Pourquoi lire des classiques ? la réponse est dans ce récit qui n’a pas pris une ride, qui aujourd’hui encore parle au lecteur.
Tolstoï a été toute sa vie en proie aux tourments, il a traversé une crise morale et religieuse, n’arrivant pas à vivre sa foi ni à réaliser son idéal de pauvreté. L’histoire qu’il conte ici en est l’illustration, il traduit l’idée qu’il se fait d’une vie réussie, bénéfique et de l’importance du don de soi.
Nous sommes en 1870, au lendemain de la saint Nicolas, le plein hiver.
Le marchand Vassili Brékhounov se dispose « à se rendre chez un propriétaire du voisinage pour lui acheter une forêt »
S’enrichir, faire des affaires, amasser des biens, devenir millionnaire, voilà sa préoccupation première. Il exploite allègrement tout son entourage y compris ses amis.
Le dégel - Fiodor Alexandrovitch Vassiliev - Galerie Trétiakov Moscou
Nikita son valet va le conduire, il est connu pour sa vaillance, sa bonté, son adresse. Il accepte tout de son maître au point que celui-ci finit par être persuadé d’être le bienfaiteur de Nikita ! Et celui-ci surenchérit estimant travailler « comme pour son père »
Nikita attèle Moukhorty le cheval bai et les voilà partis tous deux sur un traîneau. Le temps est à la tempête « Les traces des patins étaient aussitôt recouvertes par la neige » mais qu’importe le profit n’attend pas.
En route pour Goriatchkino.
Les verstes s’ajoutent aux verstes.
La nature reprend ses droits, la neige engloutit tout, le blizzard souffle et les congères s’élèvent.
Nikolaï Sverchkov Dans le Blizzard collection particulière
Vassili sait qu’il faudrait s’arrêter dans le village traversé mais l’appât du gain est le plus fort.
Petit à petit arrive la peur de la mort, la sienne bien entendu, celle de Nikita lui importe bien peu.
Pour Nikita la mort est une compagne de toujours, une fatalité. Il est résigné, il a la sagesse des gens de la terre.
« Il était habitué depuis longtemps à n’avoir de volonté que celle des autres. »
L’univers devient sans repère, le danger les guette.
Les pensées de Brekhounov sont alors bien éloignées des biens matériels, la peur, la terreur l'envahissent « Il sentait qu'il allait périr au milieu de cet affreux désert de neige mais ne voyait aucun moyen de salut »
« Mourait-il ou s'endormait-il ? Il ne le savait ; mais il se sentait également prêt pour l'une ou pour l'autre chose. »
Le texte touche à l’absolu, la vie, la mort, l’universelle humanité
Véritable parabole sur la mort ce récit haletant s'écoute ou se lit avec bonheur.
Un petit joyau, si vous ne l’avez jamais lu jetez-vous dessus.
Georges Haldas grand connaisseur de Tolstoï dit « C’est la face visible, humaine, d’une angoisse infiniment riche et féconde à la fois. » .
Claude Lesko prête sa voix à Brékounov et à Tolstoï
Le livre : Maître et serviteur – Léon Tolstoï – Traduit par Boris de Schoelzer – Le livre de poche
Le livre audio : Éditions Frémeaux et associés – Lu par Claude Lesko
Vous pouvez trouver le livre chez Folio, et le CD chez Gallimard avec un lecteur différent