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Littérature flamande

  • Un Tableau un livre et Van Goyen

     

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    Paysage avec deux chênes –  Rijksmuseum Amsterdam

    « C’est l’année (1645) ou Jan van Goyen peint avec la palette la plus retenue et la plus inspirée Vue d’une ville et d’une rivière.
    Le même artiste peignait en 1641 le rayonnant Paysage avec deux chênes traversé par un rayon de soleil.

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    Vue d’une ville et d’une rivière – Musée de Quimper


    L’homme qui a su faire ces deux tableaux où la lumière retenue ou délivrée est si présente est né en 1596. »

     

    Le Livre : Au jour le jour 2000/2005 – Paul de Roux – Editions le Bruit du temps
    Les Tableaux :
    Paysage avec deux chênes – Jan van Goyen - Rijksmuseum Amsterdam
    Vue d’une ville et d’une rivière – Jan van Goyen – Musée de Quimper

  • Courriers des tranchées - Stefan Brijs 

    Jusqu’à quel point le mensonge est-il tolérable ? Est-il plus acceptable si c’est pour le bien des personnes ? 

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    Londres en 1914

    Rendez-vous à Londres en 1914, la guerre vient d’être déclarée et les files s’allongent pour s’engager. Tout le monde est sûr que les soldats seront de retour dans quelques semaines.
    Le pays vit fort d’un optimisme à tout crin et d’une grande colère face aux planqués qui refusent de s’engager. 

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    John Patterson est parmi ceux qui tombent sous la vindicte populaire, il est étudiant et n’a pas l’intention d’interrompre ses études.

    Son père, facteur, s’est sacrifié pour lui payer sa formation au prix de sa bibliothèque dont il met en vente régulièrement un volume de valeur.
    Est-ce de la lâcheté quand autour de lui ses amis s’engagent, Martin Bromley son plus proche copain s’engage avec un mensonge sur son âge et son identité.

    Les premiers morts arrivent, son père distribue les télégramme du commandement pour annoncer les décès.Un autre ami de John est pacifiste et marxiste, il influence un peu le jeune homme et son suicide  perturbe John qui est pacifiste dans l’âme et plus attiré par la poésie de Keats que par la carte des combats.

    John reste très proche de la famille de Martin après son départ pour le front. Il aimerait obtenir l’amour de Mary, la soeur de Martin, mais il se heurte à un refus.

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    L'arrivée du courrier 

    La mort dramatique de son père  fait électrochoc, John découvre que ce dernier utilisait son métier de facteur pour subtiliser des lettres qu’il n’osait pas remettre hanté par tous ces morts.
    Il s’engage et décide de voir cette sordide guerre de près.

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    Un lieu sinistre de la Première Guerre 

    Un livre que j’ai beaucoup apprécié, j’ai aimé le débat sur le refus de s’engager, le courage ou la couardise, la notion de lâcheté que ce soit à l’arrière ou sur le front.

    J’ai aimé les questions que posent ce livre : qu’est-ce que l’héroïsme, la trahison, le refus de se battre ?

    L’auteur dit très bien l’attente du courrier de part et d’autre, le moral qui plonge quand une lettre n’arrive pas, l’inquiétude des mères, des amis, des épouses, le désespoir à l’arrivée du courrier des autorités qui taisent la vérité, enjolive la mort et cache les vraies raisons parfois (suicide, exécution ) 

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    J’ai aimé que le fils après le père soit détenteur de courriers qui annoncent la mort aux familles dissimule la vérité, ment pour ne pas blesser. Tout est là, dans ses propres interrogations, quand une simple lettre peut détruire, réconforter, donner de l'espoir ou l'annihiler. 

    J’ai apprécié l’écriture, simple et élégante, d’une grande sobriété et qui nous fait partager le goût pour la littérature de l’auteur.

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    Au dessus de Londres 

    Le portrait de Londres sous la menace des Zeppelins préfigure ce que sera Londres sous les bombes d’Hitler. Les drames de Poperinge et d'Ypres sont présents dans le récit et invitent à lire un peu à leur propos.

    Lisez ce livre, sans vous presser jusqu’au final très émouvant et comme moi laissez vous émouvoir par John qui part à la recherche de perce-neige et d’anémones des bois au beau milieu d’une guerre.

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    Le livre : Courrier des tranchées - Stefan Brijs  - traduit par Daniel Cunin -Editions Héloise d’Ormesson ou Folio Gallimard

  • Guerre et térébenthine - Stefan Hermans

    J’ai lu il y a peu un roman de Stefan Hertmans qui m’a beaucoup plu et bien sûr cela m’a donné envie de lire son livre précédent, ni essai, ni autobiographie, ni roman, c’est un peu des trois à la fois.

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    « Mon enfance a été envahie par ses récits sur la Première Guerre mondiale, toujours et encore la guerre; les vagues actes d’héroïsme dans les plaines boueuses sous une pluie de bombes, le claquement des fusils, les ombres criant dans l’obscurité » 

    Urbain Martien a survécu à la Grande guerre et à l’horreur des tranchées. Il lègue trois cahiers à son petit fils, Stefan Hertmans va écrire grâce à eux le livre de mémoire de sa famille, un roman sur la guerre, sur les liens familiaux. Tout cela et un peu plus encore.
    Ces récits sont nous dit l’auteur « mélange d’élégance désuète, de maladresse et d’authenticité »

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    Adaptation au théâtre

    Ce grand-père fut un  homme courageux qui retourne au front après ses blessures, un courage jamais reconnu par les autorités et qui trouvera un épanouissement dans l’art : musique et peinture
    Au-delà de la personnalité du grand-père c’est toute la famille qui est mise en scène, avec précision parfois, grâce à des anecdotes souvent très touchantes comme le cadeau de cette montre à douze ans. 

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    On remonte le temps pour découvrir la vie des quartiers pauvres de Gand, une région dans laquelle l’Eglise tient une place majeure imprimant son empreinte sur les familles et les consciences.
    Le travail de l’arrière grand-père magnifier superbement par le récit, le lien filial entre Urbain et Franciscus qui restaurant peintures et statues donnait  au Christ le visage de son fils.

    Le travail très jeune dans une fonderie qui a tout d’un petit enfer. C’est la misère de Germinal ou chez Dickens

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    François Bonhommé, Fonderie - le Creusot Montceau.

    J’ai ainsi découvert, grâce à ce livre, cette région des Flandres, rencontrée au hasard des lectures, qui ici a pris un relief particulier. 

    Pendant la Première guerre les ordres aux troupes étaient donnés en français uniquement, ce qui conduisait à des quiproquos parfois dramatiques pour les combattants de langue flamande et surtout à une humiliation perpétuelle qui finira par engendrer la révolte.

    Les combats désespérés de cette armée belge en déroute devant la force de frappe allemande sont évoqués avec sensibilité, pudeur, et un brin de colère.

     

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    L’auteur recherche des traces avec un souci constant d’objectivité, il revisite les lieux.
    Ainsi il nous décrit l’inondation de la plaine de l’ Yser, inondation volontaire pour arrêter les troupes allemandes, une scène effrayante qui prend vie grâce aux écrits d’Urbain.

    « Cependant, le spectacle qui s’offrit à nos yeux le lendemain matin dans la pénombre nous fit froid dans le dos : des chiens, des lapins, des chats, des belettes, des putois et des rats traversaient le fleuve en masse comme une armée irréelle en traçant, de leurs museaux sensibles à fleur d’eau, d’innombrables triangles sur la surface lisse et noire ; les écluses à Nieuport avaient été ouvertes, et jusqu’à Stuivekenskefke, Pervijze, Tervate et Schoorbakke, le pays se couvrait d’eau peu à peu. Nous prîmes lentement conscience que la marche de l’ennemi serait peut-être ainsi interrompue. Le cœur battant, nous regardions. Il fut strictement interdit de tirer sur les animaux, pour ne pas trahir notre position. Nous les vîmes par conséquent, ces messagers au nez fin d’un monde maudit, prendre la fuite face à cet incompréhensible Armageddon, arriver à terre, secouer l’eau de leur fourrure, courir sans se soucier de rien le long de nos tranchées, fuyant à l’aveuglette comme des Lemmings. Personne ne chercha à s’emparer des animaux, personne ne voulait en tuer pour les manger, même si nous avions faim. Tels des anges du Jour du Jugement dernier déguisés, ces créatures fantomatiques trempées disparurent de notre champ de vision, traversant en bondissant la plaine boueuse noire et brillante dans la lumière grise du matin. »

    Ce passage à lui seul dit à la fois le désespoir des combattants, leur attente, leur crainte devant ce spectacle halluciné et tout cela sans le moindre effet de manche, sans aucun pathos.

    J’ai tout aimé de ce livre, les rappels historiques, l’évocation de la guerre, l’évocation des métiers, des amours, des liens filiaux.

    Je vais faire une place à ce livre dans ma bibliothèque.

     Voir l’avis d’Anne 

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    Le livre : Guerre et térébenthine - Stefan Hertmans - traduit par Isabelle Rosselin - Editions Gallimard Folio

  • Le Coeur converti - Stefan Hertmans

    Un roman qui mêle petite et grande histoire, qui a ses racines en Provence mais qui emporte le lecteur vers Narbonne et plus loin encore en Egypte.

     

    Nous sommes en 1092 Vigdis Adélaïs est une jeune fille issue d’une famille de Rouen, elle s’est enfuie avec David Todros un jeune juif, fils du grand rabbin de Narbonne «  que tout le monde nomme le Roi aux juifs car sa lignée descendrait tout droit du roi David » 

    Et aujourd’hui le couple en fuite arrive dans le Vaucluse « Depuis la fenêtre qui m’offre une vue sur la vallée, je vois au loin deux personnes approcher. Elles doivent venir des hauteurs de Saint-Hubert, d’où l’on peut contempler aussi bien le sommet du mont Ventoux que la vallée de Monieux » du moins c’est ainsi que les imagine Stefan Hertmans. 

     

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    Ruines du village de Monieux

    Saviez-vous que le Lubéron fut une région où les juifs vécurent un temps sans être inquiétés ? Il reste encore des traces même si elles sont difficiles à repérer.
    « Nombre de maisons ont donc commencé à s’effondrer dès la fin du dix-huitième siècle. Il n’en reste que des tas de pierres pittoresques, recouverts de vigne sauvage qui en octobre se teinte de rouge. » 

    Mais quand Vigdis Adélaïs, devenue Hamoutal, et David y pénétrèrent le pays était à quelques mois de l’appel du pape Urbain II pour la Sainte Croisade et Monieux va connaître un pogrom terrible.

     

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    Urbain II prêchant la croisade et la mort

    pour les musulmans et les juifs "Dieu le veut"

    Comment une jeune fille qui a connu une vie d’aisance et de sécurité va-t-elle faire face aux dangers multiples : sa famille d’abord des chevaliers Normands assoiffés de vengeance, les armées de croisés qui vont déferler sur le village de Monieux. Les dangers du temps : épidémies, accouchement difficile, famine.

    C’est un roman très réussi. L’auteur parvient à nous embarquer sur les traces quasi invisible de ce couple hors norme. 
    Il le fait avec beaucoup d’empathie, avec tendresse et bienveillance sans pour autant omettre les faits noirs et violents. 
    Le destin d’Hamoutal nous emporte bientôt, on la suit à travers bois, rivières et mers. 

    Par de très habiles allers-retours entre présent et passé on suit son enquête qui le conduit de Rouen à Narbonne, de Palerme jusqu’au mystère d’une Guéniza véritable « puits de souvenirs »  ou à l’Université de Cambridge. 

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    Maquette d'une Guéniza

     

    Stefan Hertmans fait parfaitement revivre le passé, du funeste « Dieu le veut » des croisés en délire aux descriptions d’une région où il vit 

    « Tout donne l’impression que le paysage est resté le même au fil des siècles. Pourtant, ce jardin d’apparence paisible était à l’époque la partie la plus peuplée du village, où les ruelles étaient étroites et les hautes maisons sombres collées les unes aux autres. Ici dominaient le bruit, la puanteur et la diversité quotidienne d’une communauté médiévale grouillant de vie, entretenant des relations étroites et intenses. Ici on vivait et on mourait, on dormait, on travaillait et on jurait, on faisait l’amour et des enfants venaient au monde dans les conditions les plus primitives. »

    Un roman comme je les aime.

     

    Le Livre : Le coeur converti - Stefan Hertmans - Traduit par Isabelle Rosselin - Editions Gallimard 2018