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Penser - Page 16

  • Un Candide en Terre sainte - Régis Debray

    Le livre du voyageur philosophe

     

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    Disons le tout net : je n’aime pas le style de Régis Debray, trop de métaphores, trop de traits d’esprit parfois vraiment tirés par les cheveux et pas du meilleur goût. 

    Mais

    Son livre est passionnant, un pèlerin agnostique en Terre Sainte voilà qui ne manque pas de sel et qui participe à une approche sans langue de bois dans un pays où l’amour du prochain est oublié depuis longtemps.

    Régis Debray porte un regard très éloigné du politiquement correct et du langage diplomatique sur cette région.

     

    Entrons un peu plus dans ce pays qui couvre aussi bien Israël que Gaza, la Syrie et la Jordanie et un bout du Liban car nous dit Régis Debray « Jamais (...) une sainte histoire n'eut moins de géographie. »

    Le cheminement tient une grande place dans ce récit où vous côtoyez églises, synagogues, mosquées, lieux saints des trois religions du Livre. Ce voyage nous fait nous interroger pour comprendre pourquoi ce territoire est devenu un champ de bataille, un cauchemar total « Un maximum de haine dans un minimum de territoire. » dit Debray très justement.

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    © AFP

     

    Lieux des croyances et des extrémismes, juifs orthodoxes de Mea Shearim ou Frères musulmans, palestiniens en quête d’un état, chrétiens en terre étrangère qui alimentent à eux seuls la manne touristique du pays.

    Comment peut-on penser faire vivre ensemble ceux qui se barricadent derrière un mur, ceux qui se voient dépossédés de leur terre ?

    J’ai aimé les rencontres faites par Régis Debray, Israéliens ou Palestiniens, quelques personnages hors du commun à qui on confierait bien les clés du royaume.

     

     

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                                         Les religions du Livre 

     

    Comme ce prêtre qui dit que se préoccuper des palestiniens ce n’est pas être en opposition avec les israéliens, que la paix passe par une élévation du niveau d’éducation des enfants arabes, par le refus de se définir avec une seule identité dans ce pays multiple où un arabe ne peut rendre visite à ses amis le soir, ne peut obtenir un visa de sortie pour participer à un congrès !!

    Un pays où les diplômés s’exilent aux Etats-Unis pour ne plus subir d’humiliations.

     

    D’une façon tout à fait surprenante ce sont les Evangiles qui servent de guide de voyage à l’auteur et son éclairage est vraiment passionnant, il oblige à remettre en question des certitudes, à écouter ces personnes enclines au dialogue de part et d’autre. Un éclairage parfois subversif, parfois agaçant mais au combien utile.

    Par delà les champs de mine, le mur, les photos de martyrs accrochées au grillage « Il faut guérir les Israéliens de la peur (…) et soulagé les Palestiniens qui ont peur de cette peur. »

    Compréhensif devant les revendications palestiniennes il est aussi admiratif des juifs car dit-il, ils incarnent la mémoire du XXème siècle, il y a parmi eux un grand nombre de personnalités d’exception, leur presse est libre et leur justice indépendante mais regrette son obsession sécuritaire.

     

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                             Gaza aujourd'hui © AFP

     

    Le livre date de 2008 mais il pourrait avoir été écrit hier. C’est un regard équilibré sur une région pleine de soubresauts et c’est déjà chose suffisamment rare pour mériter la lecture.

     

    Vous pouvez lire aussi le livre de l'Israélien S Yizhar ou du Palestinien S Shehadeh 

     

    Le Livre :  Un candide en Terre Sainte - Régis Debray - Editions Gallimard et folio 

  • Solitudes australes - David Lefèvre

    Dans une cabane au bout du monde

     

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    J’exerce une veille auprès des éditeurs que j’aime pour ne pas manquer une parution, en particulier quand il s’agit de livres qui ne font l’objet parfois que d’un minuscule article de magazine ou n’apparaissent que peu dans les blogs

     

    C’est ainsi que j’ai lu David Lefèvre et que j’ai partagé avec lui sa cabane sur l’île de Chiloé

    Une cabane pour assouvir son rêve

    « Un cadre de retraite ou d’errance, que l’on avait secrètement attendu, et qui se révèle conforme à l’estampe mentale que l’esprit avait tissé en secret »

    C’est une terre rude que ce coin de la planète surtout dans une vieille cabane délabrée mais après avoir vécu dans les bois de Walden une cabane en terre australe était une expérience tentante.

     

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    L'ïle de Chiloé

    Daniel Lefèvre voyage léger : un minimum d’objets, aucun superflu « un lit en fer repoussé » un seul vrai meuble « une vieille armoire sans portes » et quelques ustensiles indispensables « une poêle à frire et une marmite mâchurée » des outils pour travailler, des semences pour le potager et une malle de livres.

    Il a fait le choix de la solitude et partage son temps entre les travaux de rénovation de la cabane, la préparation du potager et bien sûr la lecture.

    Tout est découverte « J’abordai un monde neuf » il explore son territoire, il écoute les bruits de la nature, observe sa cabane tenir bon devant les orages, il entend « les gouttes affolées (qui) sonnent et cavalent sur le toit ». 

     

    Il aime les plaisirs simples « De retour dans la cabane avec une brassée de fagot, je retrouve le plaisir d’allumer un feu ».

    Les repas sont du genre gastronomie frugale « Au menu du dîner : darne de saumon, pain frotté d’ail, bettes du potager.  D’abord porter les braises à point, tisonner. Retourner le poisson sur le gril et regarder la chair rosir, repas frugal porté à la perfection. »

     

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    Le pacifique

     

    C’est chaque matin un monde neuf qui est offert et c’est enivrant « Je traversais un monde vierge ; je remontais le cours du temps. Ce bout de terre qui m’attendais semblait venir de loin. J’avais franchi la ligne de partage des mondes » 

     Il regarde, il écoute les bruits de la nature, observe sa cabane tenir bon devant les orages, il entend « les gouttes affolées (qui) sonnent et cavalent sur le toit ». 

     

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                  Ciruelillo la fleur de Patagonie

     

    Toute la nature est à lire, plantes,insectes, oiseaux et même un matou venu trouver abri chez lui et qu’il baptise Léon.

    Il n’est pas loin de l’océan et ses escapades le porte parfois au bord du Pacifique et le soir venu

    « A la bougie, j’aligne ensuite des remarques fraîches dans les pages de mon journal de bord » car la lecture ne lui suffit pas « J’écris pour ancrer les choses et ne pas oublier ce que j’ai vécu » 

     

    Il n’y a que du beau monde dans sa bibliothèque, Thoreau bien entendu, Bouvier, Thomsen, Rick Bass, et dès que le besoin s’en fait sentir «  je pars marcher. Je longe le lac et essaie de remonter tous les sentiers animaliers ou humains qui se présentent à flanc de montagne. Mes pensées respirent et errent dans toutes les directions. Je suis devenu tour à tour le piéton de ma piste, l’enfant du lac, le contemplateur des forêts. »

     

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    Ce nomade sur les traces de Nicolas Bouvier qui est son mentor est bien agréable à suivre au long des huit mois de son récit. Un cahier de photos est là pour nous donner l’envie de prendre la route et de le rejoindre sur son île des confins.

     

    L'avis de Lire et Merveilles  et aussi celui de Chinouk

     

    Le livre : Solitudes australes - David Lefèvre - Editions Transboréal 

  • Journal d'un apprenti moine zen - Satô Giei

    Vivre dans un monastère

     

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    Ce petit livre nous transporte dans un monastère où pour entrer il faut montrer patte blanche et s’acharner. Si vous résister à trois jours d’attente sur le seuil alors la porte s’ouvrira.

    Ici pas question de luxe, une même pièce sert à la fois de salle de méditation, de réfectoire et de dortoir

    « ce qu’on prendrait pour une rangée de figurines en terre cuite, en position du lotus, ce sont les anciens déjà assis à méditer » 

     

     

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                                 © Stéphane Bigeard

     

    Tout est fait pour que le moine se dépouille de tous les biens superflus et même du désir de posséder. Les objets personnels sont réduits à leur plus simple expression « on peut loger sur une étagère le matelas qu’on dépliera pour le repos nocturne. »  une écuelle pour les aumônes et voilà tous les biens du moine. 

     

     

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                           le temple Tôfuku-ji

     

    La vie est rythmée par le son du claquoir à maillet, une « cloche à sonner les heures » car le moine ne fait pas que méditer, non il faut aussi participer aux tâches communes.  On peut être trésorier ou cuisinier.

    Les temps de repos alternent avec la marche méditative, les prières, les repas, la méditation assise. Les sorties sont faites pour aller mendier à l’extérieur. 

    Tout est ritualisé « le maniement des baguettes ou la manière de quitter les socques bois, tout est, absolument tout le comportement est fixé par des règles. »

    La frugalité est totale : brouet de riz agrémenté de navet, un peu de thé et voilà le repas terminé ! 

     

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    La cérémonie du thé fait suite au repas et le programme s’établit à la suite : rasage du crâne, bain,  ou balayage du monastère selon le jour du mois. 

    En courts chapitres Satô Giei brosse la vie du monastère : le travail dans le potager, les cérémonies, la ronde de nuit pour parer aux incendies, les rituels, les entretiens avec le maître.

    Le moine met toute son attention et sa ferveur au moindre geste de la vie quotidienne et ainsi chemine vers l’éveil. 

     

    Agrémenté de petits croquis humoristiques ce récit autobiographique éclaire ce qu’est la vie d’un moine entré au monastère du temple Tôfuku-ji en 1939 c’est surprenant. 

    Si vous voulez tout savoir de la vie dans un monastère zen, si vous voulez apprendre à « Pratiquer le bien pour le bien » , bref si une leçon de sérénité vous tente lisez ce livre

     

     

    Le livre : Journal d’un apprenti moine zen - Satô Giei - Editions Philippe Picquier 

  • La Consolation - Jacques Attali / Stéphanie Bonvicini

    Les sentiments, les émotions...........

     

    Consoler l'autre  

     

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    Dans la série sur les sentiments et les émotions la consolation a trouvé une petite place même s’il ne s’agit à proprement parlé ni d’une émotion, ni d’un sentiment.

    C’est le titre du livre qui m’a accroché et la qualité des réalisateurs et invités. 

    Un livre accompagné d’un CD audio rassemblent les dix huit  entretiens qui ont eu lieu sur France Culture. Ces entretiens ont été menés par Jacques Attali et Stéphanie Bonvicini.

    Chaque personne est invité à témoigné de ce qu’est la consolation, pour lui, pour sa famille de pensée, pour sa religion, quels sont les rituels de la consolation, les gestes, les paroles, les silences qui consolent ?

     

    Livre et CD ont subi quelques modifications par rapport aux émissions de radio : Les entretiens audio ont été découpés pour ne garder que les passages essentiels et éclairants.

    Le livre lui ne répète pas les entretiens mais vient développer idées et questionnements qui n’ont pas été abordés dans le CD

    Les entretiens s’articulent autour de cinq thèmes

     

    • La consolation par la religion
    • La consolation collective 
    • Les actes et les gestes consolateurs
    • Les consolations hors normes 
    • Hommes et femmes qui « sont » consolation.
     

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    Les invités balayent les religions de l’Islam au Bouddhisme, certains sont très connus comme Matthieur Ricard ou Boris Cyrulnik, d’autres sont des hommes et femmes respectés dans leur domaine de compétence comme Marie de Hennezel ou Philippe Grimbert. Enfin certains sont des hommes de foi porteur de valeurs universelles comme le Grand Rabbin Bernheim, Samuel Pisar Président d’honneur de Yad Vashem. 

     

    Livre et entretiens sont passionnants, ils reflètent la profondeur de pensée, la spiritualité, la compassion, la tolérance de tous les participants. 

    Ce n’est pas un thème fréquemment abordé dans les livres, profitez-en, ce sont deux documents riches et profonds

     

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    Le livre et le CD : La consolation - Jacques Attali et Stéphanie Bonvicini - Editions Naïve

  • Les Adages - Erasme

    Penser  Philosopher Croire 

                                           Le soleil de la renaissance 

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    Erasme a pris place dans ma bibli

    Fous de latin et de grec ce billet est pour vous. Je n’ai pas pu résister et j’ai fait l’acquisition du coffret des Belles Lettres ! oui je sais je me suis mis un peu sur la paille mais je vais peut être y gagner en sagesse et en érudition !!!

    Certains l’ont qualifiés de chef-d’œuvre de l’humanisme européen  de « Soleil de la Renaissance »  de  « Bible païenne » enfin de «  Voie royale d’accès à la littérature gréco-latine. » inutile que j’en rajoute !

    Erasme fut le grand collationneur de ces citations, sentences, proverbes que lui fournirent les auteurs antiques mais aussi la Bible. Pour chacun  Erasme nomme les auteurs qui ont utilisé, créé l’expression. Il accompagne l'expression d’exemples, l’illustre, le  commente, fait vivre le texte, parfois brièvement et souvent longuement jusqu’à transformer la note en quasi traité. 

     

     

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            11 des 4140 et un adages 

     

    Toute l’Europe admira cette oeuvre, toute ? non pas tout à fait car les Adages furent mis à l’Index en 1557, ce qui ne l’empêcha pas de devenir le plus grand succès de libraire de la Renaissance, juste revanche.

    Erudition, réflexion, ironie, critique, tout est mêlé et c’est ce qui fait de ces 4151 adages une oeuvre où il fait bon se perdre, les Adages se répondent et quand vous ouvrez un des tomes, vous glissez de pages en pages, vous sautez d’un adage à l’autre. J’ai retrouvé en les feuilletant, en les lisant, la magie que l’on éprouve enfant dans nos premières visites au dictionnaire. Pour l’avoir mis dans les mains d’un visiteur récemment j’ai pu observé les effets de près, il est resté scotché sur le tome 1 plus du tout près à le poser !! 
    Vous croisez du beau monde venu de Grèce ou de Rome au choix : Euripide au coude à coude avec Aristophane, Senèque entre Virgile et Ovide, et bien entendu les historiens : Tite-Live et Tacite.

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          A lire sur un support : gare à la tendinite 

     

    Presque soixante personnes, latinistes experts mais pas forcément universitaires, ont collaboré à cet ouvrage sous la direction de Jean-Christophe Saladin. Une entreprise gigantesque, traduire fidèlement le grec et le latin des Adages est une entreprise colossale et excitante. Sur la page de gauche le texte en VO, latin mais aussi grec, et à droite le commentaire d’Erasme. 

     

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               Beau papier et typographie impeccable

     

    Des classements croisés pour retrouver n’importe quel adages, par son numéro, son nom latin, français, par lieu, par thème, bref de la belle ouvrage.

    Une splendide édition, cinq volumes sous coffret, superbement reliés, un papier magnifique d’un beau crème, mon exemplaire porte le numéro  1101.

     Une interview du maître d’oeuvre de cette édition

  • Érasme - Stefan Zweig

    Le Prince des humanistes

     

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                    Erasme par Quentin Massys 1517

     

    Quand on a un peu lu Stefan Zweig on n’est nullement étonné qu’il ait consacré une de ses biographies à Érasme.

    On retrouve dans ce livre les préoccupations qui étaient déjà celles de Zweig quand il écrivait  Conscience contre violence  quand il traçait déjà son opposition au fanatisme C’est ici le « legs spirituel » de l’humaniste qu’il souhaite transmettre, un idéal de tolérance politique et religieuse.

     

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    Albrecht Dürer  - Portrait d'Erasme de Rotterdam

              1526 Musée départemental de Nantes 

     

    On dit Érasme né vers 1469 à Rotterdam, né européen en somme car cette région à l’époque n’est pas encore les Pays-bas, plus tout à fait le Duché de Bourgogne et pas vraiment l’Espagne. 

    Né vraisemblablement bâtard et sans doute fils de prêtre !! Difficile début dans l’existance. Cela n’empêche pas qu’il soit ordonné par l’évêque d’Utrecht en 1492, mais il abandonne vite la prêtrise pour la vagabondage dans toute l’Europe, pour la vie de l’esprit.

    L’Angleterre des Tudors, Anvers, Louvain, Paris où il vit très pauvrement « comme un escargot ». Enfin c’est l’Italie, Pise, Bologne, Venise où il est l’hôte du grand imprimeur Alde Manuce, Rome où s’ouvrent pour lui les portes de la Bibliothèque Vaticane.

     

    Vagabond et écrivain. Un amoureux de la langue, des mots, de la poésie, un écrivain prolifique à côté de qui Hugo ferait pâle figure ! Il s’exprime le plus souvent en latin, le latin des humanistes.

    C’est un « fervent des livres », la culture, la vie intellectuelle, voilà ce qui lui importe et qui tout au long de sa vie le feront développer des amitiés avec des hommes de savoir. 

    Il lit jusqu’à plus soif, les auteurs de l’antiquité, la Bible, son apprentissage du grec va lui ouvrir les portes des auteurs qu’ils appréciera toute sa vie : Euripide, Lucien l’insolent.

     

    Les Adages lui apportèrent la célébrité.

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     « Errant à l’aventure dans les jardins si divers des auteurs, j’ai cueilli les adages les plus anciens et les plus remarquables comme de jolies fleurs de toute espèce et j’en ai composé une guirlande harmonieuse. »
     

    Les multiples éditions s’enrichiront jusqu’à rassembler plus de 4000 adages. Érasme mobilise tout son savoir pour comprendre d’où vient l’expression, il cherche dans les vieux traités de science, de médecine, parmi les contes populaires, dans la mythologie. Il ajoute, il retranche, il corrige.

     

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    Erasme par Hans Holbein - Musée du Louvre

     

    « Les adages sont une forme ouverte : on peut ajouter ce que l’on veut, là où on le veut. Ce sera la même chose plus tard dans les Essais de Montaigne. »

     

    Du plus court à celui qui est un véritable essai philosophiques les adages « ne sont rien sans les commentaires qui leur donnent  sens et prennent parfois l’allure d’un petit traité »

    « La meilleure lecture sera buissonnière comme fut buissonnière leur composition » dit Daniel Ménager un biographe d’Érasme

    C’est chez Thomas Moore qu’il compose l’Eloge de la folie, satire qui va lui attirer les faveurs du public mais la vindicte de l’Eglise et qui reste pour le lecteur d’aujourd’hui son livre le plus lu.

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    Erasme par Quentin Massys - Galerie Nationale Rome

    Traités, dialogues, essais philosophiques, essais pédagogiques pour l’apprentissage du latin, les Colloques teintés d’ironie, d’humour parfois, dans lesquels s’expriment sa pensée sous la forme de dialogues.

    Enfin une traduction du Nouveau Testament du grec au latin, afin de débarrasser le texte de tous les ajouts inutiles . Avec un certain culot l’auteur dédie sa traduction au Pape Léon X alors que manifestement il est là bien plus proche de Luther dans la recherche de la simplicité, il souhaite même que le texte soit traduit en langue vulgaire pour que « puisse le paysan au manche de sa charrue en chanter des passages, le tisserand à ses lisses en moduler quelque air, où le voyageur alléger la fatigue de sa route avec ses récits. »

     

    La faiblesse d’un tel homme ? Elle réside dans son indécision au moment de la Réforme mais « L’excès en toute chose demeurait étranger à sa nature  » incapable de soutenir ou de condamner Luther il tente de tenir une position médiane.

    Entre les deux hommes les relations vont devenir très difficiles : incompréhension, vindicte, diatribe, polémique : ils ne parviendront jamais à se comprendre.

    La fureur d’un Luther est trop grande, l’indécision d’Érasme trop difficile à surmonter, c’est l’affrontement de deux hommes de piété. 

    L’un plonge dans la bataille, l’autre se veut au-dessus de la mêlée. 

    D'Érasme Zweig nous dit « Il ne marche pas aux côtés de la Réforme, il ne marche pas aux côtés de l’Eglise »

    C’est la rupture entre l’humanisme et la Réforme allemande, Luther le voue aux gémonies et l’Eglise met ses livres à l’index.

     

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                                Anderlecht - La Maison d'Erasme

     

    Érasme grand voyageur fut aussi un grand épistolier une correspondance extraordinaire de diversité : Thomas Moore dont il est l’ami, Luther si proche et si éloigné, François Ier, trois papes, Charles Quint

    C’est un grand européen avant l’heure, portraituré par les grands peintres de l’époque.
     
    Lui que l’on a appelé le précepteur de l’Europe fut toute sa vie l’ami des grands, mais vécut toujours assez simplement dans un souci d’indépendance, exerça de petits métiers pour survivre mais fut un homme des plus courtisé « les princes se le disputeront, les papes et les réformateurs l’imploreront, les imprimeurs viendront l’assaillir, il fera aux riches l’honneur d’accepter leurs présents. »

     

    Zweig fait un tableau de cette époque où « Un siècle finit, des temps nouveaux commencent : pendant un court instant , l’Europe n’a plus qu’un coeur, un désir, une volonté » Hélas hélas ce temps de l’humanisme sera aussi celui du fanatisme religieux. 

     

    Le Livre :
    Érasme - Stefan Zweig - Editions Grasset