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  • Lettres à Théo - Vincent Van Gogh

     

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    Ma dernière visite au musée Van Gogh d’Amsterdam remonte à une quinzaine d’année. 

    Depuis longtemps je voulais lire une biographie du peintre en parallèle avec sa correspondance.

    C’est chose faite et j’en suis ressortie plus amoureuse que jamais de cette peinture et de ce peintre.

     

     

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                              © Luuk Kramer/Van Gogh Museum

     

    Jusqu’ici j’avais picoré ces Lettres à Théo mais cette fois en parallèle de la biographie j’ai fait une lecture suivie et cela s’est révélé passionnant.

     

    Dès les premières lettres on est accroché, une famille qui n’est pas riche mais vit dans une certaine aisance, un père pasteur qui va à la fois servir de modèle permanent et d’objet de haine à la façon d’un Kafka. Vincent pourrait comme Kafka écrire sa lettre au père.

     

    Des études pas vraiment glorieuses et pas vraiment terminées, et un début de la vie d’adulte difficile.

    Un départ pour l’Angleterre où il va connaitre ses premières amours et se révéler doué pour les langues, plus tard il ajoutera le français à la panoplie au point d’écrire une partie des ses lettres en français.

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                    Les premières oeuvres  1882 

     

    D’échec en échec le voilà quasi missionnaire auprès des mineurs du Borinage, c’est pour lui une période mystique pendant laquelle il découvre le travail sordide, la faim, ses dessins en portent la trace, ils ont la noirceur de la mine et la dureté du travail. Plus tard lisant Zola il se reconnaitra dans Germinal.

     

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                  Les mangeurs de pommes de terre 1885

     

    Les lettres sont pleines de ses doutes, de ses souffrances mais aussi de ses lectures, c’est un lecteur passionné et attentif. ll admire Hugo, Balzac et par dessus tout Zola. Rien à voir avec les lettres d’un fou, même si de temps à autre le ton change, l’exaltation le tient, que ce soit pour une femme, pour la Bible ou pour la peinture.

     

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                          Arles 1888 

     

    Nous n’avons pas les réponses de son frère mais l’on sent très bien son rôle modérateur, complice.

    Le départ pour Arles apparait comme une chance mais très vite les démons reviennent. Alcool, hallucinations, la misère matérielle détruit sa santé, son corps le lâche et son esprit va suivre ce qui le conduit vers l’hôpital psychiatrique où il trouve un certain repos.

     

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                  A Saint Rémy de Provence  la nuit étoilée 1889

     

    Théo a essayé de le faire connaitre, d’organiser des expositions de ses oeuvres mais Vincent s’y oppose le plus souvent. On le suit à travers ses lettres jusqu’à la cassure finale.

     

     

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                      A Auvers sur Oise 1890

     

    Ces lettres sont profondément touchantes et désespérantes car on le voit s’enfoncer dans la folie tout en essayant de tenir la tête hors de l’eau grâce à la peinture. ll cultive les ruptures, régulièrement avec Théo quand celui ci renâcle à le soutenir, ruptures avec des femmes, rupture avec Gauguin

    Pourtant c’est à Théo qu’il envoie tout, ses dessins, ses premiers tableaux, les toiles qu’il peint frénétiquement à Arles, cette frénésie se poursuit lorsqu’il est interné à Saint Rémy de Provence : imaginez il peint en un temps très court 200 toiles et parmi elles ses toiles les plus célèbres.

     

     

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                Hôpital Saint Paul de Mausole © Ivredelivres

     

    J’ai vraiment été accroché par ces lettres, Van Gogh y apparait dans toute sa nudité et sa faiblesse mais aussi dans toute sa passion pour la peinture, exutoire à la folie qu’il sent poindre. 

     

    Vous pouvez aussi écouter ces lettres lues par Denis Lavant.

    Un site existe mais en VO

     

    La biographie permet de replacer ces lettres dans leur contexte.

    Mon seul regret c’est de n’avoir pas en parallèle les oeuvres pour en suivre l’évolution.

    Une édition existe aujourd’hui chez Actes Sud en six volumes qui permet cela mais son prix est carrément prohibitif (380€)

     

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    Les livres : 

    Lettres à Théo - Vincent Van Gogh - Editions Gallimard

    Van Gogh - David Haziot - Editions Gallimard Folio

     

  • La Cause des livres - Mona Ozouf

    Dernière étape du parcours dans la lecture,

     

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    j’ai voulu terminer par une femme que j’admire et dont j’aime les livres.

    Mona Ozouf l’historienne, écrit depuis quarante ans sur les livres dans le Nouvel Observateur. 

    Ses goûts la portent vers l’histoire bien entendu mais aussi les correspondances, les journaux. Ce recueil d’articles est intitulé « La cause des livres » car elle profite de ce recueil pour se détacher de l’urgence, de l’éphémère, de l’actualité et nous inviter à piocher dans son étal de « brocanteur » littéraire et passer de la cour de Marie Antoinette ou au salon de Voltaire.

    Plutôt qu’un long plaidoyer c’est une récolte qui doit tout à la liberté que procure la lecture, c’est une alerte envers un monde qui accélère sa course vers l’inconstant, mais par dessus tout une reconnaissance envers les oeuvres et leurs auteurs.

     

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    Le salon de Madame Geoffrin : un haut lieu littéraire

     

    Les articles sont regroupés selon une thématique personnelle à Mona Ozouf qu’elle explique dans une belle préface

    Dans la première partie elle a regroupé les grands noms, Mme de La Fayette et Balzac, Zola, Voltaire et aussi Saint-Simon ou Michelet sans oublier Chateaubriand. Ce sont des livres lus et relus qui appartiennent à sa « patrie littéraire » et qui s’ouvre sur Montaigne ce qui était fait pour me séduire.

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     " L'une de mes préférées est la correspondance de Flaubert et George Sand"

    Mona Ozouf aime particulièrement les correspondances et sous le titre « une liasse de lettres » elle nous fait connaître les échanges épistolaires célèbres  « L'une de mes préférées est la correspondance de Flaubert et George Sand » dit-elle dans son interview à lExpress. Mais vous y rencontrerez aussi Virginia Woolf ou Tante Simone (nom affectueux que M Ozouf donne à Simone de Beauvoir)

    Les « voix d’ailleurs » permettent de retrouver Nicolas Bouvier mais surtout Henry James qui se taille une belle place avec plusieurs articles qui donnent une envie forte de lire l’essai que Mona Ozouf lui a consacré.

    Mona Ozouf est féministe, j’avais lu sur les conseils de Tania : Les mots des femmes, et j’ai retrouvé ici toute l’élégance de l’écriture, toute la passion qui l’ habite dans les « portraits de femmes » de Germaine de Staël ou Mme Du Deffand et de façon amusante des filles de Marx 

     

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    La Révolution : un sujet toujours d'actualité

     

    Les deux dernières parties sont celles qui m’ont le plus intéressé car beaucoup des titres me sont inconnus, le thème « tableau de la France » est aux antipodes des élucubrations récentes sur l’identité française, le voyage en France  est mis à l’honneur, le pays où l’on revient toujours dit Mona Ozouf, j’y ai croisé deux figures connues : Pierre-Jakez Helias et le « Toinou » d’Antoine Sylvestre.

    Enfin dernier thème : Les lumières et la Révolution, occasion de saluer ses confrères : François Furet, Alain Corbin, Pierre Nora envers qui elle s’acquitte d’une « dette d’amitié »

     

    J’ai de la peine à parler de « critiques » tant ces 120 articles sont élégants et rendent un  hommage à la lecture, une lecture attentionnée, intelligente, valeureuse. Tous les articles sont excellents que l’on ait lu ou non le livre, on peut en faire son miel.

    La mode n’intéresse pas Mona Ozouf, seule le besoin d’ouverture, d’enrichissement, de confrontation, dicte ses lectures. Laissez vous prendre par la main, vous rouvrirez souvent ce volume si vous lui faites une place dans votre bibliothèque 

     

    Un grand merci à ceux et celles qui m'ont donné les références des émissions dont Mona Ozouf était ou sera l'invitée 

     

    Femme des lumières de France 5 la vidéo est disponible jusqu'au vendredi 13

     

    Présence à la grande librairie en octobre 

     

     

    Le livre : La cause des livres - Mona Ozouf - Editions Gallimard 2011

     

     

  • Dis moi ce que tu lis

    Leiloona est venue me faire une proposition du genre " dis moi ce que tu lis " voilà les réponses, à vous d'en tirer les conclusions que vous voulez

    A quel livre dois-tu ton premier souvenir de lecture  ?
    richardpierre2.jpgBizarrement j’ai deux souvenirs et je suis incapable de dire lequel est premier, tous les deux à 7 ans

    Le premier c’est  Sans famille et j’ai longtemps pensé à Rémi lorsqu’il y avait des crêpes au menu et le second c’est l’Expédition au Pôle d’Amundsen et Scott , une lecture faite en plein mois d’août en Provence où je sentais jusque dans mes pieds le froid de la banquise. 

    Quel est le chef-d'œuvre "officiel" qui te gonfle ?
    Ulysse
    de Joyce, pour être exacte ce n’est pas qu’il me gonfle c’est que je suis énervée de n’être jamais allée au bout

    ce livre me décourage, je l’abandonne, puis je lis un article ou quelques lignes de quelqu’un que j’apprécie et qui l’encense alors...j’y retourne mais je m’arrête à nouveau !

    Quel classique absolu n'as-tu jamais lu ?
    Ulysse
    de Joyce ! mais il y en a d’autres bien sûr, les Affinités électives de Goethe par exemple et plusieurs titres des Rougon Macquart de Zola, quelques Balzac aussi

    Quel est le livre, unanimement jugé mauvais, que tu as "honte" d'aimer ?
    la dame aux oeillets.jpgJe prends un joker, unanimement jugé mauvais pour qui ?  Et non je n’ai pas honte

    J’aime la bonne littérature mais j’aime aussi des romans populaires, faciles et qui me mettent à certains moment le coeur en joie, rien à voir avec la qualité d’écriture et tout à voir avec mon humeur
    Quelques exemples  La Montagne est jeune d’Han Suyin  ou encore le romantisme ringard de La Dame aux oeillets de Cronin ou Exodus de Léon Uris

    Quel est le livre que tu as le sentiment d'être la seule à aimer ?
    Celui que je viens de terminer et dont je n’ai encore parlé à personne, parfois j’attends longtemps avant de parler d’un livre qui m’a profondément touché car c’est un peu de soi que l’on partage

    Quel livre aimerais-tu faire découvrir au monde entier ?
    Montaigne-Dumonstier.jpgLes Essais de Montaigne, pour moi le plus grand livre en langue française surtout depuis qu’il est accessible en français modernisé, le livre qui peut être a eu le plus d’influence sur moi et auquel je retourne très régulièrement

    Quel livre ferais-tu lire à ton pire ennemi pour le torturer ?
    Allez soyons vraiment méchant : tout Amélie Nothomb


    Quel livre pourrais-tu lire et relire ?
    Il y en a beaucoup, j’intercale pas mal de relecture au milieu des nouveaux livres.

    Forcément un classique : Les Misérables, Du côté de chez Swann,  Anna Karénine par exemple

    Quel livre faut-il lire pour y découvrir un aspect essentiel de ta personnalité ?  
    Montaigne
    sans aucun doute


    Quel livre t'a fait verser tes plus grosses larmes ?
    Le Journal d’Anne Franck, lu vers 12 ans je me souviens d’avoir pleuré longtemps et plus près dans le temps Si c’est un homme de Primo Levi

    Quel livre t'a procuré ta plus forte émotion érotique ?
    autant-en-emporte-le-vent-1939-01-g.jpgAutant en emporte le vent
    , lu très tôt vers 12 ans je me souviens d’avoir lu et relu la scène TORRIDE où Rhett Butler emporte Scarlett dans ses bras , à 12 ans il en faut assez peu pour fantasmer

    Quel livre emporterais-tu sur une île déserte ? 
    On va dire que Montaigne a disparu dans le naufrage, alors qu’est ce qui reste ? Proust inévitablement, toute la Recherche en éditions Quarto c’est lourd mais pratique

    Une deuxième idée qui m’a été suggérée par un proche : Guerre et Paix en russe + un dictionnaire franco-russe , de quoi occuper quelques semaines

    De quel livre attends-tu la parution avec la plus grande impatience ?
    Celui que je vais découvrir et que je garderai pour moi quelque temps

    Quel est selon toi le film adapté d'un livre le plus réussi ? 
    Autant en emporte le vent
    meilleur que le roman et  Impossible de relire le livre sans penser à Clark Gable et Vivian Leigh

     

     

  • Un été philosophique

    Pendant cette pause loin des écrans je n'ai pas lu que des livres, ce fut pour moi l'occasion de lire trois revues de Philosophie magazine.

    Trois numéros spéciaux, trois sujets qui m'intéressent et trois plaisir de lecture

     

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    Vous ne serez pas étonnés si je vous dis que j'ai lu le numéro hors-série consacré à Montaigne, un ancien numéro ayant pour thème la Bible et les philosophes et enfin le dernier paru le spécial  Marcher avec les philosophes.

     

    Si ce sont des sujets qui vous attirent n'hésitez pas car c'est je trouve une bonne façon de lire autour d'un sujet qui vous agrée sans pour autant avoir à lire un pavé sur le sujet. 
    On peut laisser et reprendre sa lecture au gré des articles, y revenir sans problème, c'est sympa.

    Un petit mot sur chaque numéro et ce que j'ai le plus apprécié sachant que ce sont trois sujets pour lesquels j'ai déjà fait de nombreuses lectures.

     

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    A tout seigneur tout honneur : Montaigne  " Mon métier et mon art c'est vivre "

    On retrouve là des auteurs d'article qui ne surprennent pas : André Comte-Sponville, Antoine Compagnon qui m'avait déjà fait passer un Eté avec Montaigne, Sarah Bakewell mais aussi Pascal ou Virginia Woolf

    Les article les plus séduisants ? Celui de Comte-Sponville parce que très complet et jamais pédant, mais j'ai beaucoup aimé aussi les articles consacrés au Journal de voyage par André Darriulat et l'interview de Sarah Bakewell qui donne envie de connaitre la dame

    Celui qui m'a le plus appris ? l'article de Serge Brahami sur le chapitre des Cannibales et celui de Pierre Manent sur la foi de Montaigne.

    Les extraits des Essais sont nombreux et bien choisis mais dans une traduction que je ne trouve pas la meilleure.

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    Une version de la Tour de Babel

     

    Le numéro sur la Bible des philosophes est celui qui m'a le plus appris car les auteurs des articles sont extrêmement compétents sur leur sujet. 

    On a plusieurs extraits de livres très difficiles à trouver parce que non réédités.

    Léo Strauss, Kant, Hobbes et Kierkegaard sont au programme mais aussi Elie Wiesel ou Hannah Arendt, Hegel ....

    J'ai beaucoup aimé certains mini articles et extraits de livres,  je suis ressortie de là avec une liste de livres à lire longue comme le bras.

    Ce que j'ai préféré : un entretien avec Marc-Alain Ouaknin , philosophe, enseignant et Rabbin, l'article porte sur l'Exode que j'avais commencé à investiguer avec Thomas Römer.

    Un article m'a laissé perplexe : celui sur les prophètes, je dois dire que là c'est un peu trop ésotérique pour moi.

    Un regret : pas suffisamment d'articles signés par des penseurs d'aujourd'hui

     

    thoreau.JPG

    Enfin troisième sujet La Marche, sans doute mon côté un rien masochiste moi qui ne peux plus mettre un pied devant l'autre ! 

    C'est le plus réjouissant des trois même si je connais déjà à peu près tous les noms cités.

    Il y a les flâneurs, les promeneurs, les voyageurs et les explorateurs. Les pèlerins et les contestataires.

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    Jean Paul Kauffmann remontant la Marne

    Dans ce numéro aussi beaucoup d'extraits mais plusieurs articles de fond que j'ai lu avec grand intérêt : une super interview de Jean-Paul Kauffmann le marcheur que j'ai déjà suivi aux Kerguelen et sur les champs de bataille napoléoniens. Un grand article  de David Le Breton

    On trouve des noms convenus : Thoreau, Rousseau, Stevenson, Lacarrière,  bien entendu mais d'autres nettement moins : Walter Benjamin, Balzac qui a écrit sur la marche eh oui, et aussi Alexis de Tocqueville !

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    Jacques Lacarrière en Crète

    Je n'oublie pas les marches politiques même si ce n'est pas mon intérêt principal : La longue marche de Mao, Gandhi bien sûr et plus près de nous Martin Luther King et sa marche pour les droits civiques

    Bref un numéro à lire pour se sentir encore un peu en vacances.

     

    Cette chronique est libre de toute publicité évidement.

  • Roderick Hudson - Henry James

     Les débuts d'un maître

    james

     

    Roderick Hudson est le premier roman très abouti d’Henry James. Il reçut un accueil très positif aussi bien au Etats Unis qu’en Angleterre.

    Roderick est sculpteur, c'est un jeune artiste au talent prometteur. Il est remarqué par Rowland Malet qui va jouer auprès de lui le rôle de mécène et de mentor, il lui propose de l’accompagner en Europe, de découvrir avec lui les grands musées, les artistes les plus brillants et de donner ainsi une chance à son talent de s’épanouir.

    James

    Henry James et Hendrick Andersen sculpteur 

    Très vite les deux hommes deviennent amis, Rowland lui ouvre toutes les portes possibles, ils sont introduits dans une société brillante mais où l’argent ou plutôt le manque d’argent tient une grande place. 

    La belle aventure va tourner court lorsque Roderick Hudson rencontre Christina Light. La beauté incarnée mais hélas aussi le caractère le plus imprévisible qui soit. Sous la pression de sa mère elle est en Italie à la recherche d’un riche parti. 

    Roderick tombe sous son charme très sulfureux, terminé la sculpture, le jeune homme se laisse porter par un caractère volage et fantasque que Rowland n’avait pas décelé. Il fait fi des préjugés et se rend à Baden Baden où le jeu va compliquer la situation. 

    James

    L’idylle prend un tour dangereux, Roderick  échappe à son Prométhé et pousse Rowland à appeler à la rescousse Mrs Hudson mère qui redoutait les tentations du voyage et Mary Garland qu’il a rencontré aux Etats-Unis et qui apprend-t-il est fiancée à Roderick. 

    Rowland espère que la venue des deux femmes va remettre Roderick au travail, mais les liens entre Roderick et Christina sont semble-t-il trop violents.

    Comme toujours avec Henry James on entre dans le secret des ressorts humains sans pour autant leur trouver une explication ou une justification.

    J’ai aimé le personnage de Rowland, il est un rien ambigu évidement mais son côté mécène est tout à fait sincère, cela  procure un but à sa vie oisive. 

    Là où James est le meilleur c’est dans la description des rapports tortueux qui unissent Roderick et Christina, mais aussi dans l’évolution de ceux entre Roderick et Mary Garland. L’amour non partagé, le dévouement absolu, l’égoïsme poussé à son comble.

    Roderick et Rowland sont d’abord deux amis, puis deux frères complices pour finir par se trouver en opposition, beaucoup de critiques y ont vu une teinte d’homosexualité. J'y ai plus vu le reflet de la compétition permanente avec son frère Williams mais ce n'est que mon impression. 

    Le second thème du roman est bien sûr la création artistique, ses méandres, ses aléas, l’intrusion du mécène et le rôle parfois ambigu qu’il tient. La différence de traitement que James accorde à l’artiste plein de talent mais qui refuse toute discipline, tout effort, et celui qu’il accorde à un peintre d’aquarelles qui, lui, progresse par un travail acharné, un jugement tout à fait dans la morale du temps.

    James

    Rome apparait comme une ville magnifique mais ô combien dangereuse. Contrairement à d’autres romans où la nature est assez absente, il y a dans ce roman quelques belles descriptions de paysages et c’est d’ailleurs à travers elles que Henry James fait monter la tension dramatique de l’histoire.

    James

    Il semble que le roman doive beaucoup à la lecture de Balzac qu' Henry James admirait énormément,  vrai que l’on trouve la trace des Illusions perdues et de l’expérience de Lucien de Rubempré.

     

    David Lodge fervent admirateur de James dit que « La lecture de Henry James requiert patience et maturité. Suivre le flux de conscience des personnages les plus instables grâce à toutes les nuances de la plus somptueuse des proses, nécessite de tourner lentement les pages de son livre. »

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    Le livre : Roderick Hudson dans Un portrait de femme et autres romans - Henry James - Traductions de Anne Battesti - Gallimard Pléiade 2016.

  • Je ne reverrai plus le monde - Ahmet Altan

    Tout d’abord un très grand merci à Luocine qui a attiré mon attention sur ce livre.
    On lit dans la presse, on entend à la radio l’arrestation de tel ou tel en Turquie, et puis on oublie.

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    Ahmet ­Altan, journaliste et écrivain turc, a été accusé de complicité dans le putsch de juillet 2016.
    Lors d’un premier procès la cours constitutionnelle avait décrété son emprisonnement inique mais cela importe peu au pouvoir et à Mr Erdogan et le 16 février 2018 il est condamné à la « Perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle »  condamnation annoncée par un juge fantoche tel un « personnage de Gogol »

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    « Nous ne serons jamais graciés, et nous mourrons dans une cellule de prison » a dit Ahmet Atlan
    Alors il prend la plume et le titre du livre en forme de prédiction est glaçant et d’une tristesse infinie.

    « Je n’ouvrirai plus jamais une porte moi-même »

    « Je ne verrai plus la mer, je ne pourrai plus contempler un arbre, je ne respirerai plus le parfum des fleurs…. » 

    « J’ai observé les murs. On aurait dit qu’ils se resserraient.Et soudain j’ai eu l’impression qu’ils allaient se refermer sur nous, nous broyer, nous avaler comme une plante carnivore. »

    J’ai été frappée par l’affirmation de l’auteur qui dit qu’au fil du temps on fini par oublier son propre visage en l’absence de tout miroir. 

    Comment vivre et ne pas perdre espoir ? Peut-être « s’accrocher aux branches de son propre esprit ».

    Communiquer avec ses compagnons de cellule même si c’est à la fois difficile et surprenant. Des hommes très pieux pour certains, d’autres habités par la tentation de la délation qui leur permettrait de sortir

    Des hommes qui ne parviennent pas à croire que l’on peut être athée sans être immoral ! Alors Ahmet Altan convoque Pascal et Spinoza à l’aide.
    Dans la cour sa marche forcée est prétexte à des « disputes avec lui-même ». 

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    La Datcha du Dr Jivago

    Après l’annonce de sa condamnation, pour supporter l’angoisse il se tourne vers la littérature.  
    « nous n’écrivons que ce que nous pouvons, comme nous le pouvons ». 

    Il revient à ses auteurs de prédilection : Tolstoï, Balzac, Dostoïevski.
    Il refuse de se réveiller en prison et imagine des  contrées lointaines toujours un peu teintées de littérature : la savane africaine, les fjords de Norvège ou la datcha du Docteur Jivago.

     Il rend alors hommage à Sénèque, Épictète ou Boèce dont les textes l’aident à se sentir plus humain encore. 

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    Deux frères 

    Son frère animateur à la télévision a été arrêté en même temps que lui, c’est presque une tradition familiale, le père de Ahmet Altan a lui aussi connu les prisons turques en 1971 et fut à répétition accusé de diffamation contre l’Etat.

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                 Ahmet Altan et sa fille, le 4 novembre dernier, après sa libération. | AFP / BULENT KILIC

    Philippe Sands, auteur de l’essai Retour à Lemberg lui a rendu visite en prison.

    Libéré il y a une semaine après que le jugement ait été cassé en juillet 2019 , il est de nouveau arrêté  le 12 novembre 2019

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    Ahmet Altan arrêté  le 12 novembre2019  BULENT KILIC / AFP

     « Je suis écrivain, Vous pouvez me jeter en prison, vous ne m’enfermerez jamais car comme tous les écrivains, j’ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles. »

     

    En lisant ce livre j’ai repensé à tous les condamnés célèbres, Dostoïevski, Chalamov, Soljenitsyne, Mandela. 
    J’ai eu envie de relire le manifeste d’une liberté par la littérature de Joseph Czapski

    Un livre qui est une leçon d'espoir

     « Je sais que l’Etat de droit qui a été fusillé, blessé et qui gît inconscient dans son sang, guérira éventuellement et reviendra à lui. »

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    Le livre : Je ne reverrai plus le monde  Ahmet Altan - Traduit par Julien Lapeyre de Cabanes - Editions Actes sud