Bibémus : j’ai dit dans ma chronique précédente que cela m’évoquait Giono et la Provence.
Marie Hélène Lafon nous invite dans la Provence de Cézanne, de Zola et de Giono.
Elle a manifestement un attachement particulier pour le peintre et cet attachement a accouché d’un petit livre, il n’est ni une bio, ni un essai sur la peinture, c’est plutôt le livre d’une amitié, une rencontre entre peinture et littérature.
Le titre ? ce sont les mots de Cézanne « Des toits rouges sur la mer bleue ».
L’auteure a quelques craintes, elle décide d’ouvrir un « chantier » rassembler la documentation, les lettres, les écrits.
Elle va affronter un monument de la peinture, un véritable colosse.
Elle se sent écrasée par ses prédécesseurs, ceux qui ont écrit sur Cézanne et non des moindre : Ramuz, Rilke, Juliet, Handke bien entendu « C’est écrasant et j’ai une longue expérience de cette sensation d’écrasement culturel, qui ne m’empêche toutefois pas de faire ce que je crois avoir à faire »
Délaissant son Cantal natal, MH Lafon va trainer ses guêtres à Auvers-sur-Oise, à Aix-en-Provence, à Marseille.
La maison du pendu à Auvers-sur-oise – Paul Cézanne
Comment parler de cet homme qui a consacré son existence à la peinture, cet homme qui disait la nécessité d’« Aller au paysage » ce qui est une formule magnifique, l’auteure dit que c’est un peu comme « aller au combat ».
Un combat toujours perdu, et une œuvre toujours recommencée.
Sous la plume de MH Lafon, Cézanne reste le bonhomme bourru, un rien violent, parfois carrément hargneux.
Elle aime le chercher à travers les lieux, les paysages :
Le Jas de Bouffan ou l’atelier des Lauves dans lequel une fente fut pratiquée pour permettre de faire passer la toile des Baigneuses.
Marseille ou Auvers-sur-Oise où il peignit sans trêve.
J’ai le souvenir d’une expo magnifique au Grand Palais à Paris en 2011
J’étais restée plantée devant certaines toiles, bien entendu les plus petites ce qui dans une foule est un combat toujours perdu.
J’aurais voulu avoir les mots de MH Lafon qui fait parler les tableaux
« Je suis plantée devant le Sous-bois, au Louvre, salle Mollien, et je suis dans le bois, sous les arbres, traversée de lumière pâle. L'air est tiède, c'est un matin d'été caressant et parfait. Le vent bleu court dans les branches basses, le remuement des feuilles est tissé de pépiements d'oiseaux furtifs. Tout fait présence, le silence est habité, on arrête de marcher pour que cesse le vacarme des pas et du sang sous la peau. On sort de soi pour faire corps avec la merveille. »
Pour parler de l’homme, elle choisit de faire parler ses proches, Blanche sa mère en premier lieu, Paul est son préféré, elle s’inquiète de l’avenir pour cet enfant qui choisit un chemin rude et incertain « songe à l’avenir, on meurt avec du génie et l’on mange avec de l’argent » mais toujours encourageante et soutien de son fils.
Elle fait aussi parler le père, Louis-Auguste si souvent blâmé mais pour qui me semble elle n’est pas aussi sévère que beaucoup car après tout il a plus ou moins toujours fournit des subsides à son fils et était profondément désemparé devant le refus de ce fils de choisir une vie toute tracée. Il finit malgré tout par accepter le choix de Paul et même son mariage avec Hortense l’éternelle invisible.
Vous rencontrerez le Docteur Gachet si important pour les impressionnistes, Pissarro son ami.
Elle nous livre même le jardinier, assis sous le tilleul des Lauves, à côté d’un Cézanne vieillissant.
Elle sait parler de lui, de ses toiles, de sa peinture, parfois même avec une sorte d’urgence qui donne un rythme haletant au récit qui m’a parfois décontenancé.
J’ai aimé que son imagination l’emporte vers Giono et ses personnages.
Lisez cet exercice d’admiration, fruit de trente années de compagnonnage et qui tente de nous communiquer les rêves du peintre, sa vie intime, ses obsessions, sa passion pour sa Montagne « sainte et carabinée, en majesté et en puissance ».
Pour conclure ainsi : « On ne saisit pas Cézanne, on ne l'épuise pas, il résiste, on l'effleure, il glisse, il disparaît dans le sous-bois. On l'espère. On l'attend. »
Vous avez visité ses maisons il est tant de connaître le bonhomme.
Le Livre : Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue – Marie-Hélène Lafon – Éditions Flammarion