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Les grands classiques - Page 6

  • L'Interdiction - Honoré de Balzac

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    Voilà une nouvelle efficace, elle a l'allure d'une enquête que Balzac rend très vivante et le lecteur est immédiatement accroché.

    La marquise Athénaïs d'Espard est allée devant le tribunal pour faire interdire son époux, aujourd'hui nous dirions le faire mettre sous tutelle.

    Elle accuse son mari de dilapider la fortune familiale et de l'empêcher de voir ses deux fils. Le marquis d'Espard semble devenu fou, il comble de biens et d'argent une femme et son fils, les Jeanrenaud, qui n'ont aucun lien avec la famille d'Espard.

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    Le Petit juge

    C'est le juge Popinot qui est chargé de l'affaire et devra donc se prononcer sur la demande de la marquise.

     

    La belle marquise a un amant, Eugène de Rastignac, oui oui celui du Père Goriot ! L'amant va tenter d'intercéder en faveur de sa maitresse et pour cela il s'ouvre du problème à Horace Bianchon, son ami et chance  neveu du juge Popinot. Ne pourrait-il pas dire un mot à son oncle ?
    Le juge pourrait-il recevoir la belle marquise ?

     

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    Le juge fait son travail avec intégrité et rigueur et reçoit les deux parties, il va même jusqu'à s'enquérir de cette famille Jeanrenaud que le Marquis comblerait de bienfaits.

     

    Le juge se fait son opinion et il ne tarde pas à comprendre que rien n'est aussi simple que la belle Athénaïs voudrait le faire croire.

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    Balzac l'ogre de la littérature

    La chute de la nouvelle est excellente et tellement dans le ton de Balzac ! 

    Toute la vanité et la noirceur de la société sont là, Rastignac en beau représentant de sa caste qui passe d'une femme à l'autre, un monde où l'argent change de mains parfois à l'insu des intéressés, une justice qui parfois bafoue le droit.

    Un vrai régal dans le ton du Colonel Chabert.

     

    Le livre :

    L'interdiction - Honoré de Balzac - Editions numériques Arvensa

     

     

     

  • Les Ailes de la colombe - Henry James

    C’est toujours une aventure d’entrer dans un roman de Henry James. Après les Ambassadeurs Roderick Hudson et Washington Square j'ai repris contact avec le romancier des tourments du coeur, qui aime conduire son lecteur au fond des âmes mais par des tours et détours souvent longs, délicieux et mensongers

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    Portrait de James ©Michel Maire


    Pour ce roman Henry James nous gratifie d’une préface mais elle est tellement fouillée que l’éditeur très justement l’a reportée en fin de volume. 
    Si vous êtes prêt à vous embarquer pour 800 pages d’amours interdites, d’illusions perdues, d’amitiés tortueuses alors vous prendrez le chemin de Londres puis de Venise à la suite de James qui est par excellence le romancier de l’Italie.

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    Les personnages du film

    Kate Croy est amoureuse de Merton Danser un jeune journaliste sans le sou, elle n’a aucune dote et sa famille lui cause bien des tourments. Sa tante, la redoutable Mme Lowder, a cette singularité que « son visage lorsqu’elle parlait, était comme une fenêtre éclairée dans la nuit, mais sur laquelle le silence immédiatement tirait les rideaux ». Elle lui cherche un parti convenable et si possible argenté.
    Merton Densher n’entre aucunement dans les vues de tante Maud !

    Milly Theale jeune et charmante américaine, à l'inverse elle « est riche de tout (...) elle possède la liberté, la fortune, une vive intelligence, le charme personnel, le don d’intéresser et de s’attacher les êtres. ». 

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    « C’était un visage de jeune femme, merveilleusement dessiné, un buste, en robe splendide; un visage de teinte presque livide, d’une beauté triste et couronné d’une haute masse de cheveux, tirés en arrière, qui avaient dû, avant que le temps n’en atténuât la couleur, ressembler à ceux de Milly. »

    Elle  a fait connaissance avec Merton à Boston pour son journal et même si elle n’est pas prête à l’avouer, son envie d’Europe est sans doute liée à l’envie de revoir le jeune homme. 

    Elle part en Europe avec un chaperon bien intentionné Susan Stringham qui a des liens très anciens avec Mme Lowder et qui compte sur elle pour introduire Milly dans la bonne société londonienne, entendez par là la société où l’on peut trouver un possible mari. Kate et Milly deviennent amies proches. 
    Pour compléter le tableau il y a Lord Mark que l’on verrait bien fiancer avec Kate si celle ci ne s’obstinait pas à refuser ses avances.

    Jusque là rien que de très classique, amoureux transis, coureurs de dote, jeune fille à marier et familles imposant leur volonté. 
    Mais Henry James sème quelques grains de sable qui vont gripper la machine, Milly la fraiche ingénue deviendra-t-elle victime ou imposera-t-elle ses choix ?  les chassés croisés vont être multiples. L’auteur fait varier les tempos, le temps s’étire, apparaissent des sentiments  moins nobles : cynisme, férocité des ambitions, manipulations subies ou consenties.

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    A Venise

    Une lecture où il est bon de prendre son temps, de peser tous les changements, de suivre tous les méandres du récit. Ce qui couve là dessous c’est l’argent, son rôle, son pouvoir, les raffinements des complots, les démarches clandestines. James n’abat jamais ses cartes et nous laisse jusqu’au bout dans le doute.

    Si vous aimez les explorations de l’âme humaine alors plongez dans ce roman dont on ressort enchanté. 

    Ah dernier détail, le titre fait référence à un psaume, je vous met sur la piste c’est le cinquante cinq.

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    Le livre : Les ailes de la colombe - Henry James - Traduit par Marie Tadié - Editions Gallimard Folio

     

  • Le bal de Sceaux - Honoré de Balzac

    Les quiproquos amoureux sont légion en littérature, parfois la fin est heureuse, par exemple chez Jane Austen, mais parfois le récit prend une teinte plus sombre.

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    les guerres de Vendée

     Paul-Émile BoutignyMusée d'art et d'histoire de Cholet

    Sous la Restauration « Le comte de Fontaine, chef de l’une des plus anciennes familles du Poitou » tente de récupérer un peu de fortune, il a laissé tous ses biens au service de sa cause dans les guerres de Vendée. Il est presque ruiné.

    Le retour sur le trône de Louis XVIII après les Cent jours devrait lui valoir remerciements et honneurs mais hélas les têtes couronnées sont parfois bien oublieuses des services rendus. Si le Comte a retrouvé son rang il est malgré tout contraint de marier ses enfants hors de la noblesse. L’argent appartient désormais à la magistrature, à la finance, au commerce

     

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    Le Paris de la Restauration

    Emilie est la plus jeune de ses enfants, choyée flattée, elle est au centre de toutes les attentions de la famille.

    « Le luxe de Paris lui semblait tout aussi naturel que la richesse en fleurs ou en fruits, et que cette opulence champêtre qui firent le bonheur de ses premières années. »

    Elle est habituée « aux jouissances de la fortune, les recherches de la toilette, l’élégance des salons dorés et des équipages »

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    Cette jeune fille est pleine de morgue, elle méprise souverainement les roturiers, les marchands, les financiers, seule la noblesse trouve grâce à ses yeux. C’est le moment où la Pairie reprend du service et devient l’ ambition et le but des jeunes aristocrates.

    Elle est « assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde » elle aime l’éclat des fêtes, les dorures des salons.

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    Toilette de bal de l'époque

    Mais l’amour va en décider autrement et « ses parents allaient bientôt recueillir les fruits amers » de leur éducation nous avertit Balzac.

    Au bal de Sceau où elle est allée voir de près cette société qu’elle dédaigne, elle remarque un inconnu, elle remarqua « la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de chevreau évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d’un pied bien chaussé dans une botte de peau d’Irlande.» bref il lui plait.

    Son oncle, le Comte de Kergarouët, un vieil amiral lui apprend le nom de l’inconnu : Maximilien Longueville. Est-ce l'élu de son coeur ?

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    Maximilien de Longueville peut être 

     

    Balzac n’est pas Jane Austen et le destin de ses personnages est beaucoup plus noir que ceux d’Elizabeth Benett et M Darcy. 

    Il y a une belle analyse de cette société qui après la Révolution et l’Empire tente de reconquérir ses privilèges perdus. L’argent, le goût du pouvoir sont toujours en première ligne. 

    J’ai beaucoup aimé cette nouvelle et je vous invite à mettre vos pas dans ceux de Balzac, tenue de soirée obligatoire. 

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    Le livre : Le bal de Sceaux - Honoré de Balzac - Edition numérique Arvensa

  • Washington Square - Henry James

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    Tous les bienfaits de la relecture sont concentrés dans ce moment si excitant que celui où l’on rouvre un livre déjà deux fois lu en gardant la même impatience que la première fois.

    J’ai lu Washington Square une première fois à froid si je puis dire, je ne connaissais pas Henry James du tout et ce fut une découverte époustouflante, tant de finesse et de noirceur rassemblées ! 

    Puis une de mes filles l'a lu et là c’est tout le charme des échanges, le partage d’un plaisir.

    Et pour cette relecture j’ai vraiment pris mon temps, je me suis délectée, avançant en terrain connu et pourtant redécouvrant encore des passages oubliés.

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    Le New York d'Henry James

     

    L’histoire ? Au départ c’est une anecdote racontée à James par une actrice à propos de son frère, James transforme l’anecdote en un roman situé au XIXe siècle à New-York.

    Catherine Sloper a été élevé par son père praticien très respecté par la bonne société, elle a perdu sa mère très jeune, une mère adulée par le Dr Sloper. C’est Lavinia Penniman, sa tante, qui a assuré la présence féminine indispensable. 

    Autant sa mère était belle et avait non seulement « dix mille dollars de revenus » mais surtout « les yeux les plus charmants de l'île de Manhattan. », autant Catherine est terne, soumise, timide, pour tout dire banale. Lorsqu’elle rencontre Morris Townsend les antennes du père se mettent à vibrer et malgré les encouragements de Mrs Penniman et l’immédiate passion de Catherine pour ce beau jeune homme, Sloper n’est pas prêt à faire confiance à cet intrus et à le laisser disposer de la fortune de sa fille.

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    New York par William James Glackens

    Une histoire mille fois lue et mille fois racontée du séducteur intéressé mais l’art d’Henry James transforme cette banale histoire, chez James rien n’est jamais acquis, ni la naïveté d’une héroïne, ni la noirceur d’un prétendant, ni la sévérité d’un père. 

    Tout est en demi-teinte laissant toujours le lecteur un rien frustré. Catherine est naïve certes mais aussi résolue voire têtue, Townsend est intéressé certes mais il a des élans sincères, Mrs Penniman est plus bête que méchante et ne comprend pas qu’elle va être la cause d’un malheur.

    Les personnages se revèlent  chacun à leur façon incapables d’aimer et vont s’en trouver profondément affectés.

     

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    l'adaptation superbe avec Montgomery Clift et Olivia de Haviland 

     

    On retrouve ici la même dérision que chez Edith Wharton, le même cynisme vis à vis de cette société rompue à l’hypocrisie et critiquant sévèrement tout comportement qui sort un peu du moule.

    Le roman ne présente aucun suspense, ce qui fait sa force c’est la somptueuse analyse des sentiments, l’observation aigre-douce de cette société, l’ironie qui n’est jamais loin.

     

    Je me suis régalée mais Cléanthe aussi

     

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    Le livre : Washington Square dans Portrait de femme et autres récits - Henry James - Traduit par - Editions Gallimard Pléiade

     

  • Adieu - Honoré de Balzac

    Après la Grande Bretèche et l'Auberge rouge voilà encore une superbe nouvelle, moi qui ne suis pas fan du genre en temps normal, je dois dire que j’apprécie celles de Balzac qui réservent de belles surprises.

    Je vais tenter d’en dire suffisamment pour vous faire précipiter sur cette nouvelle et cependant ne pas vous gâcher la lecture.

    C’est la Restauration, le baron Philippe de Sucy revenu de Sibérie après la défaite de Napoléon, fait une partie de chasse avec son ami le marquis d’Albon. Ils s’égarent et arrivent à un prieuré, celui des Bons-Hommes. Les bâtiments et dépendances sont à l’abandon, le parc est retourné à l’état sauvage. 

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    Peut être le prieuré qui a inspiré Balzac

    « Les fenêtres vermoulues étaient usées par la pluie, creusées par le temps ; les balcons étaient brisés, les terrasses démolies. Quelques persiennes ne tenaient plus que par un de leurs gonds. Les portes disjointes paraissaient ne pas devoir résister à un assaillant. Chargées des touffes luisantes du gui, les branches des arbres fruitiers négligés s’étendaient au loin sans donner de récolte. De hautes herbes croissaient dans les allées. Ces débris jetaient dans le tableau des effets d’une poésie ravissante, et des idées rêveuses dans l’âme du spectateur. »

    Ils aperçoivent une femme :

    « Les deux chasseurs étonnés la virent sauter sur une branche de pommier et s’y attacher avec la légèreté d’un oiseau. Elle y saisit des fruits, les mangea, puis se laissa tomber à terre avec la gracieuse mollesse qu’on admire chez les écureuils. Ses membres possédaient une élasticité qui ôtait à ses moindres mouvements jusqu’à l’apparence de la gêne ou de l’effort. Elle joua sur le gazon, s’y roula comme aurait pu le faire un enfant ; puis, tout à coup, elle jeta ses pieds et ses mains en avant, et resta étendue sur l’herbe avec l’abandon, la grâce, le naturel d’une jeune chatte endormie au soleil »

    Philippe de Sucy la reconnait. C’est Stéphanie de Vandières, son amie et amour, elle ne semble plus avoir toute sa raison et murmure sans interruption : Adieu.

    La rencontre provoque un tel bouleversement chez Philippe qu’il perd connaissance. Son ami cherche à comprendre. C’est l’oncle de Stéphanie qui va les éclairer.

    La trame est simple et même banale, mais voilà c’est Balzac et je vous assure qu’il n’y a pas un mot de trop dans ce récit. 

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    L’évocation du désastre de la Bérézina est particulièrement réussi, cela vaut tous les livres d’histoire par la justesse, la précision et l’ampleur du récit.

    « L’apathie de ces pauvres soldats ne peut être comprise que par ceux qui se souviennent d’avoir traversé ces vastes déserts de neige, sans autre boisson que la neige, sans autre lit que la neige, sans autre perspective qu’un horizon de neige, sans autre aliment que la neige ou quelques betteraves gelées, quelques poignées de farine ou de la chair de cheval »

    Mais il y a plus dans cette nouvelle, la folie dont est atteinte Stéphanie de Vandières est très bien décrite et l’on sent que Balzac c’est intéressé de près à la psychiatrie balbutiante à l’époque.

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    Le Dr Pinel psychiatre lyonnais - Tony Robert-Fleury 

    J’ai aimé le personnage de Stéphanie dont Balzac fait une belle héroïne victime d’une période tragique. Il y a beaucoup de violence dans le récit de la déroute, le tableau est ample, les personnages sous l’emprise de la peur ou du courage sont très bien campés et l’on comprend bien que les rescapés ne reviennent pas indemnes. On retrouvera ce thème dans le Colonel Chabert.

    C’est une belle réflexion sur la capacité de l’homme à supporter l’adversité ou à tenter de l’oublier. 

     

    Le livre : Adieu - Honoré de Balzac - Editions numériques Arvensa

  • Le Rouge et le Noir - Stendhal

    « Je l'ai fait en un quart d'heure, avec l'expérience de toute ma vie » *

     

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    Une jolie édition reliée contre mes vieux poches, c'était la bonne occasion pour relire ce roman qui m'a enthousiasmé à l'adolescence, relu lorsque j'en avais proposé la lecture à mes filles, alors aujourd'hui mon goût a-t-il changé ?

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    Un vieux poche

    Oui assurément car si mon penchant pour ce roman reste intact je m'aperçois que ce qui me plait le plus dans ce roman n'est pas du tout ce qui me plaisait il y a des lustres.

    Bon ne comptez pas sur moi pour un résumé, pas un mot, par contre je ne résiste pas à l'envie de parler des quelques passages qui m'ont surpris, ou qui ont pris une tonalité nouvelle.

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    On peut se passer de l'adaptation 

    A l'occasion de cette relecture j'ai rouvert des essais sur Stendhal et je vais m'en servir largement pour ce billet.

    Tout d'abord la surprise  d'avoir eu envie de rire, je ne ne souviens pas d'avoir ri adolescente tellement prise par la passion de Julien.
    La critique féroce de la société est jubilatoire, mêlée à un anticléricalisme forcené cela donne lieu à des scènes très très croquignolettes, l'Evêque d'Agde s'entrainant à bénir la foule est tout à fait hilarant. Il faut dire que contre le clergé Stendhal ne fait pas dans la demi-mesure.

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    Mais je n'ai pas toujours ri, car par exemple les pages sur le passage au séminaire de Julien Sorel sont parfois sordides , Alain dit « Les pages du séminaire, dans le Rouge et le Noir, sont atroces » 

    Rappelons nous que Stendhal est celui qui a écrit « La seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas », une phrase à rendre vert de jalousie Nietzsche ou Michel Onfray. 

    Bien entendu les pages superbes sur la naissance de l'amour entre Mme de Rênal et Julien je les avais bien en tête, les mains qui se frôlent, le parfum des tilleuls, la douceur de la nuit, le jeu des échelles posées, cachées, déplacées. 

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    Mme de Rênal et Julien Sorel

    Di Lampedusa dit  « A travers son Julien Sorel, Stendhal s'est exprimé lui-même, tel qu'il était réellement, avec ses ambitieux désirs. » Stendhal l'amoureux parfois éconduit a su transmettre ses désirs en effet.

    Adolescente j'ai eu l'impression de céder au romantisme alors que Jean Prévost est d'un avis contraire « Cette fête de l'intelligence, servie par une technique si nouvelle, était profondément contraire à la tradition, à la mode romantique »  

    Parce que ce roman n'est pas bien évidement qu'une histoire d'amour fou, Di Lampedusa nous dit :

    « Le Rouge et le noir est, principalement, une effusion lyrique et un roman d'analyse psychologique, mais c'est aussi la peinture d'une époque et un livre où les faits se succèdent rapidement »

    J'ai été très sensible à cette troisième lecture à la peinture d'une société où l'hypocrisie est reine, le conformisme total, où il y a collusion entre la religion et la morale bourgeoise, où l'envie de puissance, l'ambition, le culte de la réussite régnent en maître.

    Enfin comme le dit Italo Calvino, l'âge mûr porte à être attentif aux détails. J'ai été très sensible au style. 

    Voici ce que dit Alain du style de Stendhal

    « Les traits fulgurants que vous trouverez partout dans notre auteur, et qui font comme ces nettoyages de tableaux, les couleurs soudainement sont fraîches, les gens vivent, sans qu'on voie par quels ressorts, car le récit va courant. On commence peut être à comprendre le miracle de ce style dépouillé, si émouvant »

    Vous remarquerez que les  dialogues 

    « relèvent d'une technique si raffinée qu'à première vue elle passe inaperçue.(…) le caractère des gens, nous le comprenons généralement à travers leurs actions, leurs regards, leurs balbutiements, la crispation de leurs doigts, leur silence ou leur éloquence soudaine, la couleur de leurs joues, le rythme de leurs pas, presque jamais à travers leurs propos, qui sont toujours des masques pudiques ou insolents de leur intériorité » nous dit l'essayiste italien.

     

    Une dernière remarque : Stendhal ne décrit pas les lieux, et pourtant on y est, comment fait-il ?

    «  Les lieux qui doivent servir de décor aux épisodes cruciaux ne sont absolument pas décrits, mais suggérés par une simple présentation préalable : ensuite quand la scène s'y déroulera, le lecteur pourra utiliser l'image mentale qui s'est formée en lui avant », dixit Lampedusa, j'ai feuilleté certaines pages et on ne peut qu'être d'accord.

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    Voilà comme promis je n'ai pas dis un mot de l'intrigue, j'espère néanmoins vous avoir donné l'envie de relire le roman comme Luocine l'a fait il y a peu.

    C'est un roman inépuisable, la marque du classique absolu, Albert Thibaudet avait raison lorsqu'il écrivait :

    « Les contemporains n'ont à peu près rien compris au Rouge et noir, et Stendhal ne s'en est guère soucié résigné à l'inévitable, et confiant dans le billet de loterie dont le gros lot était : être lu cent ans après » 

    Songez que Le Rouge et le Noir en est à dix versions en chinois !  

     

    Si vous cherchez une biographie de Stendhal c'est là 

     

    * la phrase est de Whistler mais Jean Prévost qui la note dans son essai, la trouve totalement adapté à Stendhal.

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    Petite bibliothèque Stendhalienne

     

    Les livres

    Le Rouge et le Noir - Stendhal
    La création chez Stendhal - Jean Prévost - Folio
    Stendhal - Alain - PUF
    Stendhal - Albert Thibaudet - Hachette (uniquement à chercher d'occasion)
    Stendhal - Giuseppe Tomasi Di Lampedusa - Allia