Les USA et le monde ont échappé à un deuxième mandat de Trump, les images de hordes de blancs suprémascistes et brandissant des croix m’ont effrayées comme beaucoup d’entre vous je pense.
Peu après j’ai vu passer un roman qui immédiatement m’a fait de l’oeil par son sujet.
Je l’ai lu, et il est allé rejoindre des livres sur le sujet.
La couverture du livre est un symbole à elle seule, et la date de 1963 ne peut échapper à personne, je me souviens je commençais à m’intéresser à la vie du monde et ce soir là nous étions réunis pour le repas, j’aimais quand mon père mettait les informations ce qui donnait lieu à des échanges parfois musclés, le programme fut interrompu pour annoncer l’attentat de Dallas. Un vrai choc.
L’année est ainsi forcément restée dans ma mémoire et depuis sont venues s’ajouter des dates qui marquent le combat des noirs américains contre la ségrégation dans les écoles, les emplois, la justice, la santé, la police.
Il y a plusieurs façons de traiter le sujet, sérieusement comme dans Little Rock, ou à la façon d’un reportage comme Doug Marlett et son Magic Time ou à la façon d’Alan Parker dans Mississipi burning.
Et puis il y a la façon romanesque qui peut être très efficace comme dans Les rues de feu de Thomas H Cook ou dans la Couleur des sentiments et aujourd’hui ce roman Alabama 1963
Birmingham Albama
« Adela Cobb était un petit bout de femme énergique de trente-quatre ans » qui travaille comme domestique et elle vient de se faire virer par une patronne irascible parce que son « négrillon » de fils a joué avec l’enfant de la maison.
Comme toutes les domestiques noires de l’époque elle a plusieurs emplois alors elle demande à une de ses patronnes de lui fournir une recommandation pour trouver un travail en remplacement, la lettre en question débutant par « Je la crois volontiers menteuse, comme toutes les femmes de couleur que j’ai employées avant elle, mais plutôt moins que la moyenne » elle choisit de s’en passer.
Dans son quartier une battue est organisée pour retrouver une fillette disparue depuis plusieurs jours, la police restant inactive la famille va trouver Bud Larkin, un ancien policier reconverti en détective privé.
La fillette est retrouvée morte et violée et les meurtres vont s’enchainer dans l’Alabama de 1963 la police bien blanche ne s’active pas franchement pour élucider trois meurtres de fillettes noires.
Bud Larkin est une pure caricature, alcoolo fini, pestant en permanence contre les nègres, vivant dans ce qu’on peut appeler une bauge « C’était une porcherie. Et le type, soi-disant un détective… Agressif, grossier, sale. Et arrogant. Et fainéant. »
Celui ci doit se décider à remettre d’aplomb son cabinet s’il veut travailler un minimum.
Voilà comment Adela se retrouve à faire des heures de ménage dans l’antre de Bud le détective
Bon essayons d’être plus positive, Bud c’est un alcoolo bougon mais pas vraiment méchant, plein de préjugés qu’il brandit mais dont on n’arrive pas à savoir si il y croit vraiment ou s’il se soumet bêtement à l’ambiance du moment.
Pour accéder et soutirer des informations à la communauté noire il va devoir faire un effort et demander de l’aide à ….et oui à Adela.
Et il se passe quelque chose, ces deux là vont commencer doucement à dialoguer, même si Bud est toujours persuadé qu’Adela va le voler, le gruger comme font …et bien tous les noirs non ?
Et si Adela est persuadée qu’il est le diable incarné.
On ne parirait pas trois sous sur le duo détective blanc et la domestique noire analphabète.
Et pourtant l’alchimie est là, ça marche !!!
Inutile d’essayer vous ne me tirerez pas les vers du nez. Rien, nada.
Juste j’accepte de vous dire que dans ce polar il y a tout : les noirs en colère, les racistes bornés et vindicatifs, les insultes racistes
Mais surtout des dialogues fantastiques de justesse entre Bud et cette futée d’Adela.
La sauce prend, le respect s’installe. L’ambiance reste bien noire évidement mais l’humanité des personnages apporte au lecteur un vent de tendresse.
C’est un polar et tout nous est livré au compte goutte, l’enquête est longue mais ni Bud ni Adela ne baissent les bras
Les auteurs sont toujours un rien border line, ne rien masquer de ce que fut cette ségrégation mais le faire en distillant des dialogues savoureux, parfois plein d’humour et si justes qui vont faire travailler ensemble ces deux mondes irréconciliables.
Une réussite
Le livre : Alabama 1963 - Christian Niemiec et Ludovic Manchette - Editions pocket