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Penser - Page 17

  • Dictionnaire amoureux de la Rome antique - Xavier Darcos

     La sagesse des anciens ?

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    Une fois n’est pas coutume je vous livre mes impressions alors que je n’ai pas terminé le bouquin, ceci dit c’est un peu normal pour un dictionnaire.

    Ici pas de guide de l’histoire romaine, pas de leçon de littérature, plutôt un ensemble varié et personnel pour « exprimer mon adhésion, mon amour, pour le monde romain, tout en gardant une grande rigueur historique. » dit Xavier Darcos.

    300 entrées possibles vous comprenez que c’est pour moi l’occasion de lire « à sauts et à gambades » Je n’ai pas encore tout exploré mais ce que j’ai lu m’a plu.

     

    La plupart des articles sont courts, ce n’est pas une leçon mais plutôt une invitation à aller ensuite en savoir plus, à fouiller les bibliothèques, à lire des BD, manifestement l’auteur connaît toutes les BD qui ont trait à Rome ! Voir ou revoir les séries télé ou les péplums incontournables.

     

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    La littérature d’abord, je suis allé jeté un oeil sur Virgile, Lucrèce et la nature. Il y a bien sûr du convenu là dedans mais aussi de jolies surprises ainsi un bel article sur les abeilles qui font passer nos ancêtres pour les premiers écolos !! 

    je me suis attardé sur Ovide dont l’auteur est un spécialiste, je suis fan, et là de fil en aiguille j’ai poursuivi ma quête, Virgile m’envoie voir Géorgiques et ainsi de Métamorphose en Enéïde j’ai refait un tour littéraire à Rome à coup de Carpe diem.

     

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    Xavier Darcos invite aussi à lire les historiens, là il faut que je m’y essaie je n’en connais que des extraits. Tite-Live mais surtout Tacite emportent les suffrages de l’auteur. Un article vengeur sur Cicéron que manifestement il n’aime pas et une belle réhabilitation de César en un article très complet et particulièrement intéressant. Mais on croise aussi Agrippine et Néron, Hadrien et son mur, Marc-Aurèle ou Pompée, Cléopâtre et bien sûr Hannibal et ses éléphants. 

     

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                    Rome en série

     

    Dans plusieurs articles  les réflexions prennent un tour plus politique et sont fort intéressantes en particulier sur l’identité du citoyen romain par exemple qui pourrait bien inspirer certains de nos candidats. 

    Il aime aussi tordre le cou à certaines erreurs, je vous recommande l’article sur la décadence et vous serez heureux d’apprendre que les candidats qui ne tenaient pas leurs promesses électorales étaient passibles d’une forte amende ...réjouissant non ?

    Nos sommes devenus très pacifiques si l’on songe que la plupart des empereurs sont morts empoisonnés ou trucidés, attention que cela ne vous donne pas d’idées dangereuses ! 

    Vous avez bien compris que j’ai aimé, j’ai aimé les clins d’oeil qui font mêler hier et aujourd’hui, j’ai aimé l’érudition du spécialiste mis à portée du profane, j’ai aimé la clarté, la concision et cet amour des anciens qui « nous ont donné notre lexique, notre droit, nos rites, nos canons esthétiques, nos figures légendaires. »

     

    Vous avez peut être déjà des dictionnaires amoureux sur vos étagère, n’hésitez pas à ajouter celui-là

     

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    Le livre : Dictionnaire amoureux de la Rome antique - Xavier Darcos - Editions Plon 2011

  • Transsibérien - Dominique Fernandez

    A travers la steppe 

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    « L’expérience du Transsibérien abolit toute distinction entre soi et le monde, par une dilatation de l’individu à l’infini » 
     

    J’avoue, j’ai un faible pour Dominique Fernandez, son Tolstoï m’a beaucoup plu et j’ai craqué pour son dernier livre : Transsibérien.

    Il faut dire qu’en le feuilletant en librairie que suis tombée sur cette phrase « Ce récit, je m’en excuse, sera farci de lectures et relectures » ce qui fut une incitation très forte.

    En 2010 Dominique Fernandez a participé à un voyage dans le cadre de l’Année Franco-Russe, un voyage mythique en Transsibérien.
    Avec une pléiade d’autres auteurs et journalistes, à bord de wagons aux couleurs des deux pays.

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    « Le Transsibérien quitte chaque jour Moscou, gare de Iaroslavl, à 16H50 »  le bout du voyage est sur la quai de Vladivostok quelques 9000 km plus tard. 

    L’auteur se fixe quelques règles pour ce journal de voyage : pas question d’être « aveugle et bêtement enthousiaste » mais rester vigilant, observer, s’interroger, critiquer si nécessaire mais à la manière d’un amoureux de la Russie. 

    L’auteur a prévenu, les références littéraires seront nombreuses, l’occasion pour le lecteur de se plonger dans un bain de littérature russe de Tchekhov en route pour Sakhaline, Dostoïevski en route pour la Maison des morts, en passant par Tolstoï et ses récits du Caucase ou Gorki, celui des récits d’enfance, avant qu’il encense la construction du Belomorkanal

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    C’est aussi le voyage vers le Goulag de Chalamov ou Soljenitsyne car « Très rare sont les ouvrages qui parlent d’une autre Sibérie que celle des prisons, des camp, des travaux forcés ».

    Mais la Sibérie c’est aussi l’aventure, la toundra glacée, l’impétuosité de l’Ienisseï, le « silence du Baïkal » ou le fleuve Amour.

    Les étapes du voyage sont une litanie de noms qui font rêver : Nijni-­Novgorod, Ekaterinbourg, Omsk, Novossibirsk, Irkoustk, Krasnoïarsk.........

     

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            Irkoutsk et ses maisons de bois

     

    « Des rivières, des tourbières, des étangs coupent l’immense forêt. Pas une maison, pas un homme, pas une automobile, pas un animal. Un monde s’étend devant nous, aussi neuf qu’à son origine La plaine, les arbres, le ciel, toujours la plaine, toujours les arbres, toujours le ciel, dans une suspension du temps qui ouvre la porte sur l’éternité ».

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    La Bouriatie

    A chaque étape, voyage officiel oblige, c’est une succession de réceptions en fanfare, de dîners, de rencontres plus ou moins contraintes avec des russes, de spectacles, de visites, de conférences.

    Les conditions matérielles sont très bonnes comparativement au voyageur lambda, une provodnitsa à leur service exclusif pour assurer la vie à bord, cette employée est chef du samovar qui trône en tête de wagon toujours prête à délivrer les verres, le thé, le sucre et faire abaisser les marches du wagon à chaque arrêt.

     

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    une provodnitsa

     

    La traversée occasionnelle du wagon de troisième classe remet les pendules à l’heure russe, l’inconfort réservé au « prolétariat d’esclaves » soulève l’indignation de Dominique Fernandez.

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    une page de pub 

    Au gré des étapes et visites organisées on passe d’un conservatoire de musique à une représentation du Barbier de Séville à l’Opéra dEkaterinbourg, on apprend que Rudolf Noureev est né dans un wagon du Transsibérien. Parfois les visites sont décevantes et les rencontres ou les échanges avortés. Mais il y a aussi des moments de grâce comme cette rencontre avec des lycéens qui se livrent à un jeu littéraire franco-russe à faire pâlir d’envie n’importe quel enseignant. 

    Moment d’émotion que celui où Irina une des accompagnatrices russes lui propose « d’aller déposer des fleurs au pied du monument élevé à la mémoire du poète Ossip Mandelstam » c’est la dernière image qu’emporte Dominique Fernandez, la statue de celui qui écrivait

    « Fourre-moi plutôt,  comme un bonnet, dans la manche de la chaude pelisse des steppes sibériennes ».

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    j’ai aimé ce voyage mais je n’ai pas tout à fait tout dit. Si la littérature russe est largement présente la française ne l’est pas moins et de Théophile Gautier à Balzac , d’Alstophe de Custine à Alexandre Dumas, nombreux sont les français qui ont écrit sur cette Sibérie. Il invite aussi à la lecture d’Andréï Makine le sibérien le plus français qui soit. 

    En vrai amoureux de la Russie l’auteur rend le voyage passionnant, deux carnets de photos accompagnent parfaitement le texte. 

     

    Vous vous dites peut-être qu’il y a un grand absent dans toutes ces évocations, LE héros de la Sibérie, le courageux, le téméraire Michel Strogoff ...ce n’est pas un oubli, ce sera pour la prochaine étape.

     

    Le Livre : Transsibérien - Dominique Fernandez - Photographies de Ferrante Ferranti - Editions Grasset 2012

     
  • Vies de Job - Pierre Assouline

     Parcours dans le monde de la Bible deuxième étape 

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    Job et sa femme- Georges de La Tour

     Tout le monde connait Pierre Assouline, son blog, ses critiques, ses livres. Je ne suis pas une inconditionnelle, si j’aime ses biographies je n’apprécie pas vraiment ses romans, venant de terminer le livre de Meir Shalev j’ai enchainé avec  Vies de Job  c’est tout le plaisir des ricochets dans les lectures.

     

    En choisissant la forme du roman Pierre Assouline s’offre la liberté totale, il ne fait ici ni oeuvre d’historien, ni de philosophe, mais oeuvre d’homme pour qui Job aujourd’hui est une figure obsédante et universelle. Partons sur les traces de Job, un peu partout dans le monde, dans la littérature, la peinture ou le théâtre. 

     

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     Job par Gerard Seghers

     

    " Ce livre que l'on garde autant qu'il nous garde, les juifs l'ont judaïsé, les chrétiens l'ont christianisé, les musulmans l'ont islamisé, les poètes l'ont poétisé."

     

    Parlons d’abord du livre de Job lui-même, vous le trouverez dans toutes les bonnes Bibles, un livre assez court et qui hante énormément de lecteurs, croyants ou non :  Julien Green le portait en permanence sur lui dans un petit exemplaire relié nous dit Pierre Assouline. 

    Job c’est l’homme dépossédé de tout : ses enfants, son troupeau et tous ses biens. Il est atteint dans sa chair même et se retrouve seul sur un tas de cendres. Il survit, il résiste et cherche à comprendre.

    C’est un juste souffrant, "il est droit de coeur, intègre craignant-Dieu " et pourtant il se débat dans la nuit et la solitude,  il ne comprend pas où est sa faute, il exige des explications ! 

    Cette histoire, cette parabole qui hante l’auteur va entraîner celui-ci à la recherche de Job, pour s’en approcher au plus près car Pierre Assouline a la conviction que cet homme qui n’a jamais existé, cet homme est toujours vivant parce que son influence est toujours présente et qu’aujourd’hui encore il aide les gens à survivre.

     

     

    Une version fleurant bon le Québec

     

    La recherche est celle d’un journaliste, une véritable enquête qui le conduit auprès des exégètes, des chercheurs, des théologiens, chrétiens ou juifs. Il va comparer des textes, comparer les traductions et tirer patiemment le fil de ce livre qui est sans doute antérieur à la Bible car on en trouve trace dans des textes mésopotamiens et même indiens.

    Il va faire un séjour dans un monastère, fouiller la bibliothèque de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem et interroger les érudits qui « lisent la Torah mieux que bien des juifs »

    Son enquête autour de ce « un craignant-Dieu » le porte vers la philosophie et par exemple le thème de la souffrance développé par Marcel Conche dans Orientation philosophique. Mais il va aussi inviter à une promenade littéraire parmi ceux que le livre de Job a inspiré ou questionné : Kafka, Camus, Unamuno...

     

    Roman ou bien sûr car Assouline s’accorde une grande liberté de cheminement qui laisse parfois la place à un livre très personnel qui le dévoile avec pudeur et émotion

    « La mort de mon frère m’a éloigné de Dieu, celle de mon père m’en a rapproché »

    Le témoignage de sa présence auprès de François Nourissier dans les dernières semaines de sa vie ou de ses échanges avec Carlos Fuentes qui a vu mourir ses deux enfants ou cette cette confidence qu'il livre : pendant un an et trois fois par jour Pierre Assouline a récité le kadish pour son père disparu.

     

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    Job sur le fumier - Jean Fouquet

    " On y trouve toutes les qualités du style ancien, la concision, la tendance à l'énigme, un tour énergique et comme frappé au marteau" Ernest Renan cité par Pierre Assouline 

    C’est ce mélange qui m’a rendu ce livre très proche, je l’ai trouvé grave et intense, les digressions aidant à ne pas s’appesantir. Job fait déormais partie de la " famille de papier " de l'auteur et de la mienne.

    C’est un livre auquel je reviendrai moi l’incroyante absolue, parce que c’est un livre qui touche tous les hommes bien au-delà de leurs croyances ou de leur appartenance à une religion. 

     

    Le livre : Vies de Job - Pierre Assouline - Editions Gallimard

     

  • Ma Bible est une autre Bible - Meir Shalev

    Noël se confond aujourd'hui avec un commerce de la fête aussi pour changer un peu je vous invite à un petit parcours dans le monde de la Bible en 2 étapes   voilà la première

     

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    Je vous propose de faire un détour du côté de la Bible, il est logique que ce soit un juif qui s’y colle, mais un juif agnostique ce qui promet irrévérence et humour. 

    Meir Shalev est allé puisé dans les livres des Rois, la Genèse ou les Psaumes pour nous livrer ses commentaires à partir d’une quinzaine de récits bibliques, certains très connus d’autres pour lesquels vous êtes obligés d’aller tourner les pages d’une Bible pour lire l’épisode en son entier parce que votre mémoire vous joue des détours ou que vous ne l’avez jamais lu.

     

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    Meir Shalev ne prétend pas avoir la bonne explication, pas de bonne parole pour lui, simplement il s’interroge sur le mélange de politique et de croyance dans les temps bibliques. Chaque personnage de la Bible est passé dans sa moulinette et il en ressort que l’homme au fil des siècles n’a qu’assez peu varié, certes les modes de vie ne sont plus les mêmes mais les moteurs sont inchangés : envie, jalousie, violence, goût du pouvoir, mensonges ....On ne se sent pas en pays étranger.

     

    Je vous livre deux ou trois exemples pour vous appâter un peu plus : 

    David, oui celui de Goliath, Shalev le présente ainsi « un chef de bande charismatique » contraint d’agir pour nourrir ses hommes « David découvrit les avantages du racket ». Voilà le ton est donné.
     

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    Le roi David par Le Guerchin

     

    Malicieusement il présente les affres qui ont du être celles de Jacob qui dit-il le rendent jaloux « Non pas pour les nombreux moutons qu’il possédait ni pour avoir été le père des douze tribus, mais à cause de son premier rendez-vous avec Rachel, sa bien-aimée, devant le puits, dans le pays d’orient » 

     

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    La rencontre de Jacob et Rachel  Giordano Luca 1634 -1705

    Sur un sujet plus épineux, Meir Shalev présente l’achat de la terre d’Israël par Abraham, un lopin de rien du tout qui devient la Grotte des Patriaches haut lieu biblique,  cet achat est-il un investissement rentable ou un permis de confiscation ? Une évaluation aujourd’hui de cette grotte « en tant que bien occupé, une simple cave avec des locataires protégés, sans ascenseur et inconstructible, entourée de voisins arabes et de religieux, la grotte ne vaudrait guère plus de cent mille dollars » ce qui représente malgré tout par rapport à son prix d’achat une inflation d’un % et demi par an ! 

    Bien d’autres héros sont présents : La reine de Saba, Samuel en campagne électorale, Hanna la femme stérile qui enfanta 7 fois....

    C’est gentiment moqueur, parfois décapant, mais jamais irrespectueux. Les réflexions engendrées sont très contemporaines et nous interrogent aujourd’hui par delà les siècles.

    Si comme moi vous n’êtes pas un lecteur assidu de la Bible vous allez vous y plonger avec délices et si vous êtes déjà un lecteur attentif des textes sacrés je gage que vous découvrirez des côtés surprenants. Un de mes récits préférés c’est celui de Job mais ça ce sera pour mon prochain billet.

    Le Livre : Ma Bible est une autre Bible - Meir Shalev - Traduit de l’hébreu par Katherine Werchowski - Editions des 2 Terres ou Folio 

    La Bible utilisée : Edition Librairie Colbo 

     

    L’auteur 
    est un journaliste et écrivain israélien, né en 1948 dans le village de Nahalal en Galilée . Il a publié des romans, des essais et des livres pour enfants, dont certains sont traduits en français. Il contribue régulièrement aux journaux de son pays . Il habite Jérusalem. (Wikipédia)

     

  • La libellule et le philosophe - Alain Cugno

    La vie secrète des libellules ou le philosophe entomologiste

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    « Etre naturaliste , c’est d’abord cela : éprouver une émotion indicible , simplement pour avoir reconnu sont animal préféré »

    Voilà vous êtes entrés au royaume d’Alain Cugno, un pays de passion, de beauté, d’interrogation.
    Longtemps ornithologue, l’auteur aujourd’hui arpente inlassablement les lacs de Charente pour guetter, photographier, observer des libellules. Monsieur Cugno est amateur d’odonates (ça c’est pour vous montrez ma culture entomologique, c’est le nom correct de la libellule)

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    Libellula quadrimaculata

    Mais Alain Cugno n’est pas seulement un amateur éclairé de libellules, il est aussi tombé dans la marmite de la philosophie, et ses compagnes de chasses photographiques sont pour lui un sujet perpétuel de réflexion, de questionnement, et après tout la philo est-elle autre chose qu’un questionnement perpétuel ?
    Il dit dans une interview qu’il y a « une profonde parenté » entre ses deux activités

    « On part le coeur battant attendre que ce qu’on aime s’offre : les insectes, les mots. Passion amoureuse, en somme. »

    L’amateur d’odonates connaît  les joies de la classification,  les affres de l’attente car « il se trouve privé de ses animaux préférés pendant la moitié de l’année. ». Il est pris de vertige devant « leur rapidité, leur capacité à changer de direction avec une brusquerie qui laisse pantois »
    Les libellules sont la représentation du réel, ici et maintenant

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    Accouplement de libellules Caloptéryx splendens ©Gérard Thérin

    « les animaux sont des êtres énigmatiques parce qu’ils sont entièrement présents, là où ils sont. »

    La naissance des demoiselles est une histoire d’effort désespéré pour devenir imago « lorsqu’il (l’insecte) a parcouru toutes les étapes de l’oeuf à sa forme définitive » c’est un instant extraordinaire que cette « émergence » véritable « Jardin des délices »
    Les libellules  sont la liberté même, attachées à rien, fragiles et pourtant la communauté odonates n’est pas de tout repos. La libellule en effet est vorace, chasseresse, impitoyable avec ses proies. Ce magnifique trait de lumière dans la chaleur de l’été est une prédatrice redoutable, elles sont puissance et légèreté, proches et inacessibles, capables de «poursuites vertigineuses ».
    Cette opposition et cette simultanéité enchantent Alain Cugno et le fascinent. Il prend à témoin Saint Augustin et Proust pour nous faire entrer dans ce monde étrange celui de ces demoiselles qui

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    Libellules de Méditerranée

    « de même que la pensée ne peut pas s’arrêter de penser (...) de même les libellules volent encore quand elles ne le peuvent plus ».

    Puisqu’on est en compagnie d’un philosophe on saute allègrement de la durée de vie de l’insecte à la brièveté de la vie de ...Sénèque, de la singularité des insectes à Aristote et à cette « nature qui ne fait rien en vain ».

    Pour Alain Cugno « la philosophie n’est vivante qu’au moment où elle vous permet de voir le monde comme vous ne l’aviez jamais vu, plus réel, plus existant, plus exaltant aussi. »

    Ne laissez pas passer cette invitation à philosopher sous le soleil, à songer au divin, à entrer dans un monde insolite et coloré par la grâce des photographies qui converties en dessins apportent une touche presque tactile au livre.

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

  • Le Crépuscule d'une idole - Michel Onfray

    crépuscule.gifLe crépuscule d’une idole - Michel Onfray - Fayard
    Je fais partie des gens que le freudisme agace, cela depuis de lointaines études et l’interdiction qu’il y avait alors à mettre en doute les affirmations de l’enseignant. Elles devaient être admises sans discussions possibles. J’ai toujours considéré la psychanalyse comme une thérapie peu fiable aux résultats très incertains et d’une durée risible. Ceci posé je n’ai jamais, au grand jamais mis totalement en doute les thèses de Sigmund Freud ou comme les appelle Michel Onfray ses " cartes postales"

    «Freud a découvert l’inconscient tout seul à l’aide d’une auto-analyse extrêmement audacieuse et courageuse»
    «Freud a découvert une technique qui, via la cure et le divan, permet de soigner et de guérir les psychopathologies»
    «la psychanalyse procède d’observations cliniques, elle relève de la science»
    «le complexe d’Œdipe est universel»,
    «la conscientisation d’un refoulement obtenue lors de l’analyse entraîne la disparition du symptôme»


    et bien sûr :  l’interprétation des rêves, les actes manqués, le déni, toutes ces notions développées dans une oeuvre qui occupe plusieurs rayons de bibliothèque, oeuvre qui semblait intouchable.
    C’était sans compter sur Michel Onfray, éternel empêcheur de penser en rond qui s’attaque à la statue du commandeur.
    C’est toute l’oeuvre de Freud qu’Onfray a lu pour écrire son livre, mais aussi sa correspondance, même si une partie de celle-ci est encore interdite d'accès.
    Que nous dit Michel Onfray en multipliant les citations de Freud lui-même ?

    Que les thèses développées par l’inventeur de la psychanalyse répondaient surtout aux obsessions de leur inventeur
    Que Freud était fasciné par des techniques qui frôlaient le charlatanisme
    Que lors des entretiens thérapeutiques avec ses patients il lui arrivait de s’endormir sans gêne aucune
    Qu’il a inventé des patients et masqué ses échecs thérapeutiques en falsifiant les rapports de ses expériences
    Qu’assoiffé de gloire et de richesse il n’hésitait pas à dénigrer, calomnier ses amis si cela pouvait servir ses intérêts
    Que son épouse, sa fille, sa belle-soeur ont toutes fait les frais de ses tourments personnels sans compter plusieurs patients qui ne se sont jamais remis des traitements infligés.

     

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    Le divan du psychanalyste à Vienne

    Mais Onfray ne s’arrête pas là, après avoir affirmé que Freud n’a jamais guéri personne, il insiste aussi sur les positions très conservatrices de Freud et lui reproche son silence sur la montée du Nazisme, car Freud n’a jamais écrit  " contre Hitler, contre le national- socialisme, contre la barbarie antisémite, alors qu'il n'hésite pas, régulièrement, à publier de longues analyses contre le communisme, le marxisme, le bolchevisme"
    La charge est violente et le réquisitoire très sévère, on sort de cette lecture un peu ahuri, se demandant pourquoi ces faits n’ont jamais été étudiés, comparés, pourquoi alors que la science réclame en permanence des preuves, on a accepté comme vérité la parole seule de Freud sans aucune preuve à l’appui. " Freud ne s'est pas contenté de créer un monde magique, il y a conduit nombre de personnes et a souhaité y faire entrer l'humanité tout entière"

     

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    Sigmund et Anna Freud on holiday, Italy, 1913.
     

    En voilà assez pour abattre n’importe quel statue, et l’homme Freud apparaît bien petit, on comprend mieux désormais sa haine des biographes et la destruction par lui ou ses proches d’une partie de sa correspondance.
    Alors tout est à jeter ? Non, même si le bilan est assez terrible, Michel Onfray reconnaît Freud comme philosophie et reconnaît l’apport important qui a " fait entrer le sexe dans la pensée occidentale "
    Il ne dénigre pas la psychanalyse mais refuse de la considérer comme une science comme Wittgenstein, Popper ou Deleuze avant lui.

    Onfray aime la polémique et ses passages sur les plateaux télé sont devenus  trop fréquents, son livre d’une écriture directe et simple est plein d'approximations disent ses détracteurs, mais beaucoup d'arguments avancés reposent sur les écrits de Freud lui-même ce qui affaiblit considérablement la critique. A cette lecture on s’offusque, on rit, on s’étonne, on est d’accord ou non, mais on ne s’ennuie pas un seul instant. Lisez ce livre dérangeant et tonique.

    Une interview de Michel Onfray