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Penser - Page 12

  • La Bible Quelles histoires - Thomas Römer

    Après avoir parcouru les chemins de l’Exode avec Moïse je vous propose de faire mieux connaissance avec l’auteur, son parcours, la façon dont il a très tôt un peu révolutionner le monde de l’exégèse biblique. 

    Vous pouvez emprunter deux chemins, celui du livre et celui des cours qu’il donne.

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    C’est un livre d’entretien avec une archéologue. Il démarre avec l’aventure personnelle de Thomas Römer et son entrée dans le monde de l’exégèse de la Bible.

    Il est immédiatement passionné et va rapidement se faire un nom. De l’Allemagne à la Suisse puis à la France son parcours est impressionnant.

    Très vite l’on en vient au coeur du travail de Römer, et l’on découvre un homme qui fait des suppositions mais garde une grande humilité et beaucoup de doutes face à un texte que dit-il  « Vous pensez avoir compris quelque chose, vous approfondissez encore et, non, ce n’était pas tout à fait cela. C’est aussi cela qui est fascinant avec la Bible. Dans le fond, c’est un livre qui dérange tout le temps. Il n’est pas fait pour endormir les consciences. »

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    Fresques de la synagogue de Doura Europos 

     

    Il montre combien il est difficile d’être certain de l’origine des écrits, les lieux, les périodes historiques sont sujets à questionnement. Il explore les liens entres l’histoire et la Bible et les danger des sur interprétations et instrumentalisation toujours possibles.

    Son travail a principalement porté sur le Pentateuque où « le thème de l’exil est présent entre toutes les lignes ; il est la clé de lecture qui donne sens à l’édifice rédactionnel.» nous dit-il.

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    Meggido haut lieu des recherches archéologiques © Richard T. Nowitz / Corbis

    C’est un travail de déconstruction pour mieux comprendre, contourner les anachronismes et reconstituer les étapes qui ont conduit à l’écriture définitive. Ses propositions sont parfois surprenantes, souvent inédites et loin de tout dogmatisme.
    C’est un livre riche où l’on croise Abraham et Jacob et qui pousse à reconsidérer la façon que l’on a de lire LE livre.

    A la suite de cette lecture je suis allée suivre une grande partie des cours de Thomas Römer, titulaire de la chaire Milieux bibliques au Collège de France,  il a l’art d’accrocher son auditoire. 

     

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    Le livre : La Bible Quelles histoires - Thomas Römer - Editions Labor et Fides

  • Moïse en version originale - Thomas Römer

    Une des premières questions que l’on se pose en lisant la Bible c’est : Qui l’a écrit, cela est-il historique ? 

    Pour la Genèse très bien Darwin est passé par là mais pour le reste, tenez par exemple Moïse, qui était-il ?  Il a fait l’objet de tableaux, de fresques, de sculptures, célébré comme défenseur des opprimés mais était il un prophète, un libérateur de son peuple ou seulement un homme sectaire et violent ?

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    Celui de Michel - Ange

    Pour cela voilà un essai de Thomas Römer, sans doute le meilleur spécialiste de l’aventure de l’Exode et de Moïse son personnage emblématique.

    Il est le bibliste qui  nous conduit vers la lecture érudite et détaillée des textes. Il enrichit le propos de moults apports philosophiques (Freud et son Moïse) historiques, archéologiques.

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    Moïse sauvé des eaux - Nicolas Poussin - Musée du Louvre

    Les croyances et les récits antérieurs au monde hébreu viennent éclairer le personnage. Sous le nom de Moïse se cachent sans doute de multiples plumes, entrecroisées, parfois redondantes, j’avais souvent été agacée par ces versets répétitifs mais surtout interrogative devant des versets totalement contradictoires mais sans vraiment en comprendre la raison.

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    Passage de la mer rouge Duomo de San Gimignano

    L’apport de Thomas Römer est déterminant, on voit à travers son livre se construire un mythe, une construction collective s’appuyant sur des traditions car la Bible et l’Exode en particulier « n’a pas été mise par écrit d’un seul trait; elle est le résultat de nombreuses relectures et de compilations de documents qui étaient à l’origine indépendants les uns des autres »

    J’ai à sa suite et grâce à son éclairage lu et relu le livre de l’Exode qui raconte la première célébration de la Pâque, la fameuse traversée de la mer Rouge et surtout l’Alliance d’un peuple avec son Dieu.

    C’est fascinant de suivre la recherche du bibliste, son interprétation, ses doutes, ses remises en question, bref à l’opposé des dogmatismes religieux et des intransigeances dangereuses.

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    Passage de la mer rouge Cosimo Rosselli Chapelle Sixtine

    Si comme moi vous avez en tête la scène du film avec Charlton Heston c’est le moment de remiser vos images au placard et de vous plonger dans ce livre riche et stimulant intellectuellement qui demande un peu d’attention mais qui vous fait entrer dans le monde des hébreux armé pour en comprendre les particularités.

    J'avais déjà fait connaissance avec Moïse grâce à Jean Christophe Attias

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    Le Livre

    Moïse en version originale - Thomas Römer - Editions Labor et Fides

  • Les serviteurs inutiles - Bernard Bonnelle

    Bon je l’avoue ma façon de classer mes livres est un peu ...curieuse
    Par exemple celui-là va prendre place à côté des Essais et de L’Obèle sur le rayon Montaigne

    Cela vous semble peut être curieux mais attendez voilà les explications.

    Les Guerres de Religion ont inspiré romanciers et cinéastes, voir récemment la Princesse de Montpensier par exemple. Et bien ce roman se situe là. 

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    Les ligueurs en procession

    Gabriel des Feuillades a fait les guerres d'Italie (comme le père de Montaigne)  et choisit de vivre retiré sur son domaine.

    Il mène un vie tranquille, partageant son temps entre l’étude de la botanique, la lecture des anciens, ses vignes mais aussi parce qu’il n’est sage qu’à moitié quelques dévergondages avec sa servante.

    Il a une épouse tendre, un fils qui rêve de gloire, une fille un peu différente des autres enfants.

    Gentilhomme périgourdin Gabriel a eu son comptant de batailles et de blessures et cherche aujourd’hui les compromis, l’isolement lui convient et si il n’a pas de tour pour se retirer comme son illustre voisin, il va néanmoins servir de médiateur local entre catholiques et protestants alors que lui-même professe un sage septicisme « Eadem sunt omnia semper » *

     

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    Son illustre voisin 

    Lorsque les événements dégénèrent que le pillage, les tueries reprennent Ulysse, le fils révolté qui rêve de gloire, va partir participer aux combats terribles des fous de Dieu, les fils s’opposent aux pères c’est bien connu.

    Alors que le père aspire à la sagesse 

    « Je rêve d’une autre religion, dit-il, toute nouvelle ou très ancienne, sans dogme ni culte, sans prêtres ni guerre, dont le seul exercice de piété serait la joie d’être au monde »

    Le fils lui il exècre l’attitude de son père et rêve d'en découdre

    « Vos livres, votre jeu d’échecs, vos écritures, votre herbier, votre feinte sagesse, votre incroyance, vos sourires et vos sarcasmes, tout cela m’était plus que jamais insupportable. » et affirme « je consacrerais ma vie à un combat juste et grand » 

     

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    Un pays à feu et à sang

    J’ai pris un très grand plaisir à cette lecture, pour le sujet d’abord qui m’intéresse malgré pas mal de lectures engrangées, et puis pour l’écriture, quelle élégance ! je suis tombée sous le charme.

    J’ai lu le journal du père, et le récit du fils qui jamais ne se rejoignent et si il y a une chose certaine c’est que Bernard de Bonnelle a du tomber un jour dans la marmite des Essais ! 
    Il semble que ce récit ressemble aux écrits de Brantôme, ma curiosité est éveillée !!

     

    * Tout est indifférent ou tout est toujours pareil  - Lucrèce De rerum natura

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    Le livre : Les serviteurs inutiles - Bernard Bonnelle - Editions La Table Ronde

  • La nuit de feu - Eric-Emmanuel Schmitt

    Quand la religion se fait douce

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    Les récits de conversion m'ont toujours laissé perplexe mais en feuilletant ce livre chez le libraire je me suis laissée prendre par quelques pages qui m’ont paru intéressantes et du coup toc je me suis retrouvée à la caisse avec.

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    Chacun sa nuit de feu, on connait celle de Pascal, Eric-Emmanuel Schmitt lui fut touché par la main de Dieu en plein désert alors qu’il marchait sur les pas de Charles de Foucauld 

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    Philosophe de formation passé par Normale Sup il est devenu depuis peu scénariste. Pour construire un documentaire sur le Saint de Tamanrasset il est bon de vivre un peu cette vie du désert et pour cela il participe avec un groupe à une marche dans le Hoggar avec des Touaregs pour guides.

    Philosophe jusqu’au bout des ongles il observe avec curiosité le guide qui s’isole pour prier. Le lieu est bien sûr propice à la réflexion, au dépouillement. Il jette un regard critique sur Thomas le botaniste de service qui veut tout montrer, tout justifier, tout comprendre. 

    Dans le groupe il y a aussi la croyante de service, un rien sectaire, un tantinet crispante. 

    La marche très vite décante la réflexion, les interrogations arrivent, les doutes.

    Il faut un incident qui pendant quelques heures le sépare du groupe pour que la nuit de feu le touche. 

    Les récits mystiques c’est tout ou rien, ou je suis prise d’une épouvantable envie de rire ou je me sens touchée.

    Ici c’est la simplicité qui touche, on comprend que l’expérience est indicible, qu’elle ne peut guère se partager. J’ai aimé que Eric-Emmanuel Schmitt ne tente pas de convaincre le lecteur, il en fait simplement le spectateur d’un événement qu’il ne s’explique pas mais qu’il rend de façon saisissante. 

     

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    Aucun prosélytisme, il passera plusieurs années avant de parler de cette expérience. La pudeur habite ses mots, aucune coquetterie chez lui. 

    Le philosophe depuis n’a cessé de lire les textes spirituels de toutes les traditions. Son récit est très vivant, plein de petits détails très terre à terre qui lui donne toute sa crédibilité.

    Sa nuit fut belle et l’a marqué à jamais et il sait nous faire partager son voyage intérieur et son bonheur faute de pouvoir et vouloir nous faire partager sa foi. 

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     Le livre : La nuit de feu - Eric-Emmanuel Schmitt - Editions Albin Michel

  • Relire - Laure Murat

    Cela pourrait être le titre d’une série de billets sur ce blog car relire pour moi est totalement naturel et indispensable.

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    Relire est-ce faire une nouvelle lecture ou simplement répéter la lecture précédente s’interroge l’auteur.

    « j’ai décidé de relire la Recherche » (ça c’est Tania) ou encore « j’ai relu les Rougon-Macquart » (c’est moi) ou encore Claudialucia qui plonge dans Shakespeare

    Laure Murat note avec humour que l’on ne parle que de relecture de GRANDS livres et plus rarement de pécadilles (comme moi) 

    Son enquête, car enquête il y a porte donc sur la pratique de la relecture. Elle a adressé à 200 intellectuels français un questionnaire, elle a reçu 100 textes en réponse.

    J’aurai bien aimé être interviewé, pourquoi toujours les intellos célèbres ? et jamais nous pauvres lecteurs ? Car pour moi comme pour beaucoup des lecteurs interviewés relire est « une passion littéraire ».

    Pourquoi relire demande Laure Murat ? Les réponses vont de l’addiction pure et simple de celle qui relit chaque année les 8 volumes de la Petite maison dans la prairie, à ceux qui relisent pour des raisons professionnelles, ou pour répondre à la demande d’un professeur, c’est ce que martèle Laure Murat à ses étudiants « la relecture (d'un poème, d'un roman, d'un essai, d'une pièce) est essentielle pour se saisir soi-même du sens d'un texte. » 

    Mais viennent ceux et celles pour qui la relecture est un refuge ou une façon de lire une oeuvre commencée et jamais terminée.( pour moi c’est Ulysse de Joyce...)

     

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    Ces livres qui résistent  © SETHTHOMAS / ROOM RF

    Certains redoutent la relecture c’est J Echenoz qui dit qu’il veut « garder intact l'éblouissement de la première lecture.» 

    Un auteur domine les autres par le nombre de ses relecteurs. Vous ne serez pas étonnés car il était déjà celui qu’on emportait prioritairement sur une île déserte : Il s'agit de Marcel Proust

    J’ai été heureuse de constater que je n’étais pas la seule à aimer relire dans une édition particulière, j’ai beaucoup de mal à relire le Journal d’Anne Franck autrement que dans mon livre de poche portant le n°287 ou Vipère au poing n° 58 ou les Années d’illusion n° 198 ou enfin Le Grand Meaulnes n°1000. Ils sont plus qu’écornés car ils sont  passés de mains en mains et de mère en filles.

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    Dans les livres un peu anciens les plus relus par les lecteurs de Laure Murat sont Montaigne, à moi toute seule j’aurai fait pencher la balance, mais aussi Mme de Lafayette ou les Liaisons dangereuses. Virginia Woolf est en bonne position mais cité essentiellement par des femmes !

    « Je relis maintenant Don Quichotte [...]. J'en suis ébloui, j'en ai la maladie de l'Espagne. Quel livre! Quel livre! » c’est Flaubert qui le dit dans son journal, du coup le relecteur se sent en bonne compagnie.

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    Dieu que ces bandeaux sont agaçants

     

     On n'avait rien organisé avec Keisha et pourtant....

    Le livre : Relire. Enquête sur une passion littéraire - Laure Murat - Editions Flammarion

  • Sapiens - Yuval Noah Harari

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    Il y va carrément Yuval Noah Harari : une histoire de l’humanité, rien de moins ! Vous ne serez pas étonné qu’avec un sujet pareil le livre fasse 500 pages en grand format, mais j’ajoute immédiatement que la lecture, elle, est on ne peut plus facile.

     

    La question qui se pose immédiatement c’est comment traiter un sujet aussi vaste et rester d’une lecture aisée ? Le talent !

    Mettez dans un même sac l’histoire de l’homo sapiens, la naissance de l’agriculture, le moment de la naissance de l’écriture, le lien entre sexe et guerre, le pourquoi des sociétés majoritairement dominées par les hommes, la place de l’argent dans l’évolution des sociétés, le capitalisme et la génétique, et j’en oublie !

     

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    Quelques exemples ?

    « Si vous fourrez 10 000 chimpanzés dans le stade de Wembley ou les Chambres du Parlement, vous aurez le chaos. Mais si vous prenez 10 000 personnes qui ne se sont jamais rencontrées auparavant, elles peuvent coopérer et créer des choses étonnantes. » je sais pas vous mais moi ça me met en joie ...

     

    J’ai été absolument sidérée par l’idée que l’invention de l’agriculture fut un mauvais virage dans le développement de l’humanité, il nous dit que hélas hélas nos cerveaux n’étaient pas du tout adaptés à ça «  ils étaient adaptés à des tâches telles que grimper dans un arbre, cueillir des pommes, chasser un lapin ou chercher des champignons dans la forêt, Ils n’étaient pas adaptés à la pénibilité qu’implique le travail des champs, le fait de labourer, de récolter, d’apporter de l’eau, d’arracher les mauvaises herbes, ou d’autres choses de ce genre. »

     

    Il affirme parfois des choses qui font sursauter : « Pendant des millénaires, les trois principaux problèmes de l’humanité ont toujours été les mêmes : la famine, le manque de nourriture, les épidémies, les fléaux et les guerres, dit-il. Bien sûr, nous ne les avons pas complètement éliminés ces 60 dernières années, mais dans ces trois catégories nous sommes maintenant dans la meilleure position depuis des années. » 

     

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    Vous avez dit manipulations génétiques ?

     

    Comment dire j’ai été à la fois bluffée, parfois agacée mais toujours intéressée, je vous recommande le chapitre sur la religion, sur le capitalisme, et les derniers qui font froid dans le dos sur la génétique ou le développement de la biotechnologie ( si si rappelez vous un vieux feuilleton télé qui devient réalité) et qui annonceraient la fin de Homo sapiens rien de moins à moins que la recherche de l’éternité soit couronnée de succès.

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    Notez que l’auteur est à la fois un vulgarisateur magnifique et un provocateur éclatant. Qu’il manie avec habileté les grands concepts, souvent pour s’en moquer avec un humour ravageur, il vous promène dans l’espace et le temps avec brio. 

    Le plaisir de lecture est fortement augmenté par la traduction d’un maître du genre : Pierre-Emmanuel Dauzat.

     

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    Le livre : Sapiens - Yuval Noah Harari - Traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat - Editions Albin Michel