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Littérature française et francophone - Page 19

  • Embrasse l'ours - Marc Graciano

    J’aime retrouver les auteurs qui une fois m’ont fait rêver ou vibrer, parfois un livre d’eux est une déconvenue alors tristement on passe, mais on garde néanmoins un oeil aux aguets.

    De Marc Graciano j’ai aimé énormément  Liberté dans la montagne puis après un ou deux romans un rien décevants j’ai repris langue avec lui avec Le Sacret.
    Aujourd’hui c’est au pays de l’ours qu’il nous convie avec un titre réjouissant :  Embrasse l’ours.

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    On pourrait penser que l’ours est aujourd'hui mal accepté mais que c’est récent, pas du tout nous dit Graciano qui retourne pour nous au moyen-âge. 
    Une ourse magnifique attirée par « une frénétique recherche de nourriture » vient jusque dans le village s’emparer d’oeufs, de fruits, de viande. 
    Les risques sont énormes mais la tentation et la faim font taire la prudence. La chasse est donnée, c’est un ourson qui est capturé dans la tanière de l’ourse avant que la bête meurt.

    Un ourson sauvé du massacre par un loutier est adopté par des oursaillers
    « C’étaient des baladins qui donnaient spectacle dans les villages qu’ils visitaient, et ils ne se nourrissaient que d’herbes et de graines, et de miel et d’oeufs, et de lait »

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    Ce n'est pas si vieux 

    Il devient un ours imposant, qui tient droit sur ses pattes « une bête qui se prend vraiment pour un homme »
    On le déguise, il partage la vie de la troupe. Danse avec une belle jeune fille. Le public est partagé entre peur et émerveillement.
    Mais la mort rôde. L’évêque du village déclare la chasse à l’ours ouverte car dans l’inconscient collectif il y a l’idée d’amours possibles entre la bête et la femme. 

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    La troupe des oursaillers rappelle un peu les personnages de Liberté dans la montagne, le lien magique entre hommes et bêtes mais en même temps une cruauté, une violence toujours sous-jacente.

    Un conte plein de tendresse, sensuel et poétique. Marc Graciano se met à hauteur d'animal, il est toujours aussi amoureux des mots dont le sens s’est perdu mais qui servent de balises à son récit. Une langue superbe.

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    Le livre : Embrasse l’ours - Marc Graciano - Editions José Corti

  • Les Grands cerfs - Claudie Hunzinger

    J’ai une étagère de livres compagnons, je n’aime pas le terme de coup de coeur parce que pour moi c’est un phénomène éphémère, alors que compagnons c’est quelque chose qui s’inscrit dans la durée. 

    Ce ne sont pas tous des chefs d’oeuvre, non, mais des livres qui me procurent un plaisir de lecture, un apaisement, une joie renouvelée à chaque lecture.

    Le roman de Claudie Hunzinger  va aller rejoindre mon étagère de livres compagnons.

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    Pamina habite une ferme isolée, perdue dans les Vosges  avec son compagnon Nils.
    Depuis longtemps elle cherche à surprendre les cerfs dont elle repère régulièrement les traces alentour.
    Elle est fascinée par ces invisibles et cherche à les apercevoir. Elle veut écrire sur eux. 

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    Une cabane d'affût 

    Elle trouve de l’aide auprès de Léo, un fou de l’observation animale, un dingue de photographie. Il sait tout des cerfs, leurs habitudes, leurs cheminements, il sait où les guetter. 
    Elle va lui permettre d’installer une cabane d’affût sur son terrain des Hautes-Huttes.
    Léo lui fait partager son savoir mais sans jamais se livrer totalement, un écolo à qui Pamina donnerait le bon dieu sans confession. Confiance  trop aveugle ?

    J’ai aimé les apparitions nocturnes des cerfs « un tonnerre de beauté »  Le mélange nature et poésie, nature et littérature : 

    « Dans mon sac, il n'y avait pas seulement Lucrèce. Les albums du Père Castor aussi. Je les avais tous gardés et emportés là-haut. Froux, le Lièvre, Panache, L'Ecureuil. Et il y avait Francis Ponge. Et c'était comme si j'avais pris avec moi beaucoup mieux que des jumelles, dont d'ailleurs je me suis longtemps passée, comme si j'avais pris avec moi de quoi scruter La nature des choses et la fabrique du pré. Ils faisaient la paire, Lucrèce et Ponge pour illuminer l'intérieur de notre maison pourrie d'humidité, une vraie caverne »

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    J’ai aimé les pages sur cette quête un peu folle, un peu vaine aussi, j’ai aimé les saisons qui modifient la nature autant que la main de l’homme. 
    J’ai aimé que le roman ne soit pas manichéen, certes Pamina défend les cerfs et leur survie mais s’interroge aussi sur leurs méfaits, doit-on faire des compromis ?
    La nature oui mais jusqu’où ?
    Après la beauté et l’émerveillement vient le temps de l’effarement, des compromissions, de la destruction annoncée. 

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    Nils son homme ne change pas de roman en roman, toujours aussi complice, toujours un rien anarchiste bienveillant.

    J’ai aimé que le lieu de vie de Claudie Hunzinger change de nom à chacun de ses livres, Bambois, la Survivance, les Hautes-huttes qui chaque fois invite à un bain de nature.

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    Le livre : Les grands cerfs - Claudie Hunzinger - Editions Grasset

  • Giono furioso - Emmanuelle Lambert

    « On dit Giono, sorcier de la langue, conteur, poète traversé de légende »

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    J’aime les anniversaires qui remettent en lumière un écrivain ou une oeuvre.
    Le Mucem ouvre une rétrospective consacré à Jean Giono présentant ses manuscrits, les films adaptés de ses romans. Pas moins de 300 documents, archives familiales entretiens, carnets de travail, peintures, et une évocation poétique de la bibliothèque de l’auteur par l’écrivaine Clémentine Mélois.
    Emmanuelle Lambert commissaire de l’exposition publie un livre que ne peuvent pas rater les amoureux de l’écrivain. 

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    L’auteure de ce Giono furioso vagabonde dans la vie de l’écrivain, dans ses oeuvres et dieu sait qu’il y a là de la matière car Giono « Il écrit tant qu’on le croirait fou, possédé »
    Depuis le jeune écrivain revenu des tranchées de la Première Guerre mondiale, au succès de sa trilogie de Pan. 
    De l’écrivain autodidacte au chantre du Contadour jusqu’à ses excès en matière de pacifisme. 

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    Au Contadour

    Avant tout un homme qui a absorbé comme une éponge ses maitres en littérature « Homère, Melville, Virgile, Montluc, Machiavel, Dickens »
    Elle ne lui fait aucun cadeau « J’irai le chercher dans ses contradictions et ses délires »

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    Bureau de Giono 

    Emmanuelle Lambert fait entendre sa passion pour un écrivain parfois porté à l’excès mais qui « avait la passion de l’invention, cette tendresse de l’esprit qui n’est pas exactement le mensonge ».

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    Blanche Meyer le dernier amour de Giono

    Elle traque l’ « Amant fiévreux » s’interrogeant perpétuellement sur la profondeur du mal, trouvant, surtout à ses débuts, des réponses dans l’amour de la nature.et s’évadant dans l’imaginaire.
    Ce n’est pas l’homme parfait, mais il est toujours animé d’une fureur de vivre qui explique sans doute qu’aujourd’hui encore on lise Giono.

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    Elle fait le portrait d’un grand écrivain, disciple de Stendhal « l’une de ses idoles littéraires, dont il avait un exemplaire de la Chartreuse de Parme dans sa poche, pendant la Grande guerre et qui lui fit découvrir l’arioste et son Roland furieux » 

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    Maison de Giono

    Portrait à travers ses lectures, des témoignages et milles anecdotes, sans chronologie véritable mais toujours mettant l’accent sur les oeuvres moins connues.
    Une invite à la lecture et à la relecture car « Les grands livres ont ceci que nous ne lisons jamais la même chose lorsque nous les relisons. »

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    Giono par Irving Penn

    Giono vous pouvez le retrouver sur ce blog car j’aime à peu près tout de lui  « Giono, c’est la beauté de la langue et du chant »

    Même si mon affection première s'est portée sur la trilogie de Pan comme Emmanuelle Lambert « je préfère aujourd’hui les Chroniques, de cette préférence naïve, un peu hagarde, qui fait qu’on se trouve malin à établir des hiérarchies entre les merveilles. » 

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    Le livre : Giono furioso - Emmanuelle Lambert - Editions Stock

     

     

  • Bribes Gionesques

    Exercice d'admiration

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    « Giono a volé le feu sacré, affronté le monde et dénoncé ses crimes, porté en pleine gloire ses passions saintes ou funestes, sordides ou magnifiques, rappelé que rien n’est donné, que tout est à conquérir, et que sans caractère il n’est point de conquête. Seules les âmes fortes ont droit au respect et au pardon. Et, parfois, à notre compassion. » 

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    « Nous l’écoutons comme s’il était là, à notre côté, le soir au coin du feu, le jour en marchant dans la forêt, la nuit en rêvant. Sa voix monte du fond des âges, raconte l’histoire trouble et magnifique des hommes en lutte contre leurs vices et leur mortel destin. »

    Le Livre : Lettres de château - Michel Déon - Editions Gallimard

  • Cosme K - Philippe Gerin

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    J’aime le thème de la quête et celui de l’errance. 
    J’aime aussi que les romans nous parlent d’hommes imparfaits.

    Cosme K le héros du roman est en fuite, vous devrez patienter pour savoir ce qu’il fuit ou ce qu’il cherche, mais vous serez immédiatement accroché par le récit que livre le narrateur, le frère de Cosme, qui tente de  retrouver sa trace et dont on suit les efforts un rien désespérés pour retrouver ce frère qui ne cesse de s’échapper. 

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    Première escale la Norvège. On est près du cercle polaire, Cosme sait se faire aimer, se faire accepter et Maïken tombe sous son charme. Elle a perdu Jonas son compagnon et lui ouvre sa maison, son coeur pour ne pas dire son corps. 
    Maïken cherche à le retenir près d’elle :
    «  Il faut que tu voies l’hiver. Ne pars pas avant d’avoir vu l’aube bleue glisser sur la lande couchée et sur les rochers pointus, lorsque le jour ne vient jamais. Ne pars pas avant d’avoir ressenti sur ta peau les lumières d’un ciel strié d’aurores boréales. »
    Cosme a trouvé un travail, il accompagne les touristes voir les baleines.
    Il y a un autre personnage important qui me plait beaucoup mais je vous laisse le plaisir de la découverte.
    Maïken sait que Cosme repartira un jour c’est comme écrit d’avance.

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    Ce que sait aussi Olga quand Cosme fait sa deuxième escale au bord du lac Baïkal dans la la baie de Krestovaya, un lieu un rien magique 
    « Des nuages noirs s’étaient postés au-dessus du lac, ne laissant filtrer que des rais de lumières irréelles à la surface de l’eau, comme à travers les vitraux d’une cathédrale. »

    Olga est une vieille dame dont la famille va adopter Cosme.
    « Cosme K, je te présente Svetlana, ma petite nièce, elle est sourde mais elle lit très bien sur les lèvres. Elle est belle, n’est-ce pas ? »
    Les parents de Svletana l’accueille bien, Irina et Saymone, l’homme cherche des bras pour l’aider et Cosme est embauché. Mais ici aussi tout va rester éphémère, chacun va aimer Cosme à sa manière, Cosme qui sert parfois de révélateur à chacun.

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    La prochaine étape sera Singapour mais de celle-ci je ne vous dirai rien.

    Un récit parfaitement construit, avec un fil rouge fait de mots qui emportent à chaque escale le héros plus loin, toujours plus loin, un jeune homme toujours en mouvement vers un ailleurs ou vers lui-même.

    Il y a la beauté des paysages, les destins individuels, les ruptures brutales qui nous tiennent en haleine, les personnages souvent en proie au tourment. 

    Roman de vagabondage très attachant dont la construction tissée très serrée est parfaite, vous regardez la tapisserie en train de se faire jusqu’au moment où l’on est capable de croiser le dernier fils.

    Philippe Gerin sait nous surprendre et nous tenir pris dans ses filets, une littérature des confins comme je les aime

     

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    Philippe Gerin et Antony du Bonheur des ogres

    La lecture de ce livre s’est poursuivi par la rencontre avec l’auteur. Une soirée  sympathiquement joyeuse. 

    Antony le libraire du Bonheur des Ogres a fait une présentation du roman et Philippe Gerin a répondu avec beaucoup de simplicité et de complicité à nos questions sur son parcours, la construction de son roman et ses personnages.

    Il a des projets de nouvelles et d’un roman, je serai au rendez-vous.

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    Le Livre : Cosme K - Philippe Gerin - Editions Gaïa 

  • Un monde sans rivage - Hélène Gaudy

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    Svalbard plus connu sous le nom de Spitzberg

    Trois jeunes gens très très peu expérimentés décident d’atteindre le pôle nord en le survolant en Montgolfière, en 1897 !!

    Salomon August Andrée paré du titre d’aéronaute, l'ingénieur Knut Frænkel et le photographe Nils Strindberg, s’envolent de  l'archipel de Svalbard direction le Pôle.

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    La Montgolfière de l'expédition

    Ils ont fait des préparatifs qu’aujourd’hui on qualifierait de ridiculement insuffisants, ils ont une méconnaissance totale des risques. Hélène Gaudy dit que les trois hommes avaient un côté Pieds Nickelés. Cela me semble juste.

    L’envol  se fait par beau temps, et très vite c’est la catastrophe. Le 14 juillet 1897 les rêves de gloire sont brisés, place aux efforts de survie, aux doutes et à l’incertitude du devenir.

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    La chute du ballon

    Ils marcheront plusieurs mois sur la banquise dans un monde uniformément blanc, blanc comme un linceul « drap posé sur les yeux d’un mort »

    Trente ans plus tard, Sur l’île de Kvitøya, on va retrouver leurs restes mais surtout les photos prisent par Nils Strindberg; vestiges du destin de ces trois hommes.

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    Hélène Gaudy écrit le roman de cette expédition, les photos sont les souvenirs de l’expédition et sur elles Hélène Gaudy bâtit son récit ainsi que sur le journal tenu par le chef d'expédition. Journal souvent laconique, ils font des prélèvements inutiles mais aussi plein d'observations naturalistes pour faire un peu briller leurs noms et leur aventure, tout en  masquant la souffrance, la peur des ours, la marche, le froid, la solitude, les privations. 
    A la fois magnifique et dérisoire.

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    L'Odyssée de l'endurance

    Ce que j’ai beaucoup aimé c’est le mélange savamment orchestré entre le récit de l’expédition et les évocations autour de lui.
    Les lettres d’Anna Chartier la fiancée délaissée par Nils Strindberg, les découvreurs, les aventuriers, les poètes de la glace. 

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    L'expédition de Léonie d'aunes d'après le peintre François Biard

    Le Palais de glace de l’auteur norvégien Tarjei Vesaas, le récit de l’expédition d’Ernest Shackleton ou le voyage au Spitzberg de Léonie d’Aunet que vous connaissez peut être plus pour avoir été l'amour de Victor Hugo avant son exil.
    J’ai été sensible pour y être allée à l’évocation de Pyramiden la ville fantôme de Svalbard. 

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    L’auteure redonne vie aux héros de l’épopée, elle comble les blancs avec finesse et dextérité.
    Un récit très abouti, très visuel, tout en noir et blanc.
    Un beau roman sur le désert glacé du Grand Nord qui aujourd’hui tend à disparaitre. Ma bibliothèque nordique est déjà riche mais je vais y ajouter ce livre.

    Une rencontre était prévue avec Hélène Gaudy dans ma librairie ce mardi mais les intempéries et la mini tornade qui s'est abattue sur Lyon a dérangé tous les plans !! grrrrrr

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    Le livre : Un monde sans rivage - Hélène Gaudy - Editions Actes Sud