Et si vous alliez voir la suite des cours de Thomas Römer au Collège de France ?
Parce que d’année en année le corpus s’accroit et reste toujours aussi surprenant, intéressant, toujours empreint du même humour, mais surtout de la même érudition.
Cette année il s’agit de Jacob, dans la mémoire populaire c’est celui qui combat avec un ange, celui qui voit une échelle magique en rêve et qui regarde Dieu face à face.
Le combat avec l'ange d'après Gustave Doré
Si vous n’avez jamais écouté les cours, n’avez jamais rien lu sur la Bible et à fortiori peut être jamais lu la Bible c’est le moment c’est l’instant
Le livre qui vient d’être publié vous permettra non pas de découvrir les mystères de la Bible à la façon Da Vinci Code non un peu de sérieux, mais de comprendre comment ce livre est né.
Thomas Römer « Puisque la Bible est un ensemble littéraire à voix multiples nous voulions proposer de l’approcher à partir d’une compréhension de ce dialogue entre points de vue divers. »
Frédéric Boyer : « L’idée de départ était tout simplement d’échanger sur l’écriture des récits bibliques, d’aller interroger la « fabrique » des textes. »
En introduction vous apprendrez le pourquoi d’un ordre des textes différent selon qu’on parle de la Bible Juive ou des traductions secondaires catholiques ou protestantes. Chacun son ordre !
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En fait dans le choix de l’ordre des textes bibliques, il faut voir la volonté des auteurs et des hommes qui l’ont diffusé de mettre en avant tel ou tel aspect du texte, tel personnage, tel lieu, qui vont petit à petit mettre leur marque sur les auditeurs, à l’origine les textes sont diffusés oralement.
L’ordre c’est une chose mais pourquoi plusieurs versions d’un même évènement ?
Les premiers chapitres de la Genèse sont lourds symboliquement, cela devrait être un texte auquel tout le monde souscrit.
Et non perdu, il y a deux récits distincts et fort différents de la création et il y deux visions de la Tour de Babel. Idem pour l’Exode, la Terre promise est-elle conquise ou donnée par Dieu ?
Ces doublons se contredisent parfois, Thomas Römer dit « C’est le génie du judaïsme que de faire tenir ensemble des textes qui peuvent être contradictoires, sans gommer la contradiction »
Les scribes de l’époque ont compilé et non pas éliminé, c’est assez classe si l’on considère que parfois le texte va à l’encontre de ce qu’ils croient.
Le sacrifice d'Abraham qui s'étend à la tradition islamique
Quant au personnage d’Abraham là on reste un peu pantois de voir que cet homme censé représenter le début même d’Israël, cet homme est capable de mensonge et tient pourquoi pas d’offrir sa femme pour se tirer d’affaire !!
Du coup les récits divergent et les croyants venant après font leur choix, l’Eglise catholique préfère nettement se référer à la création de la femme à partir d’une côte d’Adam, mais la première mouture du texte faisait état de la création de l’homme et de la femme !
Les auteurs ont écrit à des périodes différentes, ceux qui écrivent sur Abraham ont un point de vue totalement différents que les auteurs qui vivent en Egypte et écrivent sur Moïse et l’Exode.
Et puis il y a des récits heureux : l’histoire de Joseph qui est une sorte de petit roman au sein de la Genèse.
Anonyme, Joseph vendu par ses frères © Musée de Valence,
C’est peut être volontaire de la part des scribes de laisser la porte ouverte à l’interprétation.
Bien malin qui pourrait après ça faire un portrait de Dieu, c’est impossible et comme disent les juifs « il est insaisissable »
l'incontournable Charlton Heston dans le rôle
J’ai aimé le chapitre sur le don de la terre à Israël, impossible en le lisant de de pas penser au conflit entre Israéliens et Palestiniens.
Le récit de l’Exode qui reste un chapitre clé de la Bible est lui aussi fait de plusieurs couches de récits ce qui explique les incohérences du récit parfois.
Nicolas Poussin L'Eté ou Ruth et Booz
J’ai quelques préférés dans la Bible : Ruth dont j’aime le personnage, Jonas qui me fait rire, Job là ce serait trop long d’en parler mais lisez Pierre Assouline sur le sujet
Et puis bien entendu Qohelet ou Ecclésiaste ce qui signifie celui qui s’adresse à la foule.
Vanité tout est vanité la Madeleine repentante George de La Tour
Thomas Römer dit que si la Bible et ses livres nous parlent encore aujourd’hui, c’est parce qu’ils n’ont cessé d’être interprétés, représentés, débattus, de telle sorte qu’ils appartiennent autant à leur origine antique qu’à notre histoire et à notre culture.
Des auteurs qui ont une passion certaine pour la Bible et savent nous la faire partager
« La Bible est une littérature à part entière, mais singulière » qui savent nous parler « Des textes qui touchent à l’identité humaine »
Le livre : Une bible peut en cacher une autre -Thomas Romer -Frédéric Boyer - Bayard Editions