et qui passa dans le langage des camps. Il passera cinq années au Goulag.

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    De Varlam Chalamov à Soljenitsyne, de  Evguenia Guinzbourg à Gustaw Herling,  ils sont nombreux à avoir témoigné sur le Goulag. Qu’est ce qui fait de ce livre un document très particulier ?

    Julius Margolin n’est pas Russe, il n’a jamais vécu sous le régime soviétique, il n’a pas été soumis à l’idéologie communiste, il n’a subi aucune répression. Il a une très grande capacité d’observation et de réflexion, sa formation intellectuelle le pousse à s’interroger, à tenter de comprendre le processus qui est à l’oeuvre au Goulag. Très tôt pendant sa détention il s’imagine alertant l’opinion publique mondiale, il s’ingénie à décrypter l’absurde des situations, le phénomène de déshumanisation qui est en oeuvre, il lutte avec acharnement allant jusqu’à vouloir écrire des traités de la haine ou du mensonge.

    Il décortique pour mieux les analyser les consignes qui régissent le camp : la ration de nourriture est proportionnelle au travail accompli, les jours de repos la ration diminue, si le Zek est malade la ration diminue, s’il fait un travail moins dur la ration diminue.
    Il démonte les consignes ridicules sur le rendement attendu des prisonniers, les punitions, les brimades, la terreur que font régner les ourkis prisonniers faisant régner la terreur , les chantiers épuisants et inutiles, les simulacres de justice.
    Il décrit les relations entre prisonniers, le grand mélange de nationalités qui exacerbe les sentiments les plus violents, il en est lui même victime et lorsqu’un jour il frappe un de ses compagnons il dit « Parmi toutes les choses que je ne pardonnerai jamais, ni au camp ni à ses sinistres créateurs, ce coup restera dans ma mémoire, car il fit de moi un instant, leur complice, leur élève, leur prosélyte »

    Le livre de Julius Margolin est irremplaçable, la traduction de Nina Berberova et Luba jurgenson respecte toute profondeur du texte, font entendre magnifiquement la voix qui s’élève contre la barbarie. Dans la postface vous apprendrez le rôle important qu’à joué jusqu’à sa mort l’auteur pour alerter l’opinion mondiale car dit-il « Chaque crime commis dans le monde doit être appelé par son nom, à haute voix. Sinon, la lutte contre lui est impossible

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque


    Le livre : Voyage au pays des Ze-Ka - Julius Margolin - Traduit du Russe par Nina Berberova et Luba Jurgenson - Editions Le Bruit du temps

    JuliusMargolin.jpgL’auteur : Né dans une famille juive de Pinsk (Biélorussie), Julius Margolin (1900-1971) est élevé dans la culture russe. Après avoir terminé ses études de philosophie à Berlin, il s'installe en Palestine. En 1939, il est en séjour à Lodz lorsque la Pologne est envahie. Il se réfugie alors dans sa ville natale, à l’est du pays. Arrêté le 19 juin par le NKVD, il est envoyé dans un camp de travail sur la rive nord du lac Onéga. Ayant survécu par miracle à cinq années de Goulag, libéré en 1945, il écrit le Voyage au pays des Ze-Ka dès son retour à Tel-Aviv, et doit faire face à une opinion internationale incrédule, l’URSS étant encore auréolée de sa contribution à la victoire contre le nazisme. Il vient à Paris en 1950 témoigner au procès de David Rousset contre Les Lettres françaises, et ne cessera de lutter, jusqu’à sa mort en 1971, pour la libération des Ze-Ka, les prisonniers des camps.(source l’éditeur)


  • Une enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff

    enfanceprusse.jpgUne enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff - Traduit de l’Allemand par Colette Kowalski- Editions Albin Michel - 1990
    Il y a quelques mois le roman de Béatrice Wilmos « L’Album de Menzel » m’a donné envie de relire ce récit datant déjà de 1990 et écrit par une grande dame du journalisme européen, la Comtesse Marion Dönhoff.
    Vous ne trouverez plus hélas ce livre, épuisé et jamais réédité, mais fouillez bien dans la bibliothèque de votre ville, les trésors sont toujours enfouis.
    Marion Dönhoff a près de 80 ans quand elle écrit ses souvenirs, en 1945 elle a fui devant l’Armée rouge,  elle a vu Königsberg bombardée, elle a abandonné le château de son enfance, elle entame un long périple qui la conduira un jour à la tête de « Die Zeit » le grand journal allemand.

    Son livre est composé d’une multitude de scènes, de tableaux, décrivant la vie dans cette Prusse aujourd’hui disparue, racontant l’histoire de ces domaines, de ces hommes et femmes qui vont disparaitre dans la guerre.

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    Le château de Friedrichstein

    Marion Hedda Ilse Dönhoff est née au château Friedrichstein, en Prusse orientale, quand elle naît  son père le Comte Dönhoff est député au Reichstag à la « Chambre des Seigneurs de Prusse » il a 64 ans. C’est un homme passionné d’art et de voyages parfois aventureux.
    Sa mère elle a aussi « le goût des arts, beaucoup d’imagination et un penchant pour le romantisme » et un sens très sûr des convenances de ce qui « se fait » et de ce qui ne se fait pas  « verdict sans appel qui mettait fin à toute discussion ». Ce rigorisme et cette vie aisée ne l’empêchait pas d’assurer soins et médicaments aux villageois proches du domaine.
    C’est une vie heureuse que mène Marion Dönhoff, la nombreuse fratrie permet des jeux et activités qui inculquent l’amour de l’aventure et le sens des responsabilités. La discipline est rigoureuse, on n’est pas en Prusse pour rien, mais trouver une façon de tourner les interdits occupe la joyeuse bande.
    Les parents sont peu présents mais la fréquentation des serviteurs du château va dégourdir la jeune fille « j’ai appris à démonter un carburateur avec le chauffeur ».

    Sa description de la vie du château et du village est empreinte de tendresse, le lavoir, le repassage qui lui apprennent les servantes, les premières lampes électriques, le valet Fritz « qui savait tout et s’intéressait à tout » , Krebs le jardiner au rôle essentiel pour ce domaine qui vit en autarcie totale.
    Les enfants participent aux travaux des champs, à la cueillette des champignons et framboises. L’hiver la glace est découpée dans les étangs gelés, la transporter en traineaux pour la stocker « Cela demandait une journée entière et s’achevait généralement par une sorte de fête, car on buvait quantité de grog pour se réchauffer et se donner du coeur à l’ouvrage. » fait partie de ses souvenirs.
    C’est une enfance au rythme des saisons « Il ne faut que quelques jours en Prusse Orientale pour que l’interminable engourdissement hivernal cède la place à la rayonnante splendeur du printemps »
    Ce sont les passages les plus beaux du livre, on y sent tout l’amour de Marion Dönhoff pour sa patrie; elle qui ressent « une profonde gratitude que ce soit là mon pays »
    Elle sait aussi nous raconter l’histoire de la région à travers les familles ou les domaines qui ont marqué son enfance.

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    Mais c’est bientôt « la fin de l’insouciance » et le départ pour Potsdam pour poursuivre des études.
    La guerre va la rattraper, plusieurs de ses amis proches ont été les protagonistes du complot contre Hitler et tous seront exécutés. Elle a puisé là un courage et une rectitude qui l’accompagneront toute sa vie.
    La fin du livre est digne d’un livre d’aventures, fuyant à cheval devant l’Armée Rouge, obligée d’abandonner tous ses souvenirs, elle réussira à rejoindre l’Ouest après une chevauchée de 2000 km.
    Les réfugiés sont sur les routes, le froid intense. Elle partage son sort avec la population allemande de la région. Elle retrouve sa famille après bien des détours « C’est au milieu de l’hiver que j’étais partie à cheval de chez moi et quand finalement j’arrivai en Westphalie, c’était le printemps. Les oiseaux chantaient. »

    marion-doenhoff.jpgMarion Dönhoff en 1988 est retourné à Königsberg et je lui laisse la parole
    « Je ne peux pas non plus m’imaginer que le grand amour de la patrie s’illustre par la haine de ceux qui en ont pris possession (...) Quand je pense aux forêts et aux lacs de Prusse Orientale, aux vastes prairies et aux vieilles routes bordées d’arbres, je suis sûre qu’ils ont gardé l’incomparable beauté qui était la leur autrefois, à l’époque où tout cela était mon pays.
    Peut-être le plus grand amour réside-t-il en cela : pouvoir aimer sans posséder. »

  • Quelques Historiettes - Jacques Bonnet

    historiettes.gifQuelques Historiettes - Jacques Bonnet - Editions Denoël
    Le titre complet : Quelques Historiettes ou petit éloge de l’anecdote en littérature.
    J’ai retrouvé avec plaisir Jacques Bonnet, il nous avait convié dans sa bibliothèque pleine de fantômes  il met ici le même enthousiasme, la même verve pour faire sortir de l’ombre un écrivain très peu lu et très peu connu.
    Le prétexte c’est une étude sur l’anecdote " forme littéraire des plus négligées "  il est parmi ceux qui aime le genre " L’anecdote anime les conversations les plus banales, participe à la bonne ambiance des réunions en société, ponctue utilement les discours officiels"
    Rassurez vous ce n’est pas un cours que nous fait l’auteur car après un petit tour d’horizon souvent très drôle pour nous faire bien sentir la différence entre le bon mot et l’anecdote ( j’adore son histoire de De Gaulle en Chine, je vous en laisse la découverte).
    On voit poindre déjà des livres à lire si ce n’est déjà fait :  La vie des douze César de Suétone, la Bible (eh oui) pour en arriver au coeur du sujet : Les Historiettes de Gédéon Tallemant des Réaux, le champion du genre toutes catégories confondues.

    GedeonTallemantdesRéaux.jpgUn petit zoom sur l’homme nous est proposé par Jacques Bonnet, un écrivain du XVII ème qui écrivit ses Historiettes en 2 ans, prouesse quand vous saurez qu’elles représentent 2 volumes en pléiade !
    Issu d’une famille de banquiers protestants il s’est prudemment converti au catholicisme en ces temps d’Edit de Nantes
    Scandaleuses Historiettes, non publiables et non publiées de son vivant, J Bonnet dit "Gédéon Tallemant des Réaux appartient à cette catégorie particulièrement restreinte : celle des auteurs d’importance entièrement posthumes"
    Alors que sont ces fameux récit injustement méconnus ?
    Tallemant fait des portraits des hommes et des moeurs de son temps en vrai collectionneur d’histoires et curieux insatiable.
    Scandaleuses, libres, libertines, écrites d’une plume légère en comparaison de Saint Simon que Jacques Bonnet traite " d’emperruqué là où Tallemant va tête nue "
    Quel est le dessein de Gédéon " Il ne veut pas seulement être utile, mais comme tout rapporteur d’anecdotes s’efforce d’intéresser, de surprendre, d’amuser son lecteur, de le retenir par la manche."
    Une littérature spontanée qu’aimait Céline qui disait " Ah relisant Tallemant des Réaux, Montluc, Agrippa, mes Dieux ! mes bougres ! mes potes ! "
    Jacques Bonnet fait un rapprochement entre l’écrivain du XVIIème et Proust, le compare à La Bruyère et Saint Simon à l’avantage de Tallemant.
    Quand vous fermez ce petit livre vous avez une envie furieuse de lire ces Historiettes, un chemin vers les livres comme je les aime

    Un extrait
     " Il adopte un ton familier et vivant et un style qui fait tout passer. Prenons un exemple :
    " A Orléans on disoit à une fille qui n’avait point d’inclinaison pour son accordé : Quand vous aurez  couché ensemble, vous  l’aimerez davantage. Au bout de quelque temps on luy demande des nouvelles « Il est vray » dit-elle « que le couchage y fait "
    Il est évident que la saveur de l’anecdote ne tient qu’au " Il est vray " dit-elle  "que le couchage y fait "
    toute autre manière de l’énoncer l’aurait affadie ou tirer vers la vulgarité "

    Un autre extrait beaucoup plus long sur ce site

  • A la recherche de Winston Churchill

    Au début de l’année j’ai lu avec délectation la biographie de Winston Churchill et cet été Pierre Assouline sur France Culture vient pendant une semaine de nous régaler d’une série sur "Winnie" comme l’appellent affectueusement les anglais.
    Je vous invite de toute urgence, avant que les podcasts ne soient plus disponibles, à télécharger ces émissions qui sont passionnantes : Les Grandes Traversées (Archives, débats et documentaires)

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    En trois volets Pierre Assouline propose une partie d’archives sonores, les discours de Churchill traduits (ouf pour moi) et lus par des acteurs ou des historiens, un régal
    Mais ce n’est pas tout car il y a aussi une partie documentaire qui reprend toutes les facettes de Winston Churchill : l’aventurier, l’écrivain, le guerrier, le mythe ou l’homme privé.
    Enfin pour nous éclairer un débat est animé avec des historiens anglais et français et j’ai entendu avec grand plaisir François Kersaudy auteur de la biographie chez Tallandier et traducteur des Mémoires de guerre chez le même éditeur. On y sent toute la fougue qu’il a mis dans sa traduction.
    Une série d’émissions tout à fait exceptionnelles que je vais garder précieusement.
    Du coup bien sûr j’ai bien l’intention de lire « Mes jeunes années » et « Mémoires de guerre »

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  • "Les enfants aussi" La Grande Rafle du Vel d'Hiv

    La Grande rafle du Vel d’Hiv - Claude Levy - Paul Tillard - Editions Tallandier Textogranderafle.gif
    Dans quelques jours à Paris se commémorera  « la plus grande rafle que la ville ait connue depuis l'arrestation des Templiers et la Saint-Barthélemy »
    En 1942 dans l’Europe entière des opérations identiques sont lancées, Ecume de mer en Europe de l’est, à Paris c’est sous le nom de Vent printanier que l’opération est connue.
    Partout en Europe les juifs sont répertoriés, arrêtés et déportés vers les camps de la mort. La solution finale a été décidé par les allemands à la Conférence de Wannsee qui s’est tenue en janvier 42.
    Pourtant par comparaison à ce qui se passe en Europe la rafle de Paris qui débute le 16 juillet 1942 présente la terrible particularité d’être organisée, menée, dirigée, par la police française et le gouvernement français de Vichy.
    Gouvernement et police qui seront responsables de l’arrestation et de la déportation de 12884 juifs dont 4051 enfants car Pierre Laval en a ainsi décidé, jouant un rôle déterminant dans la disparition de ces enfants dont pas un ne reviendra.
    Le livre de Claude Levy s’appuie sur les documents de l’époque mais aussi sur ceux mis à sa disposition plus tardivement lorsque les archives se sont ouvertes. Ce qui rend se livre inoubliable ce sont les paroles des témoins de cette rafle, juifs ou non.

    27 388 fiches de personnes juives et de nationalité étrangère, sont répertoriées sous la responsabilité du Directeur des camps de concentration français de Drancy, Beaune-la-Rolande, Pithiviers.
    Dans les jours précédents on a demandé aux membres de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France) de préparer des étiquettes et d’y accrocher un morceau de ficelle, pour étiqueter quoi ?
    9000 policiers
    vont intervenir, tous français et organisés en 880 équipes, il est prévu d’agir vite afin de ne déclencher aucune réaction dans la population. Les personnes arrêtées seront regroupées dans les écoles, les gymnases puis convoyées vers le Vel d’Hiv pour les familles, vers Drancy pour les célibataires ou couples sans enfants.L’organisation est méticuleuse, les camps sont en partis vidés dans les jours qui précèdent, les détenus envoyés en Allemagne pour « faire de la place » aux femmes.


    rafle.jpgLe jeudi noir
    Dans les jours précédents quelques juifs sont prévenus de la rafle, souvent de façon cryptée, imprécise, mais certains d’entre eux auront la vie sauve grâce à ces messages. D’autres ne voudront pas le croire ou tout simplement ne sauront ni où se cacher ni vers quoi fuir.
    La rafle débute à 4 heures du matin pour être sûr de trouver les juifs chez eux. Les familles au complet dans la plupart des cas.
    Le récit de Claude Levy est précis, s’appuyant sur des témoignages il dresse le tableau de ces familles, femmes en couche, enfants, réveillés aux cris de « police ouvrez »
    Les témoins expliquent les tentatives de fuite, les suicides, quelques actes de courage de la population, quelques gestes de compassion des policiers en bien trop petit nombre. Des témoins en seront à jamais marqués tel Roger Boussinot qui écrira « Les guichets du Louvre » dont Michel Mitrani fera un film en 1973.

    50 autobus, des cars de police vont convoyer les familles, c’est la seule photo qui reste de la rafle, la file des bus stationnés devant le Vel d’Hiv.
    Les familles vont vivre sept jours d’enfer dans ce vélodrome où rien n’a été prévu pour les accueillir, les nourrir, les soigner.
    Les quelques médecins, infirmières qui parviendront à entrer feront des récits terrifiants du bruit, de la chaleur, de l’odeur de la détresse de cette foule entassée sans moyens d’hygiène, mourant de soif, terrorisée et tentant parfois par tous les moyens de s’échapper de ce piège. 7000 personnes prisonnières dans des conditions inhumaines

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    Le camp de Pithiviers

    Toute cette foule sera bientôt dirigée vers les camps français puis vers Auschwitz.
    Dans un chapitre particulier l’auteur fait le point sur les 4051 enfants arrêtés, autour de Pierre Laval plusieurs font la proposition de regrouper ces enfants dans des Maisons d’enfants mais la décision de Laval est sans appel malgré des pressions des Etats-Unis « Les enfants aussi » doivent être déportés.
    Les convois d’enfants partiront vers Auschwitz que les enfants pour conjurer la peur de l’inconnu ont baptisé « Pitchipoï »

    Claude Levy fait aussi une large place à la volonté des témoins, des survivants de « faire savoir » , du long chemin vers la reconnaissance par l’Etat Français de son rôle, sur la position des différentes Eglises et de leurs représentants.
    Des 12884 personnes raflées en juillet 42 une cinquantaine revinrent et aucun des 4051 enfants.

    Lisez ce livre, faites lui une place dans votre bibliothèque

    En complément

    Un site de la mémoire juive
    Des films : Les guichets du Louvre et La Rafle film récent de Roselyne Bosch.








  • Conscience contre violence - Stefan Zweig

    Conscience contre violence - Stefan Zweig - Editions du Castor Astral

    « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme ».

    conscience.gifCette phrase est de Sébastien Castellion, un nom qui est absent des livres d’histoire, il fut " l’homme le plus savant de son époque " il fut aussi et c’est lui qui le dit " le moucheron contre l’éléphant " dans sa lutte contre Jean Calvin et sa dictature religieuse, il fut pour la liberté de pensée et la liberté religieuse.

    En 1536 de façon démocratique Genève choisit la religion réformée.  Calvin va s’imposer comme chef spirituel " Cet homme sec et dur, enveloppé dans sa robe noire et flottante de prêtre" homme de pouvoir, rigide, fanatique certain du bien fondé de sa doctrine, il va imposer à tous une " tentative d’uniformisation absolue de tout un peuple "
    Les fêtes sont supprimées, la musique est bannie, sourire lors d’un baptême peut vous valoir la prison ! on légifère sur la longueur des robes des femmes, les enfants sont invités à dénoncer les turpitudes de leurs parents. Il est interdit d’écrire à l’étranger, interdit aux époux de se faire des cadeaux  " interdit, interdit, interdit: on n’entend plus que cet horrible mot" et quand l’intimidation, l’encouragement à la délation et l’appel au meurtre ne suffisent pas, on utilise l’emprisonnement et le meurtre.
    Pour que triomphe sa doctrine Calvin "intellectuel délicat et pieux" impose un régime de terreur à la ville perdant "toute mesure et tout sentiment humain"
    Les Genevois subissent le joug sans révolte.  La couardise des chefs religieux pendant l’épidémie de peste qui fait rage trois années durant sera la première interrogation sérieuse sur l’infaillibilité de Calvin et de son entourage, mais insuffisante pour mettre à mal son pouvoir.
    Lorsque Michel Servet est condamné au bûcher en 1553 pour avoir défendu des thèses considérées comme hérétiques par Calvin,  des voix s’élèvent.
    Cette condamnation était une nécessité politique pour Calvin, son autorité était défiée. Le procès fut une caricature inique et ridicule, la mort fut barbare et Calvin se garde d’y assister.

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    Sébastien Castellion


    Sébastien Castellion homme d’une foi profonde s’est déjà heurté au maître de Genève, celui-ci l’a poursuivi de sa hargne, le contraignant à l’exil et à la pauvreté. Il va être le seul intellectuel à s’indigner publiquement.
    Castellion va utiliser la seule arme pacifique à sa disposition, il va prendre la plume contre Calvin, contre " le premier meurtre religieux commis par la Réforme et la première négation éclatante de sa doctrine primitive".
    Castellion est très sévère  " Les premières exhortations de Calvin ont été des injures, la seconde a été la prison et Servet n’a comparu devant les fidèles que pour être hissé sur des fagots et brûlé vif."
    Le tempérament de Castellion le porte vers la conciliation, l’indulgence, mais dit Stefan Zweig " Il faut qu’une voix claire et nette s’élève en faveur des persécutés et contre les persécuteurs."
    Castellion malgré le danger publie un  Traité des hérétiques Calvin s’appuie en permanence sur la Bible ? Castellion va faire de même, il affirme que la notion même d’hérétique n’apparaît pas dans les textes sacrés et que " Nous estimons hérétiques tous ceux qui ne s’accordent avec nous, en notre opinion" il faut ajoute t-il "Mettre fin une fois pour toutes à cette folie qu’il est nécessaire de torturer et tuer des hommes uniquement parce qu’ils ont d’autres opinions que les puissants du jour " Il s’oppose à Calvin au nom de la tolérance qui " seule peut préserver l’humanité de la barbarie."

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    Le mur des réformateurs : Genève honore aujourd'hui Calvin et a oublié Castellion


    Zweig nous le présente comme un homme courageux   "Avec héroïsme il ose élever la voix en faveur de ses compagnons poursuivis, risquant ainsi sa propre vie. Sans le moindre fanatisme, quoique menacé à chaque instant par les fanatiques, sans aucune passion, mais avec une fermeté inébranlable, il brandit telle une bannière sa profession de foi au-dessus de son époque enragée, il proclame que les idées ne s’imposent pas, qu’aucune puissance terrestre n’a le droit d’exercer une contrainte quelconque sur la conscience d’un homme. "
    Sébastien Castellion va payer le prix fort pour son courage, Calvin le harcèle, fait brûler ses écrits, il est injurié, des pamphlets sont écrits contre lui, on le prive de travail et donc de ressources. Seule une mort par épuisement à 48 ans lui épargnera la prison ou le bûcher.

    Stefan-zweig.jpgC’est un grand livre que Stefan Zweig a écrit, un livre qui honore Castellion et Zweig. C’est un plaidoyer, une dénonciation et une mise en garde. Ecrit en 1936 sa dénonciation de la tyrannie, de la suppression d’une pensée libre résonne de façon prémonitoire.
    Zweig fait le rapprochement entre l’action de Castellion et les manifestes pour la liberté que sont ceux de Voltaire en faveur de Calas, de Zola, qu’il admire en faveur de Dreyfus, mais il place Castellion au-dessus de tous car, Voltaire jouissait de l’appui des rois et Zola s’appuyait sur sa notoriété, Castellion lui " eu à souffrir de l’inhumanité furieuse et meurtrière de son siècle"

    En 1936 Zweig espère encore en l’homme et termine ainsi son livre " Il se trouvera toujours un Castellion pour s’insurger contre un Calvin et pour défendre l’indépendance souveraine des opinions contre les formes de la violence"

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