L’ Homère des insectes
Ma première lecture de Jean Henri Fabre remonte à mes 7 ans, c’était un petit livre extrait des Souvenirs entomologiques et c’est comme ça que j’ai passé l’été à chercher et à observer les insectes dont parlait l’auteur.
C’était en Provence dans le Vaucluse et les mots de Fabre s'accordaient parfaitement avec le jardin où je lisais.
En 1989 j’ai acheté les Souvenirs entomologiques chez Bouquins et depuis je les ai parcouru, lu, j’ai relu les meilleurs passages, j’ai encore quelques pages à découvrir car j’ai lu autour de chaque insecte et il faut du temps si l’on ne veut pas friser l’overdose.
Forcément l’envie de lire une biographie est venue. Jean-Henri Fabre est un personnage extraordinaire.
Ce qui m’a le plus impressionné c’est la force de sa curiosité et l’acharnement qu’il a mis à apprendre tout au long de sa vie.
Depuis une enfance pauvre en Rouergue, en passant par l’Ecole Normale classé premier au concours d'entrée et obtenant ainsi une bourse indispensable à cet enfant de pauvres.
Il va ainsi assouvir son envie d’apprendre, apprendre tout : le grec, le latin, la poésie, la littérature.
Il est curieux aussi des sciences donc il suit des cours du soir en chimie !
Devenu instituteur il va mettre ses dons pédagogiques au service des enfants. Mais sa curiosité et son envie de progresser sont insatiables, il étudie l’algèbre, le calcul infinitésimal. Pour lui la science est tout.
« C'est là ce que je désirais, hoc erat in votis : un coin de terre, oh ! pas bien grand, mais enclos et soustrait aux inconvénients de la voie publique ; un coin de terre abandonné, stérile, brûlé par le soleil, favorable aux chardons et aux hyménoptères »
On suit la vie de Fabre au gré de ses nominations, Carpentras, la Corse, Avignon, Orange.
Il supporte mal le snobisme scientifique dont il est la victime ( ah la rencontre ratée avec Pasteur ) alors il herborise et chasse les insectes et fait paraitre des études qui étonnent et qui vont faire que Darwin son lecteur assidu lui donnera un surnom resté célèbre : l’observateur inimitable
Car dit-il
« la science des livres est une médiocre ressource dans les problèmes de la vie ; à la riche bibliothèque est préférable l’assidu colloque avec les faits. »
Victor Duruy qui avait été son inspecteur est devenu ministre, il remet à Fabre la Légion d’Honneur mais sur le terrain il n’est toujours pas reconnu par ses pairs.
C’est l’époque des ses livres pour le grand public : Le Ciel, La Chimie de l’Oncle Paul, l’Histoire de la Bûche ou le Livre des Champs.
Son quotidien est parfois douloureux, perte d’un enfant, d’une femme, remariage parfois difficile. Il se lance dans l’utilisation industrielle de la Garance, expérience qui finira par péricliter.
Ayant prospecté les environs il finit par trouver ce qui sera sa dernière demeure et son havre de paix et de travail : Sérignan du Comtat. Proche du Ventoux qu’il aime et au milieu des garrigues qui seront son terrain de jeux. Il a atteint son but.
« s’accorder un laboratoire en plein champ ».
C’est un pour lui l’occasion de vivre sa passion
« Je sens toujours bouillonner au fond de moi toute la fièvre de mes jeunes ans, tous mes enthousiasmes d'autrefois. »
L’Harmas va voir l’aboutissement du travail du savant qui garde intacte une joie d’enfant quand il observe :
« Mon sujet est l’épeire soyeuse à large ventre festonné et argenté. »
Il s’intéresse à l’insecte rouleur de boule qui ressemble à Sisyphe roulant son rocher
« Ce mythe me plait. C’est un peu l’histoire de beaucoup d’entre nous, non odieux scélérats, dignes d’éternels tourments, mais gens de bien, laborieux, utiles au prochain. »
« un chaos de plantes et d'arbustes créés de toutes pièces pour attirer ici une foule d'insectes de plusieurs lieues à la ronde »
Sur les pas de Pétrarque il fait l’ascension du Ventoux avec ses amis dont le philosophe John Stuart-Mill avec qui il espère écrire une Flore du Vaucluse.
S' il ne fut jamais reconnu par ses pairs et ne fit jamais partie de l’Académie des Sciences, aujourd’hui c’est le monde entier qui le célèbre et en particulier le Japon.
Au pays du soleil levant, Il existe quatre traductions de ses Souvenirs entomologiques, ses ouvrages scolaires sont disponibles dans les grandes surfaces et les enfants continuent d'apprendre la littérature et les sciences de la nature à travers ses écrits.
Ses 600 aquarelles de champignons font l’objet d’un livre magnifique et d’expositions, ses admirateurs sont prestigieux : Mallarmé, Maeterlinck, Jünger bien sûr. Le Président de la République Poincaré fait un détour par l’Harmas pour le saluer.
Et c'est Victor Hugo qui lui donne son plus beau titre : Homère des insectes.
Aquarelle de Pleurotus phosphoreus
Faites connaissance avec cet extraordinaire vulgarisateur, qui fut l’un des premiers à pressentir l'importance de ce que l'on appelle aujourd'hui l'écologie et qui fit graver sur sa tombe « Minime finis sed limen vitae excelsioris la mort n'est pas une fin mais le seuil d'une vie plus haute. »
« Ces insectes, du bousier à la cigale en passant par les fourmis et autres carabes, Fabre les identifie, les classe, les observe dans leurs activités quotidiennes, analyse leur comportement, imagine leur psychologie, ou les dissèque pour percer le mystère de leur physiologie. »
Un magnifique écrivain qui a un style bien à lui, vivant, parfois émouvant, souvent lyrique, sa passion transpire tellement qu’on ne le lâche pas.
Pour le rencontrer :
L’Harmas de Sérignan du Comtat qui est devenu Muséum National d’Histoire Naturelle
Micropolis la cité bâtie en l’honneur de Fabre
Le site de Philippe Defranoux et son travail sur Jean Henri Fabre illustré d’une multitudes de photos
Les livres :
Jean Henri Fabre - Souvenirs Entomologiques - Editions Bouquins
Jean Henri Fabre l’observateur incomparable - Aline Delage - Editions du Rouergue 2005
Jean Henri Fabre - Marie Mauron - Editions Alain Barthélémy 1980
Commentaires
Ton article est passionnant et me donne envie de me, pencher sur certaines biographies , genre que je lis assez peu. Un film est sorti en 1951, Monsieur Fabre. Pierre Fresnay interprétait le célèbre entomologiste. Merci pour cette ouverture sur la nature.
je n'ai jamais vu ce film hélas, les bio moi je suis fan et certaines d'entre elles m'ont ouvert des portes vers des univers tout à fait passionnants
Très intéressant ! Merci !
un homme à découvrir
Merci! Ses souvenirs, il y a longtemps que je veux les lire...
Ce sont deux livres qu'on ne lit pas d'une traite moi j'ai d'abord pioché dans les pages de sa vie, son autobiographie en somme puis doucement j'ai lu les chapitres concernant les insectes, j'avais peur d'être déçue eu égard à mon enthousiasme d'enfant mais non, c'est un livre qui m'enchante encore aujourd'hui et pourtant il est maintenant depuis des années sur mes étagères et de temps à autre je vais butiner
Magnifique article - merci de nous donner ainsi le goût de découvrir Jean Henri Fabre et un bel éloge de la curiosité. J'en profite pour vous faire partager un livre que j'ai sur ma liste et sur lequel je souhaite bientôt écrire un post "La cannelle et le panda" de Jean-Marie Pelt, livre dans lequel il retrace la vie de grands naturalistes. Le chapitre 22 est d'ailleurs consacré à Jean Henri Fabre.
je note la référence d'emblée car je dois le trouver dans ma bibliothèque
merci patrice pour ce commentaire et je vais aller en visite chez vous
le personnage de Fabre me fascine. j'ai utilisé ses textes en classe mes élèves ont même fait une bande dessinée sur la découverte des phéromones des papilllons de nuit, j'en ai gardé une depuis plus de 20 ans et, détail amusant, j'ai retrouvé son auteur (de 12 ans alors) comme collègue dans le collège voisin
Tes élèves ont bien de la chance j'aurai aimé avoir un prof qui me fasse connaitre cela
J'ai lu avec passion ton billet , je ne sais pas si j'irai plus loin dans la découverte de ce curieux de la nature ,par manque de temps, mais je comprends mieux tes goûts maintenant .
c'est une découverte que l'on peut faire à tout âge et il existe de petits volumes pour faire connaissance
je crois que mon amour pour la nature remonte à l'enfance et à mes lectures
tu lui rends un vibrant hommage ! J'ai hâte de découvrir cet entomologiste même si je ne lis jamais de livres scientifiques...
il n'y a aucun besoin d'être scientifique pour aimer car Fabre à la magie des envolées magnifiques c'est un réel écrivain et ses observations sont souvent des morceaux littéraires de choix
Alors toi tu nous ferais lire, acheter tous les livres du monde! brillante tentatrice...
Vivant en pleine nature (que je chouchoute), je n 'ai pourtant jamais rien lu de lui; c'est mal! Un homme curieux de tout, il faut le lire!
Bonne journée et merci!
Vile tentatrice comme dirait Bonheur du jour, qu'on se le dise je suis satan et j'ai pris un livre à la place de la fourche
Je ne sais pas grand chose de lui, je pense que je serais très intéressée par sa biographie, en plus il parle du Vaucluse qui est une région que j'aime bien. Et hop, dans mon petit carnet.
il est un inconditionnel de sa région et de son domaine que je t'engage à visiter un jour c'est magnifique
J'ai comme toi ses souvenirs d'un entomologistes qui sont passionnants et bien sûr tu me donnes envie de lire cette biographie !!!
j'ai vraiment apprécié la bio qui met en lumière un personnage qui n'était sans doute pas facile dans sa vie privée mais d'une grande générosité et surtout d'une curiosité insatiable
"Homère des insectes", pas mal ! Je l'associe aux paysages du Ventoux où une promenade porte son nom, mais j'avoue ne pas encore l'avoir lu. Une biographie pour faire connaissance, c'est une bonne idée.
Hugo à trouvé là un titre magnifique pour cet homme faute de titre honorifique auquel il avait droit
J'ai bien envie de te répéter ce que viens de t'écrire Colo !!! Moi, qui aimais tant les sciences naturelles, je note, je note cette bibliographie !!! Merci encore une fois, Dominique !
Le Mont Ventoux, il faut que j'y retourne ! Sa maison est-elle près de Montbrun ?
Sa maison m'attire aussi beaucoup ! Que veux-tu, j'aime les maisons et celles d'écrivains...
Voilà un lien vers la commune de l'harmas
http://www.serignanducomtat.fr/
...ce que vient !!!
Merci !
La densité de votre billet témoigne de votre enthousiasme. Il reste bien des passionnés de la nature qui la parcourent l'objectif en bandoulière, mais il y en a peu qui la rendent au pinceau, excepté quelques grands noms de la peinture animalière. La garance a fait place à l'alizarine de labo.
Il y a un poème de Rostand "Fabre des insectes".
Connaissez-vous André Buzin ? http://www.andrebuzin.be/galerie.html
tout d'abord merci pour le lien, c'est vraiment magnifique je suis surtout sensible aux portraits d'oiseaux mais ce renard dans la neige est d'une grande beauté
je ne connaissais pas du tout ce peintre animalier et depuis le boum de la photo c'est un art qui se perd un peu je crois
je vais chercher le poème de Rostand
J'ai presque honte de le dire, mais je ne connais pratiquement rien de Jean Henri Fabre. Ton magnifique billet me donne envie de me rattraper. Je me rends compte que je connais bien mieux les naturalistes anglophones que francophones ce qui est un peu stupide... A corriger!
Mais les publications sont plus nombreuses autour des étrangers, il n'y a qu'à voir les belles éditions chez José Corti autour des animaux et écrivains naturalistes
Quel merveilleux billet et MERCI pour les beaux liens que tu nous donnes... Cet homme devait être fabuleux, j'aime infiniment son humilité et cette phrase inscrite sur sa tombe : « Minime finis sed limen vitae excelsioris la mort n'est pas une fin mais le seuil d'une vie plus haute. » Il avait compris la vie, il était en avance sur son temps, bravo au pays du soleil levant de l'honorer. Bises Dominique. brigitte
On voudrait qu'il soit honoré autant en France qu'au Japon !
Moi aussi, j'ai découvert Fabre dans mon enfance. A Avignon et dans la région il est partout présent! Il est un temps où je passais souvent à Sérignan-du-Comtat !
chanceuse
Merci à vous de mettre en avant Jean-Henri Fabre, naturaliste exceptionnel que les éditions Laffont avaient courageusement sorti de l'oubli en publiant les Souvenirs entomologiques dans sa superbe collection Bouquins mais les deux volumes constituent une somme (et un investissement) dans laquelle il est plus facile de "butiner" comme vous dites si bien à propos que de s'immerger longuement. L'intrigue fait défaut aux recueils. En revanche, la visite de l'Harmas est enthousiasmante sans grand effort et parcourir le Ventoux avec un écrit de Jean-Henri Fabre dans le sac à dos ajoute encore au plaisir d'être dans cette montagne-là. J''associe, pour ma part, assez bien Pierre Déom et sa bible naturaliste magistralement illustrée, La Hulotte, avec Monsieur Fabre. Ils sont tous les deux près du coeur de la nature qui bat et ils ont envie de mettre leurs rêves émerveillés à la portée des autres dont les enfants, ces lecteurs intraitables.
merci infiniment pour ce commentaire à la fois chaleureux et incitatif
Le nom de Pierre Déom ne me disait rien sur le moment mais La Hulotte si évidement j'ai abonné deux de mes petits enfants je trouve cette publication non seulement utile mais très belle et tout à fait dans l'esprit de Fabre effectivement
Il y avait un très beau portrait de lui à l'expo des femmes photographes de l'Orangerie tout récemment. J'avais noté son nom il y a longtemps quand une amie de mon cercle de lecture s'était lancée dans un éloge passionné des "Guêpes chasseresses" ; je n'ai pas trouvé le temps de le lire jusqu'à maintenant... La prochaine fois que j'irai voir ma soeur à Avignon,je ne raterai pas la visite de la maison :-) Merci pour ce très beau billet !
C'est une visite qui vaut la peine
il y a des publications de ses textes en petit format qui peuvent permettre de faire connaissance
Voici des images pour poursuivre le voyage avec J.H. Fabre, notre naturaliste adoré:
http://ambre.jaune.free.fr/fabre2.html#infographies_JH_FABRE