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Voyager - Page 14

  • Un temps pour se taire - Patrick Leigh Fermor

    Faire retraite

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    Ma première lecture de Patrick Leigh Fermor remonte à ...je préfère ne pas compter !

    A l’époque j’avais cherché d’autres livres de lui mais rien n’était édité alors de guerre lasse j’avais acheté en anglais :  A Time to keep silence, mais bien sûr j’ai calé sur la lecture trop ardue pour moi.

    Aujourd’hui je comprends pourquoi ! Le livre est enfin traduit en français grâce à Guillaume Villeneuve et aux éditions Nevicata et la langue, les réflexions, les interrogations de ce petit livre sont d’une telle densité, d’une telle qualité que ... je n’avais aucune chance.

     

    En 1948 PL Fermor fait sa première retraite à l’abbaye de Saint-Wandrille en plein pays de Caux. Elle sera suivie de beaucoup d’autres, il fera retraite à Solesmes haut lieu du chant grégorien et même à la Grande Trappe celle du « riche, beau et fastueux » abbé de Rancé.

     

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    Solesmes

    C’est une courte lecture, cet amateur de marche, ce bon vivant qui peut chanter dans plusieurs langues, cet amoureux de la vie s’est à plusieurs reprises retiré dans une abbaye et vécu au rythme des chants grégoriens.

    Sa première expérience fut difficile, les règles lui semblent intimidantes et le silence est dur à supporter « L’endroit avait le caractère d’un énorme tombeau, d’une nécropole dont j’étais le seul habitant vivant » mais bientôt sa dépression disparait, son agitation s’apaise et un sommeil d’enfant lui apporte un repos et une capacité de travail jamais connue « cette extrême lassitude se réduisit à rien, la nuit se ramena à cinq heures de sommeil léger, sans rêve, parfait, suivi d’un réveil plein d’énergie et de fraîcheur limpide » 

    PL Fermor a des mots magnifiques pour exprimer ce temps de solitude, ce changement intervenu en lui, son voyage intérieur est riche et passionnant.

     

    Pourtant l’auteur n’en reste pas là et avec sa culture et sa verve habituelle il nous fait parcourir les hauts lieux du monachisme en france, en Angleterre et jusqu’en Cappadoce où il a découvert  des monastères troglodytes riches de trésors

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    « les marches aboutissaient à une salle scintillante qu’éclairait au zénith un rayon de soleil assourdi. Lentement une église byzantine, complexe, ténébreuse, se matérialisa autour de nous. Nous étions sous un dôme central orné d’une fresque du Christ Pantocrator » 

     

    Ce voyageur impénitent nous ouvre les portes des monastères rupestres de Cappadoce où il cherchât les traces des premiers chrétiens anachorètes.

    Il nous invite à connaitre un peu mieux ce monachisme oriental et la figure de Saint Basile dont il nous livre une lettre particulièrement révélatrice de l’esprit de cet homme érudit, tolérant, chose surprenante pour l’époque.

     

    Vous avez compris que ce livre m’a énormément plu, PL Fermor est « Un compagnon sans égal, libre de tout horaire ou convention, d'une curiosité et d'un enthousiasme inlassables. » ce n’est pas moi mais le New York Times qui le dit.

    Son récit d’une belle qualité littéraire est épuré et riche. Son écriture nous restitue sa recherche, ses doutes, le silence auquel il aspire.

    La traduction de Guillaume Villeneuve est parfaite. 

    Je vous invite à poser ce livre sur les rayons de votre bibliothèque.

     

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    Le livre - Un temps pour se taire - Patrick Leigh Fermor - Traduit par Guillaume Villeneuve - Editions Nevicata

  • Le Phare Voyage immobile - Paolo Rumiz

    Après avoir cavalé derrière lui sur les routes d’Europe, sur les traces d’Hannibal, ouf je peux faire une pause avec le dernier livre de Paolo Rumiz.

    Un voyage immobile sur une île dont on devine un peu la situation au milieu de la Méditerranée sans doute du côté de la côte Dalmate.

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    Un phare peut être comme celui là

     

    Paolo Rumiz réalise un rêve vieux comme le monde, partir sur une île déserte (enfin presque), se couper du monde et vivre là sans contraintes autres que celles de la météo.

    Il va vivre trois semaines dans un phare, avec les gardiens pour seuls compagnons et porter son regard sur ce qui d’habitude nous échappe : les nuages, les étoiles, le vent.

    Le temps qui passe est ponctué de pêche parfois miraculeuse, d’incursion en cuisine lorsqu’il invite ses hôtes autour d’un risotto dont le fumet vient nous titiller les papilles. Il observe ces énormes bateaux qui croisent au loin

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     les oiseaux qui « saluent la mort de la lumière » par un concert tonitruant.

     

    Paolo Rumiz se fait ermite et épicurien à la fois et c’est l’occasion pour lui de revenir vers ses lectures, vers ses amis, de rêver et de perdre pied parfois.

     

    Même si je le préfère en voyageur, j’ai pris un grand plaisir à cette lecture.

    Un récit qui s’adresse plus aux adeptes du Taoïsme qu’à ceux de Marco Polo .

     

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    Le livre : Le phare voyage immobile - Paolo Rumiz - Traduit par Béatrice Vierne - Editions Hoëbeke

  • Berezina - Sylvain Tesson

    « Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,

    Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.

    Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.

    Après la plaine blanche une autre plaine blanche » ¹

     

    Ca vous rappelle quelque chose non ?

    Vos cours d’histoire ? 1812 et la Grande armée aux prises avec le Général Hiver ? bref la Retraite de Russie.

    Pas question ici d’un cours d’histoire mais plutôt d’un récit épique où sur les pas des grognards, trois français et deux russes, vont nous refaire la retraite.

     

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                             © Photo Thomas Goisque 

     

    Ils ont décidé d’utiliser des side-cars, si vous ne voyez pas à quoi ça ressemble repassez-vous la Grande vadrouille, et de suivre le trajet suivi par l’armée napoléonienne  quittant Moscou où le Tsar les a piégé.

    Sylvain Tesson aime les défis et avec deux acolytes avec qui il a déjà bourlingué : Cédric Gras et Thomas Goisque et Vassili et Vitaly côté russe, il va nous refaire la retraite en hiver ! 

    Cette marche forcée véritable course contre la mort se répète deux cent ans après à bord de trois Oural, arborant fièrement un drapeau impérial et Tesson coiffé d’un bicorne et dans ses fontes des livres des livres des livres.

    Les étapes sont celles de 1812 : Smolensk, Minsk, le passage de la Berezina, Vilnius ...On suit en parallèle l’épopée napoléonienne et celle de nos cinq grognards d’aujourd’hui.

    La route est parfois dangereuse pour les side-cars et la visibilité du conducteur souvent voisine de zéro.

    Le récit est ponctué des témoignages et mémoires des soldats de 1812 et des vicissitudes mécaniques de 2012.

     

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    C’est tout à fait réussi, on se prend au jeu.

    Cet hommage aux « petits, les obscurs,les sans-grades. (...) qui marchions fourbus,blessés,crotté,malades, sans espoir de duchés ni de dotation » ²

    Ces grognards qui ont suivi Napoléon depuis l’Egypte et qui vont pour survivre « vivement, avec un peu de neige, encor » se faire « un sorbet au sang de cheval mort » ³

     

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    C’est environ 400 000 personnes qui ont perdu la vie lors de cette retraite, on sent Sylvain Tesson admiratif devant leur courage et leur abnégation, il sait parfaitement remettre quelques pendules à l’heure. La Berezina n’est pas un fleuve extraordinaire, non c’est une simple rivière et non malgré la connotation qui s’attache à ce nom, il ne s’agit pas d’une défaite française mais bien d’une tragédie « La retraite de Russie repose ainsi sur ce paradoxe, une armée marche, de victoire en victoire, vers son anéantissement total. »

     

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    Mikhaïl Koutouzov l'adversaire 

     

    Vous l’aurez compris j’ai aimé ce livre avec juste le petit bémol des bouteilles de Vodka qui défilent à croire que cela lui sert de carburant ! 

    C’est un petit livre réjouissant, parfois drôle, qui donne envie de lire les mémoires du Sergent Bourgogne ou une biographie de Caulaincourt seul homme de l’entourage de l’Empereur à garder la tête froide et bien entendu de lire ou relire Guerre et Paix.

     

     

    Citations ¹ Victor Hugo   ² ³ Edmond Rostand L’Aiglon

     

    Tout savoir sur la Berezina 

     

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    Le livre : Berezina - Sylvain Tesson - Editions Guérin 

  • Géographie de l'instant - Sylvain Tesson

     

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    Jusqu’ici mes lectures de Sylvain Tesson ne s’étaient pas révélées très convaincantes, agacée par le ton de son récit d’ermite russe, pourtant j’ai lu avec intérêt cette Géographie de l’instant.

    J’ai aimé car cette lecture correspondait à mon rythme de lecture un peu haché, ce recueil de chroniques se prêtait bien à une lecture en zigzag. 

    Comme souvent dans ce genre de livres tout n’est pas du même niveau, j’ai aimé les petits récits des antipodes, certains sont beaux, d’autres drôles ou désolants selon la destination ou la période. 

     

    J’ai picoré allègrement des titres de livres qui me font de l’oeil et question lecture Sylvain Tesson n’est pas en reste.

    Par contre j’ai nettement moins été subjuguée par ses jugements un peu à l’emporte pièce, je n’arrive pas à comprendre ce qui donne autant d’assurance à un auteur sur des sujets qui ne sont en rien de son ressort propre. Comprenez moi, tout le monde à droit à un avis mais le publier sous couvert de l’écrivain voyageur je trouve ça prétentieux et inutile. 

    Un petit livre plutôt sympathique donc truffé de citations,  ça j’aime  et de destinations qui font rêver.

     

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    Le livre : Géographie de l’instant - Sylvain Tesson - Editions Pocket

  • Les oies des neiges - William Fiennes

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     « Notre instinct est de revenir au bercail. Les oiseaux migrateurs ne voyagent pas pour le plaisir. Ils se déplacent entre les lieux d’hivernage et d’estivage, parce que l’axe de notre planète n’est pas perpendiculaire au plan de son orbite autour du soleil. »

     

    Comment nait une passion chez un homme ? Parfois totalement accidentellement.

    William Fiennes (pour les curieux oui oui c’est le cousin des Fiennes acteurs) fait de nombreux séjours à l’hôpital il lit beaucoup. Il tombe sur un livre d’enfant, lu il y a bien des années : l’ Oie des neiges.

    Ce livre va activer en lui une envie forte, « J’ai imaginé une quête, un vol : un voyage avec les oies des neiges jusqu’à l’océan Arctique »

    Pour un convalescent voilà bien un programme un peu intrépide mais son envie est très forte.

    Au printemps et à l’automne des milliers d’oies entament leur long voyage entre Golf du Mexique et la Baie d’Hudson. Ce sera donc notre chemin.

     

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     « J’ai vu apparaître les oies des neiges comme une promesse tenue »

     

     

    Nous allons tel Nils Holgerson suivre les oies des neiges et entrer dans un monde où les oiseaux sont les rois.

    William Fiennes va utiliser des moyens de transport variés du bus Greyhound en passant par le train et la voiture. Il tente de ne jamais lâcher les oies des yeux et pour cela passe parfois plusieurs jours en un lieu comme au bord du Sand Lake.

    Au fil des kilomètres il croise des passionnés d’ornithologie, des serveuses de bar, Eléonor et sa chambre d’hôte, Michael du Fish and Wildlife service qui « savait exactement dans quel ordre tout ce monde ailé reviendrait au printemps », et son carnet de voyage s’enrichit des ses rencontres, d’anecdotes, de réflexions, de données scientifiques.

     

    Quand le voyage s’étire un peu trop il est atteint de nostalgie et c’est l’occasion pour lui de faire des parallèles avec la migration des oiseaux et leur envie de voyage et de retour en alternance. Les migrations des oiseaux ont toujours fasciné les hommes. 

    Les paysages sont magnifiques, l’hiver s’efface petit à petit pour laisser place à un printemps tardif au fur et à mesure de la montée vers le nord.

     

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     « Des milliers d’oiseaux de phases bleue et blanche étaient massés sur la glace au milieu du lac, formant un gigantesque dessin en amande qui s’effilait à ses extrémités nord et sud. Leurs têtes étaient levées bien haut, leurs cous tendus, perpendiculaires à la glace. De près le bruit n’était plus qu’un vacarme sauvage et  universel, les appels se propageaient sur la glace comme des billes roulant sur une plaque métallique. »

     

    Livre de passion et de savoir. William Fiennes le solitaire nous restitue de façon vivante un monde magnifique et il nous fait participer à son errance, à celle de ces oiseaux majestueux qui sillonnent le ciel par milliers.

    Ce livre va aller rejoindre Rick Bass et Dan O’Brien dans ma bibliothèque

     

    Tous savoir ? c'est ici

     

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    Le livre : Les oies des neiges - William Fiennes - Editions Hoëbeke 2014

  • Un Jardin à Venise - Frederic Eden

    Le jardin

     

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                                  ce n'est pas celui de F Eden mais il est très beau

     

    Le seul nom de Venise me porte à rêver, à imaginer les ruelles, les ponts, les canaux. Ma bibliothèque vénitienne est déjà bien fournie mais je n’ai pas résisté à ce livre paru il y a presque dix ans mais que je n’avais jamais lu.

    Il fallait un anglais pour imaginer devenir propriétaire d’un jardin à Venise ! Ce monsieur installé dans la Sérénissime pour prendre soin de sa santé, s’ennuie terriblement. Il rêve de verdure de « terre ferme et d’arbres verts, de buissons et de fleurs. » 

     

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    "Durant les quinze premiers jours de mai le grand spectacle des roses se met en place"

     

    L’argent ne semblant pas être un réel problème il devient l’heureux acquéreur d’une parcelle de végétation en plein Venise. Et par la grâce d’un bel acharnement et d’un don pour le jardinage, il va transformer ce coin de terre en un jardin ..d’Eden ! Il donne vie à un jardin à l’anglaise évidemment qui a les qualités qui lui semble nécessaire à un jardin « profusion des couleurs (...) abondance des fleurs »

     

    Si vous aimez Venise et les jardins je vous conseille très vivement ce livre, vous y suivrez Frederic Eden cherchant l’inspiration pour son jardin, tâtonnant un peu et faisant des essais parfois infructueux, il faut dire que la terre n’est pas de la meilleure qualité. Les jardiniers ne sont pas toujours à la hauteur de ses ambitions et cela donne lieu à des déboires ce qui lui fait mettre la main à la pâte.

     

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    La liste des plantes est impressionnante : anémones, jonquilles, muguet, tulipes, des arbres fruitiers, citronniers et bambous, grenadier et jasmin, lilas et magnolias. Pour abreuver tout cela un puits de 60 mètres devra être creusé allant même jusqu’à la création d’un bassin avec poissons et nénuphars

    Nous sommes à la fin du XIX ème siècle et ses visiteurs sont célèbres et laissent leur paraphe dans son livre d’or : Rilke, Proust et bien sûr Henri de Régnier grand amoureux de Venise.

     

    une passion qui durera car « Le jardinage nous occupe et nous ravit du premier au dernier jour de la vie » dit-il.

    Si vous allez à Venise ne cherchez pas ce mystérieux jardin car si il est au patrimoine de la ville, il est aujourd’hui malheureusement abandonné. 

    Mais vous pouvez toujours rêver avec ce livre. 

     

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    Le Livre : Un jardin à Venise - Frederic Eden - Traduit par Marie Thérèse Weal - Editions Actes Sud