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A sauts et à gambades - Page 55

  • Je reste roi de mes chagrins - Philippe Forest

    « La vie est un conte raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur et qui ne signifie rien » 

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    Le Macbeth de Polanski 

    Churchill est un personnage qui m’a toujours fasciné, j’ai lu ses mémoires, sa biographie. Cet homme a marqué son siècle.

    Philippe Forest l’a choisi pour prendre place dans son roman, non comme un héros mais comme un miroir qu’il tend au lecteur, on y lit en filigrane la question « Qu’est-ce qu’une vie, sa vie ? »

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    Le Hamlet de Delacroix

    Le récit ou plutôt devrais-je dire la scène, tant les rapprochement avec le théâtre sont nombreux, se déroule en 1954; le grand homme pose pour le peintre Graham Sutherland qui a été choisi pour faire le portrait de Winston Churchill, comme un hommage et surtout le signe que la classe politique tout entière souhaiterait bien se débarrasser du personnage un rien encombrant.
    La réaction de Churchill à la vue du tableau va rester dans la mémoire de l’Angleterre et le scandale va secouer le Parlement.

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    Portrait qui fit scandale

    Philippe Forest transforme ce moment particulier en drame tout entier empreint de Shakespeare.
    Nous sommes les spectateurs, les acteurs sont sur la scène, le peintre, son modèle et le narrateur offrent toutes les facettes du théâtre.

    Prologue, intermèdes, choeur antique, spectres et épilogue. Le rideau prêt à se lever, les dialogues entre un Churchill inconsolable de la mort d’une de ses enfants, partageant avec le peintre la douleur du deuil d’un récit qui « reste pourtant éternellement à raconter ».

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    Ne soyez pas dérouté par les premiers chapitres, nous assistons à la mise en place du drame qui va se jouer et la représentation est parfaitement réussie. On retrouve le vieux lion aux griffes toujours acérées, un Churchill toujours en quête de l’amour de son père, un Churchill mélancolique qui pourtant su mener son peuple à la victoire et l’Europe à la paix.

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    J’ai dit que Shakespeare est là toujours en arrière fond avec en exergue à chaque chapitre une citation de son oeuvre. Le titre même du roman est tiré de Richard II.

    Philippe Forest est tout entier imprégné de pensée japonaise et des notions d’impermanence, de vacuité, d’incertitude. C’est le roman de l’illusion et de la perte. 

    L’écriture est tout simplement somptueuse, tout en élégante subtilité. Un livre magnifique magistralement construit.

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    Le livre : Je reste roi de mes chagrins - Philippe Forest - Editions Gallimard

  • Bribes anglaises

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    « Un bon politicien doit pouvoir prédire ce qui arrivera demain, la semaine prochaine, le mois prochain et l’année suivante ; après quoi, il doit encore être capable d’expliquer pourquoi rien de tout cela ne s’est produit » 

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    « Nul ne paraît plus assuré de sa place, plus convaincu de son génie, plus dominateur que cet homme peu ordinaire. Il se croit sorcier. Il règne, on obéit. Pourtant, sous le masque du chef de guerre et du protecteur charismatique de la nation en 1940-1945, et jusque dans le vieillard qui s’adonne à l’aquarelle à la fin de sa vie, subsiste l’ombre du fils indigne, rejeton dévoyé d’une ancienne race. Un petit garçon, à jamais orphelin du regard de son père, et qui se maudit de n’être pas celui qu’on attendait. »

    Le livre : Tu seras un raté mon fils - Frédéric Ferney - Editions Albin Michel 

  • Les Forêts de Ravel - Michel Bernard

    Tout d’abord un grand merci à Anne  et à Luocine qui m’ont donné envie de lire ce livre vers lequel jamais je ne serais allée.
    Il faut vous dire que si j’aime beaucoup Michel Bernard, je n'aime pas la musique de Ravel, ben oui désolée ! 
    Donc il a fallu toute leur force de conviction pour me faire lire ce roman et croyez moi je ne le regrette pas du tout.

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    Transportons nous en 1916, le compositeur a 41 ans, bien que réformé pour « une constitution jugée trop fragile » veut aller se battre. Il espère l’aviation ce seront les convois d’ambulances.
    « Il lui répugnait de poursuivre son existence comme avant alors que des millions d'autres hommes, riches ou humbles, humbles surtout, avaient été mobilisés pour défendre le pays ». 

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    Au gré des affectations il parcourt les zones de combat.C’est le temps où Verdun est sous les obus. 
    Son passage dans un château réveille en lui l’envie de la musique. 
    « Il attira à lui le tabouret, en régla le siège à sa taille et s’assit. Cela faisait des mois qu’il ne s’était pas trouvé dans cette posture autrefois quotidienne. Jamais, depuis la petite enfance, il n’avait été si longtemps séparé du piano. Ses mains se posèrent sur le couvercle et, les paumes épousant la courbe du bois ciré, l’ouvrirent doucement. Le clavier luisait sous la fenêtre. Du bout des doigts de la main gauche, il le caressa, sans appuyer, sur toute sa longueur. »

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    Alors il joue pour ses camarades, pour les gradés, pour les blessés 
    « Ces hommes, réunis au cœur du château, sur le bord de la Meuse où la bataille rejetait ses épaves, qui avaient vu d’autres hommes, jeunes et forts comme eux, mourir à leurs côtés, dans les draps et le silence de cet hôpital ou au milieu des vagues de terre ignobles et hurlantes dont ils étaient réchappés, qui avaient entendu leurs cris, leurs appels, leurs gémissements, leurs derniers mots, le souffle ultime de leurs agonies avant la paix et la mort, écoutaient le petit soldat pianiste de toute leur attention. »

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    Mais la guerre gagne du terrain et les moments de calme sont rares, Michel Bernard a de belles pages sur les oiseaux des forêts qui apaisent et inspirent Ravel « Assis dans l’herbe, le dos contre un gros tronc d’arbre, un carnet sur les genoux, comme il le faisait déjà aux Bois Bourrus, le compositeur notait au crayon le chant des oiseaux. »

    Un homme que la guerre a changé 
    « Il l’avait faite, cette guerre, comme tout le monde, mieux que beaucoup. Il l’avait vue de près, et la mort en même temps. Il s’était exposé et elle l’avait brûlé lui aussi. Elle avait décuplé son énergie. Les lignes sur le papier bougeaient et commençaient de trouver les chemins de son âme. »

    Les lieux ont une grande importance et il trouvera un havre de paix qui « s’ouvre sur la forêt et le ciel » Il recommencera à composer.

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    Maison musée de Maurice Ravel

    J’ai retrouvé dans ce roman la sensibilité de Michel Bernard, son écriture que j’avais tellement apprécié avec son roman sur Jeanne d’Arc. 
    On y voit un homme mélancolique, rêveur, un musicien qui compose un Concerto pour la main gauche pour honorer ceux que la guerre a atteint.

    Michel Bernard connait son sujet, il a lu tout Genevoix, et la guerre de 14 n’a pas de secret pour lui.
    Un roman où la musique est toujours présente, un récit d’émotions et de poésie.L’auteur a des phrases splendides sur l'inspiration musicale ou pour nous faire découvrir cet homme habité par la musique qui cherche la sérénité au milieu du chaos pour qui la forêt est un recours permanent.

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    Le livre : Les Forêts de Ravel - Michel Bernard - Editions de la Table ronde 

  • Quelques notes de Bach

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    « Chaque dimanche, Bach se met à l’orgue pour faire entendre la voix de Dieu aux fidèles. La parole de Dieu n’est pas un texte, avait insisté Luther, mais se traduit dans des sons qui vont émouvoir les auditeurs. Les fidèles connaissent le répertoire des cantates depuis leur plus tendre enfance. Ils sont capables de poser les paroles dès qu’ils entendent la mélodie. Bach applique à la lettre la doctrine de Luther. Peu lui chaut si les fidèles ne voient pas la complexité intérieure de sa musique, ce qui lui tient le plus à cœur, c’est qu’elle soit facile à chanter par le plus simple des paroissiens. »

     

    « Assis sur leurs bancs en bois, les fidèles écoutent. Perçoivent-ils la complexité de la pensée qui s’offre à eux ? Ses talents d’organiste sont plus faciles à remarquer. Les Leipzigois affluent à l’église Saint-Thomas dans l’espoir d’entendre encore la virtuosité de Bach faisant courir ses doigts sur le clavier »

     

    Le livre : Ces musiciens qui ont fait l’histoire - Laure Dautriche - Editions Tallandier

  • Arpenter le paysage - Martin de la Soudière

    Je voudrais que vous fassiez connaissance avec Martin de la Soudière, j’avais déjà croisé l’auteur grâce à un livre sur les saisons et celui qu’il vient de publier m’a aussitôt attiré. 

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    Arpenter le paysage nous propose-t-il, j’aime la marche ou plutôt je l'ai aimé, la nature, la poésie des lieux, la peinture de paysages, les descriptions magnifiques de certains auteurs donc je me suis embarquée.

    La première partie du livre est faite des souvenirs d’enfance de l’auteur, on entre ainsi en paysage avec lui à travers ses souvenirs de vacances dans les Pyrénées, randonnées, promenades, balades en vélo, en famille. 

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    La vallée de Vicdessos

    On ne s’ennuie pas un instant, il faut dire que parfois le récit tient un peu des Pieds Nickelés.
    On égrène avec lui les observations faites au fil du temps, les grands bonheurs lors de l’arrivée au sommet, et aussi les petits malheurs lorsque rien ne se déroule comme prévu. C'est un vrai apprentissage initiatique.

    Le récit est fait de mille anecdotes familiales ponctuées de citations, de fragments de poésie, de noms d’auteurs pas toujours des plus connus. L’auteur a déclenché mes souvenirs  de randonnées pyrénéennes dans les gorges de la Carança, un lieu qui me fascinait enfant.

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    Les gorges de la Carança

    Ensuite Martin de la Soudière élargit son propos. Il nous propose de suivre des arpenteurs, des flâneurs, des promeneurs. Moi quand on m'invite chez les écrivains du voyage je ne peux pas résister.

    Jean Loup Trassard en Mayenne, Julien Gracq en bord de Loire, Fernando Pessoa, André Dhôtel dans ses Ardennes ou Philippe Jaccottet dans sa garrigue drômoise.

    Julien Gracq en bord de Loire

    L’universitaire bien sûr glisse quelques remarques sérieuses ici ou là, j’ai retrouvé avec plaisir Elisée Reclus par exemple, mais il laisse place bien vite à l’amoureux des paysages, au passionné de littérature.  

    Avec lui on se fait botaniste, géologue, on avance au rythme lent des arpenteurs, on apprend avec le géographe, on crapahute avec le montagnard, on rêve avec le poète.

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    Le pays où l'on n'arrive jamais

    Vous êtes en bonne compagnie : bergers, taupiers, militaires, cartographes  ou ethnologues. 
    C’est passionnant et cela éveille de nombreux souvenirs, les livres de Marie Hélène Laffon, les écrits de Giono, les films de Raymond Depardon. 

    Le livre a déclenché chez moi tout une série d’images et de lieux oubliés parfois, de sensations et d’émotions. 
    Un château médiéval en ruine dans un coin de Vaucluse, le parfum d’une forêt de pins, le froid glacial d’un ruisseau pyrénéen, la sauvagerie des Causses.

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    Le château de Boulbon dans le Vaucluse

    souvenirs de lectures d'enfant dans l'odeur des pins

    Vous avez envie de vous plonger dans les auteurs cités, d’en découvrir d’autres, de mêler avec bonheur le savoir et l’imagination. 

    La plume est belle, sérieuse et légère à la fois, elle éclaire petit à petit la notion de paysages. Le genre de livre que vous fermez en vous sentant un brin plus intelligent, plus sensible à ce qui vous environne. Il vous rend le paysage intime. 

    Un beau livre dont la couverture est munie d’un large rabat qui sert de marque-pages

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    Le livre : Arpenter le paysage - Martin de la Soudière - Editions Anamosa

  • Bribes de désert

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    « On a je crois les déserts que l’on mérite. On a aussi, parfois, ceux que l’on porte en soi et ceux que l’on fantasme et qui ont le pouvoir de nous réduire, de nous diminuer jusqu’au dérisoire, jusqu’à l’imperceptible, à l’anéantissement ou, au contraire, celui de nous agrandir, de nous élever, nous sublimer, aux dimensions d’un infiniment grand intérieur, de plénitude et d’accomplissement. »

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    Le livre :Désir d’Aubrac - Patrick Mialon - Editions Le Temps qu’il fait