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A sauts et à gambades - Page 246

  • Jours de cendres à Istanbul - Berdjouhi

    Jours de cendres à Istanbul - Berdjouhi - Traduit de l’Arménien par Armen Barseghian - Editions Parenthèses
    joursdecendres.gifJe n’avais jamais rien lu sur le génocide arménien, ce livre m’a immédiatement attiré car il s’agit du récit autobiographique d’une femme qui a fuit la Turquie et fait sa vie en France, son fils devenu avocat,  a assuré la traduction de ce livre.

    1915 la guerre est commencée depuis un an, la Turquie est alliée de l’Allemagne et les arméniens vivant à Istanbul font l’objet d’une surveillance très insistante.
    Berdjouhi vient d’avoir un fils, son mari Sarkis Barseghian est un militant arménien brillant au visage "de prophète antique"
    Il est,comme elle, animé par une foi totale dans la cause arménienne et prêt à sacrifier sa vie. Pour lui elle a quitté une famille riche et respectée.
    Elle est inquiète " Tous les soirs j’avais le sentiment que nous nous réveillerions le lendemain en quelque désert sauvage, que plus rien des belles résidences, des jardins, des paysages merveilleux que nous avions tant admirés ne subsiterait, qu’un formidable typhon aurait tout emporté durant la nuit"

    Istanbul21915.jpg

    Istanbul en 1915


    Le 24 avril 1915 lorsque la police secrète turque arrête six cent intellectuels arméniens (écrivains, journalistes, juristes) c’est le début du génocide.
    Commencent pour Berdjouhi et les femmes arméniennes d’Istanbul ce qu’elle appelle " les jours de cendres" pendant cinq ans elle vivra seule, sans ressources, attendant en vain le retour de son mari. La ville est devenue dangereuse, elle est sans arrêt suivi lorsqu’elle se hasarde dans la rue.
    A lire ce livre on est impressionné par le courage, la volonté qui anime Berdjouhi. Elle va devoir lutter contre la peur, le désespoir, la faim parfois. Son courage elle le puise auprès d’autres femmes dans cette communauté arménienne d’Istanbul privée des chefs de famille.
    Cela nous vaut des pages émouvantes et passionnantes sur la vie de cette communauté, ses traditions, ses coutumes.

    L’auteur rend très vivant le rôle du hammam haut lieu d’échanges entre les femmes, les repas pris ensemble, les croyances et les superstitions, la vie du quartier de pêcheurs qui après les arrestations est " un cimetière peuplé de vieillards "
    Quatre femmes vont reprendre le combat des hommes. Les échos des massacres, des exactions, des tueries viennent jusqu’à elles " Comment appartenir à un peuple dont on éventre par jeu les femmes enceintes ? "
    genocidearmenien.jpgLeurs moyens sont limités, elles vont se consacrer à sauver des enfants arméniens enlevés à leur famille et adoptés par des dignitaires ou des policiers turcs.La situation rappelle les enlèvements d’enfants par les nazis, par la dictature en Argentine magnifiquement évoqué dans " Luz ou le temps sauvage" d'Elsa Osorio. On retrouve ici la même douleur, la même lutte.

    Ce génocide fut un moment de honte pour l’humanité, Berdjouhi dit " la langue des hommes est impuissante à exprimer l’horreur que l’homme inflige à l’homme" Après bien des péripéties, Berdjouhi fera l’expérience de l’exil et consacrera sa vie à la protection des enfants immigrés.

    J’ai beaucoup aimé ce témoignage, sobre, sincère, qui est un document fort sur cette période.
    Le génocide des arméniens en 1915 dont on attend toujours la reconnaissance par le gouvernement turc.

     

    Pour continuer votre approche le billet de Cathe sur une BD évoquant le même sujet et deux billets chez Mille et un livres  sur la page littérature Turque

     

  • Ciels de foudre - C.J Box

    Ciels de foudre - C.J Box - Traduit de l’Américain par Etienne Menenteau - Editions Seuil
    cielsdefoudre.gifDepuis quelques semaines j’étais en manque de polar, par forcément convaincue par quelques sorties récentes je cherchais une série qui m’attire, et bingo je suis tombé sur C.J Box.
    En fait j’avais lu il y a déjà pas mal de temps les deux premiers de la série mais allez savoir pourquoi j’en étais restée là.
    Heureuses retrouvailles car je n’ai pas lâché celui-ci et autre bonne nouvelle j’ai désormais trois aventures de Joe Pickett qui m’attendent en poche (voir les titres dans l’ordre à la fin du billet)

    Grimper dans le  4X4 de Joe Pickett le garde chasse, ne vous asseyez pas sur ses jumelles ni sur son arme, direction les plaines du Wyoming et les ranchs grands comme un département, les animaux sauvages présents jusque dans les villes Pour veiller sur tout ça Joe a fort à faire d’autant que la loi qui prévaut est plutôt celle du plus fort.
    Le plus grand ranch des Bighorns Mountains  est celui de Opal Scarlett, véritable chef de clan, elle est au-dessus des lois et fait appliquer la sienne partout et toujours. Lorsque Tommy Wayman la flanque à l’eau pour ne plus payer la taxe qu’elle impose à tous ceux emprunte la Twelve Sleep River, on trouve ça mérité, mais Tommy a beau juré qu’il ne l’a pas tuée, Opal a bel et bien disparue.

     

    wyoming-cowboys.jpg

    L'amérique des cow-boys et des grands espaces


    Joe Pickett va donc enquêter et immédiatement affronter les trois fils d’Opal qui s’affrontent déjà pour l’héritage.
    Hank et Arlen Scarlett, violents, retords, affairistes, bref des hommes sympathiques, quant à Wyatt c’est un géant un peu attardé, le seul sincèrement peiné de la disparition de sa mère.
    Pendant ce temps un homme qui a un vieux compte à régler avec notre héros,  John Wayne Keeley, rend visite à un prisonnier du pénitencier d’Etat, vole un véhicule et laisse des cadavres derrière lui.

    Vous allez adorer Joe, il est sympa comme tout, il a une femme Marybeth plus intelligente que lui, belle et cultivée,  deux filles adorables, un chien comme on en voudrait et une belle mère comme dans les histoires de sorcières.
    Il ne picole pas, c’est un tendre au fond, mais il ne faut pas trop lui chercher des noises ! laissez vous séduire par ce garde chasse, les vastes étendues du Wyoming et l'écriture terriblement efficace de C.J Box.


    Vous pouvez retrouver l’auteur dans cet interview


    Et pour ceux qui veulent faire connaissance avec Joe Pickett la liste des ses exploits, dans l’ordre, tous au Seuil

    Détonations rapprochées
    La mort au fond du canyon
    Winterkill
    Sanglants trophées
    L’homme délaissé
    Ciels de foudre
    Zone de tir libre

  • Exit le fantôme - Philip Roth

    Exit le fantôme - Philip Roth - Traduit de l’anglais par Marie-Claire Pasquier - Editions Gallimard
    exitlefantome.gifUne boucle se ferme dans ce roman, pour les lecteurs de P Roth voici le temps d’une dernière danse avec Nathan Zuckerman l’alter ego fictionnel de Philip Roth.
    Nathan Zuckerman, écrivain célèbre, vit à la campagne depuis des années, depuis en fait qu’il a reçu des menaces de mort, rien de tel pour vous faire aimer la solitude.
    L’homme a vieilli, plutôt difficilement, il est atteint d’un cancer de la prostate et pour faire bonne mesure d’impuissance et d’incontinence, même sa mémoire fou le camp. C’est pour se soigner qu’il revient à New York alors que la campagne présidentielle bat son plein.
    Décidé à échanger sa maison contre un appartement à NY, il fait la connaissance de Jamie jeune romancière dont il tombe amoureux fou comme seul peut l’être un homme au crépuscule de sa vie.
    Pour faire plaisir à la jeune femme il rencontre un journaliste qui s’apprête à publier une biographie qui révèle des détails scabreux de la vie d’un écrivain que Nathan a bien connu : Lonoff
    ll a été dans le passé un témoin privilégié de la vie  d’ Amy Bellette la maitresse de Lonoff. Aujourd’hui Lonoff est mort et Amy est atteinte d’une tumeur au cerveau. Zuckerman est révulsé par ce déballage, par les secrets sordides qui n’ajoutent ni ne retranchent rien au talent d’un homme et il va tenter de faire échouer le projet.
    C’est une lutte contre la mort que mène Nathan Zuckerman en réalité, Lonoff lui a déjà perdu, Amy Bellette va lâcher la rampe, notre héros ne se résout pas à abdiquer. Il veut encore plaire, séduire une dernière fois même si ce n’est qu’en rêve.

    Voilà posé l’histoire que nous raconte Philip Roth dans ce livre.
    philiproth.jpgIl y règle par avance quelques comptes avec les soit disant biographes qui seraient tentés d’écrire sur lui. Son livre plein de colère contre la déchéance physique, plein de rage contre la perte du désir, nous montre un homme qui doit faire le deuil de sa puissance aussi bien physique que créatrice. Le combat de Zuckerman est le sien. 
    Parcouru par une ironie noire, ce livre testament est le salut d’un artiste à son public avant que le rideau ne tombe,  une dernière parade brillante et désespérée pour le plus grand plaisir de ses lecteurs.

    Un billet très positif sur Les routes de l'imaginaire

    L'avis de nos cousins du Québec dans Voir
    " La conclusion exceptionnelle de l'un des cycles romanesques marquants de l'histoire littéraire américaine"

    Une interview de l'écrivain sur Télérama

  • L'étrange disparition d'Esme Lennox - Maggie O'Farrell

    L’étrange disparition d’Esme Lennox - Maggie O’Farrell - Traduit de l’anglais par Michèle Valencia - Editions 10/18
    esmelennox.gifLa folie et l’enfermement arbitraire sont des thèmes durs mais très intéressants. La lecture de ce roman m’a rappeler un film de Ken Loach des années 70 : Family life mais aussi Magdalen sisters le film de Peter Mullan
    Un très bref résumé : Iris jeune femme aux amours tortueuses apprend qu’elle a une grand-tante inconnue Esme Lennox, enfermée depuis soixante ans dans un hôpital psychiatrique, l’établissement ferme ses portes et cherche à recaser ses pensionnaires. Difficile pour elle d’interroger sa famille, sa grand-mère ne lui a jamais parlé de cette soeur et aujourd’hui c’est trop tard car elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer.
    Tout l’art de Maggie O’Farrell est de nous distiller la vie des personnages par petites touches, comme on instille un poison car on ne peut plus lâcher le livre. La construction très réussit nous fait osciller entre la vie dans les Indes coloniales du début du siècle, l’enfance mouvementée d’Iris, l’horreur de l’enfermement, de la punition imméritée, juste parce qu’une femme refuse le chemin tracé.
    Il est à remarquer que cette violence est toujours réservée aux femmes, il faut croire que les hommes eux ont de tout temps eu une santé mentale exemplaire !

     

    familylife.jpg

    Film Family life de Ken Loach

    C’est un excellent roman, le suspens est maintenu jusqu’au bout, la construction nous perd parfois mais c’est volontaire et cela augmente la montée en tension du lecteur. J’ai aimé les personnages, l’histoire, bref j’ai passé un très bon moment

    Tous les avis sont unanimement bons sur tous les blogs et c’est ce concert de louanges qui m’a donné envie, bien m’en a pris.
    Cathulu keisha Aifelle

     

  • La Mal-née - Christine Lavant

    La Mal-née - Christine Lavant - Traduit de l’Allemand par François Mathieu - Editions Lignes
    malné.gifVous voilà en Carinthie, au pays de Thomas Bernhard et de Joseph Winkler. L’auteur est pratiquement inconnue en France, son oeuvre poétique et romanesque est aujourd’hui traduite et publiée.
    Les personnages de ce roman sont peu nombreux et vous ne les oublierez pas.
    Wrga, la mère, elle représente la cohorte des enfants maltraités, des femmes violentées et ensuite montrées du doigt, elle a fauté : elle doit être punie. L’enfant du pêché porte un nom qui la désigne comme bâtarde, Zitha, et parce le Dieu de cette communauté est un Dieu de vengeance l’enfant est mal-née, petit être sans défense, innocente et sans voix.
    Comment prendre soin de cette enfant ? Wrga aime sa fille mais elle est parfois prête à écouter les conseils pleins de haine de Lenz son prétendant.
    Dans ce monde fruste, Lenz c’est celui qui croit aux mauvais esprits, aux légendes carinthiennes où le diable vient prendre une enfant saine et pose "un petit changeon" à la place.

    Zitha a une vie merveilleuse nous dit Christine Lavant car  "Il n’y avait personne pour la battre (...) non personne ne la battait, personne ne lui donnait de coup de pied et elle pouvait tournailler toute la journée où bon lui semblait sans que personne remarquât son absence" Elle vit, sous la table de la cuisine, dans l’étable où elle cache son trésor "une vieille petite boite à poivre". Elle se mêle aux enfants du village, elle est leur jouet car les enfants sont cruels. Ils la protègent néanmoins et l’appellent « la mouflette ». Eux seuls savent que la mal-née parle, qu’elle prononce quelques mots

    blogGomenasai .jpgLenz est ambitieux, il ne veut pas rester un valet toute sa vie, il veut s’élever dans la société, Il pousse Wrga à se débarrasser de Zitha, il lui assure que le diable peut venir la reprendre"Cogner neuf fois dessus, neuf fois et rudement pour qu’elle hurle à faire pitié (...) Alors il te rendra ton enfant et emportera le sien" ainsi la malédiction sera levée.
    Lenz est le maître et Wrga devenue sa compagne subie à nouveau la violence de l’homme  "Est-ce que tu mets ton  changeon à la porte ou est-ce que tu veux encore une rossée ?" Le malheur va s’abattre sur eux tous.

    C’est sur le blog De bloomsbury en passant par Court Green que j’ai découvert Christine Lavant.
    J’ai été happée par ce récit d’une douleur extrême, c’est à la fois d’une grande émotion et d’une dureté féroce. Le portrait de cette enfant, la peinture d’une société rurale en proie aux superstitions, à la haine, au poids de la religion, sont magnifiques.
    Dans la préface, François Mathieu le traducteur qui donne ici une très belle traduction, dit de Christine Lavant qu’elle est la « Pionnière du roman autrichien moderne ». Il semble que la vie décrite dans ce roman ne soit pas très éloignée de l’enfance de Christine Lavant, cela rend le roman encore plus prégnant.

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

    L’auteur
    Vous pouvez retrouver Christine Lavant et son oeuvre sur Esprit Nomades

  • Au phare - Virginia Woolf

    Au phare - Virginia Woolf - Traduit de l’Anglais par Anne Wicke - Editons Stock
    au phare.gifEntre Virginia Woolf et moi c’est une longue histoire de passion, la lecture faite il y a bien des années de ses romans et d’extraits de son journal m’avait enchanté, les essais ont suivis au fur et à mesure de leurs parutions,  je l’ai traqué à coup de biographies petites et grandes.
    Alors me direz vous pourquoi un billet aujourd’hui ? Et bien parce que l’envie de faire partager ma passion est toujours forte  et puis... et puis il y a les nouvelles traductions qui ouvrent la perspective d’une lecture différente de la précédente.
    Après La Chambre de Jacob, voici Le Phare, c’est par ce roman que j’ai commencé la lecture de Virginia Woolf en 19.. et il reste mon préféré, V W le considérait comme son meilleur roman.

    Une famille, presque une tribu, Mr et Mrs Ramsay, leur nombreuse progéniture, quelques invités poètes ou peintres,  les vacances en Ecosse un peu avant la Première guerre mondiale dans une vieille maison avec  jardin. Dans le lointain le phare objet des rêves et des désirs de la famille.
    La promenade au phare espérée par Mrs Ramsay et son plus jeune fils n’aura lieu que des années plus tard, entre les deux : une guerre, des mariages, des disparus et le temps inexorable qui coupe le roman en deux.

    Mrs Ramsay l’âme de la maison et de la famille est celle qui console et comprends, elle porte sur chacun son regard plein d’amour. Tous les personnages sont magnifiés par ce regard.
    Son mari « fin comme la lame d’un couteau » un peu faible, très égocentrique, pourtant « il n’existait personne qu’elle révérât autant que lui » Elle l’excuse et le comprends tant son besoin est grand de maintenir la famille dans une douce harmonie, Carmichaël le poète oublié, Lily Briscoe vieille fille un peu délaissée qui « avec ses petits yeux chinois et son visage tout pincé, ne trouverait jamais à se marier » et qui ne parvient pas à mettre Mrs Ramsay sur sa toile.

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    Le phare de Godrevy Island : celui de l'enfance de Virginia Woolf


    Tout l’art de VW est de nous baigner dans les pensées et les émotions, les perceptions des personnages « emmêlées dans un filet aux mailles d’or »
    Les événements du quotidien, parfois insignifiants, viennent interrompre le flot des pensées, chacun est seul au milieu des autres.
    Les sensations, les choses emplissent les jours « on ressentait ainsi envers elles une tendresse irrationnelle » le couvert mis, la lumière de la lampe, un gant oublié et en même temps savoir « que la vie était difficile; les faits inaltérables ; et que le passage vers ce pays fabuleux où s’anéantissent nos plus grands espoirs, où nos frêles esquifs s’abîment dans les ténèbres »
    Comme toujours avec Virginia Wolf le temps s’étire indéfiniment pour tout à coup se contracter jusqu’à la rupture. On passe du bonheur familial à une maison « abandonnée comme un coquillage sur une dune, qui va s’emplir de grains de sable sec maintenant que la vie l’avait quittée »

    woolf.JPG« Roman de la fragilité de la vie, de l’absurdité des destinées humaines » * des espoirs déçus, de la perte de l’innocence et des émotions de l’enfance. Un chef d’oeuvre à mettre sur les rayons de votre bibliothèque


    * V.W de G Brisac et A Desarthe - Editions de l’Olivier