"Emportés par le vent, engloutis par les eaux"
1915 déportation des arméniens
En 1915 l’Empire Ottoman est en perdition et ses nouveaux chefs ultra nationalistes vont pousser le peuple et l’armée à se retourner contres les minorités.
A cette époque dans l’Anatolie orientale les arméniens sont nombreux et présents depuis des siècles.
Les arméniens sont intégrés et sont présents dans l’administration mais aussi sont artisans dans les villages mais stigmatisés par les musulmans ils deviennent des ennemis.
Le 24 avril il a s’agit de faire taire les voix qui pourraient s’élever contre le massacre qui se prépare : avocats, journalistes, écrivains, hommes d’affaires et bien sûr les élus au parlement Turc sont arrêtés.
Ces hommes seront exécutés, on peut rapprocher le 24 avril de la rafle du Vel d’Hiv.
Dans les semaines et les mois qui vont venir sous la direction d’un triumvirat à la tête du pays c’est pratiquement tout le peuple arménien qui va être détruit.
Dans les villages et les petites villes les hommes sont rassemblés et exécutés de façon féroce, les rivières charrient du sang, les ravins sont pleins de corps, les femmes et les enfants partent en convoi pour « un voyage de la mort ».
Ce que les Turcs appellent pudiquement : déplacement de population, une déportation de masse en fait.
Les soldats arméniens combattant dans l’armée turque sont exécutés.
Le voyage est terrible : pillage, viols, enlèvements d’enfant ont lieu tout au long du voyage vers la Syrie. Les historiens dénombrent 317 convois. 80% des personnes déportées périront de faim, de soif et de maladie. Le génocide fit 1 million et demi de morts.
Les arméniens de Constantinople furent un peu plus épargnés.
Aujourd’hui encore les arméniens ne sont que tolérés en Turquie et l’appellation « rebus de l’épée » s’attache encore aux descendants de ceux qui ont échappé aux massacres.
Mais des Turcs osent prendre la parole pour relayer la voix des arméniens même si le gouvernement nie toujours ce génocide.
Musée du Génocide à Erevan
Je vous propose trois livres aujourd’hui qui retracent chacun à leur façon cette histoire effroyable.
Un roman d’abord, un classique qui fut le premier écrit sur le drame et que j’ai lu il y a très longtemps
Il m’avait fait découvrir l’histoire des massacres arméniens.
Ce livre indisponible depuis longtemps vient d’être réédité.
En 1915, dans un climat alourdi par leurs revers dans le Caucase, les autorités turques procèdent à la liquidation des populations arméniennes. Dans l’ensemble de l’empire, les déportations de masse et les massacres s’organisent. C’est le début du premier génocide de l’histoire du XXe siècle. Au nord-ouest de la Syrie ottomane, des villageois arméniens refusent de se rendre et gagnent les hauteurs du Musa Dagh, la "montagne de Moïse", bien décidés à opposer aux Turcs une résistance farouche, jusqu’à la mort.
Ils sont menés par Gabriel Bagradian, cet enfant du pays, expatrié, naguère vilipendé pour ses moeurs occidentales, mais qui, contre toute attente, refuse de fuir et choisit de lier son destin à celui du peuple de la montagne. Ecrit pendant la montée du nazisme, le roman, inspiré par un fait réel, connut un immense retentissement. Il ouvrait les yeux du monde sur le génocide arménien et établissait un lien entre ce dernier et l’idéologie nazie.
Interdit par Hitler (à la demande des Turcs), détruit au cours d’autodafés, le livre continua de circuler sous le manteau dans tous les ghettos où les juifs s’identifiaient aux résistants arméniens.
Les mémoires de Zabel Essayan sur les événements qui à Adana furent les prémices du génocide
Avril 1909. La ville d’Adana et sa plaine si fertile ne sont plus que champs de ruines. Accompagnant la Croix-Rouge, la romancière et journaliste Zabel Essayan conte par le menu ce que ses yeux distinguent, ce que ses oreilles entendent, ce que son coeur ressent. Et que voit-elle ? La destruction des quartiers chrétiens d’Adana par une population turque fanatisée. Religieux, notables et hommes du peuple massacreront en quelques jours plus de trente mille Arméniens en Cilicie.
Empreint de la violence qui l’entoure, le récit de la journaliste décrit avec une puissance rare l’atrocité des massacres et l’impuissance d’une civilisation aux abois face au nationalisme délirant des Jeunes-Turcs. Livre halluciné, Dans les ruines est un témoignage à résonance universelle, il parle pour tous les génocides d’hier et d’aujourd’hui.
Enfin un tout petit livre d’une journaliste turque Pinar Selek qui après bien des méandres découvre que tout ce qu’on lui a enseigné sur les arméniens était faux, qu'ils n'avaient pas été emportés par le vent et engloutis par les eaux. L'histoire était manipulée.
Elle reconnait aujourd’hui ce déni de l’histoire et la réalité du génocide et fait entendre sa voix.
Ce petit livre autocritique illustre bien le travail de négation du gouvernement turc mais aussi la prise de conscience d’une partie de la population.
Pour en savoir plus vous pouvez aussi écouter les 4 émissions de la Fabrique de l'histoire sur le sujet
Les livres
Les quarante jours de Musa Dagh - traduit par Paule Mofer-Bury- Franz Werfel - Albin Michel
Dans les ruines - Zabel Essayan - Traduit par Léon Ketcheyan - Phébus Libretto
Parce qu'ils étaient arméniens - Pinar Selek - Liana Levi