« Paysage d'hiver de la vallée de la Loire inondée : une nappe d'eau rêche, que la bise de Noël hérisse, couvre les prairies de la Thau ; seuls émergent ça et là, accotés aux quelques frênes têtards épargnés par le remembrement, les affûts de branchages des chasseurs de canards. Au travers de la légère brume de gel qui embue la vallée et éteint toute couleur ne transparaît plus qu'une Picardie froide et grise des basses terres, un laagland flamand noyé par quelque rupture d'écluse, sur lequel le maigre jour d'hiver entrouvre à peine, l'espace de quelques heures, une paupière d'ennui. »
« À Saint-Florent. Je regarde le paysage sur lequel donne la fenêtre de ma chambre, et qui est bien ce que j'ai le plus souvent regardé au monde. Il me semble que j'entends encore passer sur lui le son des cloches des vêpres de mon enfance, le dimanche, son pulpeux, mûri et comme ambré, au travers duquel la journée de luxe et de loisir entamait son automne. Je regarde la colline du Mesnil, la courbe de la Loire, la muraille verte des peupliers de l'île, derrière laquelle montent et débordent avec lenteur les cumulus cotonneux de ce premier après-midi d'octobre. »
Le livre : Noeuds de vie - Julien Gracq - Editions José Corti
Commentaires
Chaque lecture de Gracq, un livre entier ou un passage, et je reste estomaquée. C'est un modèle pour moi.
Bon mardi.
un auteur que je n'ai jamais cessé de lire et relire
Merci, Dominique, ces lignes de Julien Gracq sont ciselées,
comme toujours, en forme de bijou intemporel !
Premier après-midi d’octobre pour l’écrivain,
première matinée de novembre pour nous,
les mots précieux nous atteignent au plus profond
tant les cloches des vêpres ou la courbe du fleuve
deviennent nôtres !
Désir de replonger dans une œuvre somptueuse !
merci merci vos commentaires ajoutent toujours à mon plaisir de venir répondre ici
Bonjour Dominique. Je suis née au bord de la Loire, à Bloirs, une autre Loire que celle de Gracq à Saint-Florent; je le sais, j'y suis allée il y a qqs années...Pourtant c'est la même, dans sa diversité, sa beauté, ses mystères, sa capacité à être emportée...alors Gracq c'est du bonheur ; quand il écrit "de ma fenêtre" je vois la fenêtre, la Loire, l'ile
merci Dominique
J'aime énormément cette région et j'ai lu il y a longtemps un livre parfait sur le sujet, bon pas au meme niveau que Gracq mais un récit très agréable c'est ici
http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2011/03/01/la-compagnie-du-fleuve-thierry-guidet.html
Quelle plume. Lire Gracq, enfin, il m'attend patiemment.
Vas y lance toi tu ne le regretteras pas
Sublimes observations des mondes qui l'entourent, les mots si bien choisis font naitre immédiatement des images, quel talent ! Merci Dominique, douce journée. brigitte
je ne sais si je préfère Gracq critique littéraire ou Gracq voyageur
Peux-tu croire que c'est la première fois de ma vie que je lis des lignes de Gracq....quelle magnifique plume dans ces extraits.
Que lire de lui pour commencer, Dominique?
il faut que tu fasses un choix, soit ce sont les critiques littéraires qui t'intéresse soit ce sont les écrits sur des lieux ou bien encore ses romans
on s'en reparle ?
La Loire inondée, on en rêverait!
merci pour cette belle citation
j'aime vraiment beaucoup son écriture
La Loire inondée, on en rêverait!
merci pour cette belle citation
J'ai un livre de Gracq dans mes étagères. Tu me donnes envie de le ressortir et surtout d'en découvrir d'autres.
c'est le genre d'auteur qui est toujours à lire ou à relire
"une paupière d'ennui" - waouh !
ah l'art de l'écriture
un de mes auteurs favoris mais j'avoue que la relecture du "rivage des syrthes" m'a semblé une copie du "désert des tartares " en moins bien . je ne sais pas si Julien Gracq avait lu le roman de Buzzati. Ses textes poétiques restent de purs moments de bonheur