Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • L'instant précis où Monet entre dans l'atelier - Jean-Philippe Toussaint

    Comment dit-on lorsque l’on trouve un petit trésor ? Une petite pépite. 

    trésor.jpg

    Amoureux de Monet, de Giverny et des Nymphéas ce minuscule livre est fait pour vous.
    Comment rendre compte de la création, de cet instant éphémère où la main va réaliser un miracle de beauté ?

    musée de l'orangerie .png

    C’est ce moment que Jean-Philippe Toussaint tente de surprendre pour nous l’offrir.
    « Je veux saisir Monet là, à cet instant précis où il pousse la porte de l’atelier dans le jour naissant encore gris »

    monet-dans-son-atelier-750x410.jpg

    Nous le suivons dans l’atelier. Ouvrant grand les yeux, pour saisir ce moment où la peinture se transforme en « paysages d'eau et de lumière, fragments de branches inclinées de saules pleureurs, reflets bleutés, ciels, transparences. »

    nympheas_monet_claude_orangerie_musee_paris_11.jpg

    Nous sommes à Giverny, c’est un temps de fièvre et de chaos, 1916, et Monet peint des fresques gigantesques, imagine leur placement à l’Orangerie avec l’aide de Clémenceau, La guerre est oubliée pour un instant.
    « Que sont les événements du monde pour l’artiste quand il crée ? Un tourment lointain et invisible. Une rumeur angoissante, entêtante, importune. » 

    nympheasetsaule.jpg

    Chaque paragraphe commence par la même phrase et cette litanie qui scande le texte nous invite à nous plonger dans l’univers du peintre, à voir ces interminables retouches de l’oeuvre, une oeuvre en perpétuel recommencement, en éternel inachèvement.
    « Il ne sait rien du grand destin aveugle qui attend les Nymphéas. » 

     

    560x315_les-nympheas-chapelle-sixtine-de-limpressionnisme.jpg

    « Partout des bleus, des bleus mêlés de rose, des bleus mauves et des bleus plus profonds, des bleus de cobalt, des bleus nocturnes, et ici et là, un bref feu d’or qui contraste, un incendie de jaune » 

     

    En quelques mots JP Toussaint nous dit l’âge qui avance, le corps qui s’affaiblit, la vue qui flanche et l’homme, le peintre « laissant la vie derrière lui, prenant congé du monde »

    monet.png

    C’est peu dire que j’ai aimé ce texte, alors que, il faut que je le confesse je n’aime pas les autres livres de l’auteur, ben oui désolée !!

    Mais là j’ai lu ce petit opuscule trois fois de suite, j’ai ressorti mon gros livre sur Monet, sa biographie, sa correspondance avec Clémenceau, bref je me suis offert un bain d’impressionisme et rien que pour ça merci Monsieur Toussaint.

    IMG-0359.jpg

    Le livre : L’instant précis où Monet entre dans l’atelier.- Jean-Philippe Toussaint - Editions de Minuit 

  • Brindilles pompéiennes

    « Salut la Campanie »

    campanie.jpg

    « Vous marchez sur les traces de Goethe et de Mozart, de Dumas et Gautier, de Nerval et Stendhal, de Freud et de bien d’autres. »

    pompei.png

    «  Il n’est de bonne visite que par sauts et gambades, selon l’envie, l’humeur, les goûts, les états d’âme. »

    vesuve.jpg

    « Sous l’oeil apaisé du Vésuve, vieux lion fatigué qui peut encore rugir et dont les flancs frémissent près du cratère. Mais sans oublier Naples cette belle endormie, avaricieux gardien des trésors pompéiens, échappés au volcan, aux rapaces pilleurs, aux barbares visiteurs. A la furie des Dieux, à la folie des hommes. »

    pompei.jpg

    Le livre : Pompéi Promenades insolites - Claude Aziza - Editions Les Belles lettres 

  • Fantaisie vagabonde en Bretagne avec Flaubert - Thierry Dussard

    Flaubert.jpg

    Flaubert et Maxime Du Camp 

    Et si je vous proposais une balade en Bretagne, l’été approche alors pourquoi ne pas prendre le large en compagnie d’un livre évidement. ? 

    Je vous invite à suivre un journaliste amoureux des chemins et d’une bretonne, des grèves et des couleurs, des menhirs, des landes et de Flaubert.

    bretagne.jpg

    La région a déjà attiré Stendhal, Balzac et Victor Hugo, Flaubert va faire là ses premières armes littéraires avec « Par les champs et par les grèves »  récit à quatre mains comme le nomme Thierry Dussard. C’était avant que l’amitié Du Camp /Flaubert vole en éclats.
    Si vous voulez en savoir plus sur le livre original rendez-vous ici.

    9782350746418-475x500-1.jpg

    L’original c’était en 1847, aujourd’hui le journaliste et sa bretonne d’épouse partent sur les traces des deux compères.

    Il nous entraine à la suite de Gust alias Flaubert, et il n’est pas pingre aussi allonge-t-il la liste avec Segalen, Théophile Gautier, Joseph Kessel et même Kerouac qui font partie du voyage. 

    bretagne.jpg

    T Dussard a fait cette balade après le confinement et des difficultés familiales « Cette impression de vide, ce sentiment que la vie vous trahit, fragilise et cautérise tout à la fois. On en ressort différent, et sinon plus fort, soucieux d’aller à l’essentiel »

    Flaubert lui sortait d’une crise forte liée à son épilepsie « Je suis résigné à tout, prêt à tout ; j’ai serré mes voiles et j’attends le grain, le dos tourné au vent et la tête sur ma poitrine. »

    J’ai l’impression que la Bretagne est un remède souverain qu’on se le dise.

    bretagne 3.jpeg

    T Dussard a mis dans ses bagages le texte intégral de Par les champs et par les grèves , son épouse elle a ses carnets de croquis, et son matériel d’aquarelle.

    Les voilà partis pour la Bretagne d’aujourd’hui confrontée à celle d’hier.Une Bretagne qui était un territoire presque oublié, pas de chemin de fer, des routes et chemins difficiles, une province farouche au catholicisme plus qu’étouffant. La Bretagne d’avant le chemin de fer et l’école de Jules Ferry, celle qu’a si magnifiquement raconté Pierre-Jakez Hélias dans le Cheval d’Orgueil.

    M02259183964-large.jpg

    La magie fonctionne, on savoure le dialogue entre un Flaubert bougon et un Dussard joyeux et amoureux.

    Les deux compères ont usé de moyens de transport très variés «  à pied, en voiture, cabriolet, diligence, bateau, carriole, omnibus, tilbury ou chaise de poste » les Dussard eux choisissent une Peugeot c’est un brin plus confortable.

    On explore le Morbihan, le Finistère, les côtes de la Manche, pour finir à Cancale. « Il faut avoir le jarret solide pour vouloir frayer avec Flaubert »

    saint malo.png

    À Saint-Malo, la statue de Chateaubriand est l’occasion de quelques jolies paragraphes. 

    Je fais en ce moment une lecture lente et patiente des Mémoires d’Outre-tombe j’ai donc été plus que sensible aux mots de Flaubert devant sa tombe

    Tombe_Chateaubriand.jpg

     « Dans ce sépulcre bâti sur un écueil, son immortalité sera comme fut sa vie, déserte des autres et tout entourée d’orages. Les vague avec les siècles murmureront longtemps autour de ce grand souvenir ; dans les tempêtes, elles bondiront jusqu’à ses pieds (…) entre son berceau et son tombeau, le cœur de René devenu froid, lentement, s’éparpillera dans le néant, au rythme sans fin de cette musique éternelle. »

     

    Mais, car il y a un mais, natifs de Saint-Malo, je vous avertis que Flaubert n’aime pas vraiment la ville, et c’est un euphémisme. D’ailleurs il ne se prive pas de donner des petits noms d’oiseaux aux bretons et ce n’est pas toujours du meilleur goût.

    presqu-ile-de-crozon-1-1920x960-crop-1541415860.jpg

    Presqu'ile de Crozon

    À Crozon Gust et Maxime sont saisis d’une « attaque d’archéologie foudroyante »  jusqu’à ce que le propriétaire du champ les chasse !
    Ils profitent du soleil mais aussi souvent du vent et de la pluie : c’est la Bretagne quand même !

    Pas question de tout vous révéler je vous laisse le plaisir de la découverte du reste du voyage.

     

    Vous avez deviné j’ai beaucoup aimé ce livre. Ce tricotage du récit de Flaubert et celui du journaliste.
    Quand le guide touristique croise le guide littéraire loin des thèses universitaires, des guides sérieux sur la région. 

    Thierry Dussard mêle le rêve, les brumes maritimes, les menus riches en crustacés, les crêpes (faut ce qu’il faut) ses souvenirs d’enfance, son amoureuse épouse et ses lectures.
    C’est fait avec légèreté, humour et un élégant savoir faire.

    Un récit plein de charme, un vagabondage très réussi qui fait honneur aux Editions Paulsen qui détiennent bien d’autres trésors.

    fantaisie-vagabonde-en-bretagne-avec-flaubert-format-broche-1931270373_L.jpg

    Le livre : Fantaisie vagabonde en Bretagne avec Flaubert - Thierry Dussard - Editions Paulsen

  • Bribes de Poussin

    Poussin l'été ou Ruth et Booz .jpg

    Nicolas Poussin L'été où Ruth et Booz 

    « Dans L’Eté, une des peintures du cycle des Saisons de Poussin, le livre de Ruth est le prétexte à un déploiement solaire du paysage. »

    ruth et booz  pietro Rotarie.png

    Gebrand van den Eeckhout, Ruth et Booz, 1672,

    «  L’ombre du grand arbre les protège de l’été qui resplendit dans le champ de blé.
    On entend la parade romaine des cinq chevaux, tous au pas et le claquement du fouet ; le joueur qui souffle dans une espèce de cornemuse en observant son maître ; la rumeur géographie, chorégraphique des moissonneurs ; de la femme qui interrompt sa tâche et qui semble s’étonner de la présence de Ruth. »

    Le livre : Et in Arcadia ego  - Jean Pierre Ferrini - Editions Le Temps qu’il fait 

     

  • Aussitôt que la vie - Marie Gillet

    Ecrire en marchant, quelqu’un qui démarre son livre ainsi c’est fait pour me plaire instantanément, j’ai pensé à Nietsche, grand marcheur devant l’éternel. 

    garrigues.jpg

    Marcher « Dans la colline éblouissante de lumière » ou bien écrire « Dans le bureau mansardé tapissé de livres » je prends les deux instantanément.

    17920314478967553-640x640.jpg

    Le Garlaban 

    Marie Gillet nous propose de marcher avec elle sur les chemins. De jour en jour, de saison en saison, cheminer lentement. 
    Dans le sac à dos de la marcheuse, en plus des carnets, il y a toujours un livre, pour accompagner les pauses, les moments de contemplation. 

    carnet.jpg

    Le plus traditionnel 

    Thoreau écrivant son journal parlait de Journal météorologique de l’âme, Marie Gillet tient ce genre de journal depuis des décennies, à travers une multitude de carnets.
    Aujourd’hui, elle nous offre, comme un présent, quelques Bribes et Brindilles des mots engrangés mêlés aux souvenirs d’enfance.

    carnet d'écriture.jpg

    J’ai aimé les carnets que Marie Gillet utilise. Ceux que l’on glisse dans la poche, ceux qui attendent le retour de promenade. Ceux achetés lors de voyages, ceux plus simples mais pleins de mots et d’autres choses 
    «  Tous sont boursouflés de feuilles, de brindilles, de grains de terre, plus rarement de fleurs »

    crocus-.jpg

    Non celui là n'a pas été cueilli 

    Le lecteur pourrait facilement se perdre dans cette multitude comme on se perd devant une brassée de mots, une avalanche de sensations, un tsunami d’odeurs et de couleurs.

    Ces carnets sont là pour « l’action d’écrire » et deviennent  « des herbiers de mots, des dictionnaires personnels, des bibliothèques de traces ».
    Carnets relus parfois « un jour de pluie d’hiver ou une nuit de givre ».

    Ces carnets sont aussi un retour en arrière, vers l’enfance qui fut à la fois douloureuse et lumineuse.
    Elle découvre, enfant, le Mistral, « Dès que j’ai habité chez Mètou, j’ai appris à vivre comme on vit ici : avec le vent. »
    Cela  m’a beaucoup touché car j’ai fait la découverte de ce vent si particulier à 7 ans sur le site du château des Baux de Provence, le vent était tel que ma grand tante du m’arrimer à elle très fortement pour que la brindille que j’étais ne soit pas emportée. 

    Elle nous dit ses compagnons de marche et lumière : Hyacinthe (cela m’a rappelé Henri Bosco bien entendu) Loulou, Ange et Le chef la figure tutélaire dont on ne saura jamais s’il fut ange ou démon.

    chateau.jpg

    J’ai retrouvé dans ses mots la sensation de chaleur et de lumière que j’ai ressenti enfant dans cette Provence, j’ai retrouvé mon plaisir à crapahuter dans la colline au dessus du village dans le thym et le romarin, la chaleur des vieilles pierres du vieux château dans la Montagnette et de « laisser être la beauté, même cachée, pour qu’elle participe à l’équilibre du monde. »

     

    J’ai aimé ce moment où cessant de faire la course à la randonnée la plus difficile, la plus rapide, la course au « butin » à rapporter pour être pendant un petit moment une personne importante, Marie choisit de lâcher prise.
    Ne plus être  celle qui doit « régler touts les problèmes, trouver toutes les solutions, toujours progresser, s’élever » mais devenir celle qui ne ramasse plus rien, qui ne cueille plus aucune fleur, qui se contente d’admirer, de contempler et de remercier.

    chene rouvre.jpg

    Chêne Rouvre 

    Les arbres et les couleurs occupent une place privilégiée dans ce livre. Le chêne tout d’abord et j’ai aimé que Marie Gillet secoue un peu la perruque de La Fontaine sur le sujet.
    Le chêne on devrait dire les chênes car il y en a de toutes sortes, et celles du sud sont un peu mes préférées : Rouvre, Kermès, Yeuses.

    Quant aux couleurs c'est Le bleu qui domine, le bleu Poussin, le bleu polaire, le bleu de Turner. C’est un festival de bleu que Marie Gillet nous offre, sous la bienveillance de Rimbaud, de Baudelaire ou de Giono.

    william-turner-chateau-de-norham.jpg

    Le bleu de Turner : le Château de Norham 

    L’odeur et la fragilité des violettes m’ont particulièrement touché, une des mes fleurs préférées mais uniquement dans un bois, vous savez le petit bois du Sous préfet au champs.

    16753385.jpg

    La beauté des asphodèles qui m’a contraint à rouvrir mon exemplaire de l’Odyssée. Et bien j’avais totalement oublié ce passage et du coup ce n’est pas juste le passage que j’ai relu, non j’ai replongé dans le livre la tête dans les étoiles.

    asphodelus-02.jpg_590_590_3.jpg

    J’ai aimé les listes qui viennent au jour «  lors d’une promenade aux alentours de la maison ou d’une marche de l’aube au soir » listes de fleurs, d’arbres, de lieux, mais surtout de personnes qui ont marqué la vie de l’auteur à jamais.

    J’ai aimé comprendre comment les mots engrangés deviennent textes un jour pour dire l’éblouissement ressenti, le chemin vers la lumière parfois très douloureux.

    IMG-0348.jpg

    Vous avez compris j’ai aimé ce livre, il est désormais plein de petits coups de crayon, des petits signes qui évolueront lors d’une autre lecture, qui se déplaceront, qui seront effacés, remplacés au gré de mon humeur, de mon plaisir.

    Ah dernier détail Marie Gillet vous la connaissez sans doute déjà pour vous assurer de petits bonheurs du jour régulièrement 

    Le livre : Aussitôt que la vie  - Marie Gillet  - Editions L’Harmattan 

  • bribes de bienveillance pour la terre

    le-passage-de-berder-a-maree-haute-l-homme-de-56-ans-s-est_5603725_676x337p.jpg

    Le Passage de Beder une ile à marée haute 

    " J’écoute le clapotement de la mer et le cri d’une corneille de rivage dans les cèdres qui commencent tout juste à bruire sous le souffle de l’après-midi. Les voix de ma fille et de mon fils me parviennent de loin, le grincement d’une rame, les à-coups d’un bateau – toute la douce musique d’une île à marée haute ou à marée basse. Quelle est la place des êtres humains dans l’harmonie du tout, et qu’est-ce que cela nous dit sur la façon dont nous devrions agir dans le monde ?"

    sapin cigue.jpg

    " La brume s’était levée et je découvris que j’étais entourée de minuscules îles, avec sur chacune d’elles un arbre seulement. Leurs rivages étaient recouverts d’algues marines, jaunes sous le soleil soudain, et toutes avaient, après un monticule de roches grises et nues, un unique sapin-ciguë ployant sous les touffes de mousse et de lichen déchiqueté. Les îles flottaient sur leurs propres reflets – ils n’étaient pas parfaits, mais découpés en lignes horizontales, et se déplaçant très légèrement. Je lançai une corde par-dessus une branche et m’amarrai – je ne voulais pas dériver trop loin –, et les reflets devinrent alors des taches de couleur qui dansaient."

    nature-3289812_1920-1.jpg

    "Admettons que vous êtes d’accord. Admettons que vous reconnaissez que les humains ont une obligation de bienveillance envers la terre. Qu’est-ce que cela signifie exactement, ici et maintenant ? Qu’allez-vous faire ? Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas facile à savoir. Vous ne pouvez pas partir du principe que vous savez quoi faire. Tout change autour de vous, et vous n’y pouvez rien, mais ce que vous faites est souvent ce qu’il ne faut pas faire. Et ce que vous faites dans un endroit précis a des répercussions inattendues à une centaine de kilomètres de là, ou en aura dans une centaine d’années."

     

    Le Livre : Sur quoi repose le monde  Kathleen Dean Moore – Editions Gallmeister