Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

A sauts et à gambades - Page 26

  • Alabama 1963 - Christian Niemiec et Ludovic Manchette

    suprémacistes.jpg

    Les USA et le monde ont échappé à un deuxième mandat de Trump, les images de hordes de blancs suprémascistes et brandissant des croix m’ont effrayées comme beaucoup d’entre vous je pense. 

    Peu après j’ai vu passer un roman qui immédiatement m’a fait de l’oeil par son sujet.
    Je l’ai lu, et il est allé rejoindre des livres sur le sujet. 

    symbole.jpg

    La couverture du livre est un symbole à elle seule, et la date de 1963 ne peut échapper à personne, je me souviens je commençais à m’intéresser à la vie du monde et ce soir là nous étions réunis pour le repas, j’aimais quand mon père mettait les informations ce qui donnait lieu à des échanges parfois musclés, le programme fut interrompu pour annoncer l’attentat de Dallas. Un vrai choc.

    dallas.jpg

    L’année est ainsi forcément restée dans ma mémoire et depuis sont venues s’ajouter des dates qui marquent le combat des noirs américains contre la ségrégation dans les écoles, les emplois, la justice, la santé, la police.

    Il y a plusieurs façons de traiter le sujet, sérieusement comme dans Little Rock, ou à la façon d’un reportage comme Doug Marlett et son Magic Time ou à la façon d’Alan Parker dans Mississipi burning.

    Et puis il y a la façon romanesque qui peut être très efficace comme dans Les rues de feu de Thomas H Cook ou dans la Couleur des sentiments et aujourd’hui ce roman Alabama 1963

    la couleur.jpg

    Birmingham Albama

     « Adela Cobb était un petit bout de femme énergique de trente-quatre ans » qui  travaille comme domestique et elle vient de se faire virer par une patronne irascible parce que son « négrillon » de fils a joué avec l’enfant de la maison.

    Comme toutes les domestiques noires de l’époque elle a plusieurs emplois alors elle demande à une de ses patronnes de lui fournir une recommandation pour trouver un travail en remplacement, la lettre en question débutant par «  Je la crois volontiers menteuse, comme toutes les femmes de couleur que j’ai employées avant elle, mais plutôt moins que la moyenne » elle choisit de s’en passer.

    enfants disparus.jpg

    Dans son quartier une battue est organisée pour retrouver une fillette disparue depuis plusieurs jours, la police restant inactive la famille va trouver Bud Larkin, un ancien policier reconverti en détective privé. 

    La fillette est retrouvée morte et violée et les meurtres vont s’enchainer dans l’Alabama de 1963 la police bien blanche ne s’active pas franchement pour élucider trois meurtres de fillettes noires.

    alabama 2.png

    Bud Larkin est une pure caricature, alcoolo fini, pestant en permanence contre les nègres, vivant dans ce qu’on peut appeler une bauge « C’était une porcherie. Et le type, soi-disant un détective… Agressif, grossier, sale. Et arrogant. Et fainéant. » 
    Celui ci doit se décider à remettre d’aplomb son cabinet s’il veut travailler un minimum. 
    Voilà comment Adela se retrouve à faire des heures de ménage dans l’antre de Bud le détective 

     

    Bon essayons d’être plus positive, Bud c’est un alcoolo bougon mais pas vraiment méchant, plein de préjugés qu’il brandit mais dont on n’arrive pas à savoir si il y croit vraiment ou s’il se soumet bêtement à l’ambiance du moment.
    Pour accéder et soutirer des informations à la communauté noire il va devoir faire un effort et demander de l’aide à ….et oui à Adela. 

     

    Et il se passe quelque chose, ces deux là vont commencer doucement à dialoguer, même si Bud est toujours persuadé qu’Adela va le voler, le gruger comme font …et bien tous les noirs non ? 
    Et si Adela est persuadée qu’il est le diable incarné.

    On ne parirait pas trois sous sur le duo détective blanc et la domestique noire analphabète.
    Et pourtant l’alchimie est là, ça marche !!!

    detective.jpg

    Inutile d’essayer vous ne me tirerez pas les vers du nez. Rien, nada.
    Juste j’accepte de vous dire que dans ce polar il y a tout : les noirs en colère, les racistes bornés et vindicatifs, les insultes racistes 
    Mais surtout des dialogues fantastiques de justesse entre  Bud et cette futée d’Adela. 

    Alabama_1963_3.jpg

    La sauce prend, le respect s’installe. L’ambiance reste bien noire évidement mais l’humanité des personnages apporte au lecteur un vent de tendresse. 
    C’est un polar et tout nous est livré au compte goutte, l’enquête est longue mais ni Bud ni Adela ne baissent les bras 

    Les auteurs sont toujours un rien border line,  ne rien masquer de ce que fut cette ségrégation mais le faire en distillant des dialogues savoureux, parfois plein d’humour et si justes qui vont faire travailler ensemble ces deux mondes irréconciliables.

    Une réussite 

    9782749165912-475x500-1.jpg

    Le livre : Alabama 1963 - Christian Niemiec et Ludovic Manchette - Editions pocket

  • Bribes et brindilles américaines

    ouest 2.jpg

    « … Je sais quelle heure il est en regardant le soleil, et en quelle saison nous sommes en regardant les écureuils. Aujourd’hui, j’en ai vu un faire provision de noix en haut de l’arbre à côté de l’abri de jardin. Il se hâtait vraiment. Alors je pense que ça annonce un hiver précoce. Et les chenilles ont mis leurs grosses fourrures, et le chèvrefeuille s’entortille. Cela veut dire que je suis tout aussi heureux que si j’avais du bon sens… »

    écureuil.jpg

    Ecureuil américain 

    « Dans le courant de la nuit, un cerf passe près de notre bivouac d’un pas nerveux. J’entends le bruit puis, un peu avant l’aube, lorsque je me lève, je vois ses délicates empreintes en forme de cœur. J’attise le feu et confectionne notre première cafetière de café de cow-boy noir et riche, et dans la solitude j’en bois la première tasse, en me réchauffant les mains sur l’émail brûlant. Les dernières étoiles disparaissent lentement, le ciel s’éclaircit, perçant la lueur verte de l’aube pour éclater dans la splendeur ignée du lever de soleil. »

    Cervus_elaphus_Luc_Viatour_6.jpg

    « L’été, la forêt s’étirait en dessous de nous en dix-sept différentes teintes de vert. Il y avait les pins jaunes et les pins pignons, les épicéas bleus et les épicéas d’Engelmann, les sapins du Colorado et les sapins de Douglas, les trembles, des robiniers du Nouveau-Mexique, des genévriers alligators et quatre variétés de chênes. Sur le rebord rocheux de l’escarpement, où remontait l’air chaud des canyons, poussaient du raisin d’ours, des agaves, des acanthes et diverses variétés de cactus – figuiers de barbarie, coussins de belle-mère, cactus hameçon. Tout au fond des canyons, où l’eau coulait, certes pas toujours en surface, nous voyions des sycomores, des aulnes, des peupliers, des noyers, des micocouliers, des cerisiers sauvages et de la vigne vierge. Et cent autres espèces d’arbres, de buissons et de plantes grimpantes que je n’arriverai probablement jamais à identifier nommément. »

    incendie.jpg

    Aujourd'hui hélas la forêt brûle 

     

    Le livre : En descendant la rivière - Edward Abbey - Editions Gallmeister 

  • L'instant précis où Monet entre dans l'atelier - Jean-Philippe Toussaint

    Comment dit-on lorsque l’on trouve un petit trésor ? Une petite pépite. 

    trésor.jpg

    Amoureux de Monet, de Giverny et des Nymphéas ce minuscule livre est fait pour vous.
    Comment rendre compte de la création, de cet instant éphémère où la main va réaliser un miracle de beauté ?

    musée de l'orangerie .png

    C’est ce moment que Jean-Philippe Toussaint tente de surprendre pour nous l’offrir.
    « Je veux saisir Monet là, à cet instant précis où il pousse la porte de l’atelier dans le jour naissant encore gris »

    monet-dans-son-atelier-750x410.jpg

    Nous le suivons dans l’atelier. Ouvrant grand les yeux, pour saisir ce moment où la peinture se transforme en « paysages d'eau et de lumière, fragments de branches inclinées de saules pleureurs, reflets bleutés, ciels, transparences. »

    nympheas_monet_claude_orangerie_musee_paris_11.jpg

    Nous sommes à Giverny, c’est un temps de fièvre et de chaos, 1916, et Monet peint des fresques gigantesques, imagine leur placement à l’Orangerie avec l’aide de Clémenceau, La guerre est oubliée pour un instant.
    « Que sont les événements du monde pour l’artiste quand il crée ? Un tourment lointain et invisible. Une rumeur angoissante, entêtante, importune. » 

    nympheasetsaule.jpg

    Chaque paragraphe commence par la même phrase et cette litanie qui scande le texte nous invite à nous plonger dans l’univers du peintre, à voir ces interminables retouches de l’oeuvre, une oeuvre en perpétuel recommencement, en éternel inachèvement.
    « Il ne sait rien du grand destin aveugle qui attend les Nymphéas. » 

     

    560x315_les-nympheas-chapelle-sixtine-de-limpressionnisme.jpg

    « Partout des bleus, des bleus mêlés de rose, des bleus mauves et des bleus plus profonds, des bleus de cobalt, des bleus nocturnes, et ici et là, un bref feu d’or qui contraste, un incendie de jaune » 

     

    En quelques mots JP Toussaint nous dit l’âge qui avance, le corps qui s’affaiblit, la vue qui flanche et l’homme, le peintre « laissant la vie derrière lui, prenant congé du monde »

    monet.png

    C’est peu dire que j’ai aimé ce texte, alors que, il faut que je le confesse je n’aime pas les autres livres de l’auteur, ben oui désolée !!

    Mais là j’ai lu ce petit opuscule trois fois de suite, j’ai ressorti mon gros livre sur Monet, sa biographie, sa correspondance avec Clémenceau, bref je me suis offert un bain d’impressionisme et rien que pour ça merci Monsieur Toussaint.

    IMG-0359.jpg

    Le livre : L’instant précis où Monet entre dans l’atelier.- Jean-Philippe Toussaint - Editions de Minuit 

  • Brindilles pompéiennes

    « Salut la Campanie »

    campanie.jpg

    « Vous marchez sur les traces de Goethe et de Mozart, de Dumas et Gautier, de Nerval et Stendhal, de Freud et de bien d’autres. »

    pompei.png

    «  Il n’est de bonne visite que par sauts et gambades, selon l’envie, l’humeur, les goûts, les états d’âme. »

    vesuve.jpg

    « Sous l’oeil apaisé du Vésuve, vieux lion fatigué qui peut encore rugir et dont les flancs frémissent près du cratère. Mais sans oublier Naples cette belle endormie, avaricieux gardien des trésors pompéiens, échappés au volcan, aux rapaces pilleurs, aux barbares visiteurs. A la furie des Dieux, à la folie des hommes. »

    pompei.jpg

    Le livre : Pompéi Promenades insolites - Claude Aziza - Editions Les Belles lettres 

  • Fantaisie vagabonde en Bretagne avec Flaubert - Thierry Dussard

    Flaubert.jpg

    Flaubert et Maxime Du Camp 

    Et si je vous proposais une balade en Bretagne, l’été approche alors pourquoi ne pas prendre le large en compagnie d’un livre évidement. ? 

    Je vous invite à suivre un journaliste amoureux des chemins et d’une bretonne, des grèves et des couleurs, des menhirs, des landes et de Flaubert.

    bretagne.jpg

    La région a déjà attiré Stendhal, Balzac et Victor Hugo, Flaubert va faire là ses premières armes littéraires avec « Par les champs et par les grèves »  récit à quatre mains comme le nomme Thierry Dussard. C’était avant que l’amitié Du Camp /Flaubert vole en éclats.
    Si vous voulez en savoir plus sur le livre original rendez-vous ici.

    9782350746418-475x500-1.jpg

    L’original c’était en 1847, aujourd’hui le journaliste et sa bretonne d’épouse partent sur les traces des deux compères.

    Il nous entraine à la suite de Gust alias Flaubert, et il n’est pas pingre aussi allonge-t-il la liste avec Segalen, Théophile Gautier, Joseph Kessel et même Kerouac qui font partie du voyage. 

    bretagne.jpg

    T Dussard a fait cette balade après le confinement et des difficultés familiales « Cette impression de vide, ce sentiment que la vie vous trahit, fragilise et cautérise tout à la fois. On en ressort différent, et sinon plus fort, soucieux d’aller à l’essentiel »

    Flaubert lui sortait d’une crise forte liée à son épilepsie « Je suis résigné à tout, prêt à tout ; j’ai serré mes voiles et j’attends le grain, le dos tourné au vent et la tête sur ma poitrine. »

    J’ai l’impression que la Bretagne est un remède souverain qu’on se le dise.

    bretagne 3.jpeg

    T Dussard a mis dans ses bagages le texte intégral de Par les champs et par les grèves , son épouse elle a ses carnets de croquis, et son matériel d’aquarelle.

    Les voilà partis pour la Bretagne d’aujourd’hui confrontée à celle d’hier.Une Bretagne qui était un territoire presque oublié, pas de chemin de fer, des routes et chemins difficiles, une province farouche au catholicisme plus qu’étouffant. La Bretagne d’avant le chemin de fer et l’école de Jules Ferry, celle qu’a si magnifiquement raconté Pierre-Jakez Hélias dans le Cheval d’Orgueil.

    M02259183964-large.jpg

    La magie fonctionne, on savoure le dialogue entre un Flaubert bougon et un Dussard joyeux et amoureux.

    Les deux compères ont usé de moyens de transport très variés «  à pied, en voiture, cabriolet, diligence, bateau, carriole, omnibus, tilbury ou chaise de poste » les Dussard eux choisissent une Peugeot c’est un brin plus confortable.

    On explore le Morbihan, le Finistère, les côtes de la Manche, pour finir à Cancale. « Il faut avoir le jarret solide pour vouloir frayer avec Flaubert »

    saint malo.png

    À Saint-Malo, la statue de Chateaubriand est l’occasion de quelques jolies paragraphes. 

    Je fais en ce moment une lecture lente et patiente des Mémoires d’Outre-tombe j’ai donc été plus que sensible aux mots de Flaubert devant sa tombe

    Tombe_Chateaubriand.jpg

     « Dans ce sépulcre bâti sur un écueil, son immortalité sera comme fut sa vie, déserte des autres et tout entourée d’orages. Les vague avec les siècles murmureront longtemps autour de ce grand souvenir ; dans les tempêtes, elles bondiront jusqu’à ses pieds (…) entre son berceau et son tombeau, le cœur de René devenu froid, lentement, s’éparpillera dans le néant, au rythme sans fin de cette musique éternelle. »

     

    Mais, car il y a un mais, natifs de Saint-Malo, je vous avertis que Flaubert n’aime pas vraiment la ville, et c’est un euphémisme. D’ailleurs il ne se prive pas de donner des petits noms d’oiseaux aux bretons et ce n’est pas toujours du meilleur goût.

    presqu-ile-de-crozon-1-1920x960-crop-1541415860.jpg

    Presqu'ile de Crozon

    À Crozon Gust et Maxime sont saisis d’une « attaque d’archéologie foudroyante »  jusqu’à ce que le propriétaire du champ les chasse !
    Ils profitent du soleil mais aussi souvent du vent et de la pluie : c’est la Bretagne quand même !

    Pas question de tout vous révéler je vous laisse le plaisir de la découverte du reste du voyage.

     

    Vous avez deviné j’ai beaucoup aimé ce livre. Ce tricotage du récit de Flaubert et celui du journaliste.
    Quand le guide touristique croise le guide littéraire loin des thèses universitaires, des guides sérieux sur la région. 

    Thierry Dussard mêle le rêve, les brumes maritimes, les menus riches en crustacés, les crêpes (faut ce qu’il faut) ses souvenirs d’enfance, son amoureuse épouse et ses lectures.
    C’est fait avec légèreté, humour et un élégant savoir faire.

    Un récit plein de charme, un vagabondage très réussi qui fait honneur aux Editions Paulsen qui détiennent bien d’autres trésors.

    fantaisie-vagabonde-en-bretagne-avec-flaubert-format-broche-1931270373_L.jpg

    Le livre : Fantaisie vagabonde en Bretagne avec Flaubert - Thierry Dussard - Editions Paulsen

  • Bribes de Poussin

    Poussin l'été ou Ruth et Booz .jpg

    Nicolas Poussin L'été où Ruth et Booz 

    « Dans L’Eté, une des peintures du cycle des Saisons de Poussin, le livre de Ruth est le prétexte à un déploiement solaire du paysage. »

    ruth et booz  pietro Rotarie.png

    Gebrand van den Eeckhout, Ruth et Booz, 1672,

    «  L’ombre du grand arbre les protège de l’été qui resplendit dans le champ de blé.
    On entend la parade romaine des cinq chevaux, tous au pas et le claquement du fouet ; le joueur qui souffle dans une espèce de cornemuse en observant son maître ; la rumeur géographie, chorégraphique des moissonneurs ; de la femme qui interrompt sa tâche et qui semble s’étonner de la présence de Ruth. »

    Le livre : Et in Arcadia ego  - Jean Pierre Ferrini - Editions Le Temps qu’il fait