Si vous avez un penchant pour la poésie japonaise, pour la vie d’ermite et pour la peinture alors ce livre est fait pour vous.
Partons retrouver : Bashô, Patinir et Thoreau.
Christian Doumet nous propose trois lieux et trois huttes où se retirer, où méditer, il nous présente trois « constructeurs de solitude », pour se faire il utilise même un verbe que je n’avais jamais rencontré : le verbe hutter.
Hutter c’est habiter un lieu « à distance des choses afin de mieux en éprouver le goût. » c’est « éprouver la vie, le silence relatif, la solitude »
Pour Thoreau je pense que vous n’êtes pas surpris de le trouver là, c’est vraiment le symbole du retirement du monde, car nous dit Christian Doumet, Walden « peut être lu comme le plus vaste des poèmes en prose ». Sa lecture procure un plaisir singulier même à ceux qui sont généralement hostiles à la nature.
Thoreau nous dit-il fait partie de « la grande famille des solitudes de la littérature », la hutte est son laboratoire mais elle n’est pas « la demeure d’un oisif ».
En une soixantaine de page Christian Doumet nous aide à penser Walden avec Thoreau.
La hutte de Thoreau
« l’isolement, le retranchement du monde qui dotaient l’endroit d’une étrangeté surnaturelle »
Patinir cela était nettement moins évident pour moi, je connaissais ses tableaux car je suis amateur de peinture flamande mais je ne les avais pas en tête, vive le web qui m’a permis de lire un oeil sur le livre et l’autre sur la reproduction du tableau Saint Jérôme dans le désert.
Clic pour avoir le tableau en grand
Je dois dire que j’ai été bluffé par la richesse du propos sur cette oeuvre.
On dit que Patinir inventa l’art du paysage mais il fait entrer aussi la philosophie dans le tableau car il manifeste une intelligence du monde dont le spectateur se sent inondé.
Pour Christian Doumet, Patinir peint des huttes qui nous offrent « l’idée d’un parfait ermitage », il enrichit encore le propos en nous invitant à voir mieux des tableaux de Dürer, de Metsys. Il nous contraint, mais la contrainte est douce, à comparer deux cabanes, à les chercher car se sont dit Doumet des « huttes passagères » et le but du peintre est peut être de « montrer ceci : la ferveur d’une contemplation ? ».
Saint Jérôme est pour le peintre à la fois un modèle et une leçon. Et nous, nous jouons les voyeurs car c’est grâce à l’enveloppe crevée de la hutte que ce secret nous est livré.
« C’est ainsi que Patinir peint Jérôme. Ainsi que l’homme des Flandres casanières imagine la sainteté »
Avec Bashô le point de vue est différent car nous avons là un ermite poète mais surtout un grand marcheur qui a du concilier « l’appel des horizons immenses et le goût du repli ».
Bashô c’est l’éternel vagabond, le marcheur des confins et des brumes du nord, la hutte ne lui sert que de havre provisoire, au Japon il fait halte dans des ermitages d’où le nom d’un recueil de ses poèmes.
« La pente douce du jardin d’azalées, la petite source tout près, la croupe du Mont Hiei, la lumière du couchant ....)
Le poète amateur de concision avec les mots, a aussi le goût des habitats provisoires, des demeures de fortune qui lui laisse tout loisir de marcher et d’écrire ce qui nous dit Christian Doumet « relèvent de la même pulsion vitale. »
Pour Bashô il suffit de « construire une hutte pour atteindre la fin du voyage ; de tracer une seule phrase pour faire le tour du langage. »
Cet essai est superbe et j’ai pris un immense plaisir à la lecture de ce triptyque poétique et philosophique
Joachim Patinir, Triptyque de la Pénitence de Saint Jérôme
Metropolitan Museum
Si vous êtes amateur d’ « Éloignement, isolement, retranchements. » ajoutez ce livre à votre bibliothèque
Le livre : Trois Huttes - Christian Doumet - Editions Fata Morgana
Commentaires
Relier l'apparition du paysage derrière les portraits au sens de la contemplation du monde, cette réflexion sur la peinture titille ma curiosité.
un très beau livre à tous points de vue
Tu en parles très bien ! Pour moi en matière de retranchement mon préféré reste Daniel Lefebvre et ses "solitudes australes". Je n'ai pas apprécié Thoreau, malheureusement;..
j'aime aussi comme toi ces solitaires modernes, j'ai aimé solitudes australes
http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2012/12/08/solitudes-australes-david-lefevre.html
ou le livre de Thomas Crowe
http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2013/08/06/ma-vie-dans-les-appalaches-thomas-rain-crowe-5136155.html
Celui ci est intéressant par le partage entre texte et peinture, écrivain et poète
Je ne connais pas ce Patinir.
En fait Thoreau (je relirais bien Walden, tiens) n'était pas si éloigné de tout.
Non Thoreau vivait dans sa hutte à quelques lieues de Concord ! mais le voyage intérieur qu'il fit lui le porta loin
Bel article et totale découverte pour moi que le peintre Patinir. De plus je viens de lire Il pleuvait des oiseaux, le beau roman québecois qui n'est pas si éloigné. Bonne journée.
Si tu as aimé Il pleuvait des oiseaux il est certain que ce type de livre pourrait te plaire même s'il ne s'agit en rien de fiction
Tu me donnes vraiment envie d'aller "hutter" (ce mot me plait) avec ces trois solitaires entre poésie et peinture
j'ai beaucoup aimé ce verbe ! Huttons ensemble :-)
Comme Keisha et Eeguab, je découvre Patinir. Voilà un recueil qui entre tout-à-fait dans les lectures qui me tentent en ce moment.
un livre à lire à l'abri de toute agitation et bruit
J'ai lu un très chouette roman jeunesse de Sigrid euck "Le secret de Maître Joachim" et c'est ainsi que j'ai découvert le peintre Patinir. Très intéressant ! (je note ces Trois huttes.)
un peintre à découvrir en effet
Je connais très mal Thoreau et pas du tout les autres, mais ton billet m'interpelle, "hutter" est une façon de vivre qui me convient, j'ai noté, je sens déjà des correspondances... ;)
Hutter comme Thoreau et Basho ou si l'on est porté au spirituel comme Saint Jérôme :-) et puis pour toi un temps pour l'écriture .....
Bonjour Dominique, je ne connaissais pas Patinir, je vais aller me promener sur internet ! Les deux autres, oui, je les connaissais, et je les aime beaucoup. Je crois que je vais également aller voir du côté de ce livre, qui au premier abord, me correspondrait complètement, en plus, ce qui ne gâche rien, tu en parles très bien. A bientôt Dominique. Claude
Certaine que le livre te plairait en effet
Patinir ce fut pour moi l'occasion de découvrir plusieurs oeuvres
La vie d'ermite et la poésie... euh, c'est trop pour moi ! Mais merci pour les illustrations que j'adore !
Passe ton chemin sans état d'âme :-)
Tourner le dos au monde, comme Saint Jérôme peint presque de dos, pour s’ouvrir sur d'autres horizons, des solitudes sans souffrance de la solitude...Harmonie entre le soi et la nature...
Superbe ton billet, tes illustrations, parfaites.
Tentatrice!!!!
un petit livre trésor que j'ai mis à l'abri au fin fond de ma bibliothèque histoire que personne n'ait l'idée de l'emprunter : oh je suis affreuse
Merci pour le partage !
Je vais me procurer ce livre, car il me correspond tout à fait - marcher et écrire :-)
bonne lecture par avance
Que veux-tu que l'on fasse? En te lisant, bien sûr qu'on a envie de lire ce livre! Et en plus il a choisi trois "hutteurs" tellement différents!
si ça te dit de hutter tu sais ce qu'il te restes à faire
En ce trois juin, je sens que je vais me faire un cadeau, un fabuleux cadeau... Merci Dominique, ce mot "hutter" est un régal !!! Bises. brigitte
un livre un peu exigeant mais vraiment magnifique tant du point de vue de l'analyse des oeuvres que du point de vue poétique un régal
De ces trois là c'est Thoreau qui m'attire le plus, cela fait longtemps (trop) que Walden est dans ma LAL.
lance toi tu ne le regretteras pas je crois
Bien sûr moi celui que je connais le mieux c'est Patinir, musée du Prado à Madrid oblige. Plusieurs de ses tableaux sont là-bas (dont celui qui sert de bannière à mon blog en ce moment). Patinir pour moi c'est surtout un bleu particulier, celui du ciel ou de l'eau, en arrière plan de ses paysages. Inimitable.
j'ai beaucoup le bandeau de ton blog