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Histoire - Page 12

  • Le Fils - Philipp Meyer

    AF et Luocine sont deux lectrices à qui je fais confiance, avec qui je partage des plaisirs de lecture, alors quand elles se sont mises à deux pour me pousser de lire ce roman, je me suis laissée convaincre. Je m'incline elles avaient mille fois raison.

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    les Cow-boys les vrais !

    Au début on dirait une saga familiale, Philipp Meyer donnant la parole tour à tour à des personnages issus de plusieurs époques, d'Eli McCullough le Colonel à Peter le fils et, sautant une génération, à l'ambitieuse Jeannie-Anne devenue une des grosses fortunes du Texas.

    Ce roman est vaste comme les terres qu'occupent les McCullough au Texas, large comme la période de temps qu'il couvre, des années 1850 à aujourd'hui, un roman nerveux et âpre comme les habitants de cette région, premiers colons pressés de s'installer, Commanches défendant leur territoire, Texas rangers jouant de la gâchette, mexicains envahisseurs ou victimes au gré des guerres, enfin les premiers prospecteurs de l'or noir faisant fleurir les derricks dans le paysage.

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    Les Commanches

     

    Le procédé du roman à plusieurs voix n'a rien de neuf, Philipp Meyer parvient à faire oublier le procédé et on se laisse emporter par les différents récits, heureux à chaque fois de retrouver un personnage, un lieu, une époque.

    Eli, tout d'abord qui avant de devenir le Colonel est un gamin enlevé par les Comanches à onze ans, il va vivre et s'intégrer totalement à cette communauté pour la quitter vers 15 ou 16 ans lorsque les tribus sont décimées par la variole et autres épidémies. Il va gravir l'échelle de ranger à propriétaire terrien. 

    Le Fils, le mouton noir, Peter qui vit malgré lui dans l'ombre du Colonel, pas assez courageux pour se révolter, trop sensible pour accepter la violence et les exactions perpétrées à l'encontre des propriétaires d'origine mexicaine. Pourtant c'est lui qui refusera les codes et les traditions, rongé par la culpabilité. 

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    une carte des territoires Commanches

    Enfin Jeannie-Anne qui n'aurait jamais du prendre la tête de la famille si la guerre n'était pas passée par là et n'avait emporté les héritiers prévus et qui vivant ses derniers instants revient sur sa vie faite de surprises et de révolte, de poigne et de hargne.

    Les personnages sont magnifiquement mis en scène, la vie avec les indiens, celle des cow-boys, les vrais, se battant contre la sécheresse, contre les voleurs de bétail.

     

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    Deux cavaliers : un classique du genre

    C'est un vrai grand roman de l'ouest américain, une belle fresque, cruelle, sordide parfois, dévastatrice, gavée de violence, pétrie de culpabilité.
    L'histoire folle d'une conquête qui aujourd'hui encore marque les états américains.

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    La conquête de l'or noir 

    Philipp Meyer dynamite tous les clichés véhiculés par les films hollywoodiens de la conquête, des troupeaux de bisons aux blancs victimes de méchants indiens, mais tout autant il explose les codes qui présentent l'indien comme écolo avant l'heure et vivant en harmonie avec la nature.

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    Les westerns de mon enfance et adolescence

    L'ambition, les rêves de gloire, la spéculation, la course au pouvoir sont les moteurs de cette conquête qui laisse derrière elle le chaos parfois, la mort le plus souvent.

    Philipp Meyer en chef d'orchestre est parfait, son récit a du souffle, de la vigueur, de la couleur, de l'émotion. 

    Vous trouverez chez Luocine de multiples extraits qui donnent bien le ton du livre

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    Le Livre : Le Fils - Philipp Meyer - Traduit par - Editions Albin Michel ou Le livre de Poche

  • Bribes de western

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        Tableau de Robert Jenkins Onderdonk

    Quatre hommes remarquables présidaient à la destinée d’El Alamo. Deux héros de la frontière : Jim Bowie, le chef des volontaires, et Davy Crockett. Et deux gentlemen, issus d’excellentes familles : le colonel William Travis, commandant des troupes régulières, et James Bonham, un garçon calme et sûr, d’un courage sans égal. L’origine de ces quatre personnages résumait bien l’histoire des Norte-Americanos au Texas. Les deux pionniers de la frontière venaient du Tennessee, bien sûr ; et les deux gentlemen, de Caroline du Sud. De la ténacité de ces quatre héros dépendrait la défense d’El Alamo.

     

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    Le mythe

    Dans les ténèbres, sept clairons mexicains, chacun à la tête de sa colonne, se mirent à jouer l’une des sonneries les plus terrifiantes qui aient jamais retenti sur les champs de bataille du monde.
    Rien de commun avec un ordre perçant de passer à la charge, ou un cri émouvant pour galvaniser les cœurs.
    C’était el Degüello, ancienne sonnerie maure intimant l’ordre à l’ennemi de se rendre. Son nom signifie « décapitation », et le sens de la sonnerie ne faisait aucun doute

     

    Une musique mythique que l'on entend aussi

     dans Rio Bravo

     

    Le livre : Texas - James Michener - Editions du Seuil ou Points Seuil

  • Daniel Deronda - George Eliot

    Il y a quelques mois j'ai fait connaissance avec George Eliot, j'ai aimé son style, son art de dresser de beaux portraits psychologiques.
    Il était temps de la retrouver dans son roman sans doute le plus abouti mais aussi celui qui souleva le plus de polémiques.

    Middlemarch nous avait emporté dans une ville de province, ici c'est l'Europe qui est le terrain de jeux de George Eliot. On voyage de l'Angleterre aux villes d'eaux allemandes, de Gênes à New-York.

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    La romancière de plus joue avec la chronologie classique de façon un peu déroutante au début du roman et elle y intègre les grands événements de l'époque : la guerre de Sécession et les péripéties de l'indépendance italienne.

     

    Mais venons en au coeur du roman.

    Le personnage central, comme le titre l'indique, est Daniel Deronda, un beau jeune homme, c'est le héros type, jeune aristocrate un brin idéaliste, bon, chevaleresque avec les dames, intelligent. 
    Mais l'auteur aime les détours aussi le personnage qui apparait en premier c'est Gwendolen Harleth.

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    Gwendolen Harleth

    Dans une station balnéaire en Allemagne Gwendolen perd son argent à la roulette et dans le même temps apprend que sa famille est ruinée et que seul un mariage pourrait lui permettre de sortir de cette impasse. La jeune fille belle et pleine d'esprit est ainsi poussée dans les bras d'un homme riche, Mr de Grandcourt, qui va lui mener une vie impossible, un mari que l'on qualifierait aujourd'hui de manipulateur pervers !

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    Et voilà le méchant mari, vous l'avez reconnu ?

    C'est ainsi qu'elle fait la connaissance de Daniel Deronda qui va tenté de soutenir la jeune femme enferrée dans un mariage désastreux.
    Si D Deronda est brillant, il est aussi inquiet car il redoute d'apprendre la vérité sur sa naissance. Il aime et respect son tuteur, Hugo Mallinger, mais soupçonne qu'il est son fils illégitime, un bâtard, ce qui dans la société de l'époque est pire que tout.

    En preux chevalier il a sauvé la vie à une jeune fille, Mirah, qui tentait de mettre fin à ses jours. Il la confie à une famille amie et petit à petit apprend son histoire. Il fait ainsi connaissance avec un milieu bien différent du sien, Mirah est juive et artiste.
    Il va peu à peu être fasciné par le judaïsme, ses pratiques religieuses, sa culture et sa littérature. Il devient ami avec Mordecaï le frère de Mirah.

     

    L'intrigue romanesque est agréable à suivre mais ce qui fait l'intérêt de ce roman c'est surtout le rôle de passeur de Daniel Deronda, passeur entre deux cultures, entre deux traditions religieuses. 

    En Italie quelques années auparavant Giuseppe Verdi a créé Nabucco et son célèbre choeur des Hébreux inspiré du Psaume 137.

     

             

    Le sujet était osé pour l'époque et a dérouté bien des lecteurs de George Eliot. 
    Ce roman est une belle et grande fresque qui s'aventure en terrain inexploré. C'est un volet de l’histoire des juifs anglais plutôt nouveau dans la littérature de l’époque, même si Benjamin Disraéli a été nommé premier ministre,  les juifs étaient toujours victimes des préjugés les plus habituels.

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    Caricature de Benjamin Disraeli 

    Ainsi le rêve de Mordécaï d' « une nouvelle Judée, située entre l'Est et l'Ouest - une alliance de réconciliation - un lieu d'arrêt des inimitiés, un terrain neutre » reflète l'intérêt de l'auteur pour ce sujet et son absence de préjugé, elle publia un essai contre l'antisémitisme ce qui n'était pas franchement dans l'air du temps.

    Quelques années plus tard Théodore Herzl va écrire et militer pour la création d'un état juif et plus tard encore  le gouvernement anglais par la voix de Lord Balfour 

    « va envisager favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous efforts pour faciliter la réalisation de ce projet, étant bien entendu qu’il ne sera rien fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives existant en Palestine et aux droits et au statut politique dont jouissent les juifs dans tout autre pays. » 

     

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    L'adaptation de la BBC

      

    Roman ambitieux et profond. George Eliot n'a pas sa pareille pour la profondeur des analyses psychologiques de ses personnages.
    Ici elle élargit considérablement son éventail en se tournant vers des catégories sociales jamais mises en avant sauf parfois pour les caricaturer.
    Si vous ajoutez à cela qu'elle fait d'un bâtard le héros du livre et qu'elle dépeint le mariage comme un enfer pour la femme ! Il y a là tous les ingrédients d'un livre scandaleux.

    J'ai vraiment beaucoup d'admiration pour George Eliot, non seulement pour son talent d'écrivain mais aussi pour sa curiosité et son courage.

    La BBC a fait une adaptation du roman mais hélas il n'y a pas de version sous-titrée en français.

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    Le livre : Daniel Deronda - George Eliot - Traduit par Alain Jumeau - Gallimard folio 2 tomes

  • Adieu - Honoré de Balzac

    Après la Grande Bretèche et l'Auberge rouge voilà encore une superbe nouvelle, moi qui ne suis pas fan du genre en temps normal, je dois dire que j’apprécie celles de Balzac qui réservent de belles surprises.

    Je vais tenter d’en dire suffisamment pour vous faire précipiter sur cette nouvelle et cependant ne pas vous gâcher la lecture.

    C’est la Restauration, le baron Philippe de Sucy revenu de Sibérie après la défaite de Napoléon, fait une partie de chasse avec son ami le marquis d’Albon. Ils s’égarent et arrivent à un prieuré, celui des Bons-Hommes. Les bâtiments et dépendances sont à l’abandon, le parc est retourné à l’état sauvage. 

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    Peut être le prieuré qui a inspiré Balzac

    « Les fenêtres vermoulues étaient usées par la pluie, creusées par le temps ; les balcons étaient brisés, les terrasses démolies. Quelques persiennes ne tenaient plus que par un de leurs gonds. Les portes disjointes paraissaient ne pas devoir résister à un assaillant. Chargées des touffes luisantes du gui, les branches des arbres fruitiers négligés s’étendaient au loin sans donner de récolte. De hautes herbes croissaient dans les allées. Ces débris jetaient dans le tableau des effets d’une poésie ravissante, et des idées rêveuses dans l’âme du spectateur. »

    Ils aperçoivent une femme :

    « Les deux chasseurs étonnés la virent sauter sur une branche de pommier et s’y attacher avec la légèreté d’un oiseau. Elle y saisit des fruits, les mangea, puis se laissa tomber à terre avec la gracieuse mollesse qu’on admire chez les écureuils. Ses membres possédaient une élasticité qui ôtait à ses moindres mouvements jusqu’à l’apparence de la gêne ou de l’effort. Elle joua sur le gazon, s’y roula comme aurait pu le faire un enfant ; puis, tout à coup, elle jeta ses pieds et ses mains en avant, et resta étendue sur l’herbe avec l’abandon, la grâce, le naturel d’une jeune chatte endormie au soleil »

    Philippe de Sucy la reconnait. C’est Stéphanie de Vandières, son amie et amour, elle ne semble plus avoir toute sa raison et murmure sans interruption : Adieu.

    La rencontre provoque un tel bouleversement chez Philippe qu’il perd connaissance. Son ami cherche à comprendre. C’est l’oncle de Stéphanie qui va les éclairer.

    La trame est simple et même banale, mais voilà c’est Balzac et je vous assure qu’il n’y a pas un mot de trop dans ce récit. 

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    L’évocation du désastre de la Bérézina est particulièrement réussi, cela vaut tous les livres d’histoire par la justesse, la précision et l’ampleur du récit.

    « L’apathie de ces pauvres soldats ne peut être comprise que par ceux qui se souviennent d’avoir traversé ces vastes déserts de neige, sans autre boisson que la neige, sans autre lit que la neige, sans autre perspective qu’un horizon de neige, sans autre aliment que la neige ou quelques betteraves gelées, quelques poignées de farine ou de la chair de cheval »

    Mais il y a plus dans cette nouvelle, la folie dont est atteinte Stéphanie de Vandières est très bien décrite et l’on sent que Balzac c’est intéressé de près à la psychiatrie balbutiante à l’époque.

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    Le Dr Pinel psychiatre lyonnais - Tony Robert-Fleury 

    J’ai aimé le personnage de Stéphanie dont Balzac fait une belle héroïne victime d’une période tragique. Il y a beaucoup de violence dans le récit de la déroute, le tableau est ample, les personnages sous l’emprise de la peur ou du courage sont très bien campés et l’on comprend bien que les rescapés ne reviennent pas indemnes. On retrouvera ce thème dans le Colonel Chabert.

    C’est une belle réflexion sur la capacité de l’homme à supporter l’adversité ou à tenter de l’oublier. 

     

    Le livre : Adieu - Honoré de Balzac - Editions numériques Arvensa

  • Luther - Matthieu Arnold

    J'aime les anniversaires qui sont l'occasion d'éditions nouvelles, de belles biographies, de faire sortir de l'ombre des personnages célèbres mais parfois mal connus ou oubliés. C'est aussi l'occasion de concerts ou d'expositions.

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    Le 31 octobre 2017 sonneront les cinq cents ans d'un événement qui secoua l'Europe et ébranla le monde chrétien. 

    Ce jour là Martin Luther placarda sur les portes de l'église et du château de Wittemberg ses 95 thèses sur les indulgences.  

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    2017 célèbre les débuts de la Réforme protestante et c'est la bonne occasion de comprendre le destin de ce « génie religieux » qui a « repensé tout le christianisme ».

    Il y avait le choix entre plusieurs biographies j'ai choisi Matthieu Arnold qui est un fin connaisseur de Luther et qui a participé à l'édition des écrits et lettres de ce fougueux moine en pléiade.

     

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    Statue de Luther à Eisleben

    Ressortez vos livres d'histoire, rassemblez vous souvenirs. 

    On est au temps du Saint Empire romain germanique, le moment où l'empereur est élu par les princes grands électeurs, où 350 micro-états se partagent le territoire.

    On est au temps où la ferveur religieuse est grande et où le purgatoire (heureuse invention !) faisait tellement peur que les fidèles étaient prêts à y échapper moyennant une partie de leur fortune

    Un temps où le clergé et les moines donnaient parfois une image peu reluisante de la foi bien loin de la simplicité d'un Saint François d'Assise.

    La Bible commence a être traduite et les humanistes tentent un retour au source vers le grec et l'hébreu à l'instar d'Erasme.

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    Une impression de la Genèse 

    Issue d'un milieu paysan à l'origine, la famille de Luther s'est embourgeoisée avec le travail du cuivre et l'exploitation de mines et forges. Luther est entré jeune au couvent après des études universitaires à Erfurt, il avait alors une bonne connaissance des auteurs latins, il sait le grec et étudiera l'hébreu.

    Au couvent sa vocation éclate et elle est portée par une crainte irrépressible de la mort et du diableAssez vite il enseigne.

    « Il a juré ma mort, je le sens bien, et il n’a de cesse de m’avoir dévoré. Eh bien, s’il me dévore »  

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    Film Luther avec Joseph Fiennes

    Il fait un voyage à Rome vers 1511, la ville est en chantier, la Basilique Saint Pierre est en construction, « la piété mercantile qui s'étalait sur les places et dans les églises ne pouvait lui échapper. »

    Il devient enseignant et prédicateur à l'université de Wittenberg. Il donne des cours très suivis sur les Psaumes et les Epitres de Paul. 

    « Il se fait l'interprète de cette Ecriture sainte dans laquelle il croyait reconnaître l’expression directe de la parole même de Dieu. » 

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    En octobre 1517 il invita à débattre de vive voix ou par écrit et « par amour de la vérité » les thèses et la critique des indulgences.  

    Le marché des indulgences, car c'était bien un marché, je donne de l'argent et je m'évite quelques années de purgatoire, enrichissait l'Eglise au-delà de ce que l'on peut imaginer, que ce soit à Rome ou dans les différents diocèses. Le pape Léon X finançait la basilique Saint-Pierre avec cette manne.

    Quand Luther affirmera que « c'est la foi et uniquement la foi qui sauve » et non les indulgences, imaginez le manque à gagner ! 

    La sanction tombe rapidement : excommunié par Rome, banni par Charles Quint, Luther dût à quelques amis et soutiens de rester en vie et de continuer à publier. Plusieurs princes allemands dont Frédéric de Saxe, le soutinrent et lui permirent de propager ses idées.

    Pour Luther l'autorité ne reposait pas dans les mains du Pape ou des cardinaux mais bien dans les écritures, dans la Bible dont la connaissance et la lecture étaient les bases même de la foi.

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    Luther brûlant la bulle d'excommunication 

    L'imprimerie va lui permettre de propager ses idées, ses écrits, la réforme qu'il prône qui se fonde sur la lecture des Ecritures va se répandre comme une trainée de poudre et ébranler Rome et toute la chrétienté.

    L'homme a une face sombre qui apparait lorsqu'il n'hésite pas à prôner la violence pour réprimer les Anabaptistes qu'il jugeait séditieux, ou à approuver la guerre contre les paysans révoltés ou lorsque un antisémitisme violent et effrayant se fait jour dans ses écrits alors que quelques années auparavant il avait appeler  « à traiter amicalement les juifs ».

    Heureusement le réformateur a aussi une face nettement plus solaire, lorsqu'il prône l'instruction des filles, il est laïc avant l'heure lorsqu'il contribue à ce que le pouvoir politique s'émancipe de la tutelle de l'Eglise.  

    Matthieu Arnold dit qu'il est l'inventeur de la langue allemande, avec sa traduction pour rendre accessible la Bible à tous.

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    La Bible de Luther  

     

    Cette biographie s'étend aussi sur les différentes crises traversées par Luther, sur son mariage et sa vie familiale.

     Ce n'est pas une biographie légère, il est parfois difficile de suivre les tours et détours de la pensée de Luther, c'est très dense, très riche, Matthieu Arnold n'hésite pas à briser quelques idées reçues mais ne fait pas l'impasse sur les aspects gênants de la personnalité de Luther. 

    Une bonne façon de comprendre un peu mieux, à travers son inspirateur, la réforme protestante. 

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    Le livre : Luther - Matthieu Arnold - Editions Fayard

  • Retour à Lemberg - Philippe Sands

    Ceci n'est pas un roman pas plus qu'un livre facile à lire. Si comme moi vous n'avez qu'un vernis de connaissances juridiques vous aurez un petit effort à faire mais vous en serez récompensé.

    Voilà un récit fascinant et surprenant. 

    Philippe Sands est juriste international spécialiste des Droits de l'homme et c'est dans le cadre de son travail qu'il assiste à une conférence à Lviv en Ukraine.

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    Lviv aujourd'hui

    Lviv ou Lwów  ou Lemberg, selon les différentes dénominations, dans la province de Galicie. Une de ces villes qui ont été successivement polonaises, russes, allemandes et retour dans l'autre sens. Une de ces Terres de sang dont parle Timothy Snyder. Dans cette ville une seule chose sera intangible : la ségrégation, la spoliation et le massacre des juifs.

      "un lieu de mythologies, un endroit aux racines intellectuelles profondes où les communautés de culture, de langue et de religion s'entrechoquaient au sein de la grande maison que fut l'Empire austro-hongrois.

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    Lwow d'avant guerre

    Il découvre surtout que dans cette ville sont nés ou ont vécu, dans les années 1920/1930 son grand-père Leon Buchholz seul survivant de sa famille, Hersh Lauterpacht et Raphael Lemkin deux brillants penseurs du droit international

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    Hersh Lauterpacht et Raphael Lemkin

    Trois hommes, trois juifs qui ont été mêlé chacun à leur manière à la réflexion, la rédaction et l'application de deux concepts de droit en vigueur aujourd'hui et que tout le monde connait : le Crime contre l'humanité et le Génocide. 

     

    Le livre se centre sur trois pôles : 

    le premier c'est une enquête familiale autour de Leon Buchholz et son épouse Rita, qui connurent les déplacements entre la pologne, l'Empire Austro-hongrois, la France, au gré des guerres et conflits, en fonction des menaces qui pesèrent sur eux et qui terminèrent leur vie à Londres.

    Plusieurs mystères intriguent Philippe Sand, sa mère Ruth fut effectivement confiée à quelqu'un qui la rapatria en Angleterre alors que Rita sa mère restait à Vienne ! Son grand-père avait seul quitté Vienne y laissant femme et enfant ce qui parait pour le moins curieux.
    Sa quête est parfois aidée par le hasard, mais le plus souvent c'est l'acharnement pour donner du sens à des indices minuscules qui finit par payer et lui donner quelques clés de son histoire familiale

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    Lemberg en 1915

     Une photo, une adresse, un nom de rue, un bulletin scolaire, les horaires des chemins de fer : tout est bon pour creuser le passé mais en bon avocat P Sands cherche des preuves.
    On retrouve ici l'émotion ressentie à la lecture des Disparus de Daniel Mendelhson. 

    Le second pôle est une enquête sur les deux juristes juifs d'origine qui vécurent à Lemberg et chacun de leur côté tentèrent de développer le droit international en matière de droits de l'homme : l'un milita pour la reconnaissance du concept de Crime contre l'humanité, l'autre pour la notion de Génocide
    Nous voyons poindre leur vocation, leur parcours intellectuel et personnel. Raphael Lemkin et Hersch Lauterpacht, ont vécu et étudié dans la ville de Lviv et assisté à des conférences du même professeur de droit, Juliusz Makarewicz

    Deux hommes très différents, dont l'apport fut déterminant.

    Philippe Sands clarifie les deux concepts du droit qui s'appuient l'un sur les droits individuels des personnes et l'autre sur le droit des communautés et des groupes. Ces notions dont aujourd'hui on admet qu'elles dépassent celle de souveraineté d'un état mais qui mirent du temps à s'imposer et qui aujourd'hui encore donnent lieu à bien des débats.

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    Au procès de Nuremberg américains et anglais étaient opposés à introduire la notion de génocide, peut-être en partie par crainte de se voir mis en cause dans sa politique coloniale pour la Grande Bretagne et pour son aptitude à fermer les yeux sur les pratiques du Klu Klux Klan pour l'autre.

     Enfin Philippe Sands oriente son travail vers Hans Frank, le Gouverneur général de la Pologne occupée.

    Hans Frank, l'amateur d'art, l'homme qui adorait la musique mais qui dit à Curzio Malaparte avec qui il s'apprête à boire un verre de vin de Bohème 

    « Tu peux boire sans crainte, mon cher Malaparte; Ce n'est pas du sang juif. »

    Les pages sur Hans Frank sont difficiles, son fils Niklas est devenu un ami de l'auteur et est d'une sévérité absolue envers son père et sa mère qui elle aussi joua un rôle fort dans la dérive nazie de son mari.

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    Hans Frank le bourreau de la Pologne

    Juriste de formation il fut à l'origine des lois  qui ont institutionnalisé l'antisémitisme en Allemagne et il fut un des premiers à subir la justice pénale internationale en matière de Crime contre l'humanité.
    Son procès est le point culminant du livre puisqu'il rassemble tous les protagonistes du livre. 

     

    Un livre qui m'a passionné même si il est parfois exigeant. 

    Sands est un important avocat des droits de l'homme, il a été impliqué dans le procès de l'extradition du dictateur chilien Augusto Pinochet par exemple. Il parvient à rendre sa recherche et son enquête très vivantes, sa verve narratrice tient le lecteur en attente d'une façon qui s'apparente à une quête policière.

    A travers sa famille, Sands fait un tableau des familles juives qui à l'époque vécurent dans des pays où le danger les guettait, qui vécurent la fuite et l'expatriation forcée, les recommencements dans un nouveau pays.
    Il met aussi l'accent sur ces héros anonymes, modestes, oubliés, comme Mrs Tilney qui permit à la mère de l'auteur de faire le voyage entre Vienne et Paris.

    J'ai aimé le portrait de ces trois hommes (excluons Franck évidement) par forcément très sympathiques mais qui furent portés par une foi inébranlable en une certaine idée de la justice alors même qu'ils étaient  dans l'ignorance de ce qui était advenu à leur famille. 

    Ils ont marqué de leur empreinte la législation et surtout éveillé la conscience des peuples et des dirigeants.

    Un livre qui demande un peu de temps que vous ne regretterez pas. 

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    Le livre : Retour à Lemberg - Philippe Sands - Traduit par Astrid von Busekist - Editions Albin Michel 2017