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A sauts et à gambades - Page 78

  • L'Infinie patience des oiseaux - David Malouf

    Certaines parutions déclenchent aussitôt une alarme dans ma tête. Le nom de David Malouf a suffi.
    Le roman est  ancien en fait (1982) mais traduit pour la première fois.
    Une rançon est pour moi un texte magnifique et c'est avec quelque appréhension que j'ai plongé dans cette Infinie patience des oiseaux.

    malouf

    Un court roman qui se déroule en Australie dans le Queensland à la veille de la Première Guerre.
    Deux personnages vont occuper l'espace, Jim Saddler un garçon de vingt ans à l'avenir incertain, un peu marginal, un peu paumé, son plaisir il le prend dans les marais à observer les oiseaux.

    malouf

    « Là-bas, derrière lui, à l'endroit où tous ces marécages se déversaient dans le Pacifique, il y avait le sable des dunes, maintenu par du pourpier violet et des buissons bleus, puis l'océan : sur des milles et des milles. L'on pouvait marcher pendant des heures le long de la blancheur sifflante des vagues sans jamais rencontrer âme qui vive. Rien que des bandes de mouettes et des huîtriers à long bec s'affairant au-dessu de la lumière humide »     

    Il n'en croit pas ses oreilles quand Ashley Crowther riche héritier revenu s'installer sur les terres auxquelles les marais appartiennent, lui propose de créer un sanctuaire pour les oiseaux, dont lui, Jim, serait le responsable.
    Et le miracle s'accomplit, le diplômé de Cambridge et le paumé s'entendent, Jim fait faire la découverte des marais aux amis d'Ashley.
    Deux jeunes hommes amoureux de la nature, de la beauté des oiseaux, émerveillés et fascinés par ce monde étrange des migrateurs.

    malouf


    « Cela l'émerveillait. Une chose pareille. De pouvoir par une chaude journée de novembre avec le soleil lui brûlant le dos, la terre fourmillant sous lui et le paysage tout entier étincelant et stridulant, observer une créature qui, à peine quelques semaines plus tôt, se trouvait de l'autre côté de la Terre et avait trouvé sa route jusqu'ici en traversant toutes les cités d'Asie, franchissant des lacs, des déserts, des vallées encaissées entre de hautes chaînes de montagnes, survolant des océans sans le moindre point de repère, pour se poser précisément sur cette berge  »

    Bientôt Imogen Harcourt vient se joindre à eux, c'est la photographe qui fait de beaux clichés des oiseaux, qui permet de découvrir « de l'intérieur la vie unique de l'animal. Ça aussi ce pouvait être un don »

    C'est Août l'époque des grandes migrations celle où arrivent « les premiers réfugiés, comme les appelait Miss Harcourt »
    Ce ne sont pas les migrateurs qui arrivent mais la guerre, Jim et Ashley s'engagent. Le bateau, l'Angleterre puis les Flandres et les tranchées. Jim va faire partie de la piétaille, Ashley lui intégré le corps des officiers, ils étaient ensemble dans leur Eden peuplé d'oiseaux, l'absurdité de la guerre les lie à tout jamais.

    malouf

                    « L’Australie a promis à la Grande-Bretagne de lui fournir 50 000 hommes de plus.
                                                  Allez-vous nous aider à tenir cette promesse »


    La seconde partie du livre est terrible, David Malouf a les mots justes pour décrire l'horreur qui s'est brutalement matérialisée « Vous êtes entré dans la guerre par un trou ordinaire dans une haie » et de l'autre côté c'était l'indicible.
    Horreur et absurdité de toutes les guerres, comme dans Une rançon, on retrouve ici la prose magnifique de David Malouf, toute de sobriété.
    La force du livre c'est ce décalage entre un avenir tout juste entrevu au Queensland et la réalité des tranchées.
    David Malouf écrit le récit de cette guerre comme un ralenti de cinéma, les images faites de boue, de froid, de sang répondent comme le négatif d'une photo aux images poétiques, bucoliques des marais.

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    Vous ouvrez ce livre et ne le quittez plus. Il faut une plume exceptionnelle pour ainsi passer d'un monde à l'autre, pour transformer le lecteur d'ornithologue attentif en soldat dans la boue des Flandres.
    Quel magnifique livre, quel grand auteur !

    Le livre : L'infinie patience des oiseaux - David Malouf - Traduit par Nadine Gassic - Editions Albin Michel

  • Blog en pause

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    Blog en pause

  • Trilogie de Marilynne Robinson

    La plupart du temps, lorsqu'on lit une trilogie comme celle-ci, on espace un peu la lecture pour ne pas être victime d'overdose.

    Là, et je crois qu'il y a très longtemps que cela ne m'était pas arrivé, j'ai lu les trois tomes dans la foulée, pressée que j'étais, non pas de connaitre la suite, mais plutôt de retrouver ces personnages magnifiques et de profiter encore un peu de l'écriture de Marilynne Robinson à laquelle j'ai été plus que sensible. 

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    Paysage  d'Iowa

    Vous comprenez bien que si je fais une seule chronique pour trois livres, c'est que l'important n'est pas dans les détails de l'histoire racontée par chacun d'eux, ni même une histoire racontée au fil du temps, non, ici ce qui relie les trois livres c'est à la fois un lieu : Gilead et des personnages.

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    Ce qui importe ce sont les ramifications qui se tissent entre les personnages, ces fils ténus, ces réseaux de vie qui irriguent tout le récit
    L'ambiance est au calme et à la sérénité alors même que les faits sont  violents, destructeurs, douloureux.
    Gilead est une petite ville de l'Iowa, un lieu perdu au milieu de rien. Deux familles de cette ville vont occupées le récit de Marilynne Robinson

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    La famille de John Ames, le pasteur, au soir de sa vie, il écrit à son très jeune fils une sorte de testament affectueux à lire plus tard, dans lequel il se dévoile. Il a épousé une femme, Lila, très tardivement et il se sent démuni à la pensée de la laisser sans ressources avec John son jeune fils.

     

    Dans le second roman Chez nous, l'auteur nous transporte dans la famille Boughton, le patriarche c'est le révérend Boughton, sa fin approche et tout son être est tendu vers le retour possible de son fils Jack, le fils prodigue, celui qui a toujours déserté, qui s'est enfui, qui a brisé les liens familiaux, alors si le fils prodigue décide de revenir à Gilead, c'est toute la communauté qui va être ébranlée, Gloria la soeur qui est venu s'occuper de son vieux père, John Ames qui parait l'avoir toujours jugé sévèrement lui le voyou, le raté. 

    Mais ce n'est pas simple de revenir, de tenter de briser le silence long de 20 ans, la tendresse est bien là mais qu'il est difficile de la faire vivre.
    Jack va devoir livrer bataille contre lui d'abord, contre les préjugés, contre les souvenirs. Et il trouvera une alliée discrète, Lila, la fille perdue devenue la femme de John Ames. La faute et la rédemption, la lutte envers les préjugés, l'espoir d'un pardon : tout cela est mis dans les mains de Jack.

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    Le fils prodigue - Rembrandt 

    La boucle est bouclée avec le troisième roman : Lila l'enfant volée, sa vie avant d'arriver à Gilead, son espoir d'une vie meilleure auprès du pasteur John Ames, sa façon bien à elle de lire la Bible, d'exprimer la tendresse et la fidélité. La naissance de son enfant sera le point d'orgue du roman.

    On est loin, très loin des romans nombrilistes, des petites histoires à la mode. L'auteur avait écrit un premier roman très bien accueilli mais elle est restée 25 ans avant de livrer sa trilogie. 

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    Ce sont des romans qui parlent à tous.

    La Bible s'invite fréquemment dans le récit, parfois de façon explicite mais le plus souvent par des bribes du texte ou des métaphores, par des échanges sur la justice, la culpabilité, la rétribution et bien d'autres thèmes qui sont ceux que l'homme croyant ou non vit, rêve, craint, espère, interroge. On peut y trouver le livre de Job, la parabole du fils prodigue, ou la tempête d'Ezéchiel.

    L'interrogation sur la vie humaine, l'énigme que chacun de nous est pour les autres, voilà la réussite de l'auteur au travers de trois romans qui ne respectent pas vraiment une chronologie logique.
    Gilead c'est le monde, le notre, nos vies, nos questions.
    Si vous voulez sentir la solitude de chaque être humain, sa vie secrète, ses espoirs et ses doutes, lisez cette trilogie

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    L'auteur

    Les personnages sont beaux, graves, fiers, fragiles. Ils sont chacun de nous à la fois, avec nos incertitudes, nos défauts et nos mystères.

    Magnifique et je dois avouer qu'il y avait longtemps qu'un livre ne m'avait autant touché et fait venir des larmes aux yeux à plusieurs reprises.

     

     

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    Les livres

    Gilead - Chez nous - Lila : Marilynne Robinson - Traduit par Simon Baril - Editions Actes Sud et Babel pour le 1 et 2

  • L'arche de Noé

    « Ils habitaient le pays de Noé, où pour la première fois était apparu un arc-en-ciel. Comme dans la Bible, ils croyaient qu’une arche avait existé, longue de trois cents aunes, large de cinquante et haute de trente, un bateau de sauvetage enduit de goudron dans lequel hommes et bêtes avaient survécu à l’inondation du globe terrestre tout entier »

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    L'arche de Noé Chronique de Nuremberg 1493


    « Je ne m’étais encore jamais fait la réflexion qu’il existait des lieux bibliques que l’on pouvait tout bonnement aller visiter »

     

    Le livre : Ararat - Frank Westerman - Editions Chrisitian Bourgois

  • Hokusai le fou de dessin - Henri-Alexis Baatsch

    Après Proust et son herbier, Monet et son jardin voici le fou de dessin

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    Hokusai Autoportrait  Musée du Louvre

    Je sortais juste de chez Monet où les murs sont couverts d'estampes japonaises et comme je n'ai pas eu l'occasion de voir l'expo dédiée au peintre au Grand Palais, j'ai décidé de me consoler avec ce livre superbe et abordable ce qui n'est pas rien pour un livre d'art

    hokusai

    Un mot de l'aspect du livre : il est magnifique, une belle couverture irisée, une double reliure qui rend le livre beau et maniable, enfin des pages doublées comme dans certains livres chinois rendant les feuilles souples et douces à la fois. 

    hokusai

    série Cent poètes et cent poèmes 

    Entrons dans le vif du sujet, deux grands chapitres : une biographie de Hokusai Katsushika qui vécu jusqu'à l'âge canonique de 89 ans. 
    C'est lui même qui s'est donné le nom de Fou de dessin « autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin » 

    Il fut un peintre et un dessinateur spécialiste de ce que les japonais appellent l'ukiyo-e  浮世絵  (c'est trop beau en japonais) c'est à dire Image d'un monde flottant, faites de scènes de la vie quotidienne, de portrait d'acteur du théâtre kabuki

    Au Japon les artistes appartenaient à des ateliers et réalisaient indéfiniment les mêmes genres de dessins ou peintures, Hokusaï lui va sortir du chemin tracé.

    L'artiste va se révéler et devenir non seulement le plus connu des artistes japonais, mais va durablement influencer les peintres européens comme Monet ou Van Gogh.

    En fait l'essentiel de son oeuvre il l'a réalisé entre 40 et 89 ans !

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    Cinq beautés - Musée de Kyoto

    En 1820 alors qu'il a déjà cinquante ans il réalise les 36 vues du Mont Fuji 

    hokusai

    qui bientôt deviendront les 100 vues du Mont Fuji 

    hokusai

    Vue du Mont Fuji - British Muséum

    On estime qu'il a réalisé pas moins de trente mille dessins et estampes ou peintures et des carnets de croquis appelés …manga

    On a la chance en France d'avoir plusieurs de ses oeuvres au Musée Guimet à Paris.

    hokusai

    Estampes du Musée Guimet à Paris ©

    Dans un second chapitre H A Baatsch présente les oeuvres d'Hokusaï, les reproductions sont vraiment belles, les doubles pages souvent utilisées pour donner des reproductions de très belle qualité. 

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    Maison de thé

    Certaines oeuvres m'ont fait rire, Hokusaï n'hésite pas à peindre ses semblables dans des postures ridicules, de marquer la maladresse des hommes, il le fait avec humour et ses caricatures sont drôles et émouvantes à la fois.

    J'aime aussi certains portraits de femmes, le dessin est raffiné, précis, élégant. 

    hokusai

    Mais là où j'aime vraiment Hokusai c'est dans la peinture et les dessins de paysages. Il peint l'espace si ample et l'homme parfois bien petit.

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    Il fut l'un des premiers japonais à utiliser le bleu de Prusse qui était entré sans doute en fraude, venu d'occident. 

    hokusai

    Série miroir de la poésie japonaise et chinoise

    Les séries du Mont Fuji, les cascades, la série des ponts, dans ces séries il se rapproche d'Hiroshige qui vécu à la même période. 

    hokusai

    vue de pont dans les provinces 

     C'est le troisième livre de peintures et dessins du Japon qui entre dans ma bibliothèque et les trois sont de parfaits petits bijoux, à feuilleter indéfiniment

     

    Le livre : Hokusai Le fou de dessin - Henri-Alexis Baatsch - Editions Hazan

  • Le bon coeur - Michel Bernard

    Il fallait tout le talent de Michel Bernard pour me faire entrer dans ce roman. Autant vous le dire, Jeanne d'Arc, oui c'est d'elle qu'il s'agit, ce n'est pas vraiment mon héroïne de prédilection, tout ce qui tourne autour de cette femme m'agace ou me fait rire, la pucelle et la sainte, l'image de la frêle jeune femme sauvant la nation, pour moi une illuminée mystique et ça sans compter sur les couronnes tressées par la famille Le Pen.

    Bref vous avez compris que je déteste, enfin... je détestais.

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    Magie des livres et des mots, je ne comprends toujours pas comment Michel Bernard m'a embarqué mais je peux vous dire que je l'ai suivi sur les routes pieds et poings liés. 

    Tout d'abord j'ai aimé le portrait  « Grande, carrée d'épaules, bien campée sur ses jambes, le visage ouvre, les yeux vifs, le regard profond, intense »

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    Un peu comme celle de Luc Besson

    Je me suis amusée d'entendre son entourage la soutenir, la défendre, l'admirer « Elle aurait du prêcher à la place du curé », j'ai aimé la jeune fille qui va river son clou au Duc de Lorraine, qui vêtu en écuyer enfourche un vieux cheval saluant la foule qui lui fait escorte. 

    La geste de Jeanne commence…….

    Bon je ne vais pas me couvrir de ridicule et vous raconter la suite, non, je vais vous dire : lisez ce livre, que vous soyez ou non amateur d'histoire, que vous aimiez ou non Jeanne d'Arc

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    Siège d'Orléans

    J'ai aimé le portrait que trace Michel Bernard de Jeanne, portrait qui commence par une gifle magistrale,  mais aussi les portraits de tous les personnages qui gravitent autour d'elle et autour du roi. 

    On entre aperçoit Charles d'Orléans prisonnier et s'occupant à faire des vers, on croise Gille de Rais, et bien entendu un certains nombres de « mangeurs de viande bouillie »

    J'ai aimé surtout la langue de Michel Bernard, une savante alliance entre poésie et réalisme, entre la beauté des paysages 

    « Ils marchaient à pas lents. Sur les claies d'osier le chèvrefeuille avait repris sa croissance. Sous les tonnelles pointaient, violettes, les pousses de la vigne. Entre les murs du château attiédis, dans la terre, ameublie et fumée, l'hiver avait cessé de mordre »

    et le sang des champs de bataille

    « Chaque cavalier laissait derrière lui un sillage sanglant et gémissant. Les soldats à pied qui suivaient en trottinant achevaient les blessés et rattrapaient les ennemis qui avaient échappé à la grande faux de la cavalerie »

    Sa Jeanne est magnifique jusque dans la défaite, elle a, dit-il, ce qui manque à la France de ce temps là « la foi, la confiance et l'autorité »

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    Ingrid Bergman dans Jeanne au bûcher 

    J'ai beaucoup aimé les pages sur le procès et la captivité, sobres, parfois cinglantes, émouvantes aussi car on oublie l'héroïne pour ne voir plus qu'une jeune femme contrainte, enfermée, terrorisée. 

    Un beau et bon roman qui début bien mon année de lecture

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    Le livre : Le bon coeur - Michel Bernard - Editions de la Table Ronde