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Les grands classiques - Page 7

  • Le Rouge et le Noir - Stendhal

    « Je l'ai fait en un quart d'heure, avec l'expérience de toute ma vie » *

     

    stendhal

    Une jolie édition reliée contre mes vieux poches, c'était la bonne occasion pour relire ce roman qui m'a enthousiasmé à l'adolescence, relu lorsque j'en avais proposé la lecture à mes filles, alors aujourd'hui mon goût a-t-il changé ?

    stendhal

    Un vieux poche

    Oui assurément car si mon penchant pour ce roman reste intact je m'aperçois que ce qui me plait le plus dans ce roman n'est pas du tout ce qui me plaisait il y a des lustres.

    Bon ne comptez pas sur moi pour un résumé, pas un mot, par contre je ne résiste pas à l'envie de parler des quelques passages qui m'ont surpris, ou qui ont pris une tonalité nouvelle.

    stendhal

    On peut se passer de l'adaptation 

    A l'occasion de cette relecture j'ai rouvert des essais sur Stendhal et je vais m'en servir largement pour ce billet.

    Tout d'abord la surprise  d'avoir eu envie de rire, je ne ne souviens pas d'avoir ri adolescente tellement prise par la passion de Julien.
    La critique féroce de la société est jubilatoire, mêlée à un anticléricalisme forcené cela donne lieu à des scènes très très croquignolettes, l'Evêque d'Agde s'entrainant à bénir la foule est tout à fait hilarant. Il faut dire que contre le clergé Stendhal ne fait pas dans la demi-mesure.

    stendhal

    Mais je n'ai pas toujours ri, car par exemple les pages sur le passage au séminaire de Julien Sorel sont parfois sordides , Alain dit « Les pages du séminaire, dans le Rouge et le Noir, sont atroces » 

    Rappelons nous que Stendhal est celui qui a écrit « La seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas », une phrase à rendre vert de jalousie Nietzsche ou Michel Onfray. 

    Bien entendu les pages superbes sur la naissance de l'amour entre Mme de Rênal et Julien je les avais bien en tête, les mains qui se frôlent, le parfum des tilleuls, la douceur de la nuit, le jeu des échelles posées, cachées, déplacées. 

    stendhal

    Mme de Rênal et Julien Sorel

    Di Lampedusa dit  « A travers son Julien Sorel, Stendhal s'est exprimé lui-même, tel qu'il était réellement, avec ses ambitieux désirs. » Stendhal l'amoureux parfois éconduit a su transmettre ses désirs en effet.

    Adolescente j'ai eu l'impression de céder au romantisme alors que Jean Prévost est d'un avis contraire « Cette fête de l'intelligence, servie par une technique si nouvelle, était profondément contraire à la tradition, à la mode romantique »  

    Parce que ce roman n'est pas bien évidement qu'une histoire d'amour fou, Di Lampedusa nous dit :

    « Le Rouge et le noir est, principalement, une effusion lyrique et un roman d'analyse psychologique, mais c'est aussi la peinture d'une époque et un livre où les faits se succèdent rapidement »

    J'ai été très sensible à cette troisième lecture à la peinture d'une société où l'hypocrisie est reine, le conformisme total, où il y a collusion entre la religion et la morale bourgeoise, où l'envie de puissance, l'ambition, le culte de la réussite régnent en maître.

    Enfin comme le dit Italo Calvino, l'âge mûr porte à être attentif aux détails. J'ai été très sensible au style. 

    Voici ce que dit Alain du style de Stendhal

    « Les traits fulgurants que vous trouverez partout dans notre auteur, et qui font comme ces nettoyages de tableaux, les couleurs soudainement sont fraîches, les gens vivent, sans qu'on voie par quels ressorts, car le récit va courant. On commence peut être à comprendre le miracle de ce style dépouillé, si émouvant »

    Vous remarquerez que les  dialogues 

    « relèvent d'une technique si raffinée qu'à première vue elle passe inaperçue.(…) le caractère des gens, nous le comprenons généralement à travers leurs actions, leurs regards, leurs balbutiements, la crispation de leurs doigts, leur silence ou leur éloquence soudaine, la couleur de leurs joues, le rythme de leurs pas, presque jamais à travers leurs propos, qui sont toujours des masques pudiques ou insolents de leur intériorité » nous dit l'essayiste italien.

     

    Une dernière remarque : Stendhal ne décrit pas les lieux, et pourtant on y est, comment fait-il ?

    «  Les lieux qui doivent servir de décor aux épisodes cruciaux ne sont absolument pas décrits, mais suggérés par une simple présentation préalable : ensuite quand la scène s'y déroulera, le lecteur pourra utiliser l'image mentale qui s'est formée en lui avant », dixit Lampedusa, j'ai feuilleté certaines pages et on ne peut qu'être d'accord.

    stendhal

     

    Voilà comme promis je n'ai pas dis un mot de l'intrigue, j'espère néanmoins vous avoir donné l'envie de relire le roman comme Luocine l'a fait il y a peu.

    C'est un roman inépuisable, la marque du classique absolu, Albert Thibaudet avait raison lorsqu'il écrivait :

    « Les contemporains n'ont à peu près rien compris au Rouge et noir, et Stendhal ne s'en est guère soucié résigné à l'inévitable, et confiant dans le billet de loterie dont le gros lot était : être lu cent ans après » 

    Songez que Le Rouge et le Noir en est à dix versions en chinois !  

     

    Si vous cherchez une biographie de Stendhal c'est là 

     

    * la phrase est de Whistler mais Jean Prévost qui la note dans son essai, la trouve totalement adapté à Stendhal.

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    Petite bibliothèque Stendhalienne

     

    Les livres

    Le Rouge et le Noir - Stendhal
    La création chez Stendhal - Jean Prévost - Folio
    Stendhal - Alain - PUF
    Stendhal - Albert Thibaudet - Hachette (uniquement à chercher d'occasion)
    Stendhal - Giuseppe Tomasi Di Lampedusa - Allia

  • Le sourire d'Homère - Jean Soler

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    Jean Soler je le connaissais pour ses livres sur le monothéisme, livres très polémiques au goût des croyants mais qui pour moi allaient dans le même sens que la trilogie de Jérôme Prieur et Gérard Mordillat.

    Aujourd’hui ma lecture de l’auteur a une toute autre tonalité

    Admirateur de la civilisation grecque, Jean Soler par ce livre dit tout son amour à la fois de la Méditerranée, de sa culture, de ses héros et même de ses Dieux qui ne sont violents que dans les mythes.

    Jean Soler a enseigné le grec et cela se sent car sa connaissance d’Homère est fine, joyeuse, talentueuse. 

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    carte de l'Odyssée (un clic pour voir mieux)

    Si vous n’avez jamais lu l’Odyssée ou l’Iliade il sait vous convaincre et si comme moi vous aimez Homère il vous plonge dans vos souvenirs de lecture avec passion.

    Son livre est composé de chapitres qui mettent en avant la pensée grecque, il le fait à travers les épisodes les plus frappants de l’Iliade et de l’Odyssée. Homère est poète et les Dieux ne sont jamais loin mais ce sont des Dieux à l’image de l’homme : ils sont teigneux, jaloux, violents, menteurs et hélas ils aiment la guerre mais ils ne sont pas une menace pour l’homme « Le monde réel des hommes prime sur le monde imaginaire des dieux » dit Homère.

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    Zeus et Athéna

    Pour Jean Soler l’Iliade s’apparente aux peintures de Goya : les désastres de la guerre. Son récit n’est pas à la gloire de celle-ci, ce qui prime pour Homère c’est la vie.

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    la guerre vue par Goya 

    On peut trouver Jean Soler de parti pris mais c’est celui de l’admiration.

     Ce que j’ai préféré ce sont les pages sur l’Odyssée, il faut dire que c’est la rencontre d’Ulysse et de Nausicaa qui m’a fait faire connaissance avec ce texte et je ne l’ai jamais oublié. 

    homère

    J’ai aimé retrouvé le goût pour la beauté du poète, la mise en avant de l’intelligence d’Ulysse 

    « Pour être intelligent, il faut le vouloir. Ce qui implique des efforts. Et aussi des risques. » 

    Jean Soler voit là les valeurs qui aujourd’hui marquent encore notre société même s’il idéalise un peu trop les choses, il dit

    « le goût de vivre se double dans les oeuvres homériques de la passion de comprendre. » 

    Il  préfère la société grecque à la culture biblique, moi je suis partisante de garder les deux. 

    Cette balade à ses côtés est réjouissante, chaleureuse, sa familiarité avec le texte d’Homère est contagieuse et je me suis régalée.

     

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    Le livre : Le sourire d’Homère - Jean Soler - Editions de Fallois

  • L'Auberge rouge - Honoré de Balzac

    Je poursuis ma lecture de Balzac avec l’Auberge rouge que j’ai apprécié.

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    l'auteur au travail

    Un banquier, Monsieur Hermann un « bon gros allemand » dîne en compagnie d’amis et relations.

    En fin de repas l’hôte annonce

    « Avant de nous quitter, monsieur Hermann va nous raconter encore, je l’espère, une histoire allemande qui nous fasse bien peur. »

    Hermann choisit une histoire qui se déroula alors qu’il était prisonnier des français :

    En 1799 deux chirurgiens militaires en route pour leur garnison traversent  le pays Souabe et passent la nuit dans une auberge entièrement peinte en rouge.

     

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    L’auberge est bondée et l’aubergiste les avertit

    « Si vous tenez à coucher dans un bon lit, je n’ai plus que ma propre chambre à vous offrir. » 

    Chambre qu’ils vont partager avec un homme de passage qui fuit les hostilités et qui dit imprudemment

    « J’ai cent mille francs en or et en diamants dans ma valise ! ». 

    Prosper Magnan l’un des chirurgiens est troublé par la présence de cette fortune. Il s’imagine riche.

    « Ses pensées prirent insensiblement une mauvaise pente. Il songea très exclusivement aux cent mille francs sur lesquels dormait le négociant. Pour lui, cent mille francs étaient une immense fortune tout venue. Il commença par les employer de mille manières différentes, en faisant des châteaux en Espagne » 

    Au réveil son compagnon a disparu et le spectacle est épouvantable 

    « La tête du pauvre Allemand gisait à terre, le corps était resté dans le lit.Tout le sang avait jailli par le cou. »

    Il a été tué à l’aide d’un instrument chirurgical or

    « L’instrument de chirurgie dont s’était servi l’assassin se trouvait sur la table avec la trousse, le portefeuille et les papiers de Prosper. » 

    Arrestation de Magnan, procès et condamnation à mort.

    Le récit terminé le banquier glisse qu’il pense avoir démasqué l’assassin, qu’il connait l’identité du meurtrier car Prosper Magnan était innocent le banquier en est certain.

    Le narrateur présent à ce diner est lui aussi d’une certaine façon impliqué dans cette histoire (je ne vous dirai pas comment)  il va petit à petit deviner la vérité et s’apercevoir que cela va le contraindre à prendre une décision importante.

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    « Les vallées, les sentiers, les arbres exhalaient cette senteur automnale qui porte à la rêverie ; les cimes des bois commençaient à se dorer, à prendre des tons chauds et bruns, signes de vieillesse ; les feuilles tombaient, mais le ciel était encore d’un bel azur, et les chemins, secs, se dessinaient comme des lignes jeunes dans le paysage, alors éclairé par les obliques rayons du soleil couchant. »

    Balzac aime bien les récits à emboîtements, procédé dont il use régulièrement. Dans cette nouvelle il peint avec habileté la société et les moeurs de l’époque. Il avance très habilement les thèmes de la culpabilité, du remord qui taraude, de la responsabilité. En sous-main on peut aussi penser que Balzac nous alerte sur l’origine de l’argent dans une certaine société.

    L'Auberge Rouge est une nouvelle philosophique, très courte et très efficace. Elle n'a rien à voir avec le film du même titre.

     

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    Le livre : L’auberge rouge - Honoré de Balzac - Edition numérique Arvensa ou en Folio à 2 €

  • La Grenardière - Honoré de Balzac

    Il y a les études de moeurs, les romans à intrigues, les nouvelles au parfum de politique ou de fantastique et puis et puis il y a cette nouvelle que j’ai beaucoup aimé et qui a un petit parfum romantique. 

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    La Grenardière

    Le titre tout d’abord, il s’agit du nom d’une maison que Balzac occupa avec Laure de Berny, elle existe vraiment cette maison à Saint Cyr sur Loire. 

    Balzac y a placé une nouvelle mélodramatique. 

    Voyez plutôt :  Augusta Willemsens, comtesse de Brandon loue la Grenardière. Elle y vit seule avec ses deux enfants Louis-Gaston l’aîné et son frère Marie-Gaston.

    C’est une très belle femme, elle s’est retirée à la campagne peut-être pour échapper à quelqu’un, peut-être pour faire face à un destin tragique.

    On sent dès le début du récit que cette femme va vers une échéance inéluctable et qu’elle subit le sort des femmes abandonnées.

    balzac

    « Il n’existe nulle part au monde ce parfum, cette paix, cette douceur, ces superbes points de vue plongeant au plus loin du regard tant la lumière y est transparente. »

     

    Pourtant tout pourrait être idyllique, la maison d’abord, havre de paix avec un jardin qui en fait un petit éden. 

    « Elle est, au cœur de la Touraine, une petite Touraine où toutes les fleurs, tous les fruits, toutes les beautés de ce pays sont complètement représentées. »

    Mme Willemsens vit sans attirer l’attention

    « La maison fut meublée très simplement, mais avec goût ; il n’y eut rien d’inutile, ni rien qui sentit le luxe »

    Sa seule exigence est pour ses enfants et leur éducation. Elle impose une vraie discipline d’apprentissage que les enfants acceptent facilement. Elle veut les protéger et les préparer à une vie qui ne sera pas facile.

    « Ils baignaient dans une vie d’ordre régulière et simple qui convient à l’éducation des enfants. » 

     

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    la version aquarelle

    Comme d’habitude je m’arrête pour ne pas vous priver du plaisir de voir vivre cette famille. 

    Balzac a très bien rendu tout ce qui tourne autour de l’éducation des enfants, et lui qui n’a jamais connu l’amour d’une mère, sait nous faire vibrer avec cette femme qui ne peut compter que sur elle même pour mener ses enfants jusqu’à la vie d’adulte. Rousseau n'est jamais loin.

    Balzac est tout à fait lyrique lorsqu’il nous peint la Touraine qu’il aime tant.

    Il y a de la fraîcheur et de l’émotion dans cette nouvelle,Balzac regarde la femme avec compassion et la mère avec indulgence.

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    Le livre : La Grenardière - Honoré de Balzac - Edition numérique Arvensa

  • Mansfield Park - Jane Austen

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    Mansfield Park

    Mansfield Park est la demeure de la famille Bertram, deux fils aussi différents l’un de l’autre qu’il est possible, Tom et Edmond, deux jolies filles sans cervelle, Maria et Julia,  une femme en permanence épuisée, la soeur vipérine de lady Bertram : Mme Norris.
    Régnant sur le domaine et la famille Lord Bertram devant qui tout le monde tremble un peu. Et comme une pièce rapportée, la cousine pauvre, élevée par charité : Fanny Price. 

     

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    Les publications sont nombreuses

    Il va être question d’amour, de mariage, de plantations à Antigua, d’éducation d’une demoiselle, de bals et de promenades à cheval. Bref les ingrédients habituels de Jane Austen. Les liens familiaux sont ici au premier plan, le chef de famille est fière de ses enfants, il regarde avec affection certes mais aussi beaucoup de condescendance la jeune Fanny. Son fils aîné prendra sa suite et Edmond deviendra clergyman, voilà qui est réglé une fois pour toute. 

     

    Au fil des années Fanny a du faire face au mépris de ses cousines, à la méchanceté de Mme Norris et ne s’est apprivoisée que grâce à Edmond son fidèle ami. 

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    une adaptation que je n'ai pas aimé

    Le moment arrive où les demoiselles Bertram sont bonnes à marier, Edmond doit partir se former à son nouveau rôle de pasteur, Tom et Lord Bertram entame un long voyage sur leur plantation d’Antigua.

    Le grain de sable dans la mécanique c’est l’arrivée au presbytère qui fut celui de Monsieur Norris, d’un nouveau pasteur et de sa femme, les Grant, et dans leur sillage Mademoiselle Crawford et son frère. 

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    Au cinéma

    Ah les jeux de l’amour et du hasard, c’est un vrai festival dans ce roman, Maria trouve un fiancé riche et benêt, Julia se désespère d’attirer l’attention de M Crawford, Edmond tombe sous le charme un rien sulfureux de Marie Crawford.  

    La comédie est prête à se jouer et comme d’habitude Jane Austen va y mêler beaucoup d’ironie. Elle alterne de joyeux portraits, des dialogues qui permettent aux personnages de se découvrir, des situations digne de Marivaux 

    Elle nous donne son avis sur l’Eglise et le rôle d’un clergyman, sur les pièces de théâtre du moment qu’elle juge sévèrement, sur l’aménagement des jardins, mais tout cela elle le peint

    « de son pinceau délicat de gracieux tableaux de mots sur un petit morceau d’ivoire » dit Nabokov aux yeux de qui Mansfield Park a trouvé grâce.

    J’ai aimé ce roman même si le personnage de Fanny Price m’a paru un peu trop sage. Les différentes scènes : la représentation théâtrale, le bal, la visite des jardins, sont très réussies. Les personnages très amusants :  lady Bertram se pâmant son chien sur les genoux, Mme Norris toujours à la recherche d’une méchanceté à dire ou à faire.  

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    Le jardin anglais objet d'une jolie scène

    La peinture de la société est attrayante et bien intégrée dans le récit.

    C’est le troisième roman de Jane Austen a être publié en 1814, après Raison et Sentiments et Orgueil et Préjugés. 
    Elle a mis deux ans pour écrire son roman, c’est un joli tour de force quand on sait que c’est 450 page en pléiade !

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    Le livre : Mansfield Park dans Oeuvres tome II - Jane Austen - Traduit par Pierre Goubert - Editions Gallimard Pléiade

  • Les Européens - Henry James

    Quatre mariages et un enterrement

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    Plus encore que Roderick Hudson voilà une façon simple et légère d’entrer dans le monde de Henry James..
    James a trente-cinq ans lorsqu’il écrit Les Européens. De ce roman va naitre sa renommée, même si la réception fut plus positive en Angleterre qu’aux Etats-Unis.

    james

    Une atmosphère bucolique

    Félix et Eugenia viennent d’arriver à Boston. Ils sont frère et soeur, américains mais ont toujours vécu en Europe. 

    On pressent que la visite qu’ils font à leurs cousins d’Amérique est un rien entachée d’intentions intéressées dues à une situation très précaire.

    Félix est un beau jeune homme à l’heureux caractère et sans occupation aucune, Eugénia quant à elle a contracté un mariage avec un prince allemand, mariage proche de sa dissolution. 

    Leurs cousins américains les Wentworth sont une famille austère mais pleine de générosité qui les accueille avec quelques réserves surtout Mr Wenworth, homme froid avec une maison à son image

    «  pas de splendeurs, pas de dorures, pas de régiment de domestiques. »

    Ses deux filles elles sont un peu éblouies par ces cousins si exotiques, Gertrude, sur laquelle Félix jette très vite son dévolu, est promise au pasteur Brand. Elle est celle qui est le plus attirée par ces nouveaux venus

    « Elle n’avait rien connu d’aussi délicieux depuis la lecture de Nicholas Nickleby »

    james

    L'archétype de la jeune américaine

    Robert Acton cousin et ami de la famille se laisse lui aussi prendre dans les filets de ces européens, seule résiste sa soeur Lizzie archétype de la jeune fille américaine, hardie et innocente à la fois, si on veut lui trouver une parenté il faut la chercher chez Edith Wharton et le personnage de May Welland dans le Temps de l’innocence.

    Mona Ozouf dit que ce roman est une « palette de couleurs tendres » c’est vrai mais le ton est constamment ironique. Satire légère et pleine d’humour qui entérine l’opposition entre Nouveau et Ancien monde, entre un monde puritain et bien pensant et celui du plaisir des sens et de l’esprit.

    L’ atmosphère du roman est crée par petites touches « le décor bucolique, la campagne environnante » les sentences religieuses accrochées ici et là, les fiacres collectifs qui surprennent nos européens.
    Les Wentworth représentent une société prude et moralisatrice, chez eux

    « pas de splendeurs, pas de dorures, pas de régiment de domestiques »

    james

    L'adaptation de James Ivory

    Le décor d’une maison, les parures féminines relèvent pour eux du mensonge, des apparences et donc du péché. 
    Plusieurs scènes mettent en opposition la froideur et la rigueur morale à l’insouciance et la frivolité européennes, le roman est une passerelle jetée entre ces deux mondes que tout oppose.
    Félix est jovial, léger, un rien inconséquent
         « Je n’ai jamais étudié; je n’ai pas de formation. Je fais un peu de   tout, mais rien de bien . je ne suis qu’un amateur » 

    Les scènes sont parfois cocasses, les comparaisons très ironiques, Eugenia a une conversation que le pasteur n’hésite pas à rapprocher de Mme de Staël et de Mme de Récamier et dans sa bouche c’est loin d'être d’un compliment. 

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    Lee Remick en Eugenia


    C’est un roman délicieux mais ne nous y trompons pas le James plus noir, plus caustique n’est jamais loin. Ne dit-il pas d’Eugenia. 
          « Rien de ce que disait la baronne n’était tout à fait faux. Mais peut-   être convient-il d’ajouter en toute justice que rien de ce qu’elle disait n’était tout à fait vrai »
    Quant à Gertrude voilà comment elle voit sa famille et son entourage.

    «  Il doit y avoir mille façons d’être lugubre et parfois je me dis que nous les utilisons toutes »

    Donc palette tendre mais ce sera la dernière fois dans l'oeuvre de James qu'un roman se termine par des mariages.

     

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    Le livre : Les Européens dans Portrait de femme et autres récits - Henry James - Traduit par - Gallimard Pléiade