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Penser - Page 13

  • Assise une rencontre inattendue - François Cheng

    Restons dans les livres de petit format et en compagnie d'un Saint

     

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    J’aime beaucoup François Cheng le poète, j’ai plusieurs volumes de ses poésies et ses essais sur la peinture chinoise sont d’une intelligence et d’une poésie folles.

    Quand j’ai aperçu ce petit livre j’ai automatiquement tendu la main.

    En 1971 il se choisit un prénom au moment de sa naturalisation : François.

    Son choix le fait remonter dans le temps aux années de galère, de doute, de pauvreté et d’isolement total.

    En 1961 il vit en France depuis 10 ans, il lui a fallu apprendre la langue, s’intégrer à une culture bien différente de la sienne, il est en plein doute.

    Il a l’occasion de faire un voyage en Italie « heureux de m’arracher à la grisaille parisienne ». 

    L’arrivée à Assise est un choc « Je fus saisi, en sortant de la gare, par son apparition dans la clarté d’été. »

     

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    Le lieu réveille en lui la tradition du feng chui « un site exceptionnel est censé avoir le pouvoir de propulser l’homme vers le règne supérieur de l’esprit. »

    Tout va l’enchanter, les paysages d’Ombrie, la vie même de Saint François et le Cantique des créatures.

    Il reviendra et étudiera la vie du Saint, gravira la colline d’Assise comme dit-il les taoïstes gravissaient les montagnes chinoises perdues dans les brumes. 

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    C’était la fin de son exil intérieur.

     

    J’ai aimé ce petit livre où se rencontrent deux cultures mais une seule sensibilité. Un petit livre à offrir et pas seulement à un croyant.

     

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    Le livre : Assise une rencontre inattendue - François Cheng - Editions Albin Michel

  • Erasme pour collégien mais sans limite d'âge

     

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    J'ai dans ma bibliothèque les magnifiques volumes des Adages d'Erasme et j'ai reçu hier un mail de l'éditeur m'informant qu'une application gratuite était disponible sur l'app store 

    Ni une ni deux je l'ai téléchargée et c'est un vrai plaisir. 

    25 adages inter actifs avec traduction du latin au français mais aussi prononciation latine et explications très pédagogique du sens de l'adage.

    c'est sympa comme tout ET gratuit 

    Amusez vous avec Erasme et bravo Les Belles Lettres

     

  • Trilogie à partir de Corpus Christi - Gérard Mordillat et Jérôme Prieur

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    Après la lecture du Royaume d’E Carrère j’ai visionné la série Corpus Christi, passionnante même si l’ensemble est un peu long et austère.

    Mais j’ai du mal à mémoriser un documentaire j’ai besoin d’un support écrit pour bien comprendre aussi je me suis lancée dans la lecture de la série papier des auteurs Jérôme Prieur et Gérard Mordillat.

     

    Les trois livres recoupent la série TV et balayent les premiers temps  du Christianisme, le moment où il se détache du Judaïsme puis le temps de sa propagation. Il décrit les principaux personnages de Jésus à Paul, les différentes recensions de la cruxifiction ou de la résurrection. Puis la christianisation de l’Empire Romain.

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    Empire romain au Ier siècle

     

    Leurs écrits sont fondés sur les interviews qu’ils ont fait pour la série télé, la riche bibliographie de leurs interlocuteurs,  les recoupements, les analyses, les comparaisons entre les différents point de vue des ces érudits et aboutissent à ces trois livres.

    On n’entend pas la voix des historiens ou théologues dans les livres, les deux journaliste ont fait une compilation adroite, les nuances sont certainement moins bien rendues que dans les films mais la trame est beaucoup plus facile à suivre (du moins à mon goût), on finit ainsi par entrevoir un brin de vérité possible. Miette après miette le portrait des protagonistes se dessine, le tableau de la société du moment se fait jour. 

     

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    Georges de la Tour Saint Jérôme lisant

    Les livres ont un défaut c’est que l’on n’y sent moins voire pas du tout par moment les différentes opinions, les tâtonnements qui conduisent à tel ou tel point de vue et il semble (je n’ai pas encore lu le dernier volume ) qu’ils transforment un peu la fin en un pamphlet, irrités qu’ils ont été par le décalage entre le message et la réalité de l’Eglise. 

    Les deux premiers volumes permettent déjà de dire que le travail est tout à fait intéressant et vient largement enrichir la lecture d’E Carrère qui manifestement s'en ait largement inspiré,  c’est ce que j’en attendais.

    Le reproche fait ici ou là sur le fait qu’ils ne sont pas spécialistes ne m’a pas paru pertinent car ils ne se drapent jamais dans la toge protectrice de l’érudit mais plutôt dans celle plus simple de l’honnête homme 

    Les deux journalistes sont semble t-il des incroyants et leur entreprise qu’elle soit littéraire ou documentaire fut assez audacieuse.

    J’ai lu sur internet des commentaires proches de l’insulte comme d’habitude dès que l’on parle de religion.

     

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    Quo Vadis de Mervyn Leroy

     

     

    Je suis tout à fait heureuse d’avoir trouver ces trois livres d’occasion, ils vont aller rejoindre mon rayon biblique. 

     

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    Les livres :  Jésus sans Jésus - Jésus après Jésus - Jésus contre Jésus - Jérôme Prieur et Gérard Mordillat - Editions Points Seuil

  • Le Royaume - Emmanuel Carrère

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    Bien sûr Bernard Pivot et Pierre Assouline n’ont pas aimé, bien sûr je n’aime pas du tout l’auteur, bien sûr l’homme m’agace avec son ego surdimensionné, qu’est-ce que ce serait s’il ne penchait pas un peu du côté du bouddhisme !  Il abuse de la métaphore et de l’analogie avec parfois le plus parfait mauvais goût, il aime choquer, agacer, il est drôle et trivial à la fois, oui MAIS....

     

    J’ai lu d’une traite et avec grand intérêt le livre d’Emmanuel Carrère. Dans un genre totalement différent il s’apparente au livre Vies de Job (pardon Monsieur Assouline je sais que vous, vous ne l’aimez pas du tout) pour donner envie au lecteur de s’interroger sur une religion en régression en Europe mais se portant bien sur d’autres continents. Il démarre fort d’emblée quand il nous dit que c’est assez étonnant que

    « des gens normaux, intelligents, puissent croire à un truc aussi insensé que la religion chrétienne, un truc exactement du même genre que la mythologie grecque ou les contes de fées ».

     

     

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    Jésus est assimilé à un révolutionnaire venant ficher le bazar ce que les juifs et les romains tolèrent très mal.

    J’ai souri au portrait bien peu flatteur de Paul une sorte de fou furieux qui

    « avait une sale gueule, un corps robuste et disgracieux, qui était bâti à chaux et à sable mais qui était en même temps tourmenté par la maladie »

     il était fanatique et intransigeant, Luc à côté c’est la crème des hommes, un peu faible, « un amateur d’anecdotes »

     

    Paul malgré tout à réussi un tour de force, il

    « a fait triompher sa cause d’une manière spectaculaire. Deux mille ans plus tard, on en est encore là. C’est en soi stupéfiant. Cette stupeur est un des motifs sur lequel s’est construit mon livre »

     

    J’ai ri à bien des comparaisons : Néron et Poutine, la Troïka des apôtres Jacques Pierre et Jean, ou la comparaison entre les dissensions de l’Eglise naissante et celles des membres du politburo ! D’autres sont outrées mais que voulez-vous c’est Carrère.

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    Ce livre est un bon guide pour faire retour vers les premiers temps du christianisme, E Carrère est un bon vulgarisateur, il sait être clair, bienveillant envers les croyants, normal me direz-vous pour quelqu’un qui fut un fervent catho pendant quelques années. Il le fait en écrivain car

    « Je ne suis ni un exégète ni un bibliste ni un helléniste, mais j’ai fait en sorte que le lecteur dispose d’une information historique fiable et synthétique » nous dit-il.

     

    Manifestement il a beaucoup lu, beaucoup travaillé pour ce livre, Ernest Renan l’auteur de la très controversée (à l’époque) Vie de Jésus, a été une des ses principales sources en lui rappelant que l’écrivain se doit de présenter

    « comme certain ce qui est certain, comme probable ce qui est probable, comme possible ce qui est possible »

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     Rogier van der Weyden

    Saint-Luc peignant le portrait de la Vierge 

     

    J’ai fait avec intérêt ce voyage sur les traces de Paul et de Luc dans le Moyen-Orient romain au temps de Tibère, de l’incendie de Rome, voyage qui donne envie d’aller lire ailleurs.

    Livre singulier qui m’a, malgré ses excès, captivée et passionnée et surtout m’a guidé de ricochet en ricochet vers le passionnant Corpus Christi de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, vers l’histoire du Christianisme de Renan.

    Il est possible que les ayant lu je trouve Carrère moins bon...on verra

     

    Je vais lui faire une place dans ma bibliothèque à côté de Renan et Pierre Assouline on verra si la cohabitation se passe bien.

     

    L'avis de Cathe 

      

    Le Livre : Le Royaume - Emmanuel Carrère - Editions P.O.L 2014

  • L'âne et l'abeille - Gilles Lapouge

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    « Jésus décida de récompenser l'âne de Bethléem. il donna à tous les descendants de cet âne le pouvoir de rire.»

     

    Voilà un homme qui aime les chauve-souris et les colibris mais qui fait carrément une fixation sur les ânes et les abeilles. 

    Son choix est poétique, c’est la faute non pas à Voltaire mais à Francis Jammes et au divin Platon.

    Tombé dans le poème de Francis Jammes quand il était jeune, mais si vous savez...

     

    J’aime l’âne si doux
    marchant le long des houx.
     
    Il prend garde aux abeilles
    et bouge ses oreilles 

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    Celui là se nomme Séraphin

    Voilà notre homme qui s’embarque dans un livre où il est question du mariage improbable de ces deux animaux.Gilles Lapouge est amoureux à la fois de l’âne « qui bouge ses oreilles » et de l’abeille industrieuse.

    L’âne têtu (et ce n’est pas un mythe) et humble comme celui de la crèche à qui il manque une vertèbre ce qui le rend corvéable à merci, ne dit-on pas âne bâté ?

    L’âne marche, musarde, flâne, « L’âne est tenté par l'anarchie. » alors que l’abeille chacun sait qu’elle est une travailleuse hors pair, acceptant de se dévouer corps et âme pour sa reine et qui nous donne son miel. Gilles Lapouge nous dit

    « Ses colonies et ses ruches préfigurent les sociétés glaciales, techniciennes, sans ferveur ni déchirements, barbares en somme, modernes en somme »

    L’abeille elle philosophiquement n’est pas pour l’anarchie  « L’abeille est utopiste, à la manière de Platon et de Thomas Moore. » et elles sont résolument pour une société loin de tout individualisme.

     

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    « Les abeilles, en s'associant les unes avec les autres, sacrifient leur indépendance, leur insouciance, leur goût du plaisir et leur passion de l'inutile. »

     

    Ânes et abeilles, ils les passe tous en revue, de Modestine accompagnant Stevenson, aux pauvres ânes des tranchées de Verdun (ils y étaient !) en passant bien évidemment par La Fontaine incontournable quand il s’agit d’animaux. Mais il y a aussi : la Bible, la mythologie, Homère, Aristote ou l’inévitable Marcel P.

    Pour les abeilles c’est itou, des blasons à l’étude des ruches, aux savants qui se sont interroger sur la fabrication du miel et sur le sexe non pas des anges mais des bourdons, là Lapouge est ferme : l’abeille n’a pas de vie sexuelle qu’on se le dise ! si ce n’est avec des fleurs....alors que l’âne lui est un des seuls animaux à s’accoupler hors de son espèces ! oh voilà bien un « exhibitionniste » osé ! 

     

    C’est une lecture délicieuse, douce comme le miel mais qui requière la ténacité de l’âne car Gilles Lapouge n’est pas en reste d’érudition et remonte allègrement les siècles pour nous enchanter. Je vous avertis que quand Lapouge vous tient il ne vous lâche plus et que l’on file doux 

    Un livre qui en en même temps fable philosophique, essai scientifique mais surtout une fantasia poétique et amoureuse.

     

    Le livre : l’âne et l’abeille - Gilles Lapouge - Editions Albin Michel 

     

  • Ma vie dans les Appalaches - Thomas Rain Crowe

    Pour amateurs de nature writing

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                                      ©Chatree Maknual

     

    Si vous avez lu et aimé Walden, si vous avez lu et aimé Solitudes australes, si vous êtes fan du journal de Rick Bass alors le livre de Thomas Rain Crowe est fait pour vous.

     

    1980 Thomas Rain Crowe prend la décision de vivre loin des villes, au coeur des Appalaches de son enfance en Caroline du Nord

     

    Seconde décision : vivre en autarcie, être capable de cultiver, pêcher, chasser ce dont il a besoin pour vivre.

    Première étape : construire une cabane rudimentaire « en bordure du champ de Zoro » son ami,  pas d’eau courante, pas d’électricité mais un pays où « le cerf et la colombe vivent leur vie au même rythme »

    Sa décision le classe immédiatement dans la case « émule de Thoreau » , il apprend à couper et à stocker son bois, planter ses légumes, faire son pain, élever des abeilles et aussi, car il faut bien vivre joyeusement, fabriquer sa bière. 

     

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                     Les appalaches en Caroline du nord

     

    Les objets quotidiens prennent une énorme place, la faux, la scie deviennent des compagnes dont il faut prendre soin, créer et soigner un « potager de montagne » est un art difficile qui demande réflexion, la pêche vous incite à « penser comme le poisson que l’on pêche » bref on est pas loin du paradis.

    Echapper à la société de consommation oui mais sans couper les ponts avec la civilisation et les amis. Lorsque la solitude se fait pesante 

     

     

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    Ce retour aux sources se lit avec bonheur, les mots coulent, la poésie est présente mais aussi le réalisme lié à une vie parfois dure. 

    Dans un chapitre qui m’a beaucoup intéressé il parle des « nouveaux naturalistes » des écrivains, des scientifiques qui ont oeuvré pour la protection environnementale. L’un deux a attiré mon attention et je vous en parlerai prochainement. 

    Mes deux chapitres préférés Sous la neige et Une marche en forêt.

    Pour vous convaincre :

    « Presque trente centimètres de neige sont tombés pendant la nuit. Une fois que le feu a repris et réchauffé la maison, j’entrouvre les fenêtres et je peux ainsi entendre, en stéréo, les bruits des oiseaux en train de manger dans la neige - un choeur animé de pépiements, de trilles et de cris perçants. Une symphonie, en fait, au vu de leur état d’anxiété, plus proche d’un combat que d’un cocktail mondain. Quand les montagnes sont couvertes de neige et de glace, les oiseaux doivent toujours manger, par jour, l’équivalent de leur poids en nourriture, mais comme leurs aliments habituels ont disparu, se nourrir prend un tour bien plus sérieux. »

     

     

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    Chaque chapitre nous fournit une citation de ses auteurs préférés : Snyder, Emerson, Thoreau bien sûr et Whitman et chaque chapitre se termine par un poème, certains m’ont infiniment plu.

     

    En un temps secret une fleur

    de velours lisse peut devenir côtelée

    Pleurer ou s’accrocher

    à la lumière pour s’assécher

    Etre du nectar brillant sur la peau

    Un ciel où pêcher le miel

    Dans un breuvage d’étoiles

     

    L’auteur est un ami d’Allen Ginsberg et de Gary Snyder et des poètes de la Beat Génération. Publié aux Etats-Unis en 2005 c’est une excellent idée des éditions Phébus de nous offrir cette traduction.

    Aujourd’hui Thomas Rain Crowe a quitté sa cabane des Appalaches, il continue à travailler pour des revues écologiques, le poète c’est fait traducteur.

     

    L'avis de Pierre Assouline

     

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    Le livre :  Ma vie dans les Appalaches - Thomas Rain Crowe - Traduit par Mathias de Breyne - Editions Phébus