Pour amateurs de nature writing
©Chatree Maknual
Si vous avez lu et aimé Walden, si vous avez lu et aimé Solitudes australes, si vous êtes fan du journal de Rick Bass alors le livre de Thomas Rain Crowe est fait pour vous.
1980 Thomas Rain Crowe prend la décision de vivre loin des villes, au coeur des Appalaches de son enfance en Caroline du Nord.
Seconde décision : vivre en autarcie, être capable de cultiver, pêcher, chasser ce dont il a besoin pour vivre.
Première étape : construire une cabane rudimentaire « en bordure du champ de Zoro » son ami, pas d’eau courante, pas d’électricité mais un pays où « le cerf et la colombe vivent leur vie au même rythme »
Sa décision le classe immédiatement dans la case « émule de Thoreau » , il apprend à couper et à stocker son bois, planter ses légumes, faire son pain, élever des abeilles et aussi, car il faut bien vivre joyeusement, fabriquer sa bière.
Les appalaches en Caroline du nord
Les objets quotidiens prennent une énorme place, la faux, la scie deviennent des compagnes dont il faut prendre soin, créer et soigner un « potager de montagne » est un art difficile qui demande réflexion, la pêche vous incite à « penser comme le poisson que l’on pêche » bref on est pas loin du paradis.
Echapper à la société de consommation oui mais sans couper les ponts avec la civilisation et les amis. Lorsque la solitude se fait pesante
Ce retour aux sources se lit avec bonheur, les mots coulent, la poésie est présente mais aussi le réalisme lié à une vie parfois dure.
Dans un chapitre qui m’a beaucoup intéressé il parle des « nouveaux naturalistes » des écrivains, des scientifiques qui ont oeuvré pour la protection environnementale. L’un deux a attiré mon attention et je vous en parlerai prochainement.
Mes deux chapitres préférés ? Sous la neige et Une marche en forêt.
Pour vous convaincre :
« Presque trente centimètres de neige sont tombés pendant la nuit. Une fois que le feu a repris et réchauffé la maison, j’entrouvre les fenêtres et je peux ainsi entendre, en stéréo, les bruits des oiseaux en train de manger dans la neige - un choeur animé de pépiements, de trilles et de cris perçants. Une symphonie, en fait, au vu de leur état d’anxiété, plus proche d’un combat que d’un cocktail mondain. Quand les montagnes sont couvertes de neige et de glace, les oiseaux doivent toujours manger, par jour, l’équivalent de leur poids en nourriture, mais comme leurs aliments habituels ont disparu, se nourrir prend un tour bien plus sérieux. »
Chaque chapitre nous fournit une citation de ses auteurs préférés : Snyder, Emerson, Thoreau bien sûr et Whitman et chaque chapitre se termine par un poème, certains m’ont infiniment plu.
En un temps secret une fleur
de velours lisse peut devenir côtelée
Pleurer ou s’accrocher
à la lumière pour s’assécher
Etre du nectar brillant sur la peau
Un ciel où pêcher le miel
Dans un breuvage d’étoiles
L’auteur est un ami d’Allen Ginsberg et de Gary Snyder et des poètes de la Beat Génération. Publié aux Etats-Unis en 2005 c’est une excellent idée des éditions Phébus de nous offrir cette traduction.
Aujourd’hui Thomas Rain Crowe a quitté sa cabane des Appalaches, il continue à travailler pour des revues écologiques, le poète c’est fait traducteur.
L'avis de Pierre Assouline
Le livre : Ma vie dans les Appalaches - Thomas Rain Crowe - Traduit par Mathias de Breyne - Editions Phébus