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A sauts et à gambades - Page 246

  • L'invention de la vérité - Marta Morazzoni

    l'invention.gifL’invention de la vérité - Marta Morazzoni - Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli - Editions Actes Sud
    Un roman qui mêle l’art et l’histoire, qui entrelace deux époques et en marie les personnages, qui interroge sur la beauté et la création, un récit subtil et attachant mêlant fiction et réalité.
    La réalisation de la tapisserie de Bayeux d’un côté, le voyage à Amiens de John Ruskin esthète et critique d’art de l’autre.
    La tapisserie de Bayeux chef d’oeuvre du Moyen Age raconte par touches successives les conquêtes et les batailles de Guillaume le Conquérant, la reine Mathilde pour rendre hommage à son époux et chanter ses exploits, rassemble 300 brodeuses venues de toute la France pour réaliser la tapisserie qui « ne se veut pas moins que les oeuvres des maîtres sculpteur de la cathédrale  »
    Une brodeuse originaire d’Amiens Anne-Elisabeth prend place auprès de la reine et tisse jour après jour les fils colorés qui vont transformer le lin blanc en un livre vivant " Le rouleau de lin, encore intact et immaculé, attendait de se déployer devant les brodeuses à l’oeuvre telle la plaine qui, dans la nuit, attend le combat. "

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    La tapisserie avance lentement " les heures sur la toile de lin qui se trouvait devant elle, deviendraient des mois, voire des années ; le jour de l’achèvement se rattacherait difficilement dans sa mémoire, au matin du début."
    Anne-Elisabeth met tout son art et toute son âme au service du chef d’oeuvre " Le passage de l’aiguille sur le tissu suit un mouvement intérieur qui ne s’épuise pas dans le caractère mécanique du geste. "

    En alternance John Ruskin  esthète et fin connaisseur de l’art gothique nous sert de guide dans Amiens, ce sera son dernier voyage. Cet amoureux de la beauté en fera une Bible  La Bible d’Amiens que Marcel Proust traduira en français.

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    Pour lui "L’extérieur d’une cathédrale est semblable à l’envers d’une étoffe qui vous aide à comprendre comment les fils produisent le dessin tissé ou brodé du dessus" Il nous fait partager sa vision, dévoile les secrets de la cathédrale, ce qu’il appelle son labyrinthe "en plein jour la lumière frappe le tracé du labyrinthe après avoir franchi la broderie de la rosace"
    Les mots de Ruskin créent un dialogue entre la Cathédrale et la tapisserie, fils, étoffes, broderie, dessin tissé....

    Ce livre léger et fin se déroule lentement, n’attendez aucun rebondissement, il n’y en a pas. Anne-Elisabeth le personnage de fiction rejoint John Ruskin, tous deux nous font sentir la joie éprouvée devant la beauté, nous font toucher l’impalpable de la beauté.

    L’auteur
    martamorazzoni.jpgMarta Morazzoni a été révélée au public par son premier livre, La Jeune Fille au turban (1986), traduit en neuf langues. Professeur de lettres et d’histoire, critique littéraire, elle est l’auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles. L’Invention de la vérité a également été récompensée par le prestigieux prix Campiello. (source l’éditeur)

  • Un bref regard en arrière

    Un bref regard en arrière aujourd’hui sur les billets parus sur ce blog.
    J’ai fait au long de ces mois quelques belles découvertes souvent en marge des succès médiatiques, Tatiana Arfel Gerard Donovan ou William Marx,  parfois ces livres sont devenus succès, plusieurs mois après que la vague médiatique de la rentrée se soit retirée et que le tri se soit fait entre le clinquant et le solide.
    Je ne renie pas certains livres à succès et j’ai eu du plaisir à lire quelques titres qui ont rencontré immédiatement un public énorme : Dennis Lehane ou La Reine des lectrices, la légèreté du Cercle des éplucheurs de patates ....

    Quels choix pour cette rentrée littéraire ? et bien tout d’abord je freine des deux pieds devant les propositions multiples que je reçois, des propositions de livres offerts, gratuits, envoyés à domicile...sous réserve bien évidemment d’en faire un billet sur ce blog. Pourquoi refuser une offre bien tentante, les livres sont coûteux et j’ai ce travers d’aimer posséder les livres !
    La première raison est d’ordre qualitatif, quelques titres achetés l’an dernier sur la foi de critiques dithyrambiques, faites dans ces conditions, se sont révélés sans intérêt et parfois très mal écrits, Irène Frain et son Ile de Tromlin en est l’illustration parfaite.
    La seconde raison est d’ordre  éthique, pardonnez ce mot très fort, je refuse de faire la promotion d’un éditeur, d’un auteur, d’un livre, au seul motif de la gratuité proposée.
    Bien sûr, les critiques et billets publiés dans ces conditions ne sont pas tous positifs et même parfois, franchement négatifs. Mais...lorsqu’un livre est chroniqué dans tous les blogs au même moment, quelle fantastique campagne promotionnelle qui ne coûte à l’éditeur que quelques frais postaux, mettez ça en balance avec le coût des encarts dans la presse et vous aurez compris tout le bénéfice que retire les maisons d’édition du système.
    Pour moi la vocation d’un blog tel que celui-ci, n’est pas de faire vendre des livres mais de partager un plaisir de lecture avec d’autres lecteurs.

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    vidal-tosas-rosa-5.jpgIci dans les semaines qui viennent, pas de course à la lecture du dernier Nothomb, pas de chronique de livre en attente de parution, pas de livre envoyé par « chez les filles » ou autre « Masse critique », pas de challenge de lecture

    Certainement quelques parutions récentes mais pas seulement car j’aime faire des découvertes d’auteurs inconnus ou jamais lus sans tenir compte de la date d’édition. Bon nombre de ces découvertes se sont d’ailleurs faites sur des blogs.
    C’est dans cet esprit que je participe au site indépendant Lecture / écriture, où sont rassemblés des billets très variés et très riches.

    Vous êtes de plus en plus nombreux à venir lire ou poser des commentaires ici et j’en suis très heureuse, j’espère que ce que je vous proposerai saura vous plaire et surtout vous donner envie de vous précipiter chez votre libraire.
    Bonne rentrée à tous et toutes.

     

    Merci à Lali à qui j'ai emprunté cette oeuvre de Maria Rosa Vidal Tosas

  • La Maison en chantier - Christine Brusson

    La Maison en chantier - Christine Brusson - Editions des Equateurs
    la maison en chantier.jpgQuelques semaines en arrière j’ai lu un billet sur ce livre, billet très positif et je l’avais noté non pour moi, car le sujet ne m’attirait pas spécialement, mais pour l’offrir car j’ai autour de moi de grands lecteurs qui en même temps sont dans les travaux jusqu’au cou !
    Mais voilà avant de faire mon paquet cadeau j’ai eu le malheur, ou plutôt le bonheur, d’ouvrir ce livre et je me suis trouvée embarquée dans un bouquin mêlant poésie, comment faire du plâtre et une ode à la bétonnière  "J'ai eu une bétonnière, que j'ai adorée. Elle était d'un bel orangé pétant et bien dressée sur ses trois pattes "
    En quelques chapitres très courts, illustrés de petits dessins ici ou là, et s’ouvrant tous sur une citation, l’auteure nous fait partager sa passion pour le travail manuel, la  truelle et le fil à plomb mais aussi la littérature.
    On passe des trucs pour se construire une bibliothèque à moindre frais ( là je vous sens toutes et tous très attentifs) à l’art de carreler sa douche...
    Le chantier comme elle l’appelle, lui a sauvé la mise quand mal dans sa peau à l’adolescence, le chantier lui a évité la dépression et " redonné la confiance en moi, le goût de vivre, le plaisir physique d'exister."

    Mais il ne faut pas vous tromper, ce livre n’a rien à faire dans votre rayon livres pratiques car les réflexions, les méditations de Christine Brusson sur le corps et l’esprit,  sur le féminisme qui l’exaspère , la jouissance de faire avec ses mains, la beauté de la matière ou l’âme des maisons, fait que ce livre trouverait plutôt sa place au rayon poésie ou même philosophie. Je vous recommande sa bibliographie qui sort des sentiers battus.

    C’est un essai tonique, vif, drôle " la main qui manie le marteau tient rarement la plume " et profond : lire les pages magnifiques sur la poussière. Cathulu qui m'a donné envie de lire ce livre le qualifie de "charnel et puissant " je partage cet avis et c’est pour cela que j’ai décidé d’en acheter un second exemplaire à offrir car celui-ci va prendre place dans ma bibliothèque.

    L'auteur
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    Christine Brusson est née en 1963 dans le Berry. Elle a suivi des études de lettres et d'architecture à Paris. Après avoir enseigné la littérature, elle s'est consacrée à l'art du chantier et à l'écriture.

     

     

     

  • Les brumes du passé - Leonardo Padura

    les brumes.gifLes brumes du passé - Leonardo Padura - Traduit de l’espagnol par Elena Zayas - Editions Métailié
    Nous avions laissé Mario Condé avec les fantômes d’ Hémingway, nous le retrouvons alors qu’il a quitté la police depuis treize ans. Il approche dangereusement de la cinquantaine, ses amis vieillissent eux aussi, seule la belle Tamara son amour de jeunesse semble ne pas prendre une ride.
    Pour vivre Condé s’est fait acheteur de livres anciens, les cubains sont obligés pour survivre de vendre leurs biens; les pauvres vendent leurs corps, les nantis leurs bijoux et leurs bibliothèques. Parfois un livre rare lui permet de vivoter pendant quelques semaines, cela lui arrache le coeur, lui l’amoureux des livres,  il écume les beaux quartiers à la recherche de trésors cachés
    Quand il pénètre dans la belle villa coloniale  de Dionisio Ferrero, le coeur lui manque, il a trouvé une bibliothèque de plusieurs milliers de livres, le pactole assuré.

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    Un bouquiniste de La Havane

     

    Il ne sait pas qu’il vient de commencer une enquête qui le fera partir à la recherche d’une chanteuse de boléro mystérieusement disparue quarante ans avant, symbole du Cuba des années cinquante. Son enquête le conduira dans les quartiers les plus miséreux de La Havane, il sera en danger dans cette ville gangrenée par le crime et les trafics en tous genres.
    Dans les nuits étouffantes de Cuba, Mario Condé va poursuivre une ombre, les témoins de l’époque évoqueront pour lui un monde disparu dans les Brumes du passé,  balayé par le régime castriste. Un monde de violence, de prostitution, bref très ressemblant à celui d’aujourd’hui.

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    Les rues de La Havane photo © Stéphane L'Hôte

    J’ai beaucoup aimé ce roman, le terme de polar ne convient pas vraiment, c’est un récit nostalgique, plein de tout l’amour de Leonardo Padura pour son pays qu’il sait évoquer magnifiquement.
    Le personnage de Mario Condé est très attachant, son amour des livres, sa fidélité aux amis, jusqu’à ses défauts qui le rendent sympathiques, et puis comment en vouloir à un homme qui dès qu’il a trois sous offre à ses amis un banquet digne de Lucculus.
    Récit désenchanté au rythme du Boléro dont retentit La Havane.

  • Roger est en Italie - Frédéric Vitoux

    Il me semble désormais que Roger est en Italie - Frédéric Vitoux - Editions Actes Sud
    rogerenitalie.gifCinéphiles passionnés du 7 ème art sans doute connaissez vous Roger Tailleur, critique dans les années 50/60 qui brutalement cessa d’occuper le devant de la scène, cessa d’écrire dans « Positif », vendit sa bibliothèque consacrée au cinéma et ...partit pour l’Italie.
    Une passion quasi obsessionnelle le tient, il veut tout voir de l’Italie « Il entreprit de l’explorer région par région, province par province. Il mettait des mois à préparer ses itinéraires. Il détestait l’imprévu… Il mit à découvrir l’Italie le même acharnement, la même inépuisable érudition, le même souci du détail, le même bonheur enfin qu’il éprouvait, critique de cinéma, à tout savoir et tout retenir de la filmographie d’Henry King ou d’Humphrey Bogart. » dit Frédéric Vitoux.
    Roger voyage exclusivement en train et en bus il « embarquait le vendredi soir, gare de Lyon par le Simplon ou le Palatino, et reprenait son travail le lundi matin après deux nuits blanches en chemin de fer »
    Une passion pour les cartes postale le prend et partout où il passe il achète des cartes qu’il commente à ses amis une fois rentré.
    En Italie Roger était un autre homme « Il cessait d’être pessimiste, imprécateur, souriant, collectionneur, maniaque, rieur, érudit ou sceptique. »

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    une carte postale de Roger depuis Arezzo

    Ce petit livre est un exercice d’admiration, un témoignage d’amitié de Frédéric Vitoux pour son ami mort brusquement en 1985 d’une leucémie aiguë. Voilà pourquoi il parle de Roger « Parce que Roger était mon ami et que l’on a si peu d’amis dans la vie et si peu de complices ! ». Vitoux mêle ses souvenirs des années cinéma à « la silencieuse intimité trouée parfois de plaisanteries » et trace un émouvant portrait de son ami.

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

    L’auteur
    Frédéric Vitoux, né le 19 août 1944 à Vitry-aux-Loges (Loiret), est un écrivain français s'étant notamment illustré dans les domaines du roman, de la biographie, et la critique littéraire et cinématographique.Il est le fils de Pierre Vitoux journaliste à Je suis partout condamné à la Libération pour intelligence avec l'ennemi Il a été élu à l'Académie française le 13 décembre 2001, au fauteuil 15, succédant à Jacques Laurent. Il est reçu le 27 mars 2003 par Michel Déon.(Wikipédia)

    Pour aller plus loin
    vivre le cinéma.gif

    Les articles de Roger Tailleur dans « Positif  » sont considéré comme des modèles du genre

    Michel Ciment a en publié un recueil chez Actes Sud

  • Marcher une phisosophie - Frédéric Gros

    Marcher, une philosophie - Frédéric Gros - Editions Carnets Nord
    marcher.jpgDes « Balades » de Thoreau, à « L’éloge de la marche » de David Le Breton en passant par « Bâton de randonnée » d’Yves Leclair, ma bibliothèque de «marche » est déjà bien étoffée, mais je n’ai pas hésité longtemps avant d’ajouter le livre de Frédéric Gros sur mes étagères.
    Ici pas de récit personnel, pas de conseils aux marcheurs, pas d’itinéraires secrets, mais plutôt une réflexion, une méditation sur l’art de la marche. Frédéric Gros interroge les marcheurs invétérés, ceux dont l’oeuvre ou l’action porte le sceau du marcheur. De Rimbaud à Nietzsche en passant par Ghandi, sans oublier Kant ou Thoreau.

    Se balader, marcher, flâner, des activités qui prédisposent à penser et méditer au coeur de la nature, loin des soucis quotidiens.
    Nietzsche est le premier accompagnateur de cette marche, chez lui pas de mièvrerie, on va d’un bon pas de Sils-Maria à Rapallo, hiver ou été, mer ou montagne "Nietzsche marche, il marche comme on travaille, il travaille en marchant" les livres de Nietzsche portent la marque de ce grand dehors que l’auteur nous décrit avec infiniment de poésie  "le charme d'un lacet de chemin au milieu des collines, la beauté des champs de vigne en automne, comme des écharpes de pourpre et d'or, l'éclat argenté des feuilles d'olivier sur un ciel définitif l'été, l'immensité de glaciers parfaitement découpés".

     

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    Aux environ de Sils Maria

    Pas question ici de records, de vitesse car « les journées à marcher lentement sont très longues : elles font vivre plus longtemps, parce qu’on a laissé respirer, s’approfondir chaque heure, chaque minute, chaque seconde, au lieu de les remplir en forçant les jointures »

    Mais la marche peut être fuite comme celle de " L’homme aux semelles de vent" qui de Charleville à Aden arpente le monde, chez Rimbaud la marche est l’expression de la colère, l’envie d’ailleurs, qui fait dire à Frédéric Gros " Cette joie profonde, toujours, qu’on a en marchant, de laisser derrière soir. Pas question de revenir quand on marche.(...) On sait toujours pourquoi on marche. Pour avancer, partir, rejoindre, repartir"
    Et pour le dire comme Rimbaud  "Allons, la route !"

    Marchons aussi avec Rousseau qui, comme Nietzsche, dit ne pouvoir penser qu’en marchant et en éprouver une grande joie "Jamais je n’ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j’ose dire ainsi, que dans les voyages que j’ai faits seul et à pied "
    Se promener est-ce marcher ? bien sûr nous dit l’auteur pour qui "Le secret de la promenade, c’est bien cette disponibilité d’esprit, si rare dans nos existences affairées" et nous engage à relire les pages où Proust évoque ses promenades " Du côté de Guermantes ou de Méséglise "
    Nous croisons au détour d’un chemins, Wordsworth, poète  de la nature, car "marcher fait venir naturellement aux lèvres une poésie répétitive, spontanée , des mots simples comme le bruit des pas sur le chemin"

     

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    Paysage cher à Wordsworth

    la liste des marcheurs mais vous laisse au plaisir de faire un bout de chemin avec eux, en attendant je fais mon sac, prends mon bâton

    Ce livre plein de poésie et de grand vent, donne envie de boucler son sac. Je ne peux en épuiser ici tout le charme ni la liste d'autres marcheurs mais je vous laisse le plaisir de faire un bout de chemin avec eux.

    L'auteur

    frederic-gros.jpgFrédéric Gros est professeur de philosophie à l’université Paris-XII. Il a travaillé sur l’histoire de la psychiatrie (Création et folie, P.U.F.), la philosophie de la peine (Et ce sera justice, Odile Jacob) et la pensée occidentale de la guerre (Etats de violence, Gallimard). Il a édité les derniers cours de Foucault au Collège de France.(Source l'éditeur)