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Nature et bestioles

  • Bribes de marche pour philosophes

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    « La marche est un début de chute, l’amorce d’une chute, qui est d’abord provoquée, puis aussitôt empêchée, puis recommencée et réempêchée… indéfiniment. Mettre un pied devant l’autre, c’est se faire presque tomber, se rattraper, se refaire tomber à peine, se rerattraper, sans cesse. Le mouvement est produit par cette amorce de chute constamment entretenue et arrêtée. Nous le savons, intuitivement. Nous n’y pensons presque jamais, bien que nous marchions tous les jours, pour la plupart d’entre nous. »

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    « Humains, nous sommes des « êtres marchants ». La marche peut définir l’humain tout autant que la parole et la pensée. Il est le seul, de tous les vivants, à se déplacer ainsi. C’est pourquoi il me semble qu’on ne peut se contenter de juxtaposer ces définitions de l’humain : être marchant, être parlant, être doué de raison. Il faut en explorer les liens, en examiner l’éventuelle unité. Car se redresser pour marcher fut apparemment, pour notre espèce, le geste qui a permis de parler et de penser. Quand l’humain a commencé à marcher, il a commencé aussi à parler et à penser. »

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    « En ce sens, nos pensées marchent. Quand elles sont mises à l’épreuve – et la philosophie constitue au plus haut point cet exercice – leur manière de fuir en avant ressemble de très près au mouvement de contrariété interne, provoquée et surmontée, qui se tient au cœur de la marche. Marche et philosophie se trouvent sans doute dans un mouvement semblable de chutes et redressements permanents. »

    Le livre : Comment marchent les philosophes – Roger-Pol Droit – Editions Paulsen

  • Eden - Auður Ava Ólafsdóttir

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    Êtes-vous partant pour un séjour en Islande, bon c’est certain il va pleuvoir mais vous pourrez nager dans une source chaude, ceci compense cela.

    Rendez-vous chez Alba, une femme qui vit parmi les mots, et pas seulement les mots, les langues aussi. Elle est linguiste et spécialiste des langues en perdition. Elle est douée et passionnée.

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    A ce titre elle voyage un peu partout, elle jongle avec les déclinaisons, les conjugaisons, la grammaire, de quoi remplir les journées.

    Et puis quelque chose se rompt dans la machine bien huilée, son travail à l’université de Reykjavík et dans l’édition semble ne plus tout à fait suffire, il y a aussi un grain de sable dans les rouages, un étudiant lui dédit des poèmes, des écrits, ce qui risque de mettre en péril un poste qu’elle a en vue.

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    Et puis il y a ses doutes et ses inquiétudes sur l’état de la planète, sur l’extinction programmée des espèces et pas seulement des dialectes, sur tout ce qu’elle a envie de préserver : la nature, les liens que l’on forge au gré du temps, les livres qui peuplent la vie.

    Elle doit avouer « Je n'ai pas toujours été très douée pour faire coïncider mes pensées avec mes paroles. »
    Son père est un passionné des arbres et du coup Alba s’interroge.
    « Combien d'arbres je devrais planter si je voulais compenser l'empreinte carbone de tous les trajets en avion que j'ai effectués l'an dernier ? »

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    La prise de conscience est brutale, il lui faudrait planter 5600 arbres pour combler le déficit !!!
    De quoi s’interroger sur son mode de vie.
    Pas de blablas de spécialiste, pas de conférence sur le réchauffement non, tous simplement Alba remonte ses manches et se met à planter des arbres.

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    Elle achète une petite maison avec un immense terrain pour planter 2000 bouleaux, rien de moins, ah oui elle a aussi prévu un potager.

    Son petit paradis demande de l’huile de coude pour entamer cette reconstruction, mais elle a trouvé un nouveau sens à sa vie et cela change tout.

    J’ai aimé cette jolie fable pleine d’espoir, de poésie, de drôlerie.

    J’ai aimé le personnage de Danyel jeune réfugié prêt à s’approprier une nouvelle langue car il sait que cela lui permettra d’être accepté, de tisser quelques liens.Parce que dit Alba, une langue c’est une façon de « décrire comment il est possible de supporter cette chose qu'on appelle la vie »

    J’ai aimé que Auður Ava Ólafsdóttir vienne titiller notre responsabilité, pas question de nous culpabiliser non mais elle nous pousse à réfléchir à notre engagement personnel car après tout « Nous sommes à chaque instant au centre de notre existence »

    J’ai aimé comment elle montre que le trop plein d’objets, de livres « Gerður, la guichetière de la banque, m'a acheté La généalogie de la langue, Fríður qui travaille à la supérette la compilation d'articles: La grammaire en s'amusant. Et juste avant ton arrivée, j'ai vendu à Elinborg K Déclaration d'amour à ma langue maternelle »

    J’ai aimé ce vivre ensemble,la liste des « activités qui échappent aux règles du langage »

    «Marcher dans la nature.
          Travailler dans le jardin.
    Biner les rangs de pommes de terre.
    Respirer.
    Regarder le ciel au-dessus de la montagne.
    Écouter les oiseaux »

    C’est le moment de remercier le traducteur, Eric Boury, je l’ai déjà apprécié avec les romans de Stefansson ou Indridason c’est une occasion de plus d’apprécier son travail.

     Un livre tout en finesse, légèreté et simplicité, n’hésitez pas

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    Le livre : Éden - Auður Ava Ólafsdóttir - traduit par Éric Boury – Éditions Zulma

  • Bribes d'Aubépine

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    Depuis quelques années je consomme de l’aubépine pour éviter des traitements plus lourds de l’hypertension. Ridicule ? risqué ? en fait non puisque jusqu’à aujourd’hui cela marche.

    Alors j’ai eu envie de chercher et voilà le résultat de ma recherche.

    « Aubépine a pour origine le latin alba spina, qui signifie « épine blanche », l’autre appellation de cet arbre depuis toujours vénéré, comme à Rome où la plante symbolise la prospérité. La tradition conseillait par exemple d’attacher une de ses branches sur les berceaux des nouveau-nés pour tenir à distance le mauvais sort. Dans beaucoup de régions, il était recommandé aux enfants malades de toucher le feuillage de l’aubépine, car il se disait alors que c’était bon pour la santé. Si l’Église catholique n’encourage pas ces pratiques peu chrétiennes, elle ne les condamne pas davantage, en souvenir certainement de la couronne du Christ faite d’après elle en aubépine.

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    L’aubépine est un arbre de petites dimensions, mais son espérance de vie est grande. L’un des plus vieux arbres de France est une aubépine. Elle vit à Saint-Mars-sur-la-Futaie, une commune de la Mayenne, et elle est âgée de mille sept cents ans. Un texte datant de 1150 la qualifie déjà de très vieille.

    Il est difficile de rester insensible à la beauté de l’aubépine. Quand Marcel Proust publie en 1918 À l’ombre des jeunes filles en fleurs, ouvrage pour lequel il recevra le prix Goncourt, il décrit avec subtilité une plante que de toute évidence il apprécie :

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    « Tout d’un coup, dans le petit chemin creux, je m’arrêtai touché au cœur par un doux souvenir d’enfance : je venais de reconnaître, aux feuilles découpées et brillantes qui s’avançaient sur le seuil, un buisson d’aubépines défleuries, hélas, depuis la fin du printemps. […] J’aurais voulu la saisir. Je m’arrêtai une seconde et Andrée, avec une divination charmante, me laissa causer un instant avec les feuilles de l’arbuste. Je leur demandai des nouvelles des fleurs, ces fleurs de l’aubépine pareilles à de gaies jeunes filles étourdies, coquettes et pieuses. »

     

    Le livre : Dictionnaire amoureux des arbres – Alain Baraton – Éditions Plon

     

  • Bribes d'Aran

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    «  Marcher, c’est tout un art. En arrivant sur ces îles, il faut le réapprendre.

    Il faut d’abord oublier le pas précipité de la vie citadine et laborieuse : impossible, au reste, de courir ; il s’élève toujours un obstacle, mur ou rocher, pour rappeler qu’ici on prend son temps, on prend le temps de marcher » 

    « Il faut aller l’amble. S’arrêter souvent, divaguer, se perdre. 
    C’est l’endroit où aller vérifier si un sac d’or est bien enfoui au pied de l’arc-en-ciel. » 

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    Arc en ciel sur l'île d'arak © Bertrand Rieger 

    « Mettez vos pas dans les hiéroglyphes délicats que les oiseaux de mer impriment sur les sables humides.
    Marchez dans l’eau et laissez sécher le sel sur vos pieds nus. »

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    Hieroglyphes délicats 

    « Imprimez l’île sous vos pieds et vos pieds sur l’île. »

     

    Le livre : Grain d’Aran - Dominique Beugras - Editions La Bibliothèque

  • Les Abeilles d'hiver - Norbert Scheuer

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    Hiver 1944 et 1945 dans la région de l’Eifel, à la frontière entre l’Allemagne et la Belgique.
    Egidius Arimond se passionne pour ses abeilles.
    Lui il est, au dire des nazis, un rebut de la société, un déchet parce qu’épileptique.
    Sa survie il la doit à son frère, nazi convaincu et pilote dans l’aviation du Reich.

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    La région de l'Eifel 

    Egidius a été destitué de son poste d’enseignant, l’apiculture lui permet de subvenir à ses besoins.
    Il travaille par ailleurs à un livre sur un de ces ancêtres moine apiculteur.

    Son frère lui procure ses médicaments mais quand les choses se compliquent, Egidius doit trouver une autre source de revenus.
    Il devient passeur pour des juifs à qui il fait traverser la frontière pour « un peu d'argent »
    Il n’escroque personne, il prend des risques, il cache des juifs non sans les nourrir, il est la bienveillance même.

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    Un rucher en Allemagne 

    La Gestapo le surveille, il consacre tout son temps à ses ruches, à la vie de ses abeilles, leurs maladies, leurs prédateurs, leur organisation, la production de miel.

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    « Le bruit des attaques ne semble pas déranger les abeilles; elles vivent dans un monde différent, apparemment pacifique, et ne s'intéressent pas à la guerre. Elles rentrent de leurs vols de butinage chargées de pollen blanc, de chardons, de lis, de conifères et de camomille provenant des prairies et des jardins environnants. Elles butinent comme si elles savaient qu'un hiver très froid les attend »

    Il compare son travail aux textes de son lointain ancêtre Ambrosius Arimond qui fut moine puis défroqué pour l’amour d’une femme.

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    Ce roman m’a plu, c’est un traité sur la barbarie d’une époque et sur un homme pris dans ses filets que le quatrième de couverture appelle joliment un « homme sans qualités ».

    Notre homme n’est ni un véritable héros, ni un vrai salopard. Il est juste un homme pacifique, malmené par l’histoire, un homme qui tente de survivre.

    J’ai aimé la forme du journal intime, j’ai aimé le traité d’apiculture un rien mâtiné de poésie. 

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    Je vous laisse découvrir le destin d’Egidius.

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    Le Livre : Les abeilles d’hiver - Norbert Scheuer - Traduit par Marie Claude Auger  - Editions Actes Sud

  • la Prairie Vie privée d'un champ anglais - John Lewis Stempel

    J’ai lu avec bonheur Une année dans la vie d’une forêt, alors La Vie d’une prairie était faite pour moi. 
    Nos voisins britanniques ont l’art et la manière de parler de la nature, de s’y promener, de l’explorer en tous sens. 

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    Nous voilà en route pour passer une année dans la vie d'un champ dans le Herefordshire ( vite une carte !)

    Notre hôte est un homme aux dons multiples, agriculteur, naturaliste mais aussi historien ET vous le constaterez écrivain.

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    Sa connaissance de la nature n’est donc pas usurpée, il arpente sa prairie tous les jours, qu’il pleuve ou qu’il vente et dieu sait que dans le Herefordshire il pleut et il vente souvent.

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    Sa balade est une jolie marche dans la nature, vous irez de surprise en éblouissement, vous visiterez le monde des insectes, ah le papillon bleu adonis, des myriades de plantes, de fleurs, vous pourrez vous faire de belles listes sauvages. 
    Vous croiserez des spectacles horrifiques comme quand le sabot de la vache écrase un nid de bébés souris !!

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    Il se fait observateur zélé : tout est bon pour lui, insectes, fleurs ou oiseaux, vers de terre ou araignée.
    Même si les prairies de nos voisins ont perdu en diversité comme les nôtres, il reste encore de quoi observer de saison en saison à travers un paysage toujours renouvelé. 

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    Centaurée

    Une petite liste pour le plaisir :  primevère, centaurée, vesce des prés, scabieuse, ou fritillaires des marais.  

    Mais vous croiserez aussi les campagnols et les blaireaux organisateurs de funérailles, si si , les renards et comme nobody ’s perfect vous pourrez aussi l’accompagner à la chasse, là je fais l’impasse si vous le permettez.

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    Cet homme est parfait (à part la chasse !) il vous abreuve aussi de petits morceaux de poésie, peut disserter sur la prairie médiévale, sur les traditions agricoles, et les noms de fleurs ou d’oiseaux 

    Il nous amène progressivement à ce qu’il considère comme le point d’orgue de l’année : la fenaison.

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    La fenaison   Peter Brueghel Musée de Prague

    Il invite les écrivains « coupeurs de foin » on retrouve là Tolstoï bien entendu, mais aussi les poètes comme Robert Frost ou John Clare l’anglais un peu fou.

    Comme le dit l’auteur « Rien de tel que de travailler la terre pour cultiver et récolter des lignes de prose ».

    Un vrai bol d’air et de nature et moi qui hélas ne peut plus gambader à loisir j’ai trouvé là le livre parfait, élégant, plein d’humour, riche en détails, très vivant, invitant à musarder dans les prés.

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    Le livre : La Prairie  Vie privée d’un champ anglais - John Lewis-Stempel- Traduit par Patrick Reumaux -  Editions Clincksieck