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A sauts et à gambades - Page 77

  • Le Musée imaginaire de Marcel Proust - Eric Karpeles

    Je suis allée de ricochet en ricochet, après l'herbier de Marcel Proust, je suis passée à Monet qui fut un grand inspirateur de l'écrivain, et hasard alors que je venais d'acheter ce livre sur Hokusai je découvrais que la salle à manger du peintre était décorée d'estampes japonaises. 

    Retour à la peinture avec ce musée imaginaire qui n'était plus disponible depuis longtemps et qui vient d'être réédité.  

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    Pour les lecteurs de Proust, et même sans avoir lu La Recherche en totalité, on est vite frappé par les pages qui font référence à la musique, à la littérature mais plus encore à la peinture.

    Il paraissait naturel de composer ce musée imaginaire et pas seulement avec le Petit pan de mur jaune, car Proust ne s'arrête pas à Vermeer.

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    La Recherche est littéralement truffée de références picturales. Plus de 200 oeuvres ont été répertoriées par Eric Karpeles.

    Si vous êtes lecteur de Proust vous avez sans doute mémorisé quelques unes de ses comparaisons, de ses métaphores mais je gage que comme moi vous êtes bien incapable de vous rappeler de tout. C'est donc une balade au musée que nous permet l'écrivain et le texte est ainsi mis en valeur, les mots s'appuient sur l'illustration de façon parfaite. 

     

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    « Swann possédait une merveilleuse écharpe orientale, bleue et rose, qu'il avait achetée parce que c'était exactement celle de la Vierge du Magnificat. »

    Le livre est superbement illustré et à chaque tableau répond le texte de Proust qui lui fait écho. C'est savoureux de pouvoir lire et voir sur une même page. 

    On s'amuse énormément à vérifier les correspondances entre texte et tableau, on admire et on sourit très souvent car l'ironie et l'humour de Proust sont encore amplifiés par l'image.

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    « Je lui dit que c'était Bloch. - Ah oui ce garçon que j'ai vu une fois ici et qui ressemble tellement au portrait de Mahomet II par Bellini »

    Parfois Proust invente des tableaux imaginaires, tels ceux d'Elstir, Eric Karpeles sait faire appel à ses fines connaissances pour nous proposer un tableau très proche, dans le ton du texte.

    On connait sa passion pour les couleurs, la lumière d'un paysage, les ciels que l'on peut retrouver dans les tableaux.
    Ses portraits illustrés par un tableau : personne n'a oublié la Charité de Giotto.

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    « La pauvre Charité de Giotto, comme l'appelait Swann, chargée par Françoise de les "plumer", les avait près d'elle dans une corbeille, son air était douloureux, comme si elle ressentait tous les malheurs de la terre ; et les légères couronnes d'azur qui ceignaient les asperges au-dessus de leurs tuniques de rose étaient finement dessinées, étoile par étoile, comme le sont dans la fresque les fleurs bandées autour du front ou piquées dans la corbeille de la Vertu de Padoue. »

    Et la magnifique comparaison entre Odette et la fille de Jethro dans  la fresque de Botticelli : Épisodes de la vie de Moïse

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    « Elle frappa Swann par sa ressemblance avec cette figure de Zéphora, la fille de Jéthro, qu’on voit dans une fresque de la chapelle Sixtine »

    En relisant ainsi les passages de la Recherche j'ai été frappé par l'extraordinaire culture de Proust, par le nombre des tableaux qu'il connait à une époque où il n'était pas très facile de se procurer des reproductions aussi belles et fidèles qu'aujourd'hui.

    J'ai aimé aussi que les emprunts aillent de toiles très très connues comme celles de Botticelli, Véronèse, Titien, Tiepolo, mais aussi à des tableaux de peintres oubliés qui sortent ainsi de la pénombre où le temps les avait plongés.

    Si vous n'êtes pas familier de l'oeuvre de Proust, comme pour son herbier, c'est une façon simple et attrayante d'y entrer.

    Keisha l'avait lu dans la version de 2009 

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    Le Livre : Le musée imaginaire de Marcel Proust - Eric Karpeles - Editions Thames et Hudson

  • Bribes de Christian Bobin

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    Je vais poursuivre cette lecture entamée l’été dernier, ce livre de Proust que j’emmenais dans mes balades : ses pages sont encore trempées de soleil. Lecture sans fond, sans fin. Lecture immobile. L’histoire n’avance pas. Il n’y a pas d’histoire. Juste une avancée lente, très lente, vers l’Amour, vers la cruauté de l’Amour, vers sa lumière aveugle, blanche. Lecture hallucinée, dévorante, infatigable.

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    Les mots fleurissent et poussent dans tous les sens, de toutes espèces. Ils se multiplient et se ramifient comme un feuillage, comme une excroissance incontrôlée, incontrôlable, de feuilles, de fruits.

    Le livre 
    Souveraineté du vide - Christian Bobin - Editions Fata Morgana ou Gallimard Folio

  • Les Ailes de la colombe - Henry James

    C’est toujours une aventure d’entrer dans un roman de Henry James. Après les Ambassadeurs Roderick Hudson et Washington Square j'ai repris contact avec le romancier des tourments du coeur, qui aime conduire son lecteur au fond des âmes mais par des tours et détours souvent longs, délicieux et mensongers

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    Portrait de James ©Michel Maire


    Pour ce roman Henry James nous gratifie d’une préface mais elle est tellement fouillée que l’éditeur très justement l’a reportée en fin de volume. 
    Si vous êtes prêt à vous embarquer pour 800 pages d’amours interdites, d’illusions perdues, d’amitiés tortueuses alors vous prendrez le chemin de Londres puis de Venise à la suite de James qui est par excellence le romancier de l’Italie.

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    Les personnages du film

    Kate Croy est amoureuse de Merton Danser un jeune journaliste sans le sou, elle n’a aucune dote et sa famille lui cause bien des tourments. Sa tante, la redoutable Mme Lowder, a cette singularité que « son visage lorsqu’elle parlait, était comme une fenêtre éclairée dans la nuit, mais sur laquelle le silence immédiatement tirait les rideaux ». Elle lui cherche un parti convenable et si possible argenté.
    Merton Densher n’entre aucunement dans les vues de tante Maud !

    Milly Theale jeune et charmante américaine, à l'inverse elle « est riche de tout (...) elle possède la liberté, la fortune, une vive intelligence, le charme personnel, le don d’intéresser et de s’attacher les êtres. ». 

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    « C’était un visage de jeune femme, merveilleusement dessiné, un buste, en robe splendide; un visage de teinte presque livide, d’une beauté triste et couronné d’une haute masse de cheveux, tirés en arrière, qui avaient dû, avant que le temps n’en atténuât la couleur, ressembler à ceux de Milly. »

    Elle  a fait connaissance avec Merton à Boston pour son journal et même si elle n’est pas prête à l’avouer, son envie d’Europe est sans doute liée à l’envie de revoir le jeune homme. 

    Elle part en Europe avec un chaperon bien intentionné Susan Stringham qui a des liens très anciens avec Mme Lowder et qui compte sur elle pour introduire Milly dans la bonne société londonienne, entendez par là la société où l’on peut trouver un possible mari. Kate et Milly deviennent amies proches. 
    Pour compléter le tableau il y a Lord Mark que l’on verrait bien fiancer avec Kate si celle ci ne s’obstinait pas à refuser ses avances.

    Jusque là rien que de très classique, amoureux transis, coureurs de dote, jeune fille à marier et familles imposant leur volonté. 
    Mais Henry James sème quelques grains de sable qui vont gripper la machine, Milly la fraiche ingénue deviendra-t-elle victime ou imposera-t-elle ses choix ?  les chassés croisés vont être multiples. L’auteur fait varier les tempos, le temps s’étire, apparaissent des sentiments  moins nobles : cynisme, férocité des ambitions, manipulations subies ou consenties.

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    A Venise

    Une lecture où il est bon de prendre son temps, de peser tous les changements, de suivre tous les méandres du récit. Ce qui couve là dessous c’est l’argent, son rôle, son pouvoir, les raffinements des complots, les démarches clandestines. James n’abat jamais ses cartes et nous laisse jusqu’au bout dans le doute.

    Si vous aimez les explorations de l’âme humaine alors plongez dans ce roman dont on ressort enchanté. 

    Ah dernier détail, le titre fait référence à un psaume, je vous met sur la piste c’est le cinquante cinq.

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    Le livre : Les ailes de la colombe - Henry James - Traduit par Marie Tadié - Editions Gallimard Folio

     

  • la plume de Thomas Mann

     

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    San Michele  - Francisco Guardi

    C'était Venise, l'insinuante courtisane, la cité qui tient de la légende et du traquenard, dont l'atmosphère croupissante a vu jadis une luxuriante efflorescence des arts et qui inspira les accents berceurs d'une musique aux lascives incantations. Il semblait à l'aventureux promeneur que ses yeux buvaient à la source voluptueuse d'autrefois et que son oreille recevait la flatterie de ces anciennes mélodies.

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    Thomas Mann - Mort à Venise - La Bibliothèque des arts 

     

  • Rêves arctiques - Barry Lopez

    « Il est possible de vivre avec sagesse sur la terre, et d’y vivre bien »

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                                              © AFP Mario Hoppman 

    Il y a des livres dont jamais la lecture ou la relecture ne vous déçoit. J’ai puisé au fil des années dans les livres de nature writing avec plaisir mais parfois avec un enchantement total. 

    Rêves arctique est dans ma bibliothèque depuis 1987 et pour écrire cette chronique j’ai fait ma troisième lecture de ce livre magnifique.

    Barry Lopez est biologiste et entraine son lecteur de l’Alaska à la Sibérie, du Groenland au grand nord canadien. Il épouse ainsi les mers et les territoires du froid, les animaux qui peuplent ces mers prisent par les glaces ( moins aujourd’hui hélas), bref mon imaginaire depuis que je suis enfant. 

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    « Ce qui rend si stupéfiante l'aurore boréale, pâle rideau arachnéen de lumière qui semble onduler à travers le ciel, c'est en partie sa timidité »

    Des chapitres consacrés à la glace, à la neige, à la lumière de l'arctique, au boeuf musqué ou au narval. 

    La dent du Narval est fascinante, il faut dire qu’enfant j’ai fréquenté ce qu’on appelait alors l’Ecole dentaire histoire de redresser une mâchoire caractérielle, et dans la salle d’attente des vitrines exposaient des trophées peu sympathiques mais ....il y avait une dent de Narval qui resta pour toujours dans ma mémoire, mes antennes ont frétillé en lisant les pages que Barry Lopez lui consacre.

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    Les esquimaux qui sont partout présents, parfois victimes, souvent témoins indispensables de la connaissance de ces lieux où l’obscurité et la lumière si convoitées, se succèdent sans fin. C’est un livre tout à fait complémentaire de celui de Jean Malaurie : les Derniers rois de Thulé.

    Si vous ne connaissez rien ou presque à la conquête de l’Arctique, Barry Lopez y consacre un chapitre parfois très critique, lorsqu’exploration était surtout synonyme de commerce, mais aussi des pages emplies d’admiration pour des hommes que la curiosité et l’intérêt scientifique poussaient de plus en plus loin au péril de leur vie.

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    ça c'est aujourd'hui !

    Ce qui rend son livre si fort c’est l’alliage et l’alliance entre les données scientifiques, les fulgurances poétiques, les observations méticuleuses et les interrogations humanistes. Une quantité d’informations scientifiques sidérantes mais qui ne pèsent jamais, auxquelles vous reviendrez si vous le souhaitez mais qui à jamais laisseront une trace chez vous, pour que le mot Arctique résonne d’une façon différente

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    ce qui les attend

    Si vous êtes amoureux de l’hiver, de la neige, des paysages du Grand Nord...

    Si notre planète vous tient à coeur, si comme moi vous n’irez jamais aux confins de l’Arctique mais que son devenir vous importe...

    Alors ce livre doit figurer dans votre bibliothèque et peu importe son année de parution, non seulement il ne s’est pas démodé mais ses mises en garde, ses inquiétudes nous talonnent aujourd’hui.

    Un beau manifeste pour une planète préservée.

    Keisha l'a lu aussi 

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    Le livre : Rêves arctiques - Barry Lopez - traduit par Dominique Dill- Editions Albin Michel - Réédition Gallmeister 

     

  • Bribes des grands froids

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    Cette année là où l’hiver refusait de finir, je suis descendu vers l’Amérique, tel un point sombre dans la blancheur infinie des Grandes Plaines du Nord, une fourmi dans la neige.
    C’est ainsi que je me voyais parfois lorsque mon esprit se détachait, s’envolait, battant un moment des ailes au-dessus de moi tandis que mes pieds continuaient d’avancer machinalement. La seule sensation m’assurant que j’avançais, que j’était réellement en train de traverser la Prairie hivernale était le crissement de mes pas sur la glace.

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    Le livre : Loin de la mer, A pied à travers les Grandes Plaines - Wolfang Büscher- La libraire Vuibert éditeur - 2014